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Action sanitaire & sociale : Penser & agir en Guadeloupéen

Aux origines de L’UTED-UGTG
 

Retracer l’histoire de notre organisation après son trentième anniversaire relève aujourd’hui d’une démarche pédagogique au profit des plus jeunes adhérents. Mais c’est aussi pour nous tous l’occasion de revisiter le travail réalisé en matière d’action syndicale dans ce secteur qui a pris une très grande importance dans la société guadeloupéenne.

L’exercice m’a paru souvent exaltant, car il m’a amenée à revivre l’audace, la fougue et la foi qui nous animaient alors. Cependant, et vous le comprendrez, il s’est aussi révélé très douloureux. Je remercie Viviane QUIROS, actuelle secrétaire générale de l’UTED de la confiance qu’elle m’a témoignée en sollicitant ma contribution aux travaux de l’assemblée générale du 21 juin 2008. Pour ma part, il me semble qu’il est plus que temps de fixer par écrit cette partie de l’histoire de l’UGTG et plus généralement du syndicalisme en Guadeloupe. Nous ne pouvons plus nous contenter d’une oralité qui s’évapore trop aisément avec les années.

La création de l’UTASS ne peut se comprendre sans rechercher les racines du mouvement syndical qui va transformer les luttes sociales en Guadeloupe à partir des années 70.

L’ENVIRONNEMENT ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET POLITIQUE DANS LES ANNÉES 70

Le contexte social et politique de la Guadeloupe des années 60 semble avoir été déterminant dans l’éveil des consciences des jeunes lycéens et adolescents.

Les événements de Mai 1967 provoquent un traumatisme profond dans l’opinion et font naître un esprit de révolte dans la jeunesse.

En France, les jeunes rejoignent les associations de travailleurs : l’AGTAG (Association Générale des Travailleurs Guadeloupéens) et d’étudiants : l’AGEG (Association Générale des Etudiants Guadeloupéens).

Dans ces instances, de nombreuses questions émergent dont celle du retour au pays et du rôle des intellectuels.

A partir de 1970, la Guadeloupe connaît des mouvements ouvriers de type nouveau dans leurs styles et dans leurs méthodes, parallèlement à une revendication identitaire. C’est le temps des coiffures afro, fortement inspirées du Black Power des Etats-Unis, mais aussi et surtout du port du foulard madras en toutes circonstances.

Ouvriers et intellectuels se rapprochent pour construire des mouvements syndicaux dans le domaine de l’agriculture, le premier et le plus puissant UTA, est né en 1970. Il sera suivi chez les paysans, de l’UPG qui voit le jour en 1972.

Les retours en vacances pour les étudiants sont l’occasion de se rapprocher des ouvriers et paysans, de partager leur temps de travail dans le cadre de Koudmen, et aussi de se mettre à leur service notamment par des cours d’alphabétisation.

1973 voit la création de l’UGTG, regroupant deux secteurs forts : l’agriculture UTA (Union des Travailleurs Agricoles) et quelques temps après, la Santé.U.T.S. (Union des Travailleurs de la Santé).

En 1976, apparaît le SGEG dans le secteur de l’Education. Ainsi se met en place une trame syndicale qui touche progressivement tous les secteurs d’activité et qui s’appuie sur une volonté de rupture avec le syndicalisme réformiste et aussi sur une démarche fondamentalement anticolonialiste.

NOUVELLE GÉNÉRATION : NOUVELLES VISIONS

Le secteur médico-social n’est pas à l’écart de ce mouvement. En 73 et 74, sont recrutées à la DASS de Guadeloupe de jeunes assistantes sociales, fraîchement diplômées.

- Monik MERION, en août 73, militante de l’AGEG, section de Paris
- Sylvia MARCIN, en septembre 73 dont l’entourage est constitué de militants de l’AGEG
- Suzie DAHOMAY, en août 74, militante de l’AGEG, responsable de la section de Bordeaux.

Le hasard veut qu’elles soient affectées sur la même circonscription. Monik et Sylvia au Moule, Suzie à Saint-François. Bien décidées à sortir des sentiers battus, elles gagnent très vite la sympathie d’une aînée dans la profession : Céline Mathurin, affectée à Sainte-Anne ; cette dernière se montre très sensible aux méthodes et styles de travail nouveaux que prônait ce trio.

Cette équipe d’assistantes sociales a sans doute aussi la chance de rencontrer dans le dispensaire du Moule des personnalités telle Judy DULAC, infirmière, fortement imprégnée de principes de rigueur professionnelle et de respect de la population.

Sur la région de Basse-Terre, Elphyse HATCHI assistante sociale également recrutée en 74, ayant aussi milité à la section AGEG de Paris, prend du service sur la commune de Bouillante. Elle suscite un travail de réflexion sur la circonscription 1 qui gagne certains agents des services centraux. Gagnée à la cause, Maryse JEAN- LOUIS se joint à elle pour organiser la région de Basse-Terre.

Il est important de rappeler le rôle fédérateur qu’a joué Monique PANGA, une aînée dans la profession d’infirmière, proche des travailleurs du Lamentin et de Sainte-Rose, qui maîtrisait la machine administrative.

Toutes jeunes professionnelles, nous sommes tout de suite déroutées par le climat qui règne au sein des équipes des dispensaires, et découvrons une administration corporatiste, où les agents ne communiquent pas, où les différentes catégories professionnelles travaillent de façon cloisonnée, et où l’on ne retrouve aucune ligne directrice en matière de politique médico-sociale. Mais le métier au sein de la DDASS nous met sans conteste encore plus au contact des difficultés quotidiennes du peuple guadeloupéen, tant sur le plan social que sur le plan sanitaire.

Un tel constat appelle un devoir de réflexion

- Notre rôle doit-il se limiter aux tâches édictées par l’Administration dirigée par des français de passage qui n’ont pour seul souci que de faire respecter la politique du gouvernement ?
- Quels sont les véritables besoins des familles guadeloupéennes en matière de santé ?
- Comment lutter contre l’Assistance ?
- Quelles méthodes de travail mettre en place au sein des dispensaires pour accompagner la population ?

Une démarche s’impose : Aller plus loin à la rencontre de la population dans une dynamique citoyenne pour mieux comprendre ses problèmes.
Une question jaillit : Comment convaincre le personnel de la nécessité de transformer ce fonctionnement administratif ?

Le contexte syndical de l’époque

A notre arrivée à la DDASS, la présence syndicale est faible. De l’extérieur, des formations telle FO tentent d’intervenir dans des revendications catégorielles et surtout matérielles.

