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Guadeloupe : « Il était une nouvelle fois dans les Colonies » ... Lettre ouverte de L’UGTG à Madame la Ministre de la Justice & Garde des Sceaux à propos des conditions de déroulement du procès de Régine DELPHIN à la Cour d’Appel de Basse-Terre

>Mots-clés : Justice coloniale  
 

U.G.T.G.

Union Générale des Travailleurs de Guadeloupe

Pointe-à-Pitre, le 28 Septembre 2010.

Lettre Ouverte à
Madame la Ministre de la Justice
Garde des Sceaux
13, Place Vendôme
75042 PARIS Cédex 01

Objet : Il était une nouvelle fois dans les Colonies

Madame la Ministre,

Le Mardi 14 Septembre, une déléguée syndicale de l’UGTG (Union Générale des Travailleurs de Guadeloupe) est convoquée devant la Cour d’Appel de Basse-Terre.

Dès le début de l‘audience, le Président du tribunal lance en direction de la salle « vous avez fait le nombre mais vous ne me faites pas peur ». Il est vrai qu’habituellement les procès des membres de l’UGTG ne sont pas ouverts au public car les grilles du Tribunal sont systématiquement gardées par la police et les gendarmes qui interdisent l’accès au palais de justice.

Cet épisode annonçait donc la suite.

Quelques minutes plus tard, le Président de la cour interroge notre camarade et cette dernière répond en Créole, comme elle l’a fait en première instance au Tribunal de Pointe-à-Pitre, où elle a bénéficié de l’assistance d’un interprète.

C’est alors que le Président de la Cour d’Appel s’exprimant sur un ton particulièrement arrogant, voire méprisant à l’égard de cette jeune camarade, lui interdit de parler créole dans son tribunal en indiquant que les décisions de justice sont prises en français ; que dans son tribunal on parle français et que de toutes les manières, elle serait jugée et condamnée.

Cette interdiction de s’exprimer en créole est d’autant plus incohérente que notre camarade était poursuivie pour une prétendue diffamation qu’elle aurait prononcée en créole

Ce manque évident d’impartialité a provoqué une réaction indignée de l’assistance.

S’en suit alors quelques grognements dans la salle et il n’en faut pas plus au président du tribunal pour exiger l’évacuation de la salle qui se fera par la gendarmerie en arme, dans des conditions choquantes. A noter que la prévenue a elle aussi été reconduite hors de l’enceinte du palais de justice.

Quelques instants plus tard, nous apprenons que l’avocat de notre camarade a eu un malaise nécessitant l’intervention des pompiers et du SAMU.

Et pourtant, curieusement la décision a été mise en délibéré au 08 novembre 2010 sans que notre camarade ait pu se défendre ni son avocat plaider.

Plusieurs interrogations.

La Constitution Française n’assure-t-elle pas l’égalité devant la loi sans distinction d’origine ?

Tout justiciable n’a-t-il pas droit à un procès équitable ?

La Cour Européenne des Droits de l’Homme ne prévoit-elle pas que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal ?

Toute personne accusée d’une infraction, n’est-elle pas présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ?

Toute personne accusée d’une infraction ne peut-elle se défendre elle-même ou bénéficier de l’assistance d’un défenseur de son choix ?

Le créole n’est-elle pas une langue reconnue par la constitution française et la charte européenne des langues régionales ?

Car, dans un long discours en date du 26 juin 2009 à Petit-Bourg en Guadeloupe, Nicolas SARKOZY, Président de la République Française, disait : « Notre identité nationale s’est forgée par l’addition, la synthèse des identités. La Guadeloupe est unique et le sera toujours. Son caractère est trempé, son identité est forte. La France que je veux construire est une France qui respecte les identités et sait les mettre en valeur. Depuis juillet dernier, notre Constitution reconnaît que les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ».

Et de se féliciter en poursuivant : « Voilà une preuve tangible, inscrite dans notre loi fondamentale, de l’état d’esprit nouveau qui nous anime ! ».

Il semble donc que le créole serait, tout comme le Bushinenge parlé par les Saramaca, les Aluka ou les langues amérindiennes parlées par les Wayana, les Palikur… en Guyane, reconnu comme une langue dite « régionale » et devrait donc bénéficier des mesures mises en œuvre pour sa sauvegarde et sa promotion.

