Origine du document
Site : http://ugtg.org
Page : spip.php?article1529
URL complète : http://ugtg.org/spip.php?article1529
Le camarade Alain HIERSO a été le rapporteur pour le Conseil Economique Social et Environnemental Régional CESER d’une étude sur l’énergie en Martinique. Nous l’avons interrogé précisément sur la production d’énergie électrique à partir de panneaux solaires qui semble poser problème.
Pourquoi cette étude et pourquoi s’opposer à la production photovoltaïque d’électricité en Martinique ?
L’Etude elle-même ne s’oppose pas au développement de l’énergie photovoltaïque. Elle se veut consensuelle puisqu’elle est l’œuvre du CESER qui représente la société civile. Elle fait un état des lieux et des propositions à destination prioritairement des décideurs sur le problème de la production d’énergie en Martinique. Une fois publiée, chacun est libre de donner son point de vue. Ainsi vous aurez l’avis d’un syndicaliste de la CGTM.
Quel est cet état des lieux ?
En quelques mots, la Martinique est dépendante à 98% de l’énergie fossile, le pétrole que nous importons. C’est une situation préoccupante. Si nous ne recevons pas de pétrole brut, tout s’arrête. La pénurie est envisageable. Actuellement la consommation progresse de 4 à 5% par année soit 4 à 5 fois plus que celle de la France et les moteurs électrogènes d’EDF Martinique sont vétustes et obsolètes pour la plupart d’où certains délestages que la population, mal informée, ne se prive pas de mettre sur le compte de nos camarades ouvrier d’EDF.
N’est-ce pas une raison pour développer les énergies renouvelables et notamment le photovoltaïque ?
Il faut absolument développer les énergies renouvelables mais aussi éviter certains pièges. Par énergies renouvelables, on entend une énergie régénérée naturellement, indéfiniment et donc inépuisable à l’échelle temporelle de nos civilisations. Ces sources sont plurielles et non uniquement photovoltaïques. Citons simplement l’énergie que peut offrir l’utilisation de l’eau, le vent, la géothermie, la biomasse. Ce sont des perspectives à exploiter et non se focaliser uniquement sur le solaire.
Que reprocher au développement de fermes photovoltaïques puisque nous aurons besoins de cette énergie ?
De nombreux projets visant à porter la production photovoltaïque à 115 mégawats soit 1/3 de la production installée sont en cours dans notre pays. L’installation des centrales photovoltaïques nécessitera 230 hectares de terres dont la quasi-totalité est classée agricole. Ces projets sont spéculatifs dans la mesure où la location de l’hectare de terre agricole est en moyenne de 100,00 € à 1000,00 € l’hectare par an selon la qualité de la terre. La location pour l’installation de fermes photovoltaïques peut porter le prix à l’hectare à plus de 20000,00 €. Dans cette optique, certains propriétaires de terres agricoles se bousculent pour mettre leurs terrains à la disposition de promoteurs de centrales photovoltaïques. L’objectif du SAR de la Martinique de réserver 40000 ha aux activités agricoles, déjà largement compromis par la pression foncière, sera vite oublié. Si les exploitants agricoles obtiennent leurs revenus autrement que par l’activité agricole, il n’y aura plus d’ouvriers, plus de production agricole, de nombreux camarades vont perdre leur emploi
Peut-on reprocher aux exploitants de vouloir accroitre leurs revenus et ne sont-ils pas propriétaires de leurs terres ?
C’est la notion de propriété poussée à l’excès. Ils sont propriétaires quand il s’agit de leurs profits mais quand ils ont des pertes, ils demandent et obtiennent l’aide des collectivités. Par ailleurs, ils ne sont pas propriétaires de l’activité exercée puisque leur travail consiste à produire pour nourrir la population et sur cette base, ils reçoivent des primes et des aides. Enfin, certains propriétaires sont amnésiques. Ils ont oublié comment ils ont obtenu les terres dont ils se disent propriétaires. En effet, dans les années 80 des occupations de terres avec l’aide de militants associatifs ont permis l’installation de jeunes agriculteurs, ceux-là mêmes qui souvent font valoir leur droit à utiliser la terre comme bon leur semble. Plus loin dans l’histoire, n’oublions pas la période esclavagiste qui a fait d’une certaine ethnie les grands propriétaires terriens de la Martinique. Leur fortune repose sur la spoliation et l’exploitation du travail des esclaves.