Au sein de la DDASS, des velléités d’action sont manifestées par la CGT, syndicat lui-même corporatiste, fonctionnant sur le même schéma de cloisonnement que l’administration. Ainsi trouvons-nous le syndicat CGT des assistantes sociales, le Syndicat CGT des infirmières, le syndicat CGT des agents de la désinsectisation.

Comment dans une telle division, construire une orientation et un projet pour la santé du peuple guadeloupéen ?

Jamais nous n’entendons cette organisation poser un quelconque problème de fond. Mais il s’agit plutôt défendre des avancements de grade pour ses propres adhérents ? Nous ne pouvons nous y reconnaître !

La gestation d’une organisation de type nouveau :

Hors du temps de travail, dès 1975, des rencontres se tiennent sur la situation sanitaire et sociale de la Guadeloupe. Seul un petit cercle y est convié. Le choix des participants est fait avec prudence.

Comment savoir à quel moment l’une ou l’autre d’entre nous est intégrée, il est difficile d’y répondre sans risque d’erreur. Toutefois on peut dire avec plus de certitude que participent à ces réflexions : Elphyse HATCHI, Suzie DAHOMAY, Judy DULAC, Sylvia MARCIN, Monik MERION, Monique PANGA.

Il faut souligner dans cette étape, le travail d’encadrement idéologique et méthodologique qu’assurent auprès de nous des personnalités comme le Docteur Dany DUCOSSON et Lydia MARCIN, pharmacien, toutes deux ayant joué un rôle important dans la création des organisations ouvrières et paysannes.

C’est sans relâche que ce noyau se rencontre, réalise des séminaires sur un ou deux jours pour faire avancer la réflexion en matière d’action médico-sociale. Soulignons le caractère confidentiel, voire secret, de ces réunions. Restent encore bien ancrées dans notre mémoire les longues journées de travail au domicile de notre camarade Suzie, à Sainte-Marguerite au Moule ou de Dany DUCOSSON à la Roche Blanche à Petit-Bourg.

La situation générale de la Guadeloupe occupe une large place dans nos discussions. La grève de la faim menée par le père Chérubin CELESTE en soutien aux ouvriers de l’Usine Grosse-Montagne en février 75 suscite en nous une vive émotion. Nous ne pouvons nous placer en dehors de toutes ces luttes.

LES PREMIERS PAS SUR LA SCENE DE LA REVENDICATION

Alors que nous ne relevons d’aucune organisation syndicale, les conditions générales de travail à la DDASS nous précipitent dans des prises de position radicales face à une direction arrogante et méprisante Je n’en citerai que quelques-unes, celles ayant été selon moi les plus déterminantes dans notre parcours

L’encadrement des dispensaires

La première question à laquelle nous sommes confrontées est celle de l’encadrement des dispensaires par les assistantes sociales. C’était la règle, et ce quelle que soit l’ancienneté de ces dernières.

Quelle légitimité possédaient de jeunes assistantes sociales face à des infirmières et adjointes sociales rompues aux arcanes du service et possédant une bonne connaissance de la population ? N’avons-nous pas beaucoup à apprendre au contact de ces pionnières du service médico-social ?

A l’organisation hiérarchique imposée par l’Administration, nous opposons la pratique du travail en équipe, instaurée au dispensaire de Saint-François, du Moule, tant pour les activités de PMI, d’hygiène sociale, que pour l’accompagnement social, plus volontiers désigné à l’époque « suivi social ».

Des réunions d’évaluation sont mises en place et permettent d’appréhender la situation des familles dans leur globalité.

La circonscription 5 à travers les dispensaires du Moule, de Sainte-Anne et de Saint-François, est le laboratoire d’une expérience de travail en équipe entre infirmières, adjointes sociales, puéricultrices, assistantes sociales, avec déjà l’apparition de l’idée de projet. Dans cette équipe, le rôle des femmes de service n’est pas ignoré.

Il faut réussir ! La cause exige une vigilance permanente avec la pratique de la critique et de l’autocritique, car la prédominance des assistantes sociales reste un danger à combattre. Notre position et notre détermination provoquent des remous dans l’ensemble du personnel du service social.

Cette action est plus loin soutenue par Monique PANGA qui, avec sa forte personnalité instaure des règles de travail en équipe et de respect de la dignité de la population fréquentant le dispensaire de la Rosière au Lamentin. Avec elle, souvent, nous confrontons souvent nos pratiques. Devant la pertinence de nos analyses, toutes les responsables de circonscription perdent pied.

Sur la circonscription 5, la responsable manifeste sa mauvaise humeur en voyant arriver Céline, Suzie, Sylvia et Monik. Il nous semble indispensable de disposer d’un lieu de regroupement, d’aménager un temps d’échanges sur nos pratiques, et nous incitons notre chef de service à mener son équipe dans une telle dynamique.

Se sentant menacée dans son rôle, et coincée dans un schéma d’exécution, elle n’hésite pas à informer Mme AUFFRET de ce qu’elle appelle une irruption. Les menaces de la directrice sont claires. A travers l’échange téléphonique qu’elle a avec nous, elle menace le groupe de licenciement en cas de persistance.

Déléguée par le groupe, j’assure la communication, et j’oppose à ces propos, une réplique tout aussi ferme, lui rappelant notre ancrage dans notre pays, et le risque pour elle de quitter la Guadeloupe avant que nous ne quittions la DDASS.

Le groupe est totalement soudé et cet épisode renforce notre détermination à instaurer le travail en équipe et à faire entendre plus largement nos points de vue.

Mme AUFFRET arrête en effet ses fonctions de directeur de la DDASS de Guadeloupe en 1976, et nos méthodes de travail sont maintenues. Peu à peu le principe d’encadrement des dispensaires par les assistantes sociales tombe en désuétude.

L’affaire du planning familial

Docteur Simone PILACHON succède à Mme AUFFRET. Très vite, elle dévoile son autoritarisme, et son diktat fera réagir la quasi totalité du personnel et même la population.

C’est sous sa direction que débarque en Guadeloupe le Dr FABRE dont la mission est de freiner la natalité dans le pays. La vigilance de l’équipe du Moule permet de découvrir que la pratique de ce médecin heurte la dignité des femmes guadeloupéennes qui fréquentent le dispensaire.

