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Julien Mérion (entretien au Monde) : "Aux Antilles, la société continue à faire bloc derrière les leaders du mouvement social"

 

Nicolas Sarkozy a annoncé, vendredi 6 novembre, une série de mesures pour l’outre-mer. Politologue et professeur à l’université des Antilles et de la Guyane, Julien Mérion estime que l’Etat joue la carte du transfert de responsabilité vers les collectivités territoriales pour gérer la crise aux Antilles.

Comment a évolué la situation politique aux Antilles depuis la fin des mouvements sociaux en mars ?

Il règne depuis le mois d’avril un certain attentisme. Le mouvement social reste mobilisé pour que la parole donnée soit respectée. Les actions menées dans les entreprises visent toutes l’application des accords du 4 mars et l’accord Bino sur les salaires. Ces démarches sont orientées vers l’Etat. Une stratégie qui rejoint celle des collectivités territoriales, lesquelles en appellent également au gouvernement pour régler la question du prix de l’essence et les autres difficultés qui minent la société antillaise.

L’Etat, lui, joue la carte du transfert de responsabilité pour assurer une cogestion de la crise avec les collectivités territoriales. C’était déjà le sens de la visite de Nicolas Sarkozy en juin dernier. En ce qui concerne l’aspect institutionnel, la Guyane et la Martinique seront consultées les 17 et 24 janvier sur leur évolution statutaire. Paradoxalement, il n’y aura pas de référendum similaire en Guadeloupe, où la revendication sociétale et identitaire est pourtant très forte. C’est dû, je pense, à la faiblesse de la classe politique guadeloupéenne. Faiblesse à laquelle se substitue un mouvement social très ancré.

Dans quel état se trouve l’économie antillaise aujourd’hui ?

Il aurait été étonnant que l’économie antillaise, déjà fragile avant la crise de janvier, se porte bien après plusieurs semaines de grève. Le marasme actuel était inévitable. Il s’explique par une forte baisse de la fréquentation touristique. Les hôtels ont été fermés jusqu’au mois d’octobre, ce qui a engendré du chômage technique. Le tissu économique local, structurellement en crise, est constitué de micro-entreprises. Bon nombre d’entre elles ont fait faillite ou ont connu de graves difficultés après la grève.

Aucun signe de relance ne point à l’horizon. Le Medef réfléchit actuellement à une stratégie de développement territorial pour remobiliser les ressources humaines à partir de pôles d’activité.

Une grande partie de la société civile guadeloupéenne s’était mobilisée derrière le collectif Liyannaj kont pwofitasyon (LKP). Cette solidarité tient-elle toujours ?

La société continue à faire bloc parce que la mobilisation de janvier à mars était autant sociale qu’identitaire. La revendication autour du thème de la "profitation" recouvre des aspects à la fois matériels, moraux et sociétaux. Depuis le mois d’avril, le LKP n’a eu de cesse de faire le tour des communes avec l’aide des associations pour créer des structures locales. Il se pose clairement en contre-pouvoir, mais n’est pas réellement porteur d’un projet politique.

La classe politique locale avait semblé très dépassée par les événements du début d’année. A-t-elle repris les rênes ?

Elle reste extrêmement discréditée, dans la mesure où elle n’est porteuse d’aucun projet politique alternatif pour répondre à la revendication sociale et offrir des perspectives de développement à la population. Au mois de juin, le conseil régional a mis en place une réflexion pour faciliter l’émergence de nouvelles idées. La démarche a été mal acceptée. Certains y ont vu une concurrence vis-à-vis des états généraux, d’autres, une façon détournée de reposer la question du statut de la Guadeloupe. De toute façon, la classe politique a toujours un temps de retard par rapport au mouvement réel de la société.

Propos recueillis par Elise Barthet
Le Monde - 6 novembre 2009

Publié par la Rédaction le dimanche 8 novembre 2009

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