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Kanaky : Bilan de la répression judiciaire contre l’USTKE

Cailloux symboliques
>Mots-clés : Justice coloniale  
 

Nou pa tou sel ka lité, nou pa tou sel ka konbat espwtasyon kapitalis & dominasyon kolonyal a léta fwansé.
Dans l’article qui suit, l’USTKE dresse un bilan de la sauvageire de la repression judiciaire & de l’Etat colonial français en Kanaky et analyse les raisons d’un tel acharnement judiciaire.

Le bilan de la répression judiciaire à l’encontre des responsables et militants de l’Union Syndicale des Travailleurs Kanak et des Exploités, est sans précédent dans l’histoire syndicale de notre Pays. Une tentative d’extermination en règle de l’exécutif de notre organisation syndicale qui vient nous rappeler, le caractère colonial de la politique de l’Etat Français en kanaky. Un état colonial qui ambitionne d’éliminer du débat politique en cours, toute menace à sa stratégie de recolonisation du Pays. Une atteinte à la démocratie ? Non tout simplement une "démocratie à la française" aux antipodes.


Pour l’affaire de Carsud : l’arrêt de la Cour d’Appel du 9 septembre dernier a rendu ce jugement :

- 16 camarades USTKE ont pris deux mois fermes assortis d’un mois de sursis : Mr Béalo, Mr Mai, Mr Laufau, Mr Malo, Mr Hanquez, Mr Kalato, Mr Sipa, Mr Kalou, Mr Hmae, Mr Vaïagina, Mr Hnauk, Mr Pouya, Mr Logona, Mr Launay, Mr Kouriane, Mr Wahmereungo.
- La cour a condamné les camarades suivants Kai et Eva (2 mois fermes), Mr Boanemoa (Secrétaire Général de la fédération transport de l’USTKE) prend 4 mois fermes, Mr Faufau (secrétaire général adjoint de la fédération Industrie) prend 6 mois fermes dont 4 mois avec sursis. Mr Waikedre (Secrétaire Général de la fédération Industrie) prend une peine de 9 mois dont 7 mois avec sursis. Mr Jodar (Président de l’USTKE) écope pour sa part de 12 mois dont 9 mois avec sursis.

Concernant les dispositions civiles : 16 102 026 francs CFP à titre de dommages et intérêts est à verser à l’agent judiciaire du Trésor (condamnation solidaire pour les 19 prévenus). 100 000 francs CFP est à verser à la partie adverse.

Michel Safoka (Secrétaire Général USTKE du BTP) a été relaxé sur l’affaire portant sur la séquestration et l’enlèvement virtuel de Mr Delaisse (Directeur de Carsud) lors des affrontements entre les forces de l’ordre et nos militants aux abords de Carsud.

Le 19/08/08 Mr Safoka a par contre été condamné à 3 mois d’emprisonnement pour les faits lors de l’arrivée du ministre de l’Outre-Mer, Mr Yves Jego, le 29 mai 2008.

Concernant une autre affaire datant d’octobre 2007 durant la grève d’ECT à Numbo. Mr Safoka a été condamné à de 2 mois et Mr Vaiagina, à 4 mois d’emprisonnement avec sursis. Ajouter à cela, toujours en relation avec la grève d’ECT, Mr Safoka et Mr Vaiagina ont écopé de 2 mois avec sursis, Mr Takaitai et Mr Vainipo d’un mois avec sursis, pour entrave à la circulation.

Pour comprendre comment s’opère la justice coloniale française en Kanaky nous vous proposons de revenir sur le déroulement de ces procès et plus précisément celui en appel qui s’est tenu au tribunal de Nouméa, le 15 juillet dernier et au cours duquel 22 syndicalistes de l’USTKE, ont été condamnés à des peines de prison ferme, suite aux affrontements du 17 janvier dernier au dépôt de Carsud, en Kanaky.

A la barre, les syndicalistes poursuivis sont à l’image de la société calédonienne et des ethnies qui la composent. Les âges varient de la cinquantaine pour les plus âgés à la vingtaine pour les plus jeunes. La quasi totalité d’entre eux a un casier judiciaire vierge.