Nous n’accepterons jamais les méthodes employées par ce médecin français pour appliquer sa politique antinataliste :
- abstraction des règles d’hygiène élémentaires en gynécologie
- application de contraceptif sans concertation avec les patientes et sans la moindre explication au motif qu’elles ne comprendraient rien.
Nous nous devons d’informer le peuple guadeloupéen !

L’épisode du planning familial révèle l’impérieuse nécessité de disposer d’une organisation syndicale au sein de cette administration pour faire avancer la réflexion et la revendication ; c’est dans le cadre de l’UTS que se déroulent les premières actions ; Fernand CURRIER dans cette optique, épaule notre groupe.

Ainsi, sous le sceau de l’UTS, nous menons sans relâche la lutte contre le planning familial, à la façon du Dr FABRE. Combien de soirées consacrées à des réunions d’information et de mise en garde, avec la population dans les différentes communes où intervient ce dernier.

L’UTA s’empare du problème et par un tract du 14 mai 1976, la section de Baie-Mahault, Lamentin, Sainte-Rose, Petit-Bourg, appelle le peuple guadeloupéen à la vigilance, expliquant que le planning familial et le BUMIDOM ne sont que des solutions employées par le gouvernement par l’intermédiaire de la DDASS pour compenser la lutte contre le chômage qu’il n’est pas en mesure d’enrayer.

A ce propos, il convient également de rappeler la frilosité de l’ensemble du personnel de la DASS que nous tentions de mobiliser pour faire respecter la dignité des femmes et des familles guadeloupéennes ;

Les réactions sont en effet timides, alors que tous sont choqués par les pratiques de ce médecin, à souligner aussi la prudence affichée par les médecins généralistes et gynécologues alors que nous leur demandons de porter la question devant le Conseil de l’Ordre des médecins.

Toutes ces embûches, renforcent notre détermination. Peu à peu, les femmes délaissent les consultations, et la mission du Dr FABRE se termine dans la plus grande discrétion. C’est pour nous une grande victoire !

C’est alors que PILACHON essaie de casser de manière définitive cette force que représente ce groupe de professionnels et entreprend le démantèlement de la Circonscription 5. Ainsi le Moule est rattaché à Morne-à-l’Eau, Saint- François et Sainte-Anne, au Gosier.

Une telle restructuration s’accompagne de mesures de mutations touchant Sylvia MARCIN affectée désormais à Morne-à-l’Eau, et Judy DULAC à Sainte-Rose. Les autres menaces ne sont pas été mises à exécution. Cette stratégie d’éparpillement des éléments constituant le noyau de la contestation a un effet de levier apportant une semence sur d’autres circonscriptions. Nos idées gagnent toutes les régions et même celle de Basse-Terre, réputée réfractaire à l’action syndicale.

Quelques temps après, du fait de son déménagement sur le Lamentin, Suzie est affectée à Sainte-Rose, et peut alors renforcer le travail entamé par Judy et Monique PANGA sur la circonscription 3.

Désormais, les conditions de la création d’une organisation syndicale propre à la DDASS sont réunies, et en juillet 1977, en pleine période de vacances, est créé à Capesterre un comité provisoire composé des éléments du noyau de départ, mais déjà élargi à des agents de diverses circonscriptions, et de différentes catégories professionnelles, à l’instar de Ferlie MORVAN à Capesterre, assistant social, et Ena CIGAR, visiteuse enquêteuse à Pointe-à-Pitre.

C’est le temps de l’unification des idées, de la préparation des statuts, de la rédaction des orientations. L’adoption de l’article 7 constitue un moment difficile dans cette construction. Il appelle à prendre conscience du fait que « les problèmes de santé de notre pays ne peuvent se régler que dans le cadre d’une Guadeloupe libérée de toute oppression. »

Sa résonance politique provoque de vives discussions au sein du comité provisoire et retarde l’adoption des orientations. Il faut un important travail d’analyse de la situation socio-économique de notre pays, aller à la rencontre de travailleurs de divers secteur, affiner notre compréhension par leurs éclairages et témoignages. Enfin nous parvenons à un consensus et maintenons cette clause dans les orientations de notre syndicat.

CREATION OFFICIELLE DE L’UTASS EN OCTOBRE 1977 : UN DEFI

C’est dans une grande émotion que le dimanche 9 octobre 1977, à la salle des Fêtes de Capesterre, devant une soixantaine d’agents, les membres du comité provisoire ont présenté leur bilan et porté l’UTASS sur les fonts baptismaux.

Le rapport introductif, évoquant le difficile contexte administratif et la nécessité d’y opposer une vigilance et une riposte syndicales fut présenté par Suzie. Il conquit littéralement l’assemblée.

Quant aux orientations qui avaient engendré tant de discussions et de réticences, elles ont été adoptées dans leur ensemble sans qu’aucune opposition ne se manifeste.

Aux trois postes principaux, on trouve Elphyse HATCHI CORVO secrétaire générale, choisie pour son dynamisme et son audace, Suzie DAHOMAY, secrétaire administrative, Maryse JEAN-LOUIS trésorière, elles sont entourées de quatre autres camarades.

Désormais, cette équipe se voyait donc confier la mission essentielle de faire respecter les besoins sanitaires et sociaux de la population.

Sur le plan organisationnel, les deux instances de départ, le Bureau et la Base, se sont révélées très vite insuffisantes pour approfondir certaines questions. Ainsi a été instauré un travail en commissions.

Leur mise en place répondait à une exigence, celle de connaître la situation administrative de tous les corps professionnels, d’analyser les pratiques et d’accompagner les agents dans une démarche de performance au service du peuple guadeloupéen.

Les commissions les plus significatives auront été pendant plusieurs années les suivantes :

- Assistantes maternelles
- Femmes de ménage
- Chauffeurs
- Agents de bureau
- Visiteurs-enquêteurs
- Agents de l’Hygiène du milieu.

Par ailleurs, il faut souligner le travail particulièrement minutieux effectué dans le domaine des commissions paritaires. Les différentes revendications, les méthodes de travail, et la personnalité des responsables de l’UTASS ont eu pour effet de légitimer le syndicat dans la plupart des consultations du personnel.

Les tournées de circonscriptions, ont elles aussi été pendant les années de rayonnement de l’UTASS, une pratique nouvelle fort appréciée, car elles ont constitué un mode de communication privilégié des responsables avec les agents. Le personnel y participait massivement, la crainte du chef de service était dépassée, les questions de conditions de travail, les problèmes de fonctionnement des équipes, étaient examinés. Ces méthodes de travail ont indubitablement légitimé encore plus notre organisation.

