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Raymond Gauthierot : Il faut gagner en autorité politique.
Les réalités guadeloupéennes ne sont pas celles de la
France. Les dispositions prises dans l’Hexagone et en
Europe ne sont pas compatibles avec la Guadeloupe. Les
politiciens devraient avoir le courage
d’imposer un programme économique
favorable à notre pays.
Nous sommes gérés par un
système colonial où tout est fait en
faveur du pays dominateur. Ainsi,
nous consommons à 95% des
produits d’importation. Nous
sommes devenus une plate-forme
de consommation alors que 45% de
ces 95% pourraient être produits
ou transformés sur place, et
créer de l’emploi.
Nous sommes dans un système
injuste qui profite à la France. Les
5% produits par la Guadeloupe
sont la banane, le sucre et le rhum.
Si la France voulait dispatcher ces
produits dans toute l’Europe, nous
n’aurions pas assez de terre !
Nous sommes conscients que la
France n’a plus besoin de nous,
elle nous retient pour des raisons
sociales, et géo-politiques relatives
au maintien de sa présence dans
la Caraïbe.
Ayons le courage de dire à la France
que nous exigeons de prendre en
mains nos réalités économiques.
Guadeloupe Formation Emploi : Vos propos sont plus d’ordre
politique qu’économique…
RG : On ne fait pas d’économie sans politique. Il faut d’abord
prendre des décisions politiques puis passer aux mesures
économiques.
La deuxième disposition à prendre concerne les jeunes. Il
faut qu’ils s’orientent vers des professions qui correspondent
aux besoins futurs de la Guadeloupe.
Troisième disposition : priorité de l’emploi aux Guadeloupéens.
GFE : C’est un raisonnement que tient le Front national…
RG : Votre remarque me permet de préciser que nous ne
sommes ni contre les blancs, ni racistes. Nous reconnaissons
que la Guadeloupe est multiple, à commencer par ma
famille puisque mon grand-père est blanc. Mais on ne peut
pas oublier que nous comptons 33% de chômeurs.
Au passage, je vous ferai remarquer que dans les régions
de France où le taux de chômage atteint ce niveau là, on
brûle des voitures tous les jours.
GFE : Selon vous, quelles mesures économiques, les
collectivités locales devraient-elles prendre pour favoriser
l’emploi ?
RG : Nous ne sommes pas d’accord avec la politique de
formation professionnelle du Conseil régional, s’il en a une, car
cela fait un an, qu’il ne se passe rien. Nous nous insurgeons
contre cela. Des centaines de jeunes diplômés pourraient
s’insérer professionnellement, il leur manque juste un petit
complément de formation.
Cet état de fait pousse les employeurs à recruter en France. Or, les cadres métropolitains bénéficient de nombreux avantages, ils peuvent rapidement se permettre d’acheter un terrain et de construire alors que
nous les Guadeloupéens, notre pouvoir d’achat ne nous
permet plus d’acheter un terrain et de construire. Si la
situation ne change pas, dans une dizaine d’années, il faut
s’attendre à connaître des événements comme ceux qui se
sont produits en Côte d’Ivoire.
GFE : Que pensez-vous des mesures
d’aides aux entreprises ?
RG : Nous ne sommes pas systématiquement
contre mais il y a des
améliorations à apporter dans ce
domaine. Les aides seraient plus
efficaces si elles accompagnaient une
vraie volonté politique de développer
l’activité économique.
De manière générale, nous regardons
ces aides avec énormément de
prudence car beaucoup d’argent
public a été dépensé dans des
secteurs où des licenciements
économiques ont suivi. Les exemples
sont nombreux, je n’en prendrai
qu’un, celui de l’hôtellerie où les
subventions de la Région ont été
détournées, elles ont servi à autre
chose.
Nous disons donc oui à une
aide adaptée à la situation sociale
de la Guadeloupe mais avec des
garanties. Les entreprises aidées
devraient avoir l’obligation de
recruter et de diminuer le nombre
d’emplois précaires.
Par ailleurs, la majeure partie des
aides doit bénéficier aux entreprises
de moins de 10 salariés car elles
représentent 80% du nombre total des entreprises. Si ces
entreprises recrutaient ne serait-ce qu’un salarié, cela
diminuerait de moitié le chômage en Guadeloupe.
Enfin, il serait temps de remettre en cause certains interdits
comme celui de raffiner le sucre, qui remonte à l’époque de
Colbert, ou celui de négocier nous-mêmes des accords de
pêche. Ce sont aussi des freins au développement économique.
GFE : Votre désir d’indépendance va-t-il jusqu’à accepter
de perdre les avantages acquis ?
RG : La Guadeloupe sera indépendante, c’est un droit
universel, et c’est surtout une volonté populaire qui se
renforce. Elle le sera quand une majorité de Guadeloupéens
la prendra sur des bases claires ou les avantages, et le
travail à accomplir, seront connus de tous.
Tous les jours, les patrons, l’Etat reviennent sur les acquis
des travailleurs. Tous les jours, les travailleurs se battent
pour préserver leurs acquis, avec plus ou moins de succès.
Ils en ont déjà perdu beaucoup.