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Liens entre Identité culturelle & conflits sociaux politiques

Analyse historique de Raymond Gama - Mouvman NONM
>Mots-clés : LKP 
 

Vendredi 29 Mai 2009, VOUKOUM Mouvman Kiltirel Gwadloup organisait dans le cadre des manifestations du mois de Mai, une conférence-débat intitulée : Liens entre Identité culturelle & Conflits sociaux politiques en Guadeloupe.

Animée par Sully GABON du Mouvman Kiltirel VOUKOUM & ... Alex ROBIN, journaliste à RFO Guadleoupe, la Conférence-Débat réunissait comme intervenants : Félix COTELLON - Rosan MOUNIEN - Maître Félix RODES - Raymond GAMA - Elie DOMOTA.

Nous publions la transcription de l’intervention du militant & historien Raymond GAMA du Mouvman NONM.

[...]

Lorsqu’on pose le problème de l’Identité, de la Culture [1], du Mouvement social ou de l’action sociale..., la première chose que je tiens à dire est que nous confondons souvent en Guadeloupe ce qui mérite d’être appelé "Culture" avec les "manifestations de la culture".

Et cela parce que nous sommes mal formés au sein de leur école... Ce qui nous fait croire qu’il nous suffit de parler des manifestations de telle ou telle "chose" pour parler de la "chose" en question.
En vérité, tant lorsque nous faisons la cuisine, ou lorsque nous faisons de la musique, et bien d’autres choses - que l’on peut catégoriser de différentes manières : politiques ou autres - nous faisons de la culture.

Cela signifie que chaque fois que Nonm [l’Homme] apporte tout ce qu’il peut - en termes de création - à ce qu’il trouve sur terre, dans son environnement naturel... il fait de la culture. Mais seulement, ce qu’est la culture c’est la capacité qu’il possède de faire comme Dieu et de porter quelque chose en plus de ce qu’il a trouvé.

Et quand il la manifeste [cette capacité], c’est une manifestation de culture. Nous confondons donc souvent La culture - qui est la potentialité - avec les manifestations de la culture. Mais je crois que petit à petit, nous arriverons à nous comprendre là dessus.

En conséquence, lorsqu’on observe de façon globale l’histoire de la Guadeloupe, on se rend compte qu’il y a une période charnière dans la petite histoire, la petite période de l’histoire de la Guadeloupe qu’est l’histoire coloniale. Car la plus petite période que contient l’histoire de la Guadeloupe est coloniale. Grosso modo elle commence en 1635 et arrive nous amène à aujourd’hui. Et c’est le plus petit moment de l’histoire de ce territoire et de l’histoire a Nonm [de l’Homme] sur ce territoire. Seulement, du point de vue de la culture, ce qu’il y a d’intéressant à se demander, c’est de savoir si à un moment donné de l’histoire coloniale il y a eu une secousse suffisamment intense permettant d’affirmer que cette période coloniale - aussi courte soit-elle - ait été ébranlé, remis en question, confronté à un problème en interne.

La réponse est oui. Et concerne une période que l’on peut grosso modo établir entre 1794 et 1802. Parce que c’est à moment que l’on en arrive au paroxysme de la remise en cause du système : non seulement celui de l’esclavage, mais également de la question des rapports coloniaux prévalant sur ce territoire et enfin des rapports sociaux établis entre les Hommes sur ce territoire. Car trop souvent nous nous contentons de répéter à la suite d’un certain nombre d’historiens qui persistent à dire qu’il n’y aurait eu qu’une simple rébellion en octobre 1801 en Guadeloupe !

Car ce qu’ils ne comprennent pas du point de vue de la culture, c’est que précisément, dans la petite période coloniale dont il est question, ce moment est un moment de mise en cause fondamentale du système ! Et de remise à plat des rapports entre Nonm.

Pour permettre à chacun de comprendre, essayons un peu d’imaginer lorsqu’en juin 1794 l’on dit à 90 000 Nonm qui ne l’étaient pas, qui étaient des bêtes, des animaux... qu’ils étaient devenus des citoyens ! Institutionnellement, ils étaient des citoyens !
Mais sans leur payer un salaire ! Et cela durera quelques années... Du point de vue institutionnel, juridique, il est un citoyen ; mais du point de vue social il ne peut pas accéder à ses droits, puisqu’il n’est pas payé, son salaire ne lui est pas versé.
Et là, en arrivant sur le terrain idéologique, on se rend compte que le rapport social fondamental, en dépit donc de l’accession à cette citoyenneté, n’a pas changé. Et cela, même au plus fort de ce moment ; soit après le 24 octobre 1801 et l’établissement d’un gouvernement guadeloupéen... C’est pourquoi l’Affaire ALEXIS est à l’époque possible... A deux pas d’ici, en plein jour, à Bologne [Quartier de Basse-Terre], ALEXIS est roué de coups par un blanc - Misyé Joseph SALAGÉ - pourtant citoyen comme lui même... Dans la nuit, ALEXIS dérouillera SALAGÉ et toute sa famille... Cela signifie quoi ?! Nous sommes plusieurs années après l’abolition de l’esclavage, mais dans la séquenciation des rapports sociaux, il n’y a pas d’égalité entre les deux hommes ! Car il est toujours difficile de passer des rapports institutionnels, juridiques entre les hommes à des rapports d’égalité entre les hommes.

Et je pense que ces éléments de notre histoire montrent que dès ce moment s’est posée la question fondamentale du dépassement des rapports coloniaux, des rapports esclavagistes, des rapports de soumission, d’humiliation... notre combat se poursuit toujours pour accéder à une période de l’après... Nous sommes toujours dans cette lutte !

Raymond GAMA
Conférence-débat du Mouvman kiltirel VOUKOUM :
Liens entre Identité culturelle & conflits sociaux politiques en Guadeloupe
Bas du Bourg, Basse-Terre
Vendredi 29 Mai 2009

Publié par le LKP le mardi 2 juin 2009

Notes

[1Définition donnée au cours des échanges par R. GAMA : Ensemble des dispositions propres à l’être humain à produire et à créer des choses qu’il ajoute à son environnement naturel. Et à son sens, Gérard LOCKEL aura éclairé cette question - celle de la confusion entre "culture" et "manifestation de la culture" - lorsqu’il a distingué trois manifestations de la culture... C’est à dire trois manifestations de la possibilité et de la faculté de l’Homme en Guadeloupe d’exprimer une création humaine. Il a ainsi parlé des franco-français, les métropolitains ; de la culture coloniale ; et de la culture guadeloupéenne. Cela sur le même territoire. Ce sont là trois manifestations que la capacité humaine manifeste eu égard à l’obligation de faire face à l’environnement, de faire face à un milieu.

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