L’UTASS EN ACTION

Plusieurs dossiers auront mobilisé notre organisation pendant plus d’une décennie. Il sera difficile de les analyser tous, c’est pourquoi, je m’en tiendrai à ceux ayant eu le plus d’écho.

La grande grève de 1979

Depuis plusieurs mois, un climat de mécontentement régnait au sein de la DDASS, à cause de l’autoritarisme de Mme PILACHON. Son mépris vis à vis du personnel féminin, ses déclarations perfides, accusant les agents de prendre la DDASS pour « une vache à lait », son refus de la concertation, son attitude arrogante envers les personnels hospitaliers.

Parallèlement, les agents de l’hygiène du milieu se plaignaient de mauvaises conditions de travail et des mesures de licenciement abusif prises par Mme PILACHON à l’encontre de trois agents de Saint-Martin : GUMBS, ANSON Stanley et ISAAC Gilbert.

A cette époque, le mot grève à la DDASS était tabou, et les agents plus particulièrement de l’hygiène du milieu, organisés à la CGT, maugréaient sans oser passer à l’action. Face à ce lourd malaise, c’est l’UTASS qui prit l’initiative de déclencher un mouvement de grève, en proposant une action intersyndicale.

Les hommes de la CGT ont accepté timidement l’invitation, mais se sont tout de même engagés avec l’UTASS, en dépit des réticences du reste des syndiqués de la CGT, qui jusque-là, ne leur avaient porté aucun soutien, de part leur fonctionnement corporatiste.

La présence massive du personnel, lors des assemblées générales était significative. Celles-ci concluaient outre l’adhésion aux différents points, sur une revendication centrale : le départ de PILACHON.

Ce mouvement a secoué, et marqué la DDASS toute entière, et au-delà, la Guadeloupe elle-même. La résistance de Mme PILACHON nous a conduits à des négociations interminables, finissant tardivement, mais notre détermination était forte et seul un protocole d’accord sur tous les points de revendication pouvait mettre fin à ce mouvement.

Pour la première fois, une administration coloniale était frappée par une grève qui a duré 10 jours.
En première ligne de cette grève se trouvaient les femmes de l’UTASS, qui n’ont pas plié devant le déploiement de forces de répression en gilets pare-balles que le préfet de l’époque avait missionnées pour casser cette grève.

Tous les points furent satisfaits, dont la réintégration des agents de Saint-Martin. Le départ immédiat de PILACHON n’avait pu être obtenu. Il était de toute évidence impossible pour le ministère de se désavouer en rappelant un haut fonctionnaire.

Le travail reprit, mais la demande de départ de PILACHON restait pour l’UTASS en particulier une exigence. Sans raison officielle, PILACHON a quitté le département de la Guadeloupe en 1982.

La lutte pour la titularisation des femmes de ménage

Les femmes de ménage de la DDASS connaissaient une situation administrative bien difficile. Après avoir relevé pendant plusieurs années de l’effectif communal, elles sont intégrées à la DDASS vers les années 70, et subiront encore autant de précarité et des salaires disparates pour les mêmes tâches et les mêmes volumes horaires.

Il a fallu la présence de l’UTASS et beaucoup de détermination pour obtenir la mensualisation des salaires sur une base uniforme de cinq heures pour l’ensemble des femmes de ménage. Certains agents, et ils furent nombreux, s’étonnaient de l’engagement des filles de l’UTASS pour la cause des femmes de ménage, catégorie professionnelle qui ne suscitait jusque-là aucune attention.

Ce fut donc une lutte difficile, longue, âpre et en même temps pathétique. Si les responsables syndicaux ont usé de toute leur combativité et ont fait preuve de résistance face à l’indifférence de Mme PILACHON, si toutes les femmes de ménage restaient toujours mobilisées lors des différentes audiences, il convient de mentionner le rôle déterminant de Mme JACQUET Amélie, femme de ménage au dispensaire du Lamentin, dans l’aboutissement de ces négociations.

C’est à un moment de blocage quasi irréversible que cette femme de 64 ans prit la parole en créole et s’adressant à Mme PILACHON et à son staff d’inspecteurs, elle dit la souffrance qu’elle avait connue pour élever une famille de six enfants avec un salaire dérisoire, de 140 Francs versé par la commune, l’obligation pour elle d’alterner ses activités de femme de ménage au dispensaire avec une activité d’ouvrière agricole.

Elle justifia sa présence sur ce terrain de lutte, non par intérêt personnel vu l’imminence de son départ à la retraite, mais parce qu’elle ne voulait pas que les plus jeunes femmes de ménage connaissent encore pendant longtemps cette même misère.

Ce témoignage fit effet tant dans nos rangs que dans ceux de la Direction. Suite à un long silence, marquant émotion et respect, la direction aidée en cela par Pierre REINETTE inspecteur principal, fléchissait enfin ; ainsi fut signé un protocole d’accord pour la titularisation des femmes de ménage à la fin de l’année 1981. Moins de 5 mois après cette avancée, Méranie de son nom Savann, partit à la retraite.

La lutte pour la reconnaissance du statut des assistantes maternelles :

1981 : une autre victoire significative fut arrachée par l’UTASS, après plus de deux ans de mobilisation, pour l’application du statut d ‘assistantes maternelles à toutes les anciennes gardiennes, en vertu de la loi du 17 mai 1977.

Dès la parution du texte, et toujours inspirées de méthodes de travail de type nouveau, nous avions réuni les gardiennes pour les informer de la nouvelle législation et avions adressé le compte-rendu de réunion à la Direction. Cette initiative entamée au Moule, a été freinée par la hiérarchie qui exigea de cesser tous travaux en la matière.

Très vite, l’objectif de PILACHON s’est révélé : éliminer un certain nombre de gardiennes estimées au dessous du niveau pour bénéficier de ce statut afin Réduire au maximum les dépenses de reclassement de ces dernières.

Faut-il rappeler que les premières gardiennes au service de la DDASS depuis 1957 ont servi dans des conditions difficiles, sans salaire, ne disposant que d’une allocation pour subvenir aux besoins des mineurs.

Pour justifier sa basse manœuvre, la Direction de la DDASS a tenté d’utiliser les assistantes sociales exigeant une évaluation des compétences des gardiennes en fonction. Nous UTASS, n’allions pas cautionner cette infamie !

Tracts, réunions avec le personnel, mobilisation de toutes les gardiennes, audiences répétées, ont eu raison de Mme PILACHON. Un protocole d’accord fut signé, signifiant la reconnaissance du statut d’assistantes maternelles à toutes les anciennes gardiennes en fonction, sans distinction, avec application rétroactive à compter de janvier 1981.