Dans les faits, les engagements pris par le Gouvernement Français pour la sauvegarde et la promotion du créole, en matière d’enseignement, de justice, de vie économique et sociale, d’activités et équipements culturels notamment, ne sont pas tenus.

Le pourraient-ils simplement lorsque les évènements de la Cour d’Appel sur la langue viennent nous révéler la force de l’idéologie coloniale, qui véhicule encore la hiérarchie entre les langues et les cultures ?

Il en va ainsi dans les Colonies.

Pour finir, nous n’attendons pas de réponse mais tenons à vous informer que nous poursuivons notre lutte pour la reconnaissance et le respect de notre langue, de notre culture et de notre identité [1] et continuerons à nous exprimer en Créole dans vos tribunaux poursuivant ainsi notre combat contre l’injustice, le racisme, le mépris et la pwofitasyon.

Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de nos salutations distinguées.

Le Secrétaire Général

E. DOMOTA

Rue Paul Lacavé – Assainissement – 97110 POINTE A PITRE

Tél : 05.90.83.10.07 - Fax : 05.90.89.08.70

Email : ugtg@wanadoo.fr - ugtg@ugtg.org

Post-Scriptum

Publié par la Centrale UGTG le jeudi 30 septembre 2010
Mis à jour le samedi 2 octobre 2010

Notes

[1XXIeme Congrès de L’UGTG : REZOLISYON TWA (N°3) POU KILTI A PÉP GWADLOUP

XIIème Kongré a UGTG, sanblé Jou 2, 3, 4 é 5 Avril 2008, an komin Manten Gwadloup, ka déklaré,

Yonn…Sé vwè, Pèp Gwadloup chouké avè kilti, mès é labitid ki tay, ki konstwi lanné asi lanné, jénérasyon asi jénérasyon avè tipilo kilti, mès é labitid a Pèp Caraibe, Pèp Afrique, Pèp Inde é Pèp Europe ;

…Sé vwè, lesklavaj, kolonizasyon, lasimilasyon é mondyalizasyon prévwa voyé douvan kilti, mès é labilitid a loksidan é éséyé détwi kontribisyon a pitit à Pèp Caraibe, a Pèp Inde, a Pèp Afrique, padavwa pou kolonyalis Éwopéyen, pou enpéryalis, nou pa moun menm jan ki yo, kilti an nou ka fwenné komès a yo ;

Twa…Sé vwè loksidan détwi sosyété, dékatyé Fanm é Nonm, pou tousa ki lavi fonksyoné jan i désidé ;

Kat…Sé vwè, on Pèp san kilti, san mémwa, an Pèp ki pa kapab voyé douvan sa i ka kwè ki bon pouy, sé on pèp ki toupwé lanmô ; Sé pousa Nou Gwadloupéyen douwé pran lontan plis konsyans a fondé a kilti an nou ;

Padavwa kilti sé lavi

Padavwa kilti sé lyannaj a pèp

Padavwa kilti a chak pèp sé richès a limanité

XIIème Kongré a UGTG ka mandé,

- Travayè

- Kréyatè

- Fanm é Nonm Gwadloup

- Fanmi a timoun

- Métrès é Mèt lékolpèp Afrique é pèp Inde poté ban nou,

Yonn, an nou palé ban nou é kontinyé nouri kilti, mès é labitid ki pèp Caraibe,

Dé, kréyol annou, tanbou annou, jan nou ka maché, jan nou ka abiyé, jan nou ka frékanté fanm annou, nonm annou, jan nou ka ri, oben pléré, chivé grénè a bon enpé adan nou, chyen kréyol annou, kolonbo, tikonkonm é madè, koubouyon roukou annou…sé nou !

Twa,

Piplis nou ké kontan nou,

Piplis nou ké konnèt listwa an nou,

Piplis nou ké bèl é vayan,

Sé piplis nou ké baré van a démounaj, a lasimilasyon, a mondyalizasyon ki kapitalis é kolonyalis fwansé owganizé an Péyi annou

Wi kilti a Pèp Gwadloup vivan

Nou sé Nou…Nou sé Moun

Nou sé Gwadloupéyen

PON DISOU PA PED !!

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Il était une nouvelle fois dans les Colonies

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