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Février 1930 : Tueries de Bonne-Mère et des Abymes

 

En janvier 1930, les usiniers proposent de payer la canne aux petits planteurs 115 Francs la tonne, alors qu’un arrêté du gouverneur de la colonie - TELLIER - en fixe le prix à 126,75 Frs. Ce même arrêté prévoit une augmentation de salaires de 10% pour les ouvriers agricoles.

Ces derniers, qui doivent survivre avec des salaires de famine, entièrement absorbés par les augmentations des prix des denrées de première nécessité, se mobilisent pour exposer leur situation au gouverneur de la colonie.

Dans La matinée du jeudi 13 février 1930, 200 à 300 ouvriers venus des habitations de la région des Abymes se rendent à la délégation du gouvernement, Place de la Victoire, pour y porter leurs revendications. Sur place, ils désignent des "délégués" chargés de les représenter. Il s’agit des

  • Ouvriers suivants : Joseph LAMALLE, Nestor LANON, Marcellin LAMBERT, Nicolas STEPHANE, AUZET, Félix MILLON, Angèle MAURICE, Joseph TONIS ;
  • Maires et conseillers généraux : ARCHIMEDE, DAIN, MELOIR ;
  • Me BLONCOURT : avocat-conseil du syndicat des planteurs des Abymes, « La Houe ouvrière ».

Reçus par Emile AUGUSTIN, le délégué du gouverneur, ils réclament une augmentation des salaires sur les bases suivantes :

    • 20 Frs pour les coupeurs (pour une tâche de : rejetons : 225 paquets de 12 kg), au lieu des 8,25 frs payés en moyenne (N.B. : Darboussier : 7,25 Frs)
    • 15 Frs pour les attacheuses (220 paquets de 12 kg), au lieu des 5,70 Frs ;
    • 22 Frs pour les charretiers, payés jusqu’alors 7,75 Frs ;
    • 10 Frs pour le sarclage, le sarcleur étant jusqu’alors rémunéré 4 frs.

PAGES, directeur de l’usine Darboussier et président du syndicat des fabricants de sucre est appelé en consultation. Dans l’après-midi, arrivé de Saint-Claude, le gouverneur préside une réunion du syndicat des fabricants de sucre qui ne donne aucun résultat.

Suite à cet échec, la grève éclate dans les centres agricoles des Abymes. Puis petit à petit, les travailleurs de la Grande-terre entrent en grève et les usines Blanchet (morne à l’Eau), Beauport (Moule) et Sainthe-Marthe (Saint-François) cessent de fumer.
La grève gagne ensuite Petit-Bourg et une bonne partie de la Basse-Terre ainsi que Marie-Galante où les conditions de travail sont pires : 5 & 6 Francs pour 8 heures de travail.
A leur tour, les ouvriers métallurgistes et industriels entrent en grève.

A partir du mardi 18 février 1930, on signale des incendies dans les pièces de cannes de la région des Abymes. Les incidents entre gendarmes et grévistes se multiplient.

Le jeudi 20 février 1930, quelques grévistes arrivent aux environs de Pointe-à-Pitre : la gendarmerie tente de leur interdire l’entrée de la ville au motif que la municipalité aurait pris un arrêté prohibant tout attroupement sur le territoire de la ville.
Le même jour, une réunion entre usiniers, grévistes et le gouverneur. Les usiniers proposent une augmentation de 25 à 39% sur les salaires de 1929 : les délégués, considérant l’augmentation proposée insuffisante, la refusent.

Du vendredi 21 au lundi 24 février 1930, les tentatives de débauchage se multiplient dans les centres. A l’usine Bonne-Mère, la direction décide de rouvrir l’usine qui fonctionne jusqu’alors avec un personnel très réduit, compte-tenu du nombre de grévistes.

Mardi 25 février 1930, vers 13H30, les grévistes, informés de la réouverture de l’usine, viennent à Bonne-Mère pour tenter de débaucher les ouvriers qui travaillent.
La troupe les bouscule, et des coups de feu sont tirés par les gendarmes. Les travailleurs répliquent par des jets de pierres : les gendarmes déclenchent alors une fusillade. Une femme, Estelle DRACON, est tuée.

Aux Abymes, au Raizet, les gendarmes fusillent aussi des grévistes : Augustin LAMALLE et Fénelon GALERY sont ainsi assassinés par les militaires.

Début mars 1930, le travail reprend dans plusieurs centres ; la majoration réclamée par les ouvriers grévistes étant en partie consentie par les patrons usiniers. La grève aura duré deux mois sur certaines propriétés. Ce mouvement reste un tournant dans l’histoire du mouvement ouvrier de la Guadeloupe, car il marque les débuts d’une radicalisation des masses ouvrières.

| Source : Historial Antillais

Publié par la Centrale UGTG le mercredi 30 juillet 2008
Mis à jour le mardi 11 novembre 2008

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