La revendication de priorité d’embauche aux guadeloupéens aura aussi été un cheval de bataille pour notre syndicat. Face à la valse de recrutements de personnel français, travaillant parfois sans intérêt pour le peuple guadeloupéen, face au recrutement de nombreux médecins militaires, l’UTASS exigea la priorité d’embauche des guadeloupéens, et ceci, à tous les niveaux de l’Administration.

C’est ainsi que fut appliqué et respecté le principe de publicité des postes à pourvoir, avec un suivi permanent de la procédure par l’UTASS.

Certains des dossiers soulevés par l’UTASS ont notamment porté sur des questions d’orientation et de politique sociale pour notre pays :

La réflexion sur une nouvelle organisation des circonscriptions

En 1985, l’UTASS initie une réflexion avec la direction sur le rôle des circonscriptions dans le développement de l’action sanitaire et sociale.

Il nous était vite apparu que la circonscription ne remplissait pas son rôle de convergence des différents services tant internes qu’externes, que la fonction de responsable de l’encadrement technique devait être dissociée de celle de l’animation pour favoriser une dynamique plus transversale au niveau des services concourant à l’action sociale sur les circonscriptions.

Enfin, les responsables de circonscription se limitaient très souvent à un rôle de contrôle et ne suscitaient aucune étude sur l’action médico-sociale au profit de la population des communes de la circonscription.

En juin 1985, suite à plusieurs demandes d’audience, l’UTASS amena le Directeur Pierre REINETTE et la Conseillère Technique, Mme SALDES à se pencher sur ce constat et à entendre nos propositions de différencier la fonction d’animateur de la fonction d’encadrement technique. La question de projet de circonscription germait déjà.

Si aucune solution immédiate ne fut adoptée, la question a sans nul doute fait beaucoup de chemin et a donné lieu à plusieurs étapes, à la recherche d’une meilleure cohérence.
Ainsi ont été nommés en 1988, les premières infirmières responsables de circonscription et les médecins de circonscription, regroupés au siège des circonscriptions, à côté des assistantes sociales responsables, ceci pour faciliter la coordination.

C’est ce système qui a prévalu dans le fonctionnement administratif jusqu’à la mise en œuvre de l’Acte II de la décentralisation.

L’UTASS face à la décentralisation de 1983

Les lois de décentralisation avaient conféré au Département des compétences importantes en matière sociale. S’est alors posée la question des transferts des services et de la répartition du personnel. La réflexion que nous avons conduite avait permis au personnel de faire le choix en majorité du statut départemental affichant presque, une volonté manifeste de s’engager pour le pays.

C’est de cette première partition des services que La DDASS deviendra SASOLID service des Actions de Solidarité Départementale, puis Direction des Actions de Solidarité Départementale.

L’UTASS face à l’application du R.M.I. en Guadeloupe - 1990

Le RMI a été appliqué en Guadeloupe au début de 1990. Dès la parution de la loi en 1989, notre syndicat avait attiré l’attention de la Direction sur les dérives que cette application non préparée pourrait générer dans notre pays. Nous prônions la mise en place de mesures d’insertion pour conditionner le droit à l’allocation, mais notre revendication n’a pas été entendue vu l’obligation de respecter la loi à la lettre. Les services sociaux des circonscriptions ont été le théâtre de rush prenant pratiquement la forme d’émeutes rendant ingérables les permanences.

Suite au refus des assistantes sociales de travailler dans de telles conditions, et à notre pression, la direction a dû recruter une dizaine d’assistantes sociales pour assurer les tâches du RMI.

C’est aussi à l’UTASS que l’on doit le recrutement d’un entomologiste. En effet, face au risque sanitaire qu’engendrait lAEDES EGYPTI, notre organisation avait réclamé la budgétisation de ce poste et exigé qu’il soit attribué à un guadeloupéen. C’est ainsi que notre collègue Joël entra dans cette fonction en octobre 1990, après une formation appropriée.

Encore à l’actif de l’UTASS, la reconnaissance des adjointes sociales en qualité d’infirmières autorisées, l’aboutissement de la lutte des visiteurs-enquêteurs pour leur reconnaissance en tant que secrétaires médico-sociaux, un statut qui évoluera plus tard, toujours sous la bannière de notre organisation.

Si l’UTASS s’est beaucoup investie dans la défense du personnel, elle a aussi eu le souci de la formation des ses militants et des agents. On se rappellera le séminaire sur l’Action Syndicale en 1985, à l’adresse des militants, qui s’est tenu à l’université de FOUILLOLE avec, entre autres intervenants, Rosan MOUNIEN sur l’Histoire du Syndicalisme en Guadeloupe, Jean-Claude PLOCOSTE, universitaire sur la situation économique de notre pays.

En juin 1990, le personnel participera massivement à notre séminaire sur le travail en équipe, qui s’est tenu à l’Hôtel FRANTEL au Gosier, le directeur de la DASD a également marqué cette journée de réflexion de sa présence. D’autres projets initiés par l’UTASS seront plus tard réalisés dans le cadre de l’UTED, notamment le Séminaire sur le placement familial des enfants séropositifs qui s’est tenu la MJC, puis le séminaire sur le rapport RIPPERT au CGOS de Rivière Sens.

Disponibilité et sacrifices, les clés du succès

Une semaine ne s’écoulait sans une ou deux réunions pour les responsables et délégués. Les réunions de base étaient régulièrement tenues chaque mois. L’UTASS occupait une grande part de notre temps. Ce rythme fou était imposé à nos enfants, alors en bas âge. Il est vrai que face à cette cause, la solidarité familiale et amicale s’est toujours révélée très forte, et nos enfants ont à coup sûr, tiré des avantages affectifs auprès de tous ces proches qui ont assuré leur garde.

Certaines d’entre nous se sont plus appuyées sur la dynamique d’entraide qui avait pris corps dans les campagnes avec l’UTA. J’évoquerai ici une partie du témoignage de Méranie :

« An ka di : ITASS sé té on gran fanmi, lé nou té ka lité, sété pou gangné, Sé jenn kanmarad la té ka mété tout vi a yo adan sendika la, sé pou tou sa an té toujou disponib pou gadé ti moun a lé kanmarad ki té ka lité é spésyalman ti moun a Sizi.

