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Haïti : Un appel à la solidarité internationale

>Mots-clés : Solidarités  Haïti 
 

Je suis Fignolé Saint Cyr secrétaire général de la CATH. Notre organisation syndicale est affiliée à l’ATPC à l’échelle caraïbe (Association des travailleurs et des peuples de la caraïbe) ainsi qu’à l’Entente internationale. Nous sommes confrontés comme syndicalistes à de graves problèmes.

Haïti, comme vous le savez, est un pays occupé par la MINUSTAH. Cette armée étrangère sur notre sol est là uniquement pour protéger les représentants et les intérêts des institutions de Bretton-Woods, le FMI, la Banque mondiale, les ambassades et les membres du gouvernement. La présence de la MINUSTAH pose beaucoup de problèmes.

Elle empêche les travailleurs et le peuple de s’organiser. Cette armée d’occupation est composée principalement de militaires venant de pays d’Amérique latine : Brésil, Chili, Bolivie, Equateur, Bolivie, Argentine, Uruguay, etc…et même si formellement elle est dirigée militairement au nom de l’ONU par le Brésil, politiquement ce sont les Etats-Unis, le Canada et la France qui dirigent. Pour La CATH en tant que centrale syndicale indépendante, de lutte des classes, nous avons opté d’une part pour le départ immédiat de la MINUSTAH et d’autre part pour le respect des conventions internationales de l’OIT (Organisation internationale du travail). En Haïti nous avons un gouvernement dont nous condamnons la politique sociale, politique et économique et qui est à la solde des 3 grandes puissances que je viens de nommer. Nous nous sommes inscrits dans une démarche de dénonciation, de mobilisations à l’échelle nationale, régionale mais aussi à l’échelle internationale pour arriver au départ de la MINUSTAH, c’est la condition première pour des changements pour les travailleurs dans le pays.

Alors que le Président Préval dit que pas grand-chose ne peut être fait par l’Etat car les caisses sont vides voici quelques chiffres : la Minustah coute 198 millions de dollars US par an au pays. On dépense chaque jour 500 dollars US par soldat de l’ONU alors qu’un policier national haïtien touche moins de 200 dollars par mois ! Le gouvernement mène une politique ultra libérale, il paie une dette externe aux banques étrangères dont les seuls intérêts sont équivalents à 1 million de dollars par semaine, qui sont pris sur les maigres ressources du pays. Cette dette n’est pas celle des haïtiens mais des dictateurs tels que les Duvallier qui, quand ils étaient au pouvoir, installés la plupart du temps par le gouvernement américain, ont créé cette dette et en plus ont volé le peuple. Pourquoi le gouvernement haïtien actuel ne demande pas la restitution des sommes détournées par Baby Doc, ce sanglant dictateur qui a été accueilli en France pour son exil doré avec ses 800 millions de dollars volés au peuple ?

La France doit aussi nous restituer les sommes qu’elle a exigées en 1825 de notre jeune république pour indemniser les colons esclavagistes qui en avaient été chassés. 150 millions de francs or, équivalent aujourd’hui à 22 milliards de dollars US, voilà comment dès le début Haïti a dû payer le prix fort pour son indépendance et a été mis à genoux sous peine d’être envahi par les armées françaises. La plupart des organisations ouvrières et populaires haïtiennes réclament à l’Etat français la restitution de ces sommes et pour notre part nous demandons aussi l’annulation pure et simple de cette dette externe de 1,3 milliard de dollars. Que cette somme, que les sommes qui doivent être restituées par la France soient affectées aux besoins sociaux les plus urgents, à l’école et aux autres services publics qui sont quasiment inexistants.

Les médias internationaux quand ils parlent d’Haïti c’est-à-dire une fois tous les 6 mois, montrent la violence, la délinquance et la MINUSTAH selon eux serait là pour la paix.
Mais tout cela est pour justifier le maintien des troupes de la MINUSTAH. On a voulu présenter Haïti comme un pays où n’existeraient que des gangs, des kidnappings, une violence à tous les coins de rue. Mais nos camarades et amis qui viennent en Haïti pour apporter leur solidarité, comme l’ATPC et l’Entente Internationale, peuvent témoigner de la vraie situation : notre peuple est un peuple hospitalier, la violence et la délinquance malgré la misère n’y sont pas plus développées que dans des pays riches et qualifiés comme grandes démocraties. Il est vrai que les forces de la MINUSTAH sont qualifiées de forces pour la paix. Mais Haïti n’est en guerre avec personne ! C’était la même chose avec l’IRAK. Il fallait occuper ce pays pour le pétrole et pour cela on l’a accusé de vouloir déclencher une guerre avec des armes nucléaires. Et tout le monde sait depuis longtemps ce qu’il en est vraiment. La vérité c’est que la Minustah est en Haïti pour piller et violer et protéger les exploiteurs.

