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Guadeloupe : La souveraineté alimentaire ? Oui, mais comment ?

 

Tout d’abord, il est bon de noter qu’afin d’arriver à garantir une certaine autonomie alimentaire nous avons besoin de structures pour impulser cette idée. Sans leurs actions, ce concept restera une lettre morte.

1. La présence de structures engagées pour défendre un autre modèle agricole

Or, en Guadeloupe nous disposons justement de nombreuses entités qui prennent position pour la promotion d’un autre modèle agricole visant à nourrir la population. On peut noter tout d’abord l’action du syndicat de l’Union des Producteurs Guadeloupéens.Ce syndicat depuis sa création n’a eu de cesse de militer pour une agriculture paysanne, respectueuse de l’environnement et dont l’objectif est de nourrir la population. Son rôle dans le paysage guadeloupéen n’est pas à négliger car depuis les dernières élections il représente ¼ des voies à la chambre d’agriculture.Son action est appuyée par l’association KAP Gwadloup dont le but est de « relayer le projet d’agriculture paysanne défendu par l’UPG et de défendre la production du terroir guadeloupéen ». Cette association, crée en 2008 a d’ailleurs lancé plusieurs programmes dont l’un des plus populaires est « Manjé an-nou an lékol annou ». La volonté affichée par cette association est de sensibiliser les plus jeunes à la consommation de produits du terroir. Afin de réaliser cet objectif, les membres de cette association tentent de les introduire dans les restaurants scolaires.

Une autre association L’APECA, Association pour une Agriculture Paysanne et Écologique dans la Caraïbe œuvre depuis 2006 pour promouvoir « une agriculture paysanne durable, économiquement viable, écologiquement équilibrée et socialement juste ».Elle organise de nombreuses conférences publiques pour sensibiliser la population à sa cause. On voit donc bien la présence et la prolifération de nombreuses structures engagées pour la promotion d’une autre forme d’agriculture. Ce sont là des atouts solides.

2. Des individus engagés pour promouvoir nos produits locaux

Nous avons aussi beaucoup de chance en Guadeloupe d’avoir des hommes et des femmes engagés comme le Docteur Henry Joseph, Madame Marie Gustave, Nathalie Minatchy, Alex Bandou qui ont réussi à s’appuyer et à améliorer le travail des plus anciens comme le professeur Jacques Portecop, Paul Bourgeois, Benito Espinal, René Philogène, Lucien Degras, Alain Gayadine, et bien d’autres.Tous ces acteurs par leurs travaux scientifiques ou leurs actions sur le terrain ont beaucoup œuvré pour la promotion et la préservation de nos espèces locales.Un important travail de sensibilisation a été mené par ces différents protagonistes pour faire connaître à la population les bienfaits de sa faune et sa flore. À cet égard, on ne peut manquer de saluer les travaux du Docteur Henry Joseph et toutes les multiples conférences qu’il a données afin de sensibiliser la population à manger ses produits locaux.Son idée de lier la santé et la nutrition a eu beaucoup d’impact auprès de notre population.En démontrant scientifiquement que la consommation de nos produits locaux pouvait réduire considérablement le cholestérol, le diabète ainsi que les maladies cardiovasculaires, le docteur Henry Joseph s’est révélé être un formidable allié pour la promotion de la production locale.

3. Des médias, des courroies de transmission actives

Il est bon de soulever aussi le rôle important de nos médias locaux qui ont relayé toutes ces voies alternatives. En effet, ce travail d’information et de sensibilisation a été abondamment repris et porté par nos différents médias. Ces derniers n’ont pas manqué de publiciser abondamment les différentes conférences sur cette problématique ainsi que la tenue des marchés locaux. Ils ont aussi réalisé plusieurs reportages sur les questions alimentaires, les questions de santé et les questions agricoles. Cet important travail permet de toucher une plus vaste frange de la population, notamment celle qui ne peut pas se déplacer. Certaines émissions (comme celle élaborée par Robert Dieupart) ont consacré plusieurs séries aux questions d’alimentations et d’agriculture. En bref, on peut noter que dans le monde des médias chacun y a mis du sien et on ne peut que féliciter et encourager ce travail.