Lé parfwa, sé réinyon la té ka fin ta, é yo téka vin chèché sé ti moun la douvan jou, davwa li é mari ay té ka woulé pou péyi la ! Sa rivé osi jandam fè lantou a kaz an mwen pannan sé ti moun la té la, an pa té janmen pè davwa an té sèten tan ki an té la, yo pa té ké mangné pon yonn ! Wè ! Nou té ni respè, nou té ni lanmou ! »

L’IMPACT DE L’UTASS

Sur les autres syndicats

La présence de l’UTASS sur le terrain, ses styles et méthodes de travail, sa pratique de concertation, et surtout sa reconnaissance par le personnel ont eu pour effet une remise en question du syndicalisme traditionnel tel que le pratiquait la CGT. L’arrivée de l’UTASS sur la scène syndicale a réveillé la CGT, déjà alors moribonde.

Cette organisation s’est lancée dans un processus de reconquête du personnel, en proposant un nouveau schéma, moins corporatiste. Il est vrai que si beaucoup d’agents reconnaissaient la puissance de l’UTASS, il restait néanmoins une certaine crainte d’appartenir à une organisation patriotique.

Ainsi à la DDASS, la CGT a tenté de jouer sur cet aspect. Il faut aussi souligner que la sympathie que manifestaient pour nous les dirigeants de la section hygiène du milieu de la CGT a marqué une menace de disparition totale de cette formation à la DDASS, les agents de ce service étant les derniers militants sur qui la CGT pouvait encore s’appuyer.

Compte tenu de la pâleur des tentatives de FO à l’époque, nous ne nous attarderons pas sur leur influence. Cependant, il est incontestable que la puissance et la force de l’UTASS ont ravivé le désir des autres syndicats de marquer leur présence, c’est ainsi qu’outre la CGT devenue CGTG pour affirmer des positions plus guadeloupéennes, on a vu quelques années plus tard apparaître la CTU, faisant suite à la CSTG. Néanmoins, aucune de ces organisations n’a réussi à mettre l’UTASS en difficulté et c’est sans peine que le personnel nous renouvelait sa confiance lors de toutes les consultations pour élire des représentants.

Au niveau de la Direction

La nomination d’un directeur guadeloupéen en 1983, entouré d’inspecteurs guadeloupéens n’a pas rendu l’action syndicale plus facile pour l’UTASS. De nombreuses anecdotes nous opposant à Pierre REINETTE, directeur, à Frantz BALOURD et Philippe BOECASSE, inspecteurs, pourraient être évoquées ici, cependant la pertinence de nos revendications, nos analyses sur la politique sanitaire et sociale à mettre en place dans notre pays les contraignaient à reconnaître l’UTASS comme force de proposition.

LES MOMENTS DIFFICILES DE DE l’UTASS

En dépit de cette forte dynamique de mobilisation et de cohésion, notre organisation a connu des moments difficiles plus souvent liés à des susceptibilités individuelles, ou à un manque de clarification.

1/ Les répercussions des luttes entre courants politiques :

La création de l’UPLG en 1978, son caractère clandestin n’ont pas été sans conséquence sur le mouvement syndical en général et sur l’UTASS en particulier. L’année 80 a été difficile. Il a fallu gérer les suspicions, les oppositions, tenir compte des humeurs, assumer certaines positions, et même certaines déchirures. Il a fallu aussi tenir compte des influences politiques qui n’ont pourtant pas entamé les volontés de construire une défense commune du personnel.

En cette même période, les attaques du journal guadeloupéen devenu plus tard le JOUGWA, ont aussi troublé les militants de l’UTASS qui ne s’attendaient à de telles vindictes de la part d’une presse qui semblait pourtant proche des idées défendues par le mouvement national, regroupant toutes les forces syndicales UGTG, UPG, SGEG, mais aussi des formations comme l’UNEEG, le KLPG, l’UPLG

Ces dissensions ont créé à l’UTASS un véritable malaise avec une difficulté à retrouver l’unité qui avait permis la création de notre syndicat. Néanmoins nous avons pu régler ces différents problèmes et poursuivre des actions justes et correctes dans le respect de chacun.

2/ l’accident de voiture

Survenu après une rencontre avec la Direction pour l’organisation des commissions Paritaires, il a touché des camarades de premier plan du syndicat. Dans le camion à l’origine de la collision, trois jeunes enfants ont péri. Episode très lourd sur le plan émotionnel ! Il a fallu accompagner nos camarades sur le plan médical et administratif. Mais aussi faire face à des crispations provoquées par diverses interférences. Une médiation s’est révélée nécessaire, et une fois de plus nous avions pu nous ressouder.

3/ la radiation de deux adhérents

En 1985, en raison de fautes professionnelles, deux assistantes maternelles syndiquées à l’UTASS, n’ont pu être défendues face à l’Administration. Ce fut une dure épreuve pour notre organisation, car la décision prise à la majorité, avait été mal ressentie par certains camarades. Les assistantes sociales avaient été critiquées, accusées d’exercer une certaine domination sur les assistantes maternelles.

Il est vrai que la commission des assistantes maternelles était encadrée par les assistantes sociales en raison de leur connaissance des questions d’Aide Sociale à l’Enfance. Mais notre volonté de fonctionner dans la transparence, et de prendre en considération le point de vue de tous nos militants nous a conduits à réorganiser cette commission. Ainsi y ont participé par la suite d’autres camarades dont notre regretté Charles LUGIEN, du service de l’hygiène du milieu, qui avait une sensibilité personnelle dans le domaine de l’aide à l’enfance.

4/ Le passage de l’UTASS à l’UTED

La répartition du personnel en agents du Département et agents de l’Etat d’une part, le rattachement de la DASD au Conseil Général d’autre part, avaient rendu l’UTASS tout à fait inadaptée à la structure administrative. Si la dissolution de l’UTASS au profit de l’UTED paraissait logique, ce passage s’est émaillé de réticences, par crainte de dispersion et d’affaiblissement de l’action syndicale, mais aussi par attachement profond à cette organisation déjà chargée de tant d’histoire.

QUEL HÉRITAGE DES ANNÉES DE MILITANTISME A L’UTASS ?

Sans grand risque d’erreur et surtout sans la moindre vanité, l’on pourrait dire que les différentes actions communautaires mises en place sur certains territoires par quelques-uns de nos militants découlent de l’engagement patriotique et d’une volonté de passer de la parole aux actes.