C’est la raison pour la quelle, avec des organisations syndicales, politiques et populaires d’Haïti dont la CATH avec le soutien de l’ATPC et de l’Entente viennent de lancer un appel à des manifestations le 10 octobre. Après notre dernier congrès du mois de mars dernier nous avons été dans les départements et communes mener une campagne de sensibilisation pour le départ de la MINUSTAH. Le 17 octobre c’est la fête nationale, l’anniversaire de l’assassinat de Jean Jacques Dessalines, père fondateur de la République souveraine d’Haïti. Mais quelques jours avant il sera question de renouveler pour un an le mandat de la MINUSTAH. Alors nous avons décidé de ne pas laisser faire, de nous adresser au peuple tout entier et l’appeler à manifester le 10 octobre en direction du palais présidentiel et du siège du gouvernement pour dire « assez de l’occupation, hors du pays les forces armées étrangères, souveraineté pour notre pays et notre peuple ».

De nombreuses organisations sont d’accord sur le principe d’une telle journée de manifestation, les syndicats du secteur public, le POS, des organisations de jeunes, des organisations populaires. Et tous nous allons avec l’aide de l’ATPC et de l’Entente nous adresser aux travailleurs et aux organisations des pays du continent en particulier ceux qui ont des contingents de soldats en Haïti : le Brésil, le Chili, la Bolivie, l’Uruguay, l’Equateur, l’Argentine, etc…Nous allons dire à toutes ces organisations sœurs :
« Manifestez le 10 octobre, interpellez vos gouvernements, demandez aux Présidents de la République de vos pays, à Bachelet, Correa, Kirchner, Lula, Morales, Vasquez, qu’ils ne renouvellent pas le mandat des troupes de leur pays et qu’ils retirent immédiatement leurs soldats du sol d’Haïti et faisons ainsi ensemble de ce 10 octobre prochain une journée de mobilisation continentale pour le droit des peuples du continent américain à disposer d’eux-mêmes, à vivre en paix dans des nations souveraines. »

Nous invitons dans le même temps toutes ces organisations du continent à la 3ème conférence caraïbe qui va se tenir les 12 et 13 décembre en Haïti à l’initiative de l’ATPC, de l’Entente, avec la CATH, le POS et de nombreuses autres organisations haïtiennes. Cette conférence aura pour thème : « défendre Haïti, c’est nous défendre nous-mêmes ! »

A propos de la situation de l’emploi en Haïti je voudrais signaler que 80% de la population active est au chômage mais qu’il y a par contre plusieurs zones franches dans notre pays. A Ouanaminte nous avons une zone franche dans laquelle les travailleurs reçoivent une pitance. Cette zone franche est administrée sous le contrôle d’une loi américaine, la loi Hope votée par le congrès américain pour libéraliser les échanges et supprimer quasiment les droits de douane au seul profit des multinationales américaines qui s’y sont implantées. Le salaire journalier y est de 70 gourdes, 2 fois moins que le salaire minimum, soit moins de 1,5 dollar. Le transport et la nourriture reviennent plus cher pour ces travailleurs si bien qu’ils sont obligés de faire appel à des usuriers pour des prêts et pouvoir garder leur travail. Ces travailleurs ne peuvent pas s’organiser en syndicat et les patrons n’embauchent que des femmes parce que parait-il qu’en Haïti, elles sont moins revendicatives que les hommes. Comme centrale syndicale, nous menons un combat avec notre section femmes en terme de formation et d’éducation pour que ces femmes puissent se prendre en main et se défendre.

La situation à cette rentrée scolaire qui devait avoir lieu le 8 septembre est catastrophique. Des parlementaires demandent que le gouvernement décide de reculer la rentrée des classes à mi-octobre. Il y a un vide institutionnel. Avec les émeutes du début avril, le gouvernement est tombé et il a fallu attendre le mois de juillet, plus de 3 mois pour qu’à nouveau un premier ministre soit nommé. Ils ne savent pas comment faire face à la situation, ils ont peur de l’explosion de la rue car les parents ne peuvent même pas acheter le strict minimum pour la rentrée des enfants. Notre section femmes engage une campagne auprès d’organisations syndicales en Europe, aux Etats-Unis, en Guadeloupe, etc… qui partagent nos objectifs pour leur demander une solidarité internationale et aider dans ce cadre 2 à 300 familles à faire entrer leurs enfants à l’école. Avec la catastrophe provoquée par le passage des premiers ouragans la situation a encore empiré. De centaines de camarades et sympathisants se retrouvent dans le plus grand dénuement.