Et ce que l’on remarque c’est que tout ce travail de sensibilisation et d’action commence à produire un vent de changement sur notre île.

4. Les changements auprès des consommateurs

Les consommateurs Guadeloupéens commencent à faire de plus en plus attention à la nourriture. Ils se rendent compte du lien important entre ce qu’ils mangent et leurs états de santé. Beaucoup sont touchés par des maladies cardiovasculaires, le diabète ou le cholestérol provoqué par l’apparition de la malbouffe. Ils ont compris qu’une bonne alimentation pouvait être leurs alliées pour prévenir l’apparition de ces problèmes de santé. Les travaux et les conférences du Docteur Henry Joseph et bien d’autres comme Marie Gustave ou Tatiana Osmar leur ont fait comprendre que nos produits locaux pouvaient être des remèdes beaucoup plus efficaces que les médicaments. L’engouement pour les plantes médicinales, les produits locaux ne faiblit pas. C’est ainsi que de nombreuses foires culinaires, « des marchés pays » rencontrent de plus en plus de succès. D’ailleurs, un agriculteur, Philippe Rotin m’expliquait qu’après une conférence de Henry Joseph qui avait vanté les vertus du giraumon, il s’est mis à vendre 100kg par semaine alors qu’avant ce chiffre n’était que de 100kg par mois. D’autres agriculteurs qui se sont orientés vers des cultures comme la groseille ont vu leurs ventes exploser après les conférences du docteur Henry Joseph. Le tabou de ne pas manger local a été en parti levé. Toutefois, le travail doit continuer car la mémoire humaine peut se révéler courte.

Par ailleurs, depuis le scandale de la pollution de nos eaux et de nos sols par le chlordécone, les consommateurs Guadeloupéens sont devenus méfiants face à l’utilisation d’insecticides, de pesticides et tout autre produit chimique. On remarque ainsi qu’ils sont de plus en plus exigeants sur la qualité des denrées alimentaires. La demande pour des produits sains, non traités chimiquement commence à être importante.

5. Les changements auprès des institutions

Toutes ces transformations dans notre société impliquent également des changements d’orientation auprès des institutions qui œuvrent dans le domaine agricole. Celles-ci suivent alors les différentes évolutions ou impulsent à leur tour une nouvelle dynamique.

C’est le cas du travail mené par le Parc National de la Guadeloupe. Ce dernier est en train de construire un projet de territoire qui devrait donner lieu à une Charte en 2012. Parmi, les thématiques abordées on retrouve une place importante pour l’agriculture. Le Parc a donc organisé une série de rencontres avec les acteurs du milieu agricole pour définir les principaux axes que pourrait contenir le projet de territoire. C’est ainsi que deux grandes orientations ont été proposées pour être incluses dans la Charte du parc national de la Guadeloupe. On retrouve tout d’abord la volonté de concilier la préservation de la nature et l’agriculture sur le même territoire. Ce faisant, c’est l’approche d’une agriculture basée sur l’agro-écologique qui a été choisie pour atteindre cet objectif. De plus, le Parc National de la Guadeloupe en concertation avec les acteurs locaux souhaite favoriser une agriculture paysanne professionnelle, diversifiée et de haute qualité qui réduira ses impacts environnementaux. Le Parc semble donc vouloir accompagner les exploitants agricoles vers une agriculture durable qui est en équilibre avec l’environnement, la société et l’économie.

On sent poindre aussi à l’horizon des changements auprès de L’Office de Développement de l’Economie Agricole ultramarine (ODEADOM). Cet organisme a pour mission de soutenir financièrement les filières agricoles des régions ultramarines. Depuis quelque temps, cette structure a effectué quelques changements dans son organisation. Désormais, ce sont des professionnels qui siègent dans cette organisation alors qu’avant c’était le Ministère de l’Agriculture qui présidait ou qui nommait le président de l’Odéadom. Cette évolution d’orientation, selon Monsieur Gayadine, membre du conseil d’administration de l’Odéadom et ancien secrétaire général de l’UPG, laisse la porte ouverte à la création de comités techniques composés des quatre grandes filières : la canne, la banane, les productions de diversification végétale et celles de diversification animale. Monsieur Gayadine espère que cette transformation débouchera à terme sur un véritable projet agricole pour la Guadeloupe (Pag). Ce projet permettrait de faire travailler tous les acteurs du milieu ensemble. Cela s’avère encourageant.