C’est bien évidemment le Président de l’USTKE, entouré de deux responsables de la fédération STKE de l’industrie, qui est appelé en premier à la barre. La question de sa responsabilité, dans les affrontements et surtout dans la résistance des militants, face aux forces de l’ordre, est systématiquement évoquée par le 1er président de la cour d’appel. Comme si les adhérents de notre organisation appartenaient à un groupe armé, entraînés pour nuire aux forces de police et de gendarmerie et répondant aveuglément aux ordres d’un Général Président. Une caricature insultante, qui nous rappelle cette logique coloniale qui voudrait que seule une personne, d’origine européenne de préférence, serait responsable, dans notre pays, de tous les actes de résistance commis particulièrement par des Kanak et des océaniens. Pour cette justice, rendue au nom du Peuple Français, les autochtones de notre Pays et de ceux environnants seraient donc incapables de penser et donc d’agir par eux mêmes.

Le 1er président énonça également la liste des blessés et des dégâts matériels du côté des forces de l’ordre et accentua dans son propos, la culpabilité dans ces débordements de l’organisation et donc de ses responsables avec en 1er lieu son Président, Gérard Jodar. L’Avocat Général s’aventura, pour sa part, à nous faire un cours magistral sur sa conception du syndicalisme et fit le rapprochement avec le procès du Président de la CSTNC (autre syndicat syndicat Néo Calédonien) dont il vanta l’engagement devant la cour, à ne faire dorénavant que des grèves politiquement correctes.

Seulement voilà, Gérard Jodar n’est pas Sylvain Néa, tout comme L’USTKE ne sera jamais la CSTNC.

En réponse, le Président de notre organisation syndicale rappela les faits en précisant que les actes reprochés aux syndicalistes ne sont qu’une riposte justifiée par l’attaque violente des forces de l’ordre venues déloger, sans sommation, le piquet de grève de Carsud, au milieu de la nuit avec un arsenal démesuré pour un conflit social. Le président de l’USTKE poursuivit en réaffirmant solennellement à la cour que l’USTKE resterait l’USTKE et que notre organisation syndicale continuerait son combat social selon ses convictions, tout comme son combat politique avec le Parti Travailliste et que toutes les condamnations à l’encontre de sa personne ne sauraient porter atteinte à cet état de fait. Et de conclure en rappelant toute la confiance qu’il accordait aux responsables de l’organisation pour poursuivre le travail en cas d’absence de sa part.


Après cette entrée en matière dans les débats, suivirent les auditions des 21 autres camarades. Que dire des éléments à charge si ce n’est de la part des magistrats, l’obstination à ne pas prendre en compte le facteur émotionnel et l’ordre chronologique dans lequel se sont déroulés ces affrontements. Le passage des « cailloux symboliques » dans les auditions de plusieurs de nos camarades témoigne de la difficulté pour ces derniers, dans leurs tentatives d’explications à la cour de ce qu’ils ont vécu ce soir là, face aux forces de l’ordre. Les magistrats ne comprenant pas qu’à travers le terme « symbolique » les syndicalistes exprimaient leur impuissance face aux tirs de flashball et de grenades lacrymogènes contre lesquels le lancer de caillou à mains nues n’était qu’une protection illusoire.

Si les dégâts occasionnés dans ce cadre restent évidents, la responsabilité individuelle et le caractère prémédité de ces actes ne peuvent être retenus contre des gens qui se sont protégés comme ils l’ont pu face à l’acharnement des forces de l’ordre. Une intervention musclée, rappelons le, qui a duré la moitié d’une nuit et se prolongea jusqu’à 10h00 le lendemain matin, bien au delà de l’emplacement du piquet de grève de Carsud, soit à plusieurs kilomètres du dépôt de l’entreprise en question.

Pendant les auditions, certains syndicalistes ont du mal à s’exprimer en Français qui n’est pas leur langue maternelle. D’autres ont préféré écourter les échanges. Tous ont été impressionnés par des professionnels de la magistrature habitués, du haut de leur estrade, à rendre une justice selon des principes et des codes qui échappent encore à la compréhension de beaucoup trop de calédoniens.

