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Yes we can ?! Wi, Nou pé fèy !

Tribune libre : Les victoires de L. Hamilton & B. Obama
 

Yes We Can !

Nou pé fey ! Nou sé moun, nou pé fey : Sé sa Barack Obama ka di nou dèpi on lanné !

Sé sa Lewis Hamilton di nou osi dimanch pasé.

En Trois jours, 2 hommes « métisses » certes, mais se disant profondément noirs dans leur être, dans leur âme ont redonné espoir aux millions de noirs que nous sommes à travers le monde.

Barack Obama l’a bien dit : je suis métis, mais les humiliations que j’ai subies n’étaient pas adressées au métisse, mais bien au noir de ma couleur de peau ! Je suis noir !

Ils se sont tous les deux clairement positionnés aux yeux du monde comme étant noirs et ont dépassé les limites que leur a fixé ces mondes et ces milieux profondément racistes, profondément ségrégationnistes qui prétendait que jusqu’ici les noirs étaient cantonnés à ce qu’ils savent faire de mieux selon les clichés : courir…après le ballon, après le chronomètre, courir…chanter… : Michaël Jackson, Nat King Cole, James Brown, Ray Charles, Beyoncé pour les plus connus ou les plus jeunes… Voler… Se droguer… Tuer…

Après des siècles d’esclavage, d’exploitation, de misère, de domination, deux hommes noirs ont décidé de réaliser le rêve de Martin Luther King et de millions d’autres. Jesse Jackson en a pleuré, certains d’entre nous aussi.

Aujourd’hui, le monde entier salue la victoire d’un noir, contre une Amérique de la peur, contre une Amérique raciste, contre une Amérique en guerre contre tout ce qui est autre, qui n’est pas soumis

Mais ce rêve n’était également réalisable qu’en Amérique…Peut-on imaginer une chose pareille en France…Un noir qui en moins de 10 ans (il est élu sénateur de l’état de l’Illinois en 1996), passe du statut de Sénateur régional à celui de 44ème Président des Etats-Unis d’Amérique, première puissance mondiale ?

La réponse est non ! L’insistance avec laquelle l’ensemble des média français reprend la phrase « un noir à la maison blanche » le prouve ; le retour de Rama Yade sur les plateaux de télévision nous conforte dans le fait que ce pays est loin de la diversité culturelle que son Président fait semblant de prôner depuis 1 an ! Combien de noirs à la tête d’une entreprise du CAC 40 ? Combien de noirs à la télévision ? Combien d’acteurs noirs reconnus ? Combien d’écrivains noirs reconnus ? Ils se comptent sur les doigts d’une seule main……Prenons la Guadeloupe : Combien de guadeloupéens à la tête des grandes administrations d’Etat ; combien à EDF, combien à la DRAC (notre culture est dirigée par d’autres !)…Là aussi, ils se comptent sur les doigts d’une seule main…

Dimanche dernier, nous avons été nombreux a attendre le dernier tour d’un grand prix d’anthologie pour voir sacrer Lewis Hamilton, plus jeune champion de l’histoire de la Formule 1, sport d’élite (il n’y a que 22 pilotes de F1), théoriquement et statistiquement inaccessible à un « homme de couleur », comme l’a dit un jour un journaliste sportif, sauf si c’est un prince arabe fortuné, capable de se payer une écurie de formule 1.

Ka sa ka di nou, nou gwadloupéyen ? Kè yo pa janmè oubliyé ki moun ki papa yo, ki moun ki fanmi a yo, kè yo pa janmin oubliyé la yo soti é kè yo apwann istwa a pèp a yo. Pou yonn, i ki ti ilet ay pou ay étidyé adan on gwan inivèwsité a blan ; pou lot, sé papa’y ki montré’y chimen…

Jodi la, yo pé transmèt sa yo apwann, yo pé montré jénès an nou kè chimen la pé kontinyé ; i pa ka bout yen ki adan on la jol, i pa ka bout yen ki an drog, i pa ka bout adan on entwepo. Chimen la Delgrès, Ignace, Césaire, Cheik Anta Diop, Mandela, Luther King, MalcomX trasé ban nou pé ké janmè bout si nou vlé i kontinyé…Sé nou ka fey, pon dont moun pé ké janmè key ban nou.

