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La CGSS de la Guadeloupe a été secoué à la fin de l’année 2006 par un séisme occasionné par le départ volontaire d’une centaine d’agents environ, dans le cadre du dispositif congé solidarité.
Et même si ces personnels ont été remplacés en 2007 (comme le prévoit la convention du dit dispositif), cela dénote un mal être profond chez les employés de la sécurité sociale. Les candidats au départ n’ont reçu aucun signe de reconnaissance de la part de la direction, ne serait-ce que pour leur implication et leur dévouement à s’attacher à satisfaire du mieux qu’ils le pouvaient aux attentes de service des usagers. Pire, on a même pu déceler une certaine jouissance parmi les membres de la direction à pouvoir se débarrasser de « ces gens qui empêchent à la caisse d’avancer ». (sic).
C’est pourquoi il est bon de rappeler en quelques lignes les conditions de travail des employés de la sécurité sociale en partant des années 1970-1972.
Parce qu’à l’époque la sécurité sociale avait embauché en masse, ce qui présente une certaine similitude avec la situation actuelle.
La caisse était implantée physiquement à Basse-Terre (rue Baudot) et à Pointe-à-Pitre (quai Lefèvre - Bergevin - Palais de la Mutualité – Immeuble Laaland)
Le paiement des prestations se faisait encore en espèces aux guichets. Les assurés sociaux assiégeaient les centres dès les aurores afin de se faire rembourser le jour même. Et c’est dans ce tumulte que travaillait le personnel. Dans ce brouhaha indescriptible et les bousculades du public, souvent à la limite de l’émeute (car c’était la loi du plus fort), les collègues accomplissaient leur tâche, arrivaient à garder leur calme et leur sang-froid, évitant ainsi bien des drames.
Combien de fois ont-ils eu à se trouver nez à nez avec des individus excités, aigris, énervés, qui avaient enjambé le grillage délimitant la zone entre employés et public ?
C’est à cette même période 1970-1971 que débute l’informatisation de la caisse, pour marquer une évolution indispensable et dans l’air du temps, et l’amélioration du service à rendre aux usagers guadeloupéens. Les premiers informaticiens seront donc recrutés en 1970 et recevront une formation en 1971.
Cette année là sera mise en place une batterie de secrétaires dactylographes chargées d’effectuer la saisie des cartes perforées. Au début, n’ayant pas d’ordinateur la caisse passera un contrat avec la préfecture. Celle-ci lui louera donc des vacations pour qu’elle utilise son ordinateur. Et pendant près de 10 ans nos collègues informaticiens feront le va-et-vient, jours et nuits, entre Pointe-à-Pitre et Basse-Terre.
Par équipe, ces agents faisaient les programmations et les traitements. La première opération informatique de la CGSS a été le mandatement de la vieillesse. L’étape suivante fut l’informatisation de l’assurance maladie. En troisième lieu s’en suivit la branche du recouvrement.
Et ainsi de suite pour les autres secteurs.
Avec l’acquisition de l’ordinateur en 1980, les collègues informaticiens ont pu développer maintes applications touchant les différents secteurs de l’organisme. Ils ont acquis et développé un professionnalisme certain, quoi que tirés à hue et à dia constamment.
Mais profitant de certaines difficultés rencontrées dans des secteurs, dues selon nous à des causes tant structurelles qu’organisationnelles et non du fait des agents, la direction a préféré sacrifier ces derniers en décidant de transférer, petit à petit, tous les systèmes informatiques vers des sites en France.
La direction en effet se trouvait fragilisée par l’insatisfaction des utilisateurs (les services de la caisse) et des ressortissants (assurés et cotisants) et par l’absence d’un véritable projet informatique à long terme sous-tendu par une politique, une vision prospective intégrant les besoins du moment et futur de la CGSS et de la Guadeloupe.
C’est donc surtout cette absence de politique qui a conduit les dirigeants de l’entreprise, sous la pression des utilisateurs, des ressortissants et de la tutelle à :
Ce transfert de la gestion informatique de secteurs entiers de la caisse a donc commencé dès l’année 1993 sur décision du Conseil d’Administration.
« On ne va pas recréer le monde » se plaisaient à dire les fossoyeurs, membres du Conseil de Direction de la Caisse.
Il faut tout de même préciser que cette opération a été rendue possible parce que la solidarité entre collègues n’a pas toujours présidé, certains ayant préféré jouer en solo.
Le syndicat UNASS-UGTG et ses représentants ont été les seuls à marquer leur opposition aux transferts en 1993 et 1994.
Ils ont dénoncé le scénario de capitulation et prédit que les basculements en question allaient priver notre organisme et la Guadeloupe toute entière de la maîtrise d’une technologie de pointe qui était vouée à se développer.
Et, comme prédit, cette technologie a été stoppée brusquement dans notre entreprise en ayant comme conséquence de devenir très vite obsolète.
Les perspectives d’emplois qualifiant ont ainsi disparu, de même que l’espoir de travail chez nous pour des jeunes guadeloupéens étudiants en informatique.