Que retenir de plus, sinon que l’avocat général tout comme la partie civile, a demandé le maintien des condamnations dont ceux avec de la prison ferme et le remboursement des frais évalués à plusieurs millions pour le préjudice matériel subit par les forces de l’ordre. Un montant à supporter collectivement par les 22 syndicalistes, comme précisé ironiquement par la partie civile qui voulait insister sur le fait que la sanction respectait le caractère solidaire, abondamment utilisé par les camarades, pour justifier leur présence au côté des grévistes de Carsud, le 17 janvier dernier.

En se remémorant toutes ces auditions, on se dit finalement, qu’à travers nos 22 camarades, c’est la représentation de tout un Pays qui a été jugée ce jour là, en appel. Tout au long des débats, s’est laissé découvrir un aperçu du destin commun, construit sur la base d’une résistance collective aux injustices sociales et à l’arbitraire patronal, dans notre Pays.

Maître Laurent Aguilla, après avoir précisé le contexte dans lequel se déroulent ces faits, a rappelé les déclarations de guerre de la province Sud à l’encontre de l’USTKE, dans les médias locaux. Une politisation à outrance depuis le début de ce conflit par les responsables de cette province, au moment même où l’USTKE donne naissance au Parti travailliste. Un nouveau venu, pas apprécié du tout, loin s’en faut, par les partis politiques calédoniens existants. L’avocat revint également sur l’intervention des Forces de l’Ordre, sur le piquet de grève de Carsud, jugée irresponsable à 2h00 du matin et sur les exactions commises par beaucoup d’entre eux contre les grévistes et leurs biens. Maître Aguilla conclut sa défense en appelant les magistrats de la cour d’appel à aller dans le sens de l’apaisement et de rappeler que déjà un précédent jugement avait envoyé durant 4 semaines en détention provisoire, au Camp Est (prison de Nouméa) 19 de nos camarades.

Le verdict rendu le 9 septembre dernier et détaillé ci dessus est sans équivoque.


Un acharnement judiciaire, matérialisé par le Procureur Général de l’époque, Robert Blazer, qui n’a cessé de s’en prendre à l’USTKE et ses responsables. Un entêtement de ce dernier qui traduit la volonté affichée de l’Etat Français à vouloir réprimer, condamner, emprisonner et finalement criminaliser les responsables de l’USTKE. Ont-ils tous jeté des cailloux même symboliques ou agressé physiquement des tiers comme pourrait le laisser penser les arrestations rocambolesques, ces derniers mois de plusieurs d’entre eux. Seraient-ils donc des grands criminels, des terroristes et traités donc comme il se doit ?

Gérard Jodar, Président de notre organisation et tous nos responsables n’ont jamais lancé ne serait-ce que l’ombre d’un caillou sur qui que ce soit et encore moins agressé ou frappé une personne.

Alors pourquoi cet acharnement ?

L’explication réside certainement dans les choix faits par notre organisation syndicale et plus particulièrement les choix politiques qui visiblement agacent voire dérangent les plus hautes autorités de l’Etat Français, garantes des intérêts de quelques uns dans notre Pays et pas des moindres. Parmi les bénéficiaires de cette politique répressive à l’encontre de l’USTKE, bien évidemment, l’UMP local détient une place privilégiée et avec lui d’une manière générale la droite locale avec au 1er rang l’Avenir Ensemble. Ce qui est plus étonnant et qui contribue à légitimer aujourd’hui cet acharnement sans état d’âme des appareils d’Etat, c’est la complicité du 3ème signataire de l’accord et dont le mutisme ininterrompu depuis le début du conflit Carsud est révélateur de son parti pris dans la situation que vivent actuellement l’USTKE et ses responsables. Nous parlons ici du FLNKS chère à la conscience collective indépendantiste. Il est bien évident que depuis les Présidentielles, puis les Législatives et enfin les dernières municipales, la stratégie arrêtée par l’USTKE lors de son Congrès en décembre 2006 à Kowé Kara Nouméa, a attisé les oppositions les plus farouches de ceux qui hier déjà condamnés les grèves de l’USTKE à RFO ou encore au port. Ceux là même qui lors d’un récent comité des signataires en France autorisaient au travers de leur signature au bas d’un document, ce qui allait devenir par la suite une répression systématique sans précédent par l’Etat Français en kanaky, de tout mouvement social, par les syndicats et l’USTKE en particulier.