Alors, il nous faut apprendre nos histoires : l’histoire de l’Afrique, l’histoire de nos déportations, l’histoire de nos grands hommes, l’histoire de la ségrégation, la lutte pour les droits civiques, Rosa Parks, l’histoire de l’esclavage, l’histoire des luttes de nos ancêtres, nos chants, notre gwo ka…pour savoir et transmettre…

Il nous faut lire….lire, relire Césaire, Anta Diop, Fanon, Toni Morrison (seule auteure afro-américaine à avoir reçu le prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre), Condé...,
Il nous faut faire lire…

Il nous faut découvrir… redécouvrir tous ces guadeloupéens, tous ces martiniquais, tous ces africains, qui contribuent à faire rayonner la culture noire à travers le monde.

Il nous faut nous réapproprier notre pays, notre culture, notre terre, nos arbres, nos fruits. Le succès des manifestations comme celle de Beauport autour de la banane le prouve.

Il nous faut nous réapproprier nos chants, nos danses, nos proverbes, kréyol an nou et quelque soit l’endroit où nous sommes, nous saurons qui nous sommes, nos enfants sauront qui ils sont.

Il nous faut ouvrir nos esprits aux autres cultures, noires, blanches, indiennes, arabes…c’est dans la connaissance de l’autre que nous puisons nos forces, c’est la confrontation à l’autre qui nous permet de savoir qui nous sommes.

Ka sa ka di nou, nou fanm gwadloupéyenn ? Nou ka gadé Michelle OBAMA, on fanm doubout, pwèmyé négress ki kay rantré an gran kaz blan a yo la !

Sans renier nos valeurs, nos traditions, nous évoluons…Le mythe –disons-le- religieux, chrétien qu’ils ont réussi à inoculer à notre société guadeloupéenne a vécu : mariée, mère, femme s’occupant de son foyer avant 25 ans, sinon nous ne sommes plus vraiment des femmes…voilà ce que la colonisation, puis l’évangélisation a fait de nous.

Voilà ce que beaucoup d’entre nous croient encore, malgré les 47% de chômage & de sous-emploi frappant les nôtres ; malgré les 70% des nôtres sans qualification et sans diplôme…

Michelle OBAMA a eu sa première fille à 35 ans et sa deuxième fille à 37 ans ! Une horreur pour notre société : moun pa ka fè ti moun a laj la sa ankô ! Elle a pris le temps de faire des études, elle a pris le temps de s’accomplir professionnellement, elle a pris le temps d’être femme avant d’être épouse et mère…Une hérésie…jusqu’au 4 novembre 2008 !

Aujourd’hui, le monde entier a les yeux tournés vers l’une des plus jeunes « First Lady », la première noire qui loin d’être une potiche qui va inaugurer les chrysanthèmes et être Présidente d’associations qu’on aura choisi à sa place… acccompagne son mari dans l’accomplissement d’un rêve, d’un espoir fou et aura elle aussi sa place dans les plus hautes sphères du pouvoir américain.

Nou pé fey ! nou ni dwa fey, pon moun pé ké fey ban nou..Alors oui, cela bouleverse l’ordre établi, cela bouleverse les croyances, sa ka chouboulé lespwi an nou, nonm kon fanm, nou pè….mais si Barack et Michelle OBAMA n’avaient pas fait taire leurs peurs, ils n’auraient pas écrit l’histoire…

Ce mardi 4 novembre 2008 a libéré les espoirs, a libéré la parole, a ouvert des portes à beaucoup d’entre nous. Il a réuni des familles autour d’une télé…Les plus anciens ont parlé d’an tan Sorin, ont évoqué la honte qu’ils avaient à aimer le gwo ka à l’époque..mizik a vyé nèg…leur fierté de voir le gwo ka réhabilité, leur fierté d’avoir lutté pour que leurs enfants parlent créole dans un environnement hostile, leur fierté de continuer à transmettre cette langue, ses expressions, leur fierté d’être guadeloupéen tout simplement.

Jozèf
Moule, le 7 novembre 2008

Publié par Jozèf le vendredi 7 novembre 2008
Mis à jour le vendredi 21 novembre 2008

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