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REPRESSION ANTI SYNDICALE - Appel à la solidarité de l’UGTG aux Organisations ouvrières et démocratiques de Martinique

 

Pointe-à-Pitre, le 17 Novembre 2012

Aux Organisations ouvrières et démocratiques, De MARTINIQUE,

Chers Camarades, Chers Amis,

Le 13 Décembre prochain, Régine DELPHIN, déléguée syndicale UGTG, est convoquée devant la Cour d’Appel de Fort de France, à la demande de la Société SODIMAT et de Béatrice et Frédéric VIVIES (ses employeurs). Cette affaire remonte à l’année 2009.

Pour rappel, il lui est reproché d’avoir, lors d’un meeting devant le palais de la Mutualité organisé par la LKP, le 21/04/2009, tenu des propos qui sont présentés comme :

- Diffamation publique envers un particulier,

- Injure publique envers un particulier,

- Provocation à commettre un crime ou un délit,

- Provocation à la discrimination et à la haine radiale,

Par jugement en date du 25/03/2010, le Tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre a relaxé Régine DELPHIN pour les faits de provocation au vol et de diffamation à l’encontre de la Société SODIMAT et Frédéric VIVIES. Par contre, elle a été déclarée coupable de diffamation
publique à l’encontre de Béatrice VIVIES, d’injures publiques à l’encontre de Béatrice VIVIES et Frédéric VIVIES, de provocation à la discrimination. Et tout cela sur la base d’une traduction en
français des propos que Régine DELPHIN a tenu en créole le jour du meeting effectuée par un huissier non interprète qui de surcroit ne maitrise pas la langue créole.

Le tribunal, composé de juges non créolophones, l’a condamnée à un mois d’emprisonnement avec sursis et au paiement de dommages-intérêts à Béatrice VIVIES (800 euros +400 euros +3000 euros) et à Frédéric VIVIES (400 euros + 3000 euros) et d’une indemnité de procédure de 600 euros à chacun d’eux. Et tout cela sur la base de la traduction effectuée par un huissier non interprète et non créolophone.
Devant cette décision injuste, Régine DELPHIN décide de faire appel le 26/03/2010 et est convoquée devant la cour d’appel de Basse-Terre le mardi 14 Septembre 2010.

Dès le début de l‘audience, le Président du tribunal lance en direction de la salle « vous avez fait le nombre mais vous ne me faites pas peur ». Il est vrai qu’habituellement les procès des membres de l’UGTG ne sont pas ouverts au public car les grilles du Tribunal sont
systématiquement gardées par la police et les gendarmes qui interdisent l’accès au palais de justice.

Quelques minutes plus tard, le Président de la cour interroge notre camarade et cette dernière répond en Créole, comme elle l’a fait en première instance au Tribunal de Pointe-à-Pitre, où elle a bénéficié de l’assistance d’un interprète.

C’est alors que le Président de la Cour d’Appel s’exprimant sur un ton particulièrement arrogant, voire méprisant à l’égard de cette jeune camarade, lui interdit de parler créole dans
son tribunal en indiquant que les décisions de justice sont prises en français ; que dans son tribunal on parle français et que de toutes les manières, elle serait jugée et condamnée.

Cette interdiction de s’exprimer en créole est d’autant plus incohérente que notre camarade était poursuivie pour une prétendue diffamation qu’elle aurait prononcée en créole Ce manque évident d’impartialité a provoqué une réaction indignée de l’assistance.

S’en suit alors quelques grognements dans la salle et il n’en faut pas plus au président du tribunal pour exiger l’évacuation de la salle qui se fera par la gendarmerie en arme, dans des conditions choquantes. Régine DELPHIN sera la première à être reconduite hors de l’enceinte
du palais de justice.

Quelques instants plus tard, nous apprenons que l’avocat de notre camarade (Me FALLA) a eu un malaise nécessitant l’intervention des pompiers et du SAMU. Et pourtant, curieusement la décision a été mise en délibéré au 08 novembre 2010 sans que notre camarade ait pu se
défendre ni son avocat plaider.

La Constitution Française n’assure-t-elle pas l’égalité devant la loi sans distinction d’origine ?

Tout justiciable n’a-t-il pas droit à un procès équitable ?

La Cour Européenne des Droits de l’Homme ne prévoit-elle pas que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal ?

Toute personne accusée d’une infraction, n’est-elle pas présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ?
Toute personne accusée d’une infraction ne peut-elle se défendre elle-même ou bénéficier de l’assistance d’un défenseur de son choix ?

Le créole n’est-elle pas une langue reconnue par la constitution française et la charte européenne des langues régionales ?

Et pourtant, par arrêt du 9/11/2010, la Cour d’Appel de Basse-Terre a confirmé le jugement en toutes ses dispositions civiles et pénales sauf en ce qu’il a relaxé Régine DELPHIN du chef de provocation au crime ou au délit. Ajoutant au jugement, la Cour l’a donc déclarée également
coupable du délit de provocation et l’a condamné à payer à la Société SODIMAT la somme d’un euro à titre de dommages-intérêts outre la somme de 2500 euros en application de l’article 475 du Code de Procédure Pénale.

Devant cette parodie de procès, Régine DELPHIN décide de se pourvoir en cassation.

Par arrêt du 3/01/2012, la Chambre criminelle de Cour de Cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt du 9/11/2010 rendu par la Cour d’Appel de Basse-Terre au motif que la prévenue n’a pas eu la parole la dernière. Elle n’était même pas dans la salle. La cour de
cassation a donc renvoyé l’affaire devant la Cour d’Appel de Fort-de-France pour être à nouveau jugée.

