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Des cris s’élèvent de toutes parts
frémissent sur la pointe de leur inanité
Voici la peur
Voici l’émoi
Et la riposte du silence
Des cris qui jouent des coudes
Meurtrissent la terre mangue-fil
A bout de forces
Dans ce dédale de pertes
Inscrites sur les murs de l’âme
Voici la peur
Voici l’émoi
Et la riposte du silence
Les hommes engluent leur reddition
Dans les marécages du temps
Qui calme les ardeurs
Pris de visions de grands navires
Pour un très long long voyage
Voici la peur
Voici l’émoi
Et la riposte du silence
Un mouvement imprévu effarouche les nuages
et le regard descend
Corps en bataille sous la calotte d’un ciel
décoloré
Quelle est cette terre à vif sur l’océan ?
La nuit tombe sur le silence
L’île envahie de stupeur
Tend les bras à la recherche d’amarres
Un raz-de-marée emporte les espérances
Voici la peur, voici l’émoi et la riposte du silence
Attraper le silence à la gorge
et lui faire dire ces mots
qu’il couvre de son manteau
quand le soir percent des murmures
que l’on devine capables d’entraîner la mort
sans intention de la donner
Attraper le silence à la gorge
et faire sortir
de nos mémoires
de notre sang
et de nos doigts
cette peur ancestrale tapie dans nos bas-ventres
comme un colique
qui attend pour faire bruit
que la compagnie sorte
Attraper le silence à la gorge
et hurler
hurler à en mourir
que plus jamais nous n’aurons sur la face
ce sourire complice
qui fait de nous nos propres détracteurs
Chuchotis
chuchotis
Nombreux sont les petits aux dents trop longues
Chuchotis
chuchotis
nombreux sont ceux qui charroient la haine
à grands paniers d’osier
trop lourds
pour leur médiocrité
Eh quoi
que voulons nous courir
quand nos pieds en sont encore à s’admirer
de porter des chaussures
quand il n’est plus temps de s’extasier
sur voeu d’égalité
Voici la peine
Voici l’émoi
Et la riposte du silence
Fleurs affadies
qui lâchent odeurs de caniveau
et notre envie
de trouver le soleil
Fuite éhontée
au seuil d’un nouveau siècle
et notre désir d’attacher la lumière
Voix étranglées
en pleine mue
et notre besoin
d’emprisonner le temps
Vomissures étalées
sur pages blanches
et notre soif
de grands destins
Et sans savoir pourquoi
nous avons hérité
ces gestes
de nous tenir la tête
de nous gratter la tête
toujours en proie à quelque indécision
Longtemps
longtemps
et cependant
au bout d’éclatements inattendus
on nous légua
le droit
d’aménager votre silence
O dérision des temps
quand ils sont bien courus
O dérision de la parole
quand de nouveau
seul le silence
est donné
...
Le ciel se revêtit d’indifférence
bleu, bleu, bleu
La vie s’arrêta
à cet instant précis
où la chaleur visqueuse endort l’intélligence
un souffle de vent chaud
plaqua la poussière sur toutes choses
des goustabaks en habit noir
fondirent
sur le jardin
Ah comment dire
que sous les reflets verts
de la mer tant rêvée
mer en colère
mer en douceur
mer fils d’argent
rideaux froissés
scintillements
grondements
échouages
mer sans laquelle les hommes ne seraient pas venus
et le panache ne serait pas
comment dire
que se meuvent des noyés
dans la ouate du bonheur
comment simplement dire
cette certitude de l’instant
accroché à l’attente
d’un sens à toute chose
Dans notre tête
lancinant rappel
un oiseau plane sur le silence
avant toute parole donnée
Longtemps
nous vécûmes de silence
et d’ennui
indifférents à la torpeur
qui nous envahissait
Nous avions achevé la mutation
du silence de nos pères
qui ne se taisaient point
pour n’avoir rien à dire
Une note de liberté
enferrée dans leur gorge
était bien pis qu’un membre qu’on leur aurait coupé
Mais
leur silence
avait la force
de l’hébétude des condamnés à mort
l’on y devine
fragiles et effrayants
comme des ailes qui vous frôlent par surprise
de mots
précipités
arrêtés
à la glotte
dans un silencieux hurlement
Longtemps
le raclement du vent sur les tôles fût la seule parole
qui montait de leurs cases
cependant
leurs yeux
grands ouverts sur la nuit
disaient
tout simplement
qu’il n’est plus aisé de dormir
avec
cette impatience
qui coule
dans chacune de nos veines
sensation exaltante et frustrante à la fois
calmer le sang
calmer le sang
Longtemps
nos pères vécurent
dans le silence
comme dans une eau boueuse
pesant sur leur cerveau
Mais
comme un enfant
danser sa joie
et s’étonner que la musique puisse s’arrêter
si passagère
comme un enfant
rêver
à la porte du monde
et peupler le silence
Oui,
peupler le silence que diable !
Des rires éclatés
dévalant en cascades
le long des mornes durs
de mots balbutiés
et pétris
par des lèvres charnues
de danses légères
sur rythmes inventés
de chuchotements d’amour
derrière l’église
de savants échanges de regards
au-delà des présences indiscrètes
de paroles suggérées
malgré la muselière des morales trop rigides
et
éclater de vivre...
Gerty DAMBURY
| Liens : Bibliographie sélective & Entretien avec l’auteur sur le site Ile en île