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Les prix des denrées alimentaires de base ont flambé à cause d’une série de pertes de récoltes couplées avec une recrudescence de la spéculation, ce qui a entraîné une hausse du coût de la vie.
La FAO (Food and Agriculture Organization, des Nations Unis) a récemment annoncé que l’indice des prix des denrées alimentaires a battu aujourd’hui le précédent record de 2008, où les prix avaient pratiquement doublé sur une période de 18 mois, ce qui avait provoqué des émeutes dans des dizaines de pays.
Les prix de l’alimentation en hausse de 25% l’an dernier ont déclenché des révoltes et des manifestations en Tunisie, au Maroc, en Algérie, en Jordanie, au Mozambique et au Yémen ces dernières semaines.
La flambée des prix a contribué à la vague de protestation en Tunisie qui a renversé la dictature de Zine El Abidine Ben Ali la semaine dernière. En Algérie, trois personnes au moins ont été tuées dans des affrontements avec la police à la suite de la décision du gouvernement de réduire considérablement les subventions pour les produits alimentaires.
Au cours de l’année passée, l’indice du prix du blé a augmenté de 52%, celui du froment de 49% et du soja de 28%. Les cultures commerciales des denrées de consommation non courante ont également grimpé en flèche, le café ayant augmenté de 53% et le coton de 119%.
La forte hausse des prix de l’alimentation est en partie due à la chute de la production agricole mondiale, aggravée par une série de catastrophes naturelles. La sécheresse en Argentine et en Russie, tous deux importants producteurs de denrées alimentaires, ont fait baisser le rendement, tandis que les inondations récentes au Brésil et en Australie ont complètement détruit certaines récoltes.
Mais la hausse des prix des denrées de première nécessité ne se cantonne pas aux produits agricoles. Le cours du pétrole brut de Brent (Ecosse) a pratiquement atteint 100 dollars le baril la semaine dernière, et les prix ont augmenté de 26,64% par rapport à l’année dernière, où le baril s’échangeait à 75 dollars. Le cuivre, de son côté, accuse une hausse de 30 %.
La hausse du coût de l’énergie est une des causes de l’augmentation du cours des denrées alimentaires, étant donné que l’agriculture consomme d’énormes quantités de combustibles fossiles pour la récolte et le transport, et que les engrais industriels sont essentiellement composés de produits dérivés du pétrole. L’utilisation croissante de l’éthanol, un alcool à base de maïs, dans la composition de l’essence aux Etats-Unis et ailleurs a également fait baisser les stocks de maïs sur les marchés de produits alimentaires et de fourrage.
Dans des pays comme l’Egypte et l’Ethiopie, les dépenses des ménages pour la nourriture représentent 50% du budget familial. Au Mozambique, les ménages dépensent en moyenne 75 % de leurs revenus pour l’alimentation. Pour ces populations, une hausse de 25 % du prix des denrées alimentaires au cours de l’année dernière les fait passer de la survie à la famine.
Aux Etats-Unis, la hausse des cours des denrées alimentaires et du combustible oblige les gens à se passer de chauffage en hiver, à renoncer à des traitements médicaux indispensables et à réduire les dépenses de nourriture, avec les conséquences désastreuses que cela implique pour les enfants et les personnes âgées. Dans certains cas, les gouvernements ont essayé d’amortir le choc en augmentant les subventions ou en limitant les exportations.
La Chine et l’Indonésie ont annoncé des mesures pour faire baisser le prix des denrées alimentaires et, en Inde, le gouvernement a déclaré la semaine dernière qu’il comptait "limiter les exportations et lever certaines restrictions sur les importations, en réduisant, par exemple, les tarifs douaniers partout où c’était nécessaire, pour améliorer les réserves nationales." La Russie a récemment prolongé jusqu’à juillet 2011 l’interdiction d’exporter des céréales.
Malgré cela, le prix des denrées alimentaires continue de grimper, à cause de la déréglementation du marché international des denrées alimentaires.
