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Défiscalisation & autres niches fiscales outre-mer : « Les Echos » révèlent le rapport accablant de l’Inpection générale des finances

 

Selon le quotidien français Les Echos, un rapport de l’inspection des finances critique les dispositifs fiscaux d’outre mer et démontrerait tout à la fois leur coût exorbitant, leur inefficacité et, leur iniquité économique, sociale et fiscale. En résumé :
D’abord, ces mesures profitent à des entreprises qui n’en ont pas besoin, aboutissant à "des effets d’aubaine quasi systématique" au profit d’entreprises dont l’excédent brut d’exploitation moyen est supérieur de 5 à 10 points à ce qu’il est en métropole.
Ensuite, elles sont économiquement peu efficaces, et favorisent l’inflation (hausse d’environ un tiers du coût d’une opération de logement social).
Elles profitent enfin aux riches et aux très riches. Moins de 11.000 personnes appartenant au 1% des contribuables les plus aisés se partagent l’essentiel de cadeaux fiscaux s’élevant à 760 millions d’euros.

L’Inspection des finances épingle des niches fiscales coûteuses et peu efficaces dans les DOM

Un rapport de l’Inspection générale des finances réévalue à 5,5 milliards d’euros le coût des dispositifs fiscaux et sociaux outre-mer. Empilement, injustice fiscale, effets d’aubaine massifs, accentuation des pratiques anticoncurrentielles, contrôles insuffisants : la liste des griefs est longue.

C’est un rapport qui ne va pas plaire aux élus des DOM et au gouvernement. Ce n’est pas la première fois, loin de là, que les niches fiscales bénéficiant à l’outre-mer sont épinglées, mais l’évaluation que vient de finaliser l’Inspection générale des finances est particulièrement bien documentée. Les rapporteurs ne jugent pas que les dispositifs n’ont aucun effet, mais ils démontrent, secteur par secteur, que l’efficacité est faible et le coût très élevé, les objectifs restant de toute façon suffisamment vagues pour être respectés.

La mission réévalue d’abord à la hausse le coût global des 46 dépenses fiscales et des 9 dépenses sociales recensées, c’est-à-dire spécifiques à l’outre-mer, à 5,46 milliards d’euros au lieu des 4,46 milliards figurant dans les textes budgétaires. La différence vient du fait que certaines dépenses sont omises dans ces textes, telles que le régime applicable au rhum [1] et que d’autres sont sous-évaluées : défiscalisation des entreprises, absence de TVA en Guyane, etc.

Premier grief de la longue liste de l’IGF : l’empilement des aides, qui peuvent être justifiées prises une par une mais qui, additionnées, conduisent à des effets d’aubaine quasi systématiques. Les entreprises bénéficient d’allégements sur le capital (défiscalisation des investissements, moindre TVA), d’exonérations sur les salaires et, in fine, d’abattements sur les bénéfices. Or « le taux de marge moyen des entreprises ultramarines est supérieur à celui constaté en métropole » : l’excédent brut d’exploitation représentait 24,8 % de la valeur ajoutée des entreprises réalisant plus de 550.000 euros de chiffre d’affaires en métropole en 2005 contre 34,3 % à La Réunion, 30,5 % en Guadeloupe et 29 % en Martinique. L’abattement d’un tiers à l’impôt sur les sociétés s’apparente « à une absence de contribution complète aux charges publiques des entreprises ayant réussi à devenir rentables [...]. C’est l’égalité devant l’impôt qui est mise en cause ».

Difficile à piloter

L’inspection épingle surtout le principe même de défiscalisation, privilégié par la puissance publique, car il permet en apparence de limiter les dépenses de l’Etat, mais qui, à l’arrivée, lui coûte plus cher. Que ce soit pour les logements ou les investissements dans des entreprises, il faut rémunérer le tiers investisseur (avantage fiscal) ainsi que des intermédiaires (commissions). La défiscalisation augmente « d’environ un tiers » le coût d’une opération de logement social (lire ci-dessous). Elle a aussi tendance à « accentuer » le déficit de concurrence sur les marchés, en entraînant une allocation du capital qui favorise les firmes établies. Conclusion : mieux vaudrait privilégier des subventions pour le logement et des prêts bonifiés ou des avances remboursables pour les investissements productifs.

D’autant que la défiscalisation, si elle permet de drainer facilement des capitaux, est très difficile à piloter, comme l’a montré l’emballement des projets photovoltaïques l’an dernier. Elle conduit trop souvent à des programmes de construction en inadéquation avec les besoins locaux. En dépit d’une volonté affichée de recentrage sur le secteur social, le champ de la défiscalisation pour les investissements locatifs reste en outre trop large - Scellier outre-mer, Girardin (censé s’interrompre en 2012) - et les taux de retour sur investissement mesurés par l’IGF (de 16 % à 34 %) traduisent « des effets d’aubaine massifs »

Ces avantages sont toujours captés par les ménages les plus aisés de métropole, en dépit des mécanismes de plafonnement des niches récemment votés. En matière d’impôt sur le revenu, les 10.689 foyers, appartenant au centile de la population disposant des plus hauts revenus, reçoivent 93 % de l’avantage fiscal outre-mer, soit 710 millions (sur 761 millions). Par ailleurs, les contrôles sont jugés insuffisants, alors que certaines actions ciblées ont montré que des redressements massifs pouvaient être notifiés...

Le rapport souligne enfin que la chasse aux niches fiscales du budget 2011 a très peu affecté les DOM : « Le coup de rabot n’est en définitive que de 4 % et seuls des aménagements à la marge ont été opérés. » La perspective de l’élection présidentielle ne va pas faciliter une action plus offensive dans le budget 2012. Le Parlement vient même de voter la création d’une nouvelle niche (les FIP DOM) dans le dernier collectif.

ETIENNE LEFEBVRE | Les Echos | 04/07/2011

Publié par la Rédaction le dimanche 10 juillet 2011

Notes

[1Rhum : un régime de faveur à 180 millions
Le rhum produit dans les DOM bénéficie d’un régime de faveur non répertorié dans les documents budgétaires dont le coût atteint près de 180 millions d’euros : 96 millions pour l’Etat et la Sécurité sociale, 82 pour les collectivités. Le taux d’accise est réduit de 43 % par rapport aux autres rhums (et même davantage pour la consommation sur place) et un abattement de 75 % s’applique sur les cotisations par rapport aux autres alcools. Résultat : le marché français absorbe 70 % des volumes. La fiscalité n’incite pas à élargir les débouchés.

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