Dans un arrêt du 28/06/2012 la Cour d’Appel de Fort-de-France a sursis statuer et ordonné le renvoi de l’affaire à l’audience du 20/09/2012 pour qu’il soit procédé au visionnage des pages internet rapportant la conférence du 21 avril 2009 en Guadeloupe et à la traduction en français
par un interprète des propos litigieux que Régine DELPHIN aurait tenus en créole à cette occasion. Il est donc évident que notre camarade a été condamnée lors des jugements précédents, sur la base d’une traduction effectuée par un huissier non interprète et ne pratiquant pas la langue créole. Pourquoi le tribunal n’a-t-il pas prononcé un non lieu en faveur de Régine DELPHIN ? Bien au contraire, le tribunal décide de convoquer une nouvelle audience en présence d’un interprète en langue créole désigné par la cour d’appel.

Le 20 septembre 2012, l’interprète traduit certains passages de la vidéo afin de comparer avec la traduction faite de l’Huissier de justice saisi par les parties civiles.

Aussi invraisemblable que cela puisse paraitre, le tribunal décide d’ordonner à nouveau la traduction des propos litigieux par un autre expert en créole guadeloupéen car non satisfait de la traduction faite par la traductrice désignée par la Cour.

Visiblement, il faut absolument condamner Régine DELPHIN coute que coute sur la base des propos retranscrits par l’huissier non interprète et non créolophone.

L’affaire est donc renvoyée à l’audience du JEUDI 13 DECEMBRE 2012 à 8H à la Cour d’Appel de Fort de France.

Pourquoi un tel acharnement ? Est-ce dû à la présence d’une certaine Dominique HAYOT comme juge ? Est-ce une vendetta en représailles du mouvement de 2009 contre les profitants ? Est-ce une vengeance à l’encontre de l’UGTG pour s’être impliquée une affaire dite « Sylvie HAYOT » que la justice voulait étouffer.

Pour rappel : « Pa mannyé mwen, sal nèg » , (ne me touchez pas sales nègres), jets de crachats, gifles, …. Voilà en résumé ce qu’ont subi les sapeurs pompiers venus secourir une automobiliste accidentée samedi 01 octobre 2011 vers 19 heures 45 à Destrellan – Baie-Mahault - Guadeloupe. Et cette dernière ajouta qu’elle fait partie d’ « une grande famille qui a ses entrées à l’Elysée » . Et de poursuivre qu’elle ferait son chien les manger…… Ainsi que cela ressort de l’instruction à l’audience.

Tous ces propos ont été confirmés lors du procès par les sapeurs pompiers eux-mêmes.

Le mardi 24 avril 2012, le tribunal de Pointe-à-pitre n’a pas retenu de condamnation à son encontre pour le délit d’injure raciale car il existe un vice de procédure, imputable aux services du Procureur. Incroyable mais vrai !

Rien d’étonnant. En effet, le jour de l’audience, le vice procureur a répété à trois reprises : « le parquet a fait une boulette » . Tous les étudiants en droit le savent, la procédure à mettre en œuvre en matière d’injure publique à caractère racial est régie par la loi du 31 juillet 1881. Or, aux dires du vice procureur, le parquet se serait trompé, aurait commis « une boulette » en usant d’un mode de convocation inapplicable pour les délits de presse dont fait partie le délit
d’injure raciale.

Et bien entendu, l’avocat de la prévenue a mis en avant cette " boulette" (pain béni) pour exiger et obtenir l’annulation des poursuites pour insultes à caractère racial. Le tribunal s’est donc déclaré non valablement saisi sur ce chef de prévention.

En vérité, cette erreur grossière nous laisse pour le moins dubitatifs. Car le même parquet ne commet pas d’erreurs aussi grossières quand il s’agit de syndicalistes. De là à penser qu’il s’agit en réalité d’une manœuvre destinée à soustraire cette jeune femme ou plutôt ce nom de grande famille béké qu’elle porte à une condamnation pour délit d’injure raciale, …………..

Le tribunal correctionnel a finalement condamné la prévenue au-delà des réquisitions du vice procureur comme pour tenter de se racheter et compenser l’abandon des poursuites pour insultes à caractère racial. D’ailleurs le procureur a annoncé qu’il n’y aurait pas de nouvelles
poursuites, estimant la réponse judiciaire « satisfaisante ».

Dans cette affaire, elle était également poursuivie pour défaut de maîtrise, conduite en état d’ivresse, usage de cocaïne, rébellion, violences et outrages à des gendarmes mais ces derniers
n’ont pas porté plainte. Elle est finalement condamnée à 8 mois de prison avec sursis, à 10 mois de suspension de son permis de conduire et à d’autres amendes dont 1€ symbolique de dommages intérêts comme l’avaient demandé les 4 pompiers.

Eh bien oui, « selon que vous soyez puissants ou misérables, les jugements de cour vont rendront blancs ou noirs ». Décidément, ce vieil adage est plus que jamais d’actualité.

Voila donc les informations que nous souhaitions portées à votre connaissance dans cette affaire.

Au nom de la solidarité ouvrière, au nom de la démocratie, au nom du droit des Travailleurs de Guadeloupe et de leurs organisations syndicales luttant pour leurs légitimes revendications, nous faisons appel 13 Décembre 2012 pou pòté fòs pou kanmarad annou.

Le Secrétaire Général

Elie DOMOTA

Publié par la Centrale UGTG le mercredi 21 novembre 2012

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