Pourquoi donc cette opposition farouche à l’USTKE a rallié le camp indépendantiste et le FLNKS plus précisément contre le seul syndicat indépendantiste en Kanaky ? Là est la question.

Toutes ces condamnations nous ramènent à ce constat que l’USTKE dérange dans ce pays. Tout cela trouve son sens qu’au travers d’une lecture politique et sociale de la situation dans notre Pays qui se prépare à vivre des échéances capitales telles les prochaines élections provinciales. Occasion de faire le bilan de son implication dans l’Accord de Nouméa, pour chaque signataire qui ne souhaite pas, dans ce débat, la participation de l’USTKE et avec lui du Parti Travailliste.


Ce nouveau parti créé à l’initiative de l’USTKE est probablement un début de réponse à cette répression syndicale. Mais pas seulement, un nouveau parti ne suffirait pas à expliquer tout cela, sauf si il incarne, un espoir pour les gens de ce Pays qui ne se retrouvent plus dans un dispositif institutionnel ne prenant plus sérieusement en compte leurs intérêts. Un espoir parmi des gens de plus en plus nombreux qui, lassés des non-dits chers à un historien Néo Calédonien, font peser une menace à l’endroit de ceux qui aujourd’hui gèrent consensuellement les affaires du Pays. Un espoir que le Parti travailliste incarne à l’occasion de ces échéances électorales. Un parti Travailliste qui par sa présence aux prochaines provinciales élèvera le débat lors des propagandes afin de faire le point sur l’avancement des dossiers défendus par l’USTKE et chers à beaucoup de calédoniens tels que la protection de l’emploi local, le contrôle des flux migratoires, la mise en place d’un schéma directeur des mines, la citoyenneté calédonienne ... et les sujets ne manquent pas. Tout ce qui finalement a fait adhérer les gens massivement à l’Accord de Nouméa et pour lequel nous attendons toujours, 10 ans après, la consécration politique et juridique.

Le message de l’USTKE et du nouveau parti travailliste est clair. Il ne peut y avoir de destin commun possible dans notre Pays avec un système économique et social, qui continue d’enrichir les riches et appauvrit les pauvres tels les autochtones de Kanaky. La stabilité politique est un leurre si rien n’est fait pour résorber le fossé social qui s’agrandit entre d’un côté la grande majorité des calédoniens et de l’autre la classe dominante composée de plus en plus de nouveaux arrivants. Le discours d’autosatisfaction, maintes fois entendu, des signataires de l’Accord de Nouméa, au travers de l’avancée des projets miniers du Nord et du Sud ou des signes identitaires ressuscités en fin de mandature, ou encore récemment sur la protection des lagons calédoniens ne suffira pas à changer une logique coloniale ancienne, bien en place et caractérisée par l’absence de répartition équitable des richesses dans notre Pays. C’est sur cette question essentielle avec celle du rééquilibrage qui résument la lutte de l’USTKE ces 27 dernières années que nos responsables font l’objet aujourd’hui d’une répression autant policière que judiciaire, jamais atteinte, dans notre Pays. Là est la vérité.

Mais comme l’a rappelé le Président de notre organisation syndicale face à ses juges, l’USTKE restera l’USTKE et toute cette répression, aussi pénible, douloureuse, injuste, inhumaine soit elle, ne saurait nous dévier, de notre combat social et de notre engagement politique tels que résumés dans le préambule des statuts de notre organisation syndicale créée en 1981.

USTKE
Jeudi 02 octobre 2008

- Site internet de l’USTKE : Cliquez ici

Publié par Auteur ext. : USTKE le lundi 20 octobre 2008
Mis à jour le vendredi 26 décembre 2008

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