L’organisme de tutelle des marchés à terme des US a proposé d’introduire au projet de réforme de régulation financière, la loi Dodd-Frank, une clause imposant des limites à la spéculation sur les produits de première nécessité. Cette proposition, qui ne va guère plus loin que l’effet d’annonce, sera soumise au vote après une période de "débats" de deux mois. Deux des quatre commissaires qui ont accepté l’ajout de cette proposition ont d’ores et déjà annoncé qu’ils voteraient contre l’adoption de la loi, autant dire qu’elle ne verra jamais le jour.
Les leaders mondiaux de la distribution des produits alimentaires enregistrent actuellement des bénéfices record grâce à la flambée des prix de la production alimentaire. Cargill, le leader mondial de la distribution des denrées alimentaires, a vu ses bénéfices tripler au cours du quatrième trimestre de l’année dernière, atteignant 1,49 milliards par rapport aux 489 millions de 2009.
Si les conditions défavorables pour la production alimentaire ont, certes, joué un rôle dans la hausse des prix, elles n’expliquent pas que les prix du pétrole brut et du cuivre aient augmenté au même rythme, et dans certains cas plus rapidement que les denrées de première nécessité.
En décembre dernier, on a appris qu’un seul investisseur anonyme aurait mis la main sur 90% des stocks de cuivre au Royaume-Uni, avec pour objectif de s’accaparer le marché. À l’époque, on soupçonnait JPMorgan Chase, la US Bank, ou l’HSBC, du Royaume-Uni d’être ce mystérieux trader. Ces compagnies ayant démenti cette rumeur, on ne connaît toujours pas l’identité de l’investisseur.
La spéculation, qui a joué un rôle majeur dans la hausse des prix des produits alimentaires, est elle-même tributaire de la réserve d’argent frais. Et donc, c’est la politique monétaire de l’administration Obama qui a largement contribué à la hausse des cours mondiaux. Les Etats-Unis ont maintenu le taux d’intérêt des fonds fédéraux, taux qui détermine celui des emprunts interbancaires, le plus près possible de zéro.
Parallèlement, ils ont entrepris de prendre des mesures sans précédent, appelées "détente quantitative", qui permettent d’injecter encore plus de liquidités dans l’économie. Ces mesures, qui s’ajoutent au sauvetage massif des organismes financiers US par l’Etat, qui leur a versé des trillions de dollars, ont servi à inonder le marché de liquidités et permis d’alimenter la spéculation.
Paul Krugman, le chroniqueur libéral du New York Times, vole, sur son blog, au secours de la maison Blanche. Le mois dernier, il soutenait que l’accroissement énorme d’apport de liquidités, politique qu’il approuve, n’avait aucun lien avec la flambée de la spéculation. Il dit en conclusion :
"l’Amérique n’est pour l’essentiel que simple spectateur dans cette affaire ( …) la hausse des prix des produits de base est en grande partie due à la reprise économique mondiale. Ils n’ont rien à voir, de quelque façon que ce soit, avec la politique monétaire US."
Au contraire, il explique que l’augmentation des prix des produits alimentaires est fondamentalement liée à la reprise économique mondiale. "Ce que les marchés des produits de première nécessité nous indiquent, c’est que nous vivons dans un monde qui a ses limites, où la croissance rapide des économies émergentes soumet les stocks limités de matières premières à rude épreuve, ce qui fait grimper les prix.
L’explication de Krugman est contredite par le fait qu’il y a eu augmentation des possibilités de spéculer ces derniers temps, même indépendamment d’une quelconque reprise économique. Plus spécifiquement, les valeurs US ont grimpé au cours de la période récente malgré l’absence d’amélioration de la production. Le NASDAQ est en hausse de plus de 20 % par rapport à l’an dernier et l’indice S&P 500 a progressé de 13,84 %. Et cela, malgré le fait qu’au cours de l’année dernière l’économie des Etats-Unis a créé 500.000 emplois de moins que ce que nécessitait la croissance démographique.
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Article original (en anglais) : Global food prices hit record high par Andre Damon - World Socialist Web Site - 19 January 2011