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R. Beauchamp (LKP) : Faillite de l’école & système de pwofitasyon

>Mots-clés : LKP 
 

S’exprimant, dans le cadre du LKP, au nom de l’intersyndicale de l’Education, René Beauchamp commence par rappeler l’importance du rôle et des missions des personnels (enseignants ou non) et insiste sur l’inadaptation et une certaine faillite du système scolaire en Guadeloupe : Chaque année, entre 1000 & 1200 élèves sortent du système sans aucun diplôme & sans formation ; 1/3 seulement d’une classe d’âge arrivant au BAC... De plus la réforme du cursus de formation des maîtres (masterisation) a pour corollaire l’exclusion des jeunes diplômés guade Guadeloupe.

Kanmawad & zanmi Bastè,

Ce soir, comme d’habitude, je m’exprime au nom de l’intersyndicale des "personnes membres de l’éducation". Mais je tiens à préciser cela : parlant des "personnes de l’éducation", j’entends par là non seulement les personnels de l’éducation - et les enseignants en particulier - mais aussi toutes les personnes qui sont à "côté". Et je le fais dans le cadre du LKP.
Car nous faisons tous partie des salariés travaillant dans cette société là, (celle de Guadeloupe) ; des personnes faisant partie de ce peuple là... Et notre rôle en particulier est d’abord d’éduquer les enfants de Guadeloupe et de les former pour qu’ils trouvent leur place dans leur société. Un tel rôle, dans une société qui entend se développer, est fondamental.

Or, quand nous observons le système scolaire tel qu’il se présente à nous, nous constatons que dès les premières classes il développe un grave écart scolaire ; lequel s’accroit au fur à mesure du cursus scolaire. Au point que chaque année il y a entre 1000 & 1200 élèves qui en sortent sans aucun diplôme et sans la moindre formation.
Quand par ailleurs nous constatons - qu’en dépit de nos bons résultats au BAC - que seul un tiers d’une classe d’âge y arrive, on prend conscience de l’importance de la faillite du système.

Et l’une des principales causes de cet échec, c’est qu’une fois entrés dans le système scolaire, les enfants se retrouvent confrontés à un monde étranger, à la vie, au monde et aux comportements qu’ils ont jusque là connu.

C’est un système qui ne prend en compte ni la réalité culturelle de cet enfant, ni sa réalité langagière (c’est à dire la langue qu’il parle : qu’il s’agisse du créole ou du français approximatif) ; c’est une école qui dans son cheminement ne permet à l’enfant de connaître ni sa culture, ni l’histoire de son pays ; qui ne valorise pas son environnement... Une école qui considère nos réalités comme autant d’obstacles au développement des connaissances de l’enfant.
Quand, également, toutes ces connaissances doivent être puisées dans des livres qui ne parlent presque jamais de lui. Quand enfin cette école entend lui imposer des manières de voir, des valeurs, une culture qui ne sont pas les siennes... Alors on comprend que la majorité de ces élèves se retrouve rapidement en grande difficultés ; avant d’échouer.

C’est cette situation que nous devons changer. Car nous l’entendons chaque année et nous l’avons encore entendu ces temps-ci : Au mois de juillet dernier, 1000 élèves de 3eme n’avaient pas été orientés. L’administration du rectorat s’est activée, mais il reste actuellement 500 élèves qui ne sont toujours pas orientés à l’issue de leur classe de 3eme.
Leurs parents sont invités à se rendre dans les CIO (Centre d’Information & d’Orientation). [Et l’on a la situation suivante] : D’un côté, les familles se ruent donc vers ces centres afin de tenter de trouver une orientation pour leurs enfants. De l’autre, des CIO qui n’ont aucun moyen de répondre aux demandes des familles. C’est ainsi que l’on crée la désespérance au sein de la jeunesse.

De plus, s’agissant des lycées et de la formation professionnelle, on constate que l’orientation vers ces cursus de formation professionnelle est une orientation par l’échec. C’est à dire que l’on y oriente les élèves ne pouvant passer en seconde [générale]... Alors que dans le même temps, ils transforment la formation professionnelle et font de ces filières professionnelles une voie destinée à l’élite.
Et donc, en imposant une formation professionnelle à base de BAC PRO, ils détruisent le travail [de rattrapage, de remise à niveau] qui était fait par les enseignants avec ces élèves en difficulté pour les amener à une qualification professionnelle.
Le discours consistant à dire que le BAC PRO en 3 ans vise à revaloriser la formation professionnelle est donc mensonger : la réduction de 4 à 3 ans de la scolarité en lycée professionnel est uniquement lié à des considérations financières ; et non à des questions de réussite. Cela ne vise qu’à réduire les "coûts", en supprimant la 4eme année.