On peut également remarquer comment des centres de recherche comme le centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) établissent des nouvelles collaborations avec des associations pour bâtir des modèles agricoles alternatifs. C’est le cas avec le partenariat entre le CIRAD et l’assoFWI qui travaillent ensemble pour développer une filière de production fruitière afin qu’elle soit respectueuse de l’environnement. Les initiatives ne manquent donc pas pour promouvoir une autre forme d’agriculture.

Mais encore faut-il que l’offre soit à la hauteur si la demande de produits locaux augmente. Avons-nous les structures pour fournir de tels produits ?

6. Une présence encore timide d’agriculteurs biologiques

Et bien, pas tout à fait, comme on l’a constaté précédemment l’agriculture conventionnelle consommatrice d’engrais, d’insecticides chimiques reste dominante. Il est bon de rappeler ces chiffres : la Guadeloupe importe 15000 tonnes d’engrais par an. Face aux problèmes générés par ce mode de production, l’agriculture biologique apparaît ainsi comme une alternative nécessaire. Toutefois le nombre d’agriculteurs en Guadeloupe qui s’oriente dans cette filière reste très faible. Il n’existe ainsi que 27 agriculteurs biologiques en Guadeloupe dont la plupart sont regroupés au sein du GDA Éco-Bio (Groupement pour le développement de l’agriculture écologique et biologique de la Guadeloupe). Ils tiennent d’ailleurs un marché tous les mercredis après midi près de l’ancienne Chambre d’agriculture. Je vous conseille d’y aller leurs produits sont un vrai régal !

7. Des exploitations tournées résolument vers l’agro-écologie

Il existe également des exploitations agricoles qui sont tournées vers une autre forme d’agriculture. J’ai d’ailleurs eu la chance d’en visiter quelques-unes. Il importe ici de mentionner brièvement le travail de ces agriculteurs engagés qui ont décidé de concrétiser l’idée de souveraineté alimentaire et d’agro-écologie dans leurs fermes. Cela a été le cas par exemple de la ferme de Fabrice Eutrope-Sylvere et celle de Philippe Rotin.

Commençons par Fabrice. Fabrice est un jeune agriculteur de 31 ans qui exerce son activité dans la commune des Abymes. Après avoir, fait ses études dans le commerce et travailler en tant que conseiller commercial, il a décidé de tout quitter pour se lancer dans l’agriculture. Fabrice adore ce métier dur et exigeant. L’agriculture est d’ailleurs bien plus qu’un métier pour lui c’est une véritable passion et il n’hésiterait pas à le conseiller aux jeunes. Cependant, il admet que le métier de cultivateur (et non agriculteur comme il aime à le souligner) n’est pas de tout repos. Actuellement, il commence à peine à survivre de son activité et tente d’entrer dans une phase de pérennisation. Il a commencé sans aides pour l’instant. Mais, cela lui permet de voir s’il pouvait se débrouiller seul et vivre de son métier. C’est ainsi, qu’il a démarré son office en 2010 sur des terres agricoles héritées de ses grands parents cultivateurs qui lui ont transmis la passion pour ce métier.

Sur ses terres, Fabrice a opté avec détermination pour l’agriculture biologique car il la juge plus respectueuse de la Vie. De plus, il considère que la Terre est un être vivant et qu’il faut en prendre soin. Voilà pourquoi, il préfère le terme cultivateur qui reflète un état d’esprit différent. Il ne cultive pas juste des fruits et des légumes mais aussi des valeurs comme la patience, la rigueur, la détermination, le respect. La Terre lui apprend beaucoup. Il semble ainsi prôné une agriculture basée sur des nouveaux rapports où l’homme et la nature ne font qu’un. Dans sa ferme, il a opté essentiellement pour une diversification végétale, animale et de cultures associées. Ainsi, il n’utilise pas de pesticides, d’insecticides et d’engrais chimiques. Il n’emploie que la Nature pour mener à bien sa production.