Le problème c’est bien l’utilisation d’espaces agricoles pour l’installation de fermes photovoltaïque ?
C’est bien cela. Le terme « fermes » est d’ailleurs inapproprié pour dénommer les centrales de production d’électricité. Le vocabulaire français désigne bien ainsi la location de terres, c’est le fermage. Mais traditionnellement, la ferme c’est un endroit où on fait de l’élevage et de la culture. C’est la volonté de tromper le public. Les panneaux photovoltaïques n’ont rien à voir avec l’agriculture. Bien au contraire, c’est une production industrielle qui risque de faire de très bonnes terres agricoles échapper à l’emprise de la SAFER. Dans l’étude, nous citons une circulaire du Ministère de l’écologie et du développement durable du 18 décembre 2009 qui précise que :
« Les projets de centrales solaires au sol n’ont pas vocation à être installés en zones agricoles, notamment cultivées ou utilisées par des troupeaux d’élevage.
Dès lors, l’installation d’une centrale solaire sur un terrain situé en zone agricole dite zone NC des plans d’occupation des sols ou A des plans locaux d’urbanisme, ou sur un terrain à usage agricole dans une commune couverte par une carte communale, est généralement inadaptée compte tenu de la nécessité de conserver la vocation agricole des terrains concernés. Toutefois, l’accueil d’installations solaires au sol peut être envisagées sur des terrains qui, bien que situés en zone agricole, n’ont pas fait l’objet d’un usage agricole dans une période récente. Une modification de la destination du terrain est alors nécessaire. »
On voit bien que cela pose problème. Nous disons qu’il y a assez d’espaces sur les toitures pour installer des panneaux photovoltaïques mais c’est moins rentable pour les spéculateurs.
La production d’énergie électrique n’est-elle pas une activité propre c’est-à-dire non polluante ?
La encore, c’est tromper le peuple. Les panneaux photovoltaïques destinés à l’installation au sol contiennent des alliages de cadmium dont la toxicité est avérée. Des nanoparticules de cadmium peuvent se retrouver dans les eaux de ruissellement. Qu’adviendra t-il de ces panneaux en fin de vie ? On nous dira qu’il n’ay a pas de danger mais c’était déjà le cas de la molécule de chloredécone. Aujourd’hui, on voit les résultats. Ensuite, en zone tropicale humide, l’herbe pousse facilement entre les panneaux et il faudra la détruire pour maintenir la capacité de production. On utilisera des herbicides comme c’est déjà le cas à Ducos et on nous dira encore qu’il n’y a aucun danger. Enfin on fera comme au Lorrain, présenter un projet bucolique avec un développement agricole au côté des panneaux avec des moutons venant paître dans les champs photovoltaïques. L’INRA émet de forts doutes sur cette possibilité. L’INRA a proposé de faires de tests sur la faisabilité d’un éventuel élevage sous les panneaux photovoltaïques mais les promoteurs ne sont pas tentés par l’aventure.
Que pensent les élus ?
C’est le préfet qui délivre les permis mais ce sont les maires qui rendent l’installation possible en agissant sur le Plan local d’Urbanisme. La réaction des maires est ambigüe. Ces élus votent à l’unanimité une motion au conseil Régional pour interdire l’installation de panneaux photovoltaïques au sol sur les terres agricoles et ensuite ils modifient le Plan Local d’Urbanisme de leur commune pour favoriser ces installations. Le Conseil Général en fait autant. Le peuple n’a aucun contrôle sur ses élus mais il faut que les travailleurs ouvrent les yeux et demandent des comptes.
Quelle conclusion tirer de tout cela ?
Le vol de corbeaux attirés par les primes et les aides de toutes sortes qui s’est posé sur les terres agricoles de la Martinique ne présage que des désastres. Les ouvriers agricoles n’ont rien à gagner dans l’aide qu’ils seraient tentés d’apporter à ces projets présentés de surcroît par leur adversaire de classe.