Cette décision aura d’autant plus de conséquences en Guadeloupe que les élèves sont déjà en situation d’échec scolaire. La majorité n’arrivera donc pas à suivre un BAC PRO en 3 ans. Or, dans le même temps que le BAC PRO en 4 années était supprimé, tous les BEP étaient aussi supprimés ; et remplacés par des CAP. Pourtant, la majorité des entreprises considère ces CAP comme insuffisants. La majorité des jeunes se retrouvera ainsi avec un diplôme du CAP plus ou moins au rabais, qui ne leur permettra pas de trouver un travail. Par ce biais également, ils sont en train de détruire la formation professionnelle.

Nous devons tous comprendre que le système éducatif, et la réforme du système scolaire - tel qu’il se met en place - fait que seuls les enfants dont les parents ont les moyens réussiront. Et que les enfants qui en pâtiront le plus, ce sont ceux des milieux défavorisés. Cela signifie que le système éducatif français a décidé de sacrifier ces enfants là.

Et cela, nous ne pouvons l’accepter an péyi Gwadloup !

Car le problème de la réussite de nos enfants c’est d’abord celui d’une école qui leur "donne" une éducation dans leur culture, dans leur identité, dans la connaissance de leur histoire, dans la valorisation de ce qui leur est propre, et dans la connaissance de leur réalité géographique.
C’est ensuite celui d’une école qui leur "donne" une formation leur permettant de se retrouver dans leur société et de travailler dans leur pays.

Or nous nous rendons compte que c’est le chemin inverse qu’ils entendent nous imposer, pour accentuer l’échec et nous dire : Si vous souhaitez former vos enfants, orientez les vers le RSMA [1], ou envoyez-les à l’étranger grossir les rangs de l’immigration.
Mais nous constatons aussi, même parmi ceux qui sont les mieux formés - avec le développement des classes préparatoires aux grandes écoles- , parmi ceux qui sont les plus brillants et intègrent les classes d’ingénieurs ou de la haute administration... seuls 2% arrivent à décrocher un emploi en Guadeloupe. C’est donc aussi un système qui forme des cadres pour l’extérieur, et non pas pour le péyi Gwadloup ! Car les postes qu’ils pourraient occuper et qui existent en Guadeloupe, dans les administrations publiques (DDE, DOUANES, AGRICULTURE...) et ailleurs... Eh bien, le choix politique consiste à embaucher d’abord leurs semblables blancs ; et donc à ne pas donner aux jeunes guadeloupéens la possibilité de trouver un emploi.

Enfin, au sein même du système éducatif, il y a un certain nombre de luttes à mener, en particulier pour les personnels les plus en difficulté. Et ces personnes, ce sont d’abord les contractuels et les contrats aidés. Surtout ces derniers, car nous savons que l’administration a fait le choix - dans les collèges, dans les lycées, et dans les écoles primaires - d’embaucher un maximum de contrats aidés. Ils sont près de 800 dans le système éducatif ; et sans eux, cette administration ne fonctionnerait pas.
Or le recours aux contrats aidés permet à l’administration de ne pas créer de postes et de payer ces agents au rabais ! Elle ne leur offre même pas la possibilité de préparer un diplôme par la VAE afin de passer les concours. Ils sont jetés à la rue, c’est à dire au chômage. C’est cela la réalité !
Les contractuels (enseignants, administratifs) sont dans la même situation. Les besoins existent dans le système éducatif ; mais l’administration refuse les moyens permettant d’encadrer les élèves dans leur scolarité.

C’est aussi pour ces catégories de personnel que nous nous devons de lutter. Voilà les raisons pour lesquelles nous sommes an Liyannaj, ansanm ansanm, avec les travailleurs des autres secteurs : pour réclamer pour le peuple de Guadeloupe, un véritable droit à l’éducation & à la formation pour nos enfants. C’est ce combat que nous continuerons à mener aux côtés des autres camarades.

C’est pourquoi le 3 octobre, nous devons être massivement présents dans la rue pour leur signifier que si nous avons suspendu le mouvement de grève et signé des accords, il reste d’autres négociations à mener. Et qu’en attendant, nous ne faiblirons pas.

Mèsi !

René Beauchamp [ancien secrétaire général su SPEG]
Meeting du LKP
Basse-Terre, vendredi 18 septembre 2009

Crédits vidéo : Patricia Chatenay-Rivauday / R. Mayoute

Publié par la Rédaction le lundi 28 septembre 2009

Notes

[1Cf. discours de Sarkozy en Guadeloupe

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