Je ne citerai que les principales actions reconnues par la Direction de la DASD comme innovantes :

- Création de l’association Poinsettia à Morne-à-l’Eau à l’initiative de Sylvia en 1985, avec pour objectifs de permettre l’insertion des femmes qui jusqu’alors effectuaient des jobs et n’avaient aucune couverture sociale, de lutter contre le travail informel, de faciliter la re socialisation, et de leur permettre de subvenir aux besoins de leur famille.

- Les actions d’alphabétisation des adultes que j’ai pu initier aux Abymes, en 1987, avec le soutien de patriotes du secteur de l’éducation, du social et de la santé. et qui ont conduit à la création du centre ALPINIA en 1992, par la Ville des Abymes.

- La conduite d’un programme de Développement Social de Quartier à Caduc, aux Abymes, de 1992 à 2006, mettant en action les habitants pour la structuration de leur quartier, la mise en œuvre d’activités d’insertion sociale et économique, et d’accompagnement des jeunes.

- En 1994 à Petit-Canal, s’est aussi entamée à l’initiative de Suzie ANDUSE DAHOMAY, une opération de Développement Social de Quartier qui déboucha sur de grandes actions d’insertion des jeunes et de revalorisation de sites communaux.

Ainsi notre camarade accompagna un chantier – école pour la construction de la Maison de la Communication de Maurice AGIS, un voyage thérapeutique avec des jeunes en grande difficulté sociale, et de nombreuses activités en faveur de l’insertion économique des jeunes et des femmes. Suzie s’y est investie jusqu’à sa nomination en 2002 au poste de Référent pour le Développement Social Local.

- Un plan d’accompagnement d’une Résorption d’Habitat Insalubre. (RHI) proposé par Marie-Aimée BALIE, à Saint-François en 1994 : le développement d’un réseau d’échanges, d’une régie de quartier pour l’insertion par l’activité économique était le principal objet de la mobilisation des habitants.

C’est dans cette même logique qu’il convient de lire les actions menées par Judy DULAC avec l’équipe du service sur d’Education pour la Santé qui a tant battu les campagnes.

A travers ces différents travaux, il apparaît très nettement la capacité de chacun de nous de dépasser son rôle de fonctionnaire, pour assumer son rôle de guadeloupéen, au service du peuple.

L’UTASS DANS LA FAMILLE UGTG

Les liens de l’UTASS avec l’UGTG

Notre sentiment d’appartenance à l’UGTG était fort, et nous la vivions avec une certaine fierté. Une unité s’était établie entre l’UTEI, (Union de l’Enfance Inadaptée), l’UTS (Union des Travailleurs de la Santé) et l’UTASS autour de l’élaboration de la politique sanitaire et sociale pour la Guadeloupe, justifiant la création de la fédération des travailleurs sanitaires et sociaux.

Notre journal SANTÉKIRIMED, nous réunissait autour d’un même projet, tant nos secteurs d’activité étaient liés.

Mais au-delà de ces secteurs dont les objectifs étaient proches, des liens très forts étaient développés entre les différentes sections.

Commerce, Assurances, Garages, Santé, Enfance Inadaptée, Actions Sanitaires et Sociales, Immobilier, Bâtiment, CCI, Air Guadeloupe constituaient les bastions de l’UGTG. Un comité de coordination, sous la direction de quelques cadres permettait d’examiner la situation de tous ces secteurs, les conditions de travail, les rapports de force, et d’organiser les actions de soutien aux sections en lutte.

C’était un espace de communication et d’information pour la ventilation à l’ensemble des sections, mais aussi une école de formation. Je participais au nom de l’UTASS au comité de coordination, et dans le cadre de l’entraide aux sections, je me suis vu confier la charge d’épauler la section de la SIG : étude des conditions de travail, étude des carrières, représentation de l’UGTG lors des négociations avec la direction. Mesurant l’étendue de la mission, j’aurais voulu la refuser, mais le choix ne m’était pas donné.

Soit ! Il fallait oser cette expérience et respecter l’esprit d’unité. A l’époque, la solidarité entre sections était aussi très forte, ainsi la présence régulière des militants de l’UTASS auprès des camarades de la cantine de Pointe-à-Pitre lors d’une dure et longue grève faisant face au diktat de Daniel GENIES.

Tout autant, nous soulignerons la promptitude avec laquelle, nos militants informés en pleine nuit de la répression qui sévissait sur nos camarades de l’UTS, en grève à l’Hôpital psychiatrique, ont quitté la Grande-Terre pour se porter sur le front de lutte à Saint-Claude avant le lever du jour.

Les secrétaires généraux successifs

- Elphyse CORVO, de 1977 à 1981
- Monik MERION, de 1981 à 1985
- Judy DULAC, de 1985 à 1989
- Maryse JEAN-LOUIS, élue secrétaire générale en 1989, elle assumera le passage de l’UTASS à l’UTED.

Les grandes figures de l’UTASS

Certaines personnalités ont marqué notre syndicat :

- Maryse JEAN-LOUIS, à la fidélité de tous les instants et d’une loyauté sans faille.
- Judy DULAC qui a été de tous nos combats et qui a toujours gardé fidélité et affection pour son syndicat.

D’autres auront beaucoup marqué notre parcours à l’UTASS.

- Mme JACQUET Amélie, « Mérani an nou, Mémé, »
Elle nous a sensibilisés sur la vie des travailleurs agricoles, peu connue par bon nombre d’entre nous. Sa combativité, malgré l’âge nous portait un supplément d’âme. Elle suscitait le respect et notre admiration

- Suzie ANDUSE-DAHOMAY : 33 années d’engagement sans faille
Il est sans doute surprenant de constater que Suzie n’a jamais occupé le rôle de secrétaire générale à l’UTASS, mais toujours membre des bureaux successifs. Elle a cependant été incontestablement en première ligne de la création de notre organisation, la cheville ouvrière et le gardien idéologique de l’action syndicale. Elle a prouvé son souci de faire triompher la démocratie et de développer chez ses camarades le sens des responsabilités. Son engagement au sein du Conseil syndical de l’UGTG a sans doute porté plus de richesse à l’UTASS et certainement plus tard à l’UTED.

Suzie ANDUSE DAHOMAY, par l’ampleur de l’œuvre qu’elle a réalisée, aura marqué toute l’histoire du syndicat UTASS-UTED, et de l’UGTG toute entière.

Elle s’est acharnée à planter les racines pour que pousse l’UGTG et qu’elle porte beaucoup de fruits. Sa dernière action en témoigne !

Serait-il possible de retracer toutes ces années sans saluer la mémoire de notre camarade avec qui nous avons partagé tant de satisfactions, de joies et de souffrances.

