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Les syndicalistes mahorais font souvent référence au mouvement social qui a agité la Guadeloupe en janvier 2009. Voyez-vous des ressemblances entre ces deux conflits ?
Élie Domota. Les problèmes ne sont pas tout à fait identiques, mais les similitudes sont réelles, alors que nos deux territoires sont distants de près de 15 000 kilomètres. Nous avons les mêmes problèmes de conditions de vie, de respect des individus. Guyane, Martinique, Nouvelle-Calédonie, Mayotte… Quel que soit le territoire, les départements d’outre-mer restent des colonies gérées comme à l’époque des plantations. En Guadeloupe, le commerce et la distribution sont détenus par trois ou quatre grandes familles. C’est le même cas de figure à Mayotte. Au sommet de la pyramide, vous avez des personnes d’origine européenne et en bas de l’échelle sociale les Mahorais. Il y a aussi un réel mal-être. La paix sociale ne peut pas exister si 30 % des jeunes sont au chômage.
Les mêmes problèmes se posent dans tous les DOM-TOM. En cause, les prix excessifs des produits de consommation importés d’Europe par des monopoles de distribution. Ces îles sont devenues des territoires de consommation, et non de production. Pour rompre ce schéma, il faudrait bâtir un véritable projet de développement économique et social basé sur la production agricole locale et la jeunesse. Notre culture doit également être reconnue. Cela passe par une meilleure représentativité à la radio ou la télévision et un meilleur accès aux postes à responsabilité. Mais il n’y a aucune volonté politique. À Mayotte comme ailleurs, l’explosion sociale est inévitable.
Les quarante-quatre jours de grève en Guadeloupe ont-ils changé la donne ?
Élie Domota. Aujourd’hui, le bilan est mitigé, mais les Guadeloupéens ont compris qu’on devait prendre notre destin en main pour développer notre pays. Les prix ont baissé, puis sont repartis à la hausse parce que l’État n’a pas respecté ses engagements. Il devait encadrer les prix de première nécessité, il ne l’a pas fait. Les accords sur les prix, sur l’accès à des postes à responsabilité, sur le plan d’urgence de formation des jeunes ne sont pas respectés. En revanche, la répression est farouche. Aujourd’hui, c’est la seule réponse de l’État. Les Guadeloupéens doivent être associés à la gestion de l’île, notre culture est rangée au rang de folklore, 1 500 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans formation, etc. Sans compter le fort taux de chômage : deux tiers des moins de 25 ans en âge de travailler et un tiers des 25 - 49 ans sont au chômage. Je ne sais pas quand la population redescendra dans la rue, mais ça bouillonne en Guadeloupe. Les autorités n’ont pas pris conscience de la gravité de la situation. Tous refusent de régler les problèmes.
Les syndicats à Mayotte se sont beaucoup plaints de l’attitude de l’État, accusé de délaisser le département. Qu’en pensez-vous ?
Élie Domota. La ministre Marie-Luce Penchard n’a jamais été à la hauteur, elle refuse le dialogue. Depuis un an et demi, nous devons la rencontrer régulièrement dans le cadre de commissions de suivi à la suite des accords que nous avons signés, mais elle et le préfet ont toujours refusé de nous rencontrer. À Mayotte, l’État a réagi tardivement, consciemment, il a joué le pourrissement pour voir jusqu’où la population était prête à aller. Quand la ministre est venue à Mayotte, elle n’a fait que mettre de l’huile sur le feu.
L’Humanité.fr, le 14 Novembre 2011