C’est dans ce contexte général que notre organisation combat. La CATH a 7 fédérations à travers le pays et 5 organisations syndicales, l’Association des femmes qui est très importante, la section des droits humains et syndicaux. Nous sommes représentés dans différents secteurs d’activités : le secteur informel, la sous traitante dans les zones franches, la paysannerie, le transport, le commerce et maintenant l’hôtellerie. Nous sommes 30 000 membres, dont 25 000 payent une cotisation modique mensuelle de 10 gourdes (0,20 euro). Pour faire fonctionner la machine, la centrale, on ne peut pas le faire sans la cotisation des adhérents, nos ressources ne peuvent venir que de nos adhérents mais elles sont totalement insuffisantes. Il faut bien se rendre compte que nous ne sommes qu’à 1h30 des Etats-Unis, que le pays est rempli d’ONG, et donc un syndicat de lutte de classe qui combat l’impérialisme et le néo colonialisme est soumis à de très fortes pressions, mais il faut maintenir notre ligne et notre combat. Haïti est un pays où le peuple se bat chaque jour pour survivre, faire manger les familles.

Comme centrale syndicale vous voulons être indépendant, du pouvoir, des ONG, des églises, des partis. Il y a en Haïti des syndicats sans troupes, sans syndiqués. Ces dirigeants-là, le groupe des 13 sont en négociation journalière avec le Président Préval. Ils ont signé un texte commun avalisant l’augmentation du prix de l’essence à la pompe.

Pour sa part la CATH, comme d’autres syndicats, veut rester à tout prix une centrale indépendante du pouvoir. Nous venons de prendre l’initiative d’une tombola pour trouver un peu d’argent. Nos camarades de Travayè é Péyizan de Guadeloupe, organisation affiliée à L’ATPC et à l’Entente nous ont édité 10 000 tickets que nous allons placer en Haïti et à l’extérieur. Nos camarades de l’UTHTR-UGTG aussi sont en train d’organiser la solidarité avec nous. Nous avons besoin de cette solidarité, d’accords bilatéraux avec les organisations syndicales qui nous ressemblent.

Je voudrais lancer un appel et dire à tous nos camarades au plan international, en particulier à nos camarades de l’Entente et de l’ATPC, que nous avons besoin de leur aide et de la solidarité ouvrière internationale pour aider notre combat pour reconquérir notre souveraineté, pour qu’Haïti se sorte de cette spirale infernale dans laquelle on l’a plongé. Pour ceux qui le peuvent venez nous voir, venez partager notre lutte. Et pour tous camarades de l’Entente et de l’ATPC, aidez-nous à divulguer la vérité sur les responsables de la situation que nous vivons, qui sont les capitalistes exploiteurs. Dites partout que nous ne sommes pas des barbares, que les barbares sont ceux qui veulent nous ramener aux conditions de l’esclavage que nos descendants ont subi. Vive la solidarité ouvrière internationale !

Fignolé Saint-Cyr, secrétaire général de la CATH.
Port au Prince le 23 août 2008.

Post-Scriptum

Dernière minute :

Depuis que cet appel à la solidarité internationale a été lancé, 2 nouveaux ouragans ont ravagés une partie du pays, Fignole Saint Cyr apporte les précisions suivantes « Officiellement le gouvernement haïtien annonce au moins 500 morts, des centaines de milliers de personnes sinistrées, sans abris. Plusieurs départements du Pays (Gonaïves, Artibonite, etc…) ont été totalement dévastés, les plantations ont été détruites. Les réfugiés sont pour la plupart privés de nourriture et d’eau potable. L’aide internationale annoncée des Etats-Unis, et des pays de l’Union européenne est bien minime en regard de cette situation et aussi des sommes qu’ils sont capables de verser pour entretenir l’armée d’occupation de 9 000 soldats depuis 4 ans !

Notre centrale syndicale qui a très peu de moyens aide du mieux quelle peut ses adhérents et le peuple à faire face à cette terrible situation. D’ores et déjà nous dénombrons la mort de plusieurs de nos syndiqués aux Gonaïves. Il va nous falloir aider leurs familles, et malheureusement la liste ne va pas s’arrêter là. Et puis il y a la rentrée scolaire prévue le 8 septembre qui ne pourra pas se faire, déjà que les familles n’avaient pas de quoi acheter les fournitures pour les enfants ….Deux autres cyclones sont annoncés dans les prochains jours.

Dans cette situation nous avons besoin comme vous le savez de toute votre solidarité et à travers vous de celles des organisations qui comme nous sont membres de l’ATPC et de l’Entente. Transmettez-leur s’il vous plait les appels de la CATH et de l’Association des femmes haïtiennes, dites leur que nous ne sommes pas des ONG et que nous ne faisons pas la mendicité, qu’ils sachent qu’il y a dans notre pays misérable et dévasté et occupé, des militants, des organisations syndicales, ouvrières et populaires qui luttent avec notre peuple pour faire tenter de faire face à cette terrible situation. »

Publié par la Centrale UGTG le samedi 4 octobre 2008
Mis à jour le dimanche 12 octobre 2008

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