Il nous appartient, à nous ses compagnons de lutte, d’organiser une manifestation pour honorer sa mémoire, mais aussi de militer pour que le Conseil Général lui rende hommage, et que son nom soit gravé dans le marbre de la collectivité départementale, car son charisme a dépassé le milieu syndical et sa clairvoyance, souvent fait avancer les orientations administratives.

Malgré toute la douleur qui nous habite depuis ce 12 juillet 2007, où elle nous a quittés, il faut poursuivre cette œuvre avec foi, avec discernement et retenir l’un des grands principes de l’Action syndicale : Avoir raison.

Il faut croire en l’avenir de notre pays qui passe par la lutte syndicale certes, mais surtout par un comportement professionnel et citoyen qui nous permette de porter notre pierre à l’édifice d’une Guadeloupe plus forte et surtout plus rassurante pour notre jeunesse.
C’est de toute évidence la grande entreprise à laquelle travaille l’UTED dans des conditions difficiles pour le syndicalisme d’aujourd’hui.

TÉMOIGNAGES

J’ai été frappée de la spontanéité avec laquelle les uns et les autres, quelle que soit leur position administrative ou syndicale, ont accepté de témoigner pour ces pages d’histoire.

- Jacques TONY : Agent du service de désinsectisation à la DSDS - Mars 2008.

« J’étais syndiqué à la CGT, j’ai dû reconnaître et je le réaffirme aujourd’hui que l’UTASS a de toute évidence apporté un souffle nouveau au sein de la DASS. La détermination et la combativité des militants de l’UTASS épataient et dérangeaient en même temps. L’UTASS a réellement touché les esprits. Quoique nous fussions très engagés pour faire aboutir les revendications de la grève de 1979, nous nous en remettions facilement à la clairvoyance et à la capacité d’organisation des jeunes femmes de l’UTASS qui en plus savaient manier l’art de la négociation.
C’est pour moi un bon souvenir ! Je retiendrai aussi que vous n’engagiez pas de lutte pour vos propres carrières, mais que vous aviez toujours le souci de la qualité du travail. Il manque partout aujourd’hui une relève et nous ne fonctionnons que sur nos acquis.
Permettez-moi à cette occasion de dire l’admiration que j’avais pour Suzie, pour sa capacité à faire face à toutes les situations, pour la force qu’elle dégageait dans les luttes, et en même temps sa simplicité. Son départ est vraiment une très grande perte !
 »

- Frantz BALOURD : inspecteur à la DSDS, le 04 juin 2008.

« Dans l’ensemble, je pense que les groupes de pression sont utiles. C’est vrai qu’avec l’UTASS je me suis beaucoup affronté, moi qui de par ma formation de juriste avais pour principe de faire appliquer le Droit mais rien que le Droit. Aujourd’hui, je n’ai aucun souvenir négatif de ce qui a été fait. Je peux dire que nous avons fonctionné dans le respect, et que j’ai beaucoup apprécié les positionnements de l’UTASS, notamment dans les CAP où, toujours les droits des agents étaient respectés, même quand ils ne faisaient pas partie de l’UTASS, ou qu’ils étaient manifestement d’une autre formation.
Seule l’UTASS faisait preuve d’une telle délicatesse, et de ce souci d’équité. Il m’a semblé cependant qu’il a manqué un travail d’accompagnement individuel auprès des femmes de ménage qui avaient toutes accédé au titre d’agent de service, pour qu’elles observent une plus grande rigueur professionnelle après leur titularisation. Beaucoup de luttes ont été engagées par l’UTASS et même si cela pouvait déranger, ces mouvements étaient utiles, car ils avaient aussi une fonction de régulation au sein de l’administration.
Je trouvais souvent Suzie extrémiste dans l’action, mais avec le recul, je pense qu’il faut des gens comme ça, c’est sans doute ce qui empêche l’affaiblissement du mouvement. L’UTASS se plaçait d’un point de vue social et humain, et effectuait un important travail de conscientisation, quand je fais référence à cette période, je me pose la question de la finalité de l’organisation syndicale d’aujourd’hui.
J’en profite pour dire que de ma position actuelle à la DSDS, je travaille souvent avec les anciennes responsables de l’UTASS dans une grande harmonie. Ainsi j’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec Suzie sur le projet de Maurice AGIS à Petit-Canal. C’était vraiment quelqu’un de constructif, et sachant pourquoi elle s’engageait
. »

- Mme JACQUET Amélie dite Méranie et La Mérane - le 22 février 2008 : âgée de 91ans, elle se souvient :

« Grèv a 1979 sé té on zafè menm !

Tou lé jou sé té doubout douvan jou pou rivé Bastè, sa diré pis ki 10 jou, an té pli vyé ki zòt, mé plas an mwen té koté a zòt, sé té lit annou tout ! On jou, nou té la déé bon maten ka diskité pou ka a travayè, Yo té kriyé manblo ban nou, an désann achté manjé pou tout moun davwa nou té bizwen fòs. Rivé an ba, an tonbé si sé manblo la, Yo té mété tout sé manblo nèg la douvan, lé blan té déyè, ki vlé di : fè nèg manjé nèg ! On nèg mandé mwen ka an ka fè la, é ola an kalé.

An diy gadé po an mwen, gadé taw, an ka lité pouvou é pou pitit aw, i réponn mwen : mami pasé ! an roumonté avè tout ravitayman la, an ba tout moun manjé an ofè PILACHON manjé osi, mé i di poliman i pa té fen.

Avan, pa té ni pon moun pou rédé nou, é an ka sonjé pou dényé ti moun an mwen anko, 15 jou apré an té akouché, an té ja roupwan travay adan dispansè la !
UTASS é UTA fè mwen Konnèt dwa a travayè.
An ka di zot tout mèsi !
 »

En conclusion, on peut regretter que cette histoire reste confidentielle, et ne tienne pas lieu de véritable mémoire de l’organisation à travers notamment des séances de formation. Il est aussi dommage que certains acteurs de l’époque gomment la passion partagée, la communion en une même foi, pour s’aveugler sur des querelles d’aujourd’hui en oubliant ce passé nôtre.

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
DE L’UTED-UGTG
Samedi 21 Juin 2008

Contribution de Monik MERION :
A Rolland, Harry, Frédéric, et Gilles ANDUSE
On mòso a mémwa,
On mòso a istwa an nou...a zòt !

Publié par UTED - UGTG le samedi 15 novembre 2008
Mis à jour le mercredi 26 novembre 2008

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