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Répression anti syndicale Guadeloupe : intervention de Maître RUBINSTEIN-CARRERA au meeting du CICR (Comité International Contre la Répression)

 

Me Hélène Rubinstein-Carrera, avocat honoraire

Introdution à la réunion à l’initiative du Comité international contre la répression (Cicr) à la Bourse du travail de Paris, le mercredi 12 décembre 2012

Mettre un coup d’arrêt à la répression antisyndicale en Guadeloupe

En juin dernier, le Cicr a invité le secrétaire général de l’UGTG, Elie Domota, à participer à des meetings organisés dans cinq villes : Paris, Lyon, Nantes, Lille et Limoges. Il s’agissait, pour le Cicr, de s’adresser à l’opinion syndicale et démocratique de l’Hexagone.

Plus de mille responsables syndicaux de toutes affiliations ont pris position contre la répression et ont demandé l’abandon des poursuites contre les militants et dirigeants de l’UGTG. L’abandon de la politique répressive à l’encontre des syndicalistes qui ne font qu’exercer leurs
droits — droit de grève, droit de revendiquer, droit de négocier les conventions collectives — dépend du pouvoir de Mme le ministre de la Justice. C’est pourquoi le Cicr a demandé audience à Mme Christiane Taubira.

A force de persévérance, le Cicr a enfin été reçu le 24 octobre dernier par le conseiller aux affaires réservées de Mme le ministre de la Justice.
Nous avons, pendant plus d’une heure et demie, exposé

et soutenu le mémorandum établi par l’UGTG, qui fait foi d’une répression aggravée à la suite des quarante jours de grève du LKP entre le 20 janvier et le 4 mars 2009. Je résume les faits de répression, dans une île de 325 000 habitants, qui touchent un nombre impressionnant de syndicalistes sur une courte période. En avril et mai
2012, cinquante-cinq militants de l’UGTG ont été condamnés pour faits de grève.

lls exigeaient l’application des accords Bino, conclus les 26 février et 4 mars 2009 entre l’Etat et les représentants du LKP.

Si on fait le compte de toutes les affaires judiciaires au cours du premier semestre 2012 contre les militants et dirigeants de l’UGTG, ce sont quatre-vingt-seize militants, salariés du privé et de la fonction publique, qui sont convoqués devant la justice. De plus, ceux qui osent
revendiquer leurs droits en exerçant un droit fondamental pour les salariés, le droit de grève, sont frappés au porte-monnaie par le montant exorbitant des amendes qui leur sont infligées, sans aucun rapport avec leur salaire, contrairement aux principes du droit de ce pays.

La justice, en Guadeloupe, tente de faire peur aux militants de l’UGTG et s’attaque à ses dirigeants, pour ne parler que de deux d’entre eux, Raymond Gauthiérot et Charly Lendo.

Raymond Gauthiérot, qui a précédé Elie Domota dans les fonctions de secrétaire général de l’UGTG de février 2002 à avril 2008, a été condamné, comme un vulgaire délinquant de droit commun, à trois mois de prison fermes pour avoir prétendument dégradé un véhicule et surtout pour avoir « entravé l’exercice de la liberté du travail »,
donc pour fait de grève.

Charly Lendo, secrétaire adjoint de l’UGTG, a été relaxé dans une affaire concernant un conflit hôtelier, mais quand même condamné dans la même affaire pour avoir refusé le prélèvement ADN : mille euros d’amende ! La justice aime frapper au porte-monnaie militants et dirigeants et les tenir entre les tenailles de différentes procédures
longues et sans fin.

En effet, Lendo et Coupin sont convoqués à une audience correctionnelle le 26 mai 2011, mais la procédure est annulée pour vice de forme, les poursuites étant trop imprécises. L’affaire est-elle terminée ? Non ! Ils sont convoqués à nouveau un an plus tard, le 3 mai 2012. A nouveau, nullité... L’affaire est quand même renvoyée au
5 juillet 2012, ce qui fait écrire à Elie Domota : « C’est un dossier monté de toutes pièces dans le seul but d’éliminer Charly Lendo de toutes négociations collectives dans le secteur de l’hôtellerie. »

Toutes ces erreurs et nullités, comme si le procureur ne connaissait pas le droit, ont pour seul but de maintenir une pression inadmissible sur un dirigeant de l’UGTG et, dans ce cas précis, de l’éliminer des négociations dans le secteur de l’hôtellerie.

Une autre affaire contre Charly Lendo constitue en elle même une provocation. Pendant la grande grève de 2009, en février, en pleine nuit, un jeune motard se tue alors qu’il roulait à très grande vitesse et sans casque. Un an après l’accident, le procureur ouvre une information
judiciaire quand toute reconstitution est impossible et que les débris de la moto ont disparu. Qu’importe… Un an après l’accident, quinze syndicalistes et Charly Lendo sont mis en examen, notamment pour « homicide involontaire et blessures ».

En juillet 2012, un non-lieu est prononcé en faveur des quinze syndicalistes qui ont quand même été pendant deux ans sous le coup d’une affaire très grave. Mais, Charly Lendo, lui, est renvoyé en correctionnelle. C’est très choquant et inadmissible pour un avocat, car, suivant une jurisprudence constante, dans les mêmes conditions,
la vitesse excessive et l’absence du port du casque constitueraient
les causes déterminantes du décès du jeune motard… mais pas en Guadeloupe.

Toutes ces procédures iniques, toutes ces condamnations pour faits de grève, toutes ces amendes d’un montant exorbitant, toutes ces poursuites judiciaires contre les dirigeants et militants de l’UGTG, M. le conseiller en a pris soigneusement note pour permettre à Mme Christiane Taubira d’étudier le dossier.

Le secrétaire du Cicr, Gérard Bauvert, a aussi insisté sur la généralisation des prélèvements ADN qui, à l’origine, ont été prévus pour les délinquants sexuels. Ils sont maintenant imposés aux militants et dirigeants de l’UGTG afin de faire passer le militant pour un délinquant. Comme la délégation l’a relevé auprès de M. le conseiller, il appartient à Mme le ministre de la Justice de faire cesser cet
amalgame.

Nous attendons une réponse à ce sujet. Mme le ministre a le pouvoir en effet de changer le cours de la justice en Guadeloupe, qui n’est pas conforme aux lois de la République.

Deux faits qui encouragent à ne rien lâcher :

• la décision de commuer en amende de 900 euros la condamnation de Raymond Gauthiérot à trois mois de prison fermes en date du 12 janvier
2010 ;

• celle d’indemniser par une somme de 8 300 euros la détention provisoire infondée de Gabriel Bourguignon, présenté à l’époque comme incendiaire, incarcéré pendant trente-deux jours en 2002 et relaxé neuf ans plus tard, en août 2011.

Publié par CICR le jeudi 10 janvier 2013

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