Fabrice croit fermement au potentiel de l’agro-écologie et de la biodynamie en Guadeloupe. Ce type d’agriculture devrait être mieux valorisé et mise en valeur. C’est pour lui une voie d’avenir. En plus, la Guadeloupe dispose de tous les atouts pour se lancer dans cette voie. Notre île offre aux agriculteurs un climat chaud et humide qui leur donne la possibilité de planter presque toute l’année. La richesse de notre biodiversité peut aussi nous permettre de réaliser de multiples symbioses. Par exemple, il m’explique que le fait de planter des pois ou des légumineuses amène de l’azote dans le sol ce qui permet d’avoir un sol plus riche et plus sain. Il me fait remarquer qu’en Guadeloupe, grâce à l’exceptionnelle richesse de notre biodiversité, il existe tout une série d’organismes vivants et de micro-organismes qui peuvent aider l’agriculteur à améliorer sa production de façon naturelle. Il suffit juste de mieux connaître son milieu. D’ailleurs, il me parle de Cuba où 85% de la production est issue d’une agriculture biologique.

C’est pourquoi, d’après lui, l’agriculture conventionnelle doit être dépassée car elle présente de nombreux inconvénients. En effet, elle s’avère pour lui peu efficace car elle est fortement consommatrice d’intrants, d’engrais, de pesticides. Il faut donc débourser beaucoup avant de faire du chiffre. Elle est beaucoup moins rentable que l’agriculture biologique qui évite toutes ses dépenses en amont. De même, afin de s’assurer un revenu décent, Fabrice préfère s’orienter vers la vente de paniers de produits agricoles adressée aux particuliers. Ce choix permet de contourner les grandes surfaces qui achètent peu cher la production agricole mais la revend à un coût plus élevé. Par ailleurs, cette option permet de tisser des nouveaux liens avec le consommateur.

On ne peut que l’encourager dans cette voie qui si elle est empruntée par plus de producteurs nous permettrait d’atteindre une certaine forme de souveraineté alimentaire.

C’est cette voie que suit depuis un moment un autre fermier, Philippe Rotin. Ce dernier est un homme très engagé. Il est d’ailleurs membre de l’UPG et donne de nombreuses conférences. Il pilote une magnifique exploitation à Baie-Mahault qu’il a baptisé HANE (Harmonie Agriculture Nature Environnement). D’ailleurs, lorsque l’on visite ce bel endroit on se sent en harmonie avec tous les éléments. Monsieur Rotin m’explique que l’agriculture est une forme d’agression sur le milieu. Par conséquent, cette activité doit se faire avec le plus d’harmonie possible.

C’est ce principe qui guide sa ferme. Et effectivement on remarque une véritable synergie dans son exploitation. Mais attention rien n’est laissé au hasard. L’harmonie a besoin d’être travaillée, guidée et encadrée. Ainsi, Monsieur Rotin dispose d’un tableau de bord qui lui permet de suivre chaque parcelle de sa ferme. Tout y est consigné ce qui lui permet d’avoir une meilleure lisibilité de son exploitation et aussi une plus grande traçabilité des produits. Il peut ainsi mieux contrôler le travail réalisé par ses employés. Il est en mesure avec toutes ces informations de se former une vision sur le long terme et de responsabiliser ses employés. Il m’explique que ce type d’exploitation nécessite une très grande attention car comme il me le dit « L’œil du maître engraisse la vache ».

Le résultat est épatant ! Dans sa ferme, il cultive essentiellement de la canne fourragère et de la banane. Chaque plantation est séparée par des haies d’arbres fruitiers où l’on retrouve des oranges, chadeks, papayes qu’il peut revendre par la suite. Il plante aussi différentes espèces de pois dans ces champs de banane pour éviter une trop grande propagation « des mauvaises herbes » (qui en fait ne sont pas si mauvaises que cela). Ce choix comporte plusieurs avantages. Il n’a pas besoin de mettre du désherbant. En plus, les pois grâce à leurs rôles de fixateur d’azote permettent aux bananes de mieux pousser. La devise chez HANE semble être alors rien ne se perd, tout se transforme. C’est ainsi que la canne est donnée aux bœufs et aux cochons. Ces derniers la mangent. Leurs rejets qui sont transformés en fumier sont ensuite utilisés comme un engrais naturel pour la canne, la banane et les autres espèces cultivées. De plus, il pratique la rotation des sols ce qui lui permet d’éviter les parasites et de reposer son sol.