Il est vrai également, qu’au départ, le directeur de l’époque avait une peur bleue des nouvelles technologies. Il pensait en effet qu’une partie de son pouvoir (de tout régenter) allait lui échapper. Par exemple, l’installation de fax à la caisse a été faite avec méfiance et parcimonie.
Par peur « d’abus » ou de « fuites », il n’en avait autorisé que dans son bureau et dans ceux de ses sous-directeurs et ceci à usage exclusif.
Aujourd’hui, tous les traitements sont faits en France et la technologie utilisée différente.
S’agissant du matériel, chaque agent est équipé d’un PC, d’un téléphone et peut avoir accès à internet. C’est devenu quasi indispensable. Mais le personnel a du insister pour faire évoluer les choses.
L’automatisation enclenchée, il en résulta un redéploiement des agents. Ce mouvement se réalisa en 1987, malheureusement sans concertation avec les syndicats et les représentants du personnel.
L’on décida donc de répartir les employés de divers secteurs dans les antennes avancées de la caisse, situées dans certaines communes.
Ainsi des choix implicites ont été faits sur des critères connus seulement de la direction. De ce fait, le redéploiement n’a pas été réellement maîtrisé et le déroulement de carrière de ces personnels a été une véritable catastrophe.
Tout au long de cette période, 1970-2006, les employés ont du se battre constamment pour contrer les attaques venant de tout bord, aussi bien du côté des gouvernants, de la tutelle, que de la direction locale.
Les conquêtes de la classe ouvrière, sécurité sociale, retraite, assurance chômage, ont été sans cesse menacées par le grand capital qui souhaite leur démantèlement au profit des assurances privées.
C’est ainsi que le taux de la cotisation ouvrière a régulièrement augmenté.
Dans le même temps de nouvelles contributions ont été créées et mises à la charge des salariés : CSG (contribution sociale généralisée), CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale).
Par ailleurs les travailleurs ont subi une diminution régulière et incessante des taux de remboursement de leurs frais pharmaceutiques. (Ceci est vrai pour l’ensemble des travailleurs français).
La CNAMTS, elle aussi s’est mise de la partie pour s’attaquer aux avantages acquis des employés des DOM.
En effet, le personnel dans son ensemble s’est dressé pour faire échec aux tentatives de la CNAMTS de supprimer l’indemnité de logement (13%) qui rentre dans la base constituant le salaire brut permettant de calculer la prime de vacances.
Or depuis des décennies les personnels de sécurité sociale d’outre-mer bénéficient d’une indemnité de séjour égale à 12% du salaire et d’une indemnité de logement équivalent à 13% du dit salaire.
En réalité, il s’agissait d’une manière déguisée de remettre en cause les 25% de vie chère. D’où la grande mobilisation en mai 1994 des personnels de la CGSS, de la CAF, et du Contrôle Médical. La grève du 10 mai 1994, déclenchée à l’appel d’une intersyndicale des trois organismes, occasionna la fermeture totale des caisses et permit de faire reculer la CNAMTS.
L’ambiance au sein de la CGSS de la Guadeloupe était loin d’être très agréable. En dehors du sentiment du travail bien fait et de servir ses compatriotes avec célérité, les relations entre agents pouvaient être exécrables.
Avec l’aide du syndicat de type nouveau, l’UNASS-UGTG, il a fallu bousculer les habitudes, la peur, la division et les diviseurs.
Cela a permis de dénoncer la non reconnaissance des compétences au profit de privilèges accordés pour services rendus.
La division semée et entretenue plongeait les agents dans un climat de rivalité malsaine, peu propice à la cohésion et à l’engagement.
De même, le syndicat dénonça l’étouffement des cadres qui se trouvaient psychologiquement brimés et méprisés, victimes des humeurs et du mouchardage.
En plein désarroi, ceux-ci se sentaient meurtris dans leur dignité, désarmés, et dans l’incapacité de jouer leur rôle.
La détermination des nouveaux représentants, la justesse de leurs analyses et leur engagement à défendre l’intérêt général a valu de redonner confiance aux uns et aux autres.
Mais rien n’a été facile. Presque tout a été obtenu au forceps.
Les choses les plus simples, telles l’amélioration des conditions de travail ou de sécurité ont valu d’âpres luttes.
Car, pour ne pas mettre en application une obligation légale qui lui incombe, la direction, comme un leitmotiv, invoquait des questions de budget. Et cela pouvait durer plusieurs années.
Pour les jeunes qui arrivent dans l’institution, et pour ceux qui y sont depuis un certain temps, ce qu’il faut retenir de ces propos, c’est que rien n’est acquis facilement ni définitivement. L’on doit toujours se battre contre la hiérarchie pour obtenir la plus petite des avancées, voire pour maintenir les avantages acquis. Il s’agit aussi et surtout de mettre en avant la solidarité entre agents et de placer en tête l’intérêt général.
| Source : Gren’n sel - Bulletin de L’UNASS
Numéro spécial - Juillet 2008