Origine du document
   >Site : http://ugtg.org
   >Page : spip.php?article452
   >URL complète : http://ugtg.org/spip.php?article452

Charles BALAGNE : premier Secrétaire Général de L’UTA

 

Tout homme doit mourir un jour, mais toutes les morts n’ont pas la même signification.
Un écrivain de la Chine antique, Sema Tsien, disait : « Certes, les hommes sont mortels ; mais certaines morts ont plus de poids que le mont Taichan, d’autres en ont moins qu’une plume. »
Mourir pour les intérêts du peuple a plus de poids que le mont Taichan, mais se dépenser au service des fascistes et mourir pour les exploiteurs et les oppresseurs a moins de poids qu’une plume.

« Servir le peuple » (8 septembre 1944), Œuvres choisies de Mao Tsétoung, tome III. [1]

Portrait du militant

Fils de travailleurs agricoles, il n’a pas - comme la majorité des enfants de la classe paysanne - la possibilité matérielle de poursuivre des études.
Très tôt, dès l’age de 17 ans, il doit commencer à "gagner sa vie", à vendre sa force de travail à un gros propriétaire foncier, Joseph REYMONENQ. [2]

C’est sa première expérience de salarié agricole, mais aussi sa première bataille contre l’exploitation du "patronat féroce et scélérat". Employé depuis un mois à peine, il prend la tête d’un mouvement de revendication regroupant des ouvriers agricoles pour la plupart deux fois plus âgés que lui.

Son but ? Exiger de REYMONENQ l’application de la législation du travail prévoyant trois semaines de congés payés par an aux travailleurs. Nous sommes en 1946...
Le jour de la rencontre, seules deux ouvrières l’accompagnent, les autres travailleurs ayant pris peur. Il n’allait pas revendiquer pour lui même (il n’a pas encore droit à cette mesure). Il est seul...
Pourtant, sachant qu’il a raison, qu’il lutte pour l’intérêt de la majorité, il se présente, avec ces deux femmes et exige de REYMONENQ le respect de la législation. Et il obtient gain de cause grâce à son courage et à sa détermination.
Il milite ensuite au sein d’une section syndicale d’ouvriers agricoles affiliés à la CGT-G.

C’est sa seconde expérience : celle de la trahison des chefs syndicalistes. Dégoûté, il démissionne de ce syndicat et consacre tous ses efforts à la mobilisation, l’unification et l’organisation de tous les travailleurs agricoles au sein d’un vaste mouvement de masse : L’Union des Travailleurs Agricoles (UTA).
C’est au cours de cette bataille pour la constitution de L’UTA, que les autres travailleurs se rendent compte de ses qualités : simplicité, optimisme, franchise, sérieux, honnêteté, autorité, courage.

Le mardi 12 décembre 1970, ils décident de lui confier la responsabilité de Secrétaire Général de l’UTA.

Commence alors sa troisième expérience : Le syndicat existe depuis 4 mois à peine ; 4 mois de luttes ininterrompues.
Les nombreuses difficultés d’ordre personnel auxquels il doit faire face
face n’entament pas sa détermination à poursuivre son idéal. L’éloignement de sa famille qui vit à Pointe-à-Pitre, la maladie de son épouse, ses neufs enfants à nourrir, vêtir, voyé lékôl, la misère matérielle... rien de tout cela n’est posé comme préalable à l’exécution de sa tâche.

Pourquoi cette détermination ? Comment sont nés ces sentiments ? Comment fût acquise sa conscience de classe ?
Charles BALAGNE est forgé avant tout par les dures conditions d’existence et de travail de sa classe. Les sentiments qui l’animent sont ceux de la classe ouvrière : courage, endurance, dévouement, haine du bavardage et de la mentalité d’esclave docile.
Ses connaissances, ses idées, il les acquiert par le contact permanent avec les camarades et frères travailleurs pauvres, dans la lutte pratique contre l’exploitation des capitalistes usiniers et contre la politique de collaboration des chefs syndicalistes traîtres.

Pour lui "ce qui compte, c’est la réalisation de notre bût, c’est l’action !"


Simple Tragédie accidentelle ?

Lundi 5 avril 1971, vers 21 heures : Charles BALAGNE revient d’une réunion syndicale ; quelques amis le reconduisent en voiture à son domicile à Sainte-Rose, section Bellevue. Débarquant du véhicule il s’achemine tranquillement vers sa demeure. En quelques secondes c’est la tragédie.
Une voiture surgit de la nuit, le coince sur un ponceau et le tue net.
Le chauffeur de la voiture en aurait perdu le contrôle.

Est-ce un accident ? Charles BALAGNE est à ce moment là un des promoteurs du mouvement revendicatif de l’UTA qui tient tête depuis 11 semaines aux usiniers exploiteurs.

Mardi 6 avril 1971 : La nouvelle, aussitôt connue, sème la consternation au sein du Peuple Guadeloupéen.