Ces techniques agricoles lui ont permis de réaliser des gains substantiels. C’est le cas par exemple pour les engrais chimiques qui lui revenaient à 3000euros/hectare/an. Désormais avec le fumier naturel, il a réalisé une économie de 1200euros/hectare/an. Ce résultat avantageux est valable dans tous les domaines comme le désherbant, les pesticides, nul besoin d’en racheter. En plus, cette démarche lui a permis de mieux conserver ses sols. Et oui, l’usage des insecticides et des pesticides provoquait la mort des sols au bout de deux ans. Grâce à tous ces procédés naturels, les sols sont mieux régénérés et la durée de vie de ses parcelles est de 12 ans au lieu de 2 ans pour les sols traités avec les produits chimiques. Par ailleurs, ses rendements sont plus importants, ses fruits sont meilleurs et surtout il a pu créer trois emplois. Il produit aussi ses propres semences. Sa dépendance au marché est donc presque nulle.

Toute cette œuvre est le fruit d’un long travail de réflexion mais aussi de combat qu’il a mené au sein de l’UPG. L’idée d’avoir une exploitation autonome est née en 2004 avec la grève sur le port autonome. Les gens manifestaient pour la nourriture mais les éleveurs défilaient également pour réclamer de la nourriture pour leurs animaux. Cette idée l’a amené à se demander avec l’UPG, mais qu’est-ce qui est local en Guadeloupe ? L’eau et l’oxygène ? Voilà pourquoi, afin de garantir une autonomie locale il fallait utiliser la biodiversité locale. C’est comme cela qu’il a cherché une autonomie d’exploitation avec la polyculture associée au poly-élevage. Son système d’exploitation cherche ainsi à imiter la Nature qui se développe sans aide extérieure. Philippe Rotin pense que notre biodiversité est trop riche pour ne pas atteindre la souveraineté alimentaire. Notre île est bénie me dit-il. Il pense également comme deux agriculteurs présents à la rencontre Monsieur Vautou et Nolord que les producteurs guadeloupéens peuvent conquérir le marché intérieur et atteindre la souveraineté alimentaire. Nous avons me disent-ils la connaissance et les gens en Guadeloupe pour arriver à cet objectif. Il faut alors selon eux continuer le travail d’éducation à nos produits agricoles auprès de notre population. Ils admettent ensemble que les agriculteurs doivent aussi mettre la main à la pâte. Par exemple, il est capital pour eux de présenter leurs produits, d’expliquer leurs valeurs nutritives. Aujourd’hui me disent-ils, l’agriculteur se doit d’être un pédagogue et un communicateur.

CONCLUSION

La Guadeloupe dispose donc de nombreux atouts pour arriver à atteindre une souveraineté alimentaire. Toutefois, selon de nombreux acteurs, ce projet ne pourra se faire sans une forte impulsion politique.

À ce propos, peut être que les Guadeloupéens pourraient s’inspirer d’une initiative canadienne qui s’intitule pour « une politique populaire alimentaire ». Ce projet a été créé par des individus et des organisations œuvrant au sein du mouvement alimentaire. Ces derniers sont partis du principe que tout le monde mange mais qu’en fait presque personne ne sait ce que contiennent les aliments ingurgités, leurs provenances, l’origine des prix… Le constat fût sans équivoque, la population canadienne ne dispose d’aucun contrôle sur le système alimentaire qui les approvisionne. De cette lacune, découle un certain nombre d’incohérences comme le fait que deux millions et demi de Canadiens souffrent d’insécurité alimentaire modérée ou grave, que le recours à des banques alimentaires a augmenté de 28% au cours des deux dernières années, qu’un grand nombre d’agriculteurs et de pêcheurs soient insolvables, que l’environnement soient fortement endommagés et que l’obésité touchent plus du quart des Canadiens. Par ailleurs, ces différents acteurs ont pointé du doigt le fait que l’agriculture canadienne s’est orientée vers une exportation massive qui ne bénéficie ni aux consommateurs, ni aux producteurs d’aliments. Cette approche a contribué à faire disparaître en 6 ans plus de 17550 entreprises agricoles et à accroître de façon considérable les importations.

C’est ainsi que fort de cet amer constat plus de 3500 personnes ont élaboré au cours de multiples événements (tables rondes, discussions, conférences) des pistes de réflexion et des solutions. L’objectif étant de créer une politique alimentaire populaire. Celle-ci a été élaborée par une multitude d’acteurs comme des agriculteurs, des pêcheurs, des associations de consommateurs et d’écologistes, des simples citoyens, des peuples autochtones… Ces derniers ont défini les grands axes d’études et les moyens pour y parvenir. Par cette action, cette « multitude » a démontré que la tâche d’élaborer et de proposer des politiques publiques n’est pas réservée qu’aux seuls politiciens. L’objectif étant de faire du concept de souveraineté alimentaire une réalité. C’est un travail de longue haleine mais qui a commencé à porter ses fruits notamment lors des dernières élections. Deux partis politiques ont souscrit à cette politique dont le principal parti d’opposition officielle.

En Guadeloupe, nous avons aussi des femmes et des hommes engagés, des structures et des institutions dynamiques. Nous disposons d’une île avec un climat propice à l’agriculture. De même, il me semble que le projet de souveraineté alimentaire soit tout à fait envisageable. En effet, notre production locale qui n’occupe que 10000 hectares arrive à couvrir 20% des besoins. Or, nous disposons de 40000 hectares de Surface agricole utile selon certains chiffres auquel il faudrait rajouter 20000 hectares de terres en friche. Ce qui nous ramène à un potentiel de 60000 hectares de terres pouvant être utilisées par l’agriculture. Par conséquent, si on se tient à ces chiffres nos terres nous permettent de couvrir les besoins de 120% de notre population. Et encore ce chiffre peut même être augmenté si on adopte les principes d’agro-écologie qui permettent de meilleurs rendements. Notre capacité est donc bien plus grande que ce que l’on veut croire. Mais encore faut-il là aussi préserver nos terres agricoles !

En bref, nous avons tous les ingrédients disponibles pour agir. Alors la souveraineté alimentaire, est ce toujours une utopie ? Il semble que non. En plus, il apparaît difficile avec tous ces éléments encourageants de ne pas atteindre cet objectif en Guadeloupe. Peut-être attendons-nous un maître d’orchestre pour que la partition soit audible ? Mais le temps presse et s’il ne vient pas ? Ne pouvons-nous pas réaliser notre propre politique publique ? Afin de nous inspirer je termine cet article avec les paroles de la chanson « DOM » du chanteur martiniquais Kolo Barts. Ces paroles pourraient nous inspirer à penser et élaborer notre propre projet de souveraineté alimentaire.

Les voici :
« Pitit Kon gran,
Zanfan é fanmi
An nou sanblé la wonn,
Pou nou pé chanjé,
An nou asiz palé,
Pou nou pé rakonté, pou nou pé sav di nou,
Sa ki bon sa ki mové
Ouvé kè yonn bat lot,
Pou di la vérité,
An nou cheché ansanm
Tou sa ki pou chanjé,
Nou kondamné,
è gadé, o la nou ka alé,
PANI ON LO CHIMEN,
SÉ DOUBOUT OU BYEN MÔ
 »

Paméla OBERTAN

Source : http://www.caraibcreolenews.com | 07.07.2011

Post-Scriptum

Les autres articles de P. OBERTAN consacrés à la question de la souveraineté alimentaire :

- Crise alimentaire : Les grandes pistes pour éviter un " tsunami " alimentaire en Guadeloupe ou ailleurs... Par Paméla Obertan, 15 juin 2011

- Guadeloupe : Sommes-nous prêts pour la souveraineté alimentaire ?, 21 juin 2011

Publié par la Rédaction le mardi 12 juillet 2011

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