Tué à l’âge de 42 ans, Charles BALAGNE, père de famille nombreuse, était un exemple vivant de ce que peut être un travailleur, militant, syndicaliste éclairé, combatif, déterminé.
Aussi les étranges circonstances de sa mort valent que l’on se pose des questions parce qu’enfin :

  • Le 5 février, 9 membres de l’UTA sont arrêtés à Douillard, Lamentin ;
  • Dans la semaine du 15 au 25 février, AUBERY menace les travailleurs membres de l’UTA avec deux révolvers ;
  • Le 20 février, un délégué de l’UTA est arrêté à la Ramée, Sainte-Rose ;
  • Le 22 février, un membre de l’UTA est arrêté à la Rosière, Lamentin ;
  • Le 1er mars, un vieux travailleur de 65 ans de l’UISG est sauvagement agressé par les képis rouges à Sainte-Marthe ;
  • Le 3 mars, deux travailleurs sont arrêtés à Comté, Sainte-Rose ;
  • Le 4 mars à 5 heures du matin à la Boucan Sainte-Rose, deux travailleurs membres de l’UTA sont arrêtés et conduits à la gendarmerie de Miquel, Abymes ;
  • Le 5 mars, à 5 heures du matin, 8 membres de l’UTA sont arrêtés chez eux par les képis rouges ;
  • Le 15 mars, vers 1 heure du matin, JASON, Secrétaire Général de Fraternité Ouvrière, syndicat du bâtiment en lutte, échappe de justesse à un attentat par balle ;
  • Le 23 mars, les travailleurs guadeloupéens sont agressés par les képis rouges sur les marches du Tribunal de Basse-Terre...

C’est dans ce climat de violence sur fond d’intimidations patronales et policières que survient la tragédie : Avec sa disparition, le mouvement ouvrier perd un frère de classe, un compagnon de lutte, un travailleur ayant une expérience syndicale accumulée depuis son plus jeune âge dans la pratique constante de la lutte de classe contre l’exploitation des capitalistes usiniers et des gros propriétaires fonciers.
La mort du camarade Charles BALAGNE est un coup dur pour l’UTA et les travailleurs guadeloupéens, mais très vite, dans un tract daté du 7 avril, l’organisation appelle les travailleurs et militants à transformer la douleur née de cette disparition en un "ciment unificateur au service du renforcement de la lutte".

Dimanche 18 avril 1971 : L’UTA, qui a à peine 4 mois d’existence, appelle les travailleurs à défiler à Sainte - Rose pour le 1er mai et à ne pas travailler lors de cette journée internationale de solidarité et de lutte des travailleurs contre le capitalisme. 25 ans après la loi de départementalisation, cette journée n’est toujours pas acquise comme jour non travaillé.

26 Avril 1971 : Edward WAWAWA, est élu Secrétaire Général suite à la mort de Charles BALAGNE.

Dimanche 21 & mardi 23 novembre 1971 : Le dimanche 21 novembre l’Assemblée Générale Ordinaire, à Cadet (Sainte - Rose) élit un nouveau Conseil syndical composé de 25 membres : Léonie BERNARD - Gérard BOUDOU - Sainte-Croix CANVOT - Justilien CHARLES - Pierre CHARLES - René CHICATÉ - Laurent DANINTHE - Jules, "Vernance", GAMBY - Violette GORAM - Claude GOSTYMEN - Tertulien LOUISE - Séraphin, "Jérome", MALBOROUGH - Albert MATHOURAPARSAD - Paul MOEZON - Adrien, "Rosan", MOUNIEN - Sylvère ROUMBO - Marius SERMANCON - Angélo, "Agénor", SPENCER - Adélaïde VALTON - WAWAWA Edward.

Le mardi 23, réuni à Moustique, Sainte - Rose, ce Conseil désigne Thernisien NOMERTIN Secrétaire Général de L’Union des Travailleurs Agricoles (UTA).

Publié par la Centrale UGTG le lundi 24 mars 2014

Notes

[1Citation en exergue du tract de l’UTA suite à l’annonce de la mort de Charles BALAGNE.

[2Blanc béké dont les grands parents esclavagistes venaient de Provence. Il fût aussi maire de la commune de Sainte-rose

Téléchargez les documents joints à l'article

UTA - Tract du 5 avril 1971

Appel à un rassemblement à Grosse-Montagne contre les pratiques de SIMONET.

Fichier de type PDF
Poids : 100.9 ko
Charles BALAGNE est mort

Un frère de classe disparait, mais fidèle à sa mémoire, LA LUTTE continue.

Fichier de type PDF
Poids : 361.4 ko
Est-ce vraiment un accident

Retour sur le climat de violence entourant le décès du dirigeant syndical

Fichier de type PDF
Poids : 124.2 ko
Appel pour le 1er mai 1971

1971 doit marquer un nouvel essor de la conscience et de la lutte des travailleurs

Fichier de type PDF
Poids : 204.6 ko
 

Forum article

Aucune réaction pour le moment !