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La Martinique : une terre de violence et d’arbitraire absolus

Par Claudette DUHAMEL, avocate au barreau de Fort de France
>Mots-clés : Martinique 
 

Depuis quelques temps nous entendons les cris de désespoir de jeunes martiniquais constamment agressés par des policiers lesquels s’empressent de monter au créneau à leur tour pour démentir et se poser en … victime. En tant d’avocat j’assiste à une montée en puissance de ces agressions inadmissibles et de ces comportements que l’on peut qualifier d’arbitraire.

Ainsi des jeunes qui ont été déjà condamnés sont systématiquement pris à partie par des policiers et racontent comment ils sont sans cesse contrôlés, harcelés, pour ne pas dire persécutés par ces derniers qui quand ils ne trouvent rien font de la provocation…. « Je vous ai à l’œil untel… tôt ou tard je vous aurai » D’autres jeunes au moindre petit écart sont agressés, molestés, jetés par terre, menottés puis placés en garde à vue pour… Rébellion.

Je viens pour ma part de vivre l’un des drames les plus surréalistes de ma carrière d’avocat. Deux martiniquais un frère et une sœur ainsi que leur maman âgée d’une soixantaine d’années se sont retrouvés au cœur d’une violence policière inouïe qui leur vaut d’être poursuivis devant le tribunal correctionnel pour violence sur personne dépositaire de l’autorité. Cette mère et cette sœur n’ont pu s’empêcher d’intervenir pour tenter d’arrêter l’agression parfaitement inadmissible dont était victime leur fils et frère simplement parce qu’il avait refusé d’accepter une contravention au demeurant fort contestable infligés par trois policiers ou plutôt » ces dépositaires de l’autorité publique ».

Les faits se déroulant à proximité d’un marché, les personnes présentes s’insurgent contre l’agressivité des policiers et cela crée un début d’émeute. Au vu de l’état des deux femmes qui sont couvertes de bleus, les pompiers sont appelés et elles sont conduites à l’hôpital de la Meynard par les pompiers après que leur fils et frère ait été molesté, menotté et jeté dans un fourgon de police pour être placé en garde à vue.

Alors qu’elle attendait aux urgences de la Meynard pour être examinée la sœur sera de manière fort violente agressée par les forces dites de l’ordre En effet, ces policiers au prétexte de l’auditionner sont allés la chercher dans l’enceinte des urgences de l’hôpital, pour l’inviter à se présenter au poste de police. Devant le refus de la jeune femme quitter les lieux avant d’avoir été examinée par un médecin, ils s’emparent d’elle, la jette par terre, lui passe les menottes puis la balance comme un sac de patate dans le fourgon de police qui la conduit dans les locaux de la police où on elle est placée en garde à vue pour… rébellion.

Ce frère et cette sœur vont faire l’objet de pas moins de 48 heures de garde à vue ! Il est clair qu’on veut leur faire payer le début d’émeute qui s’est produit lors de l’arrestation musclée du frère. Et puis surtout on veut les casser les contraindre par une longue garde à vue à faire reconnaître à tout prix que ce seraient eux qui auraient agressés les policiers et non pas l’inverse. Quand je verrai ces deux personnes et tout particulièrement la jeune femme dans locaux du commissariat, je suis sidérée, elle a des bleus sur les deux bras et des marques des menottes au niveau des poignets. Elle est en état de choc et peux à peine s’exprimer tant elle semble souffrir moralement.

Dois-je appeler le procureur de la république qui a autorité sur tout ce petit monde violent ? Impensable ! ce n’est pas une bonne idée, car pour le Procureur de la République française, les « gardés à vue » ont toujours tort. Déposer une plainte ? On sait le sort qui leur est réservé quand des policiers sont en cause.
Mais il y a tout de même cette jeune femme qui traumatisée par l’agression dont son frère à été victime et par les conditions de son arrestation, pleure et pousse même des cris de douleur. Je prends alors conscience de l’effroyable impuissance dans laquelle je me trouve face à l’injustice et l’arbitraire des corps constitués tout puissants. Car trop souvent face à une telle situation l’on baisse les bras. Personne n’ose en tout cas dénoncer haut et fort ces exactions de peur de se faire montrer du doigt d’être tourné en dérision en ridicule. Ne sommes nous pas dans un Etat de droit ?

Je décide après avoir vu mes clients le 27 novembre 2008 de dénoncer ces faits dans la presse, et tant pis pour ceux qui s’estimeront heurtés par la vérité. Mais le pire était à venir ! Le lendemain j’apprends de la bouche d’un substitut du procureur fraichement arrivé dans mon pays qu’à l’issue de la garde à vue la mère et la fille sont convoquées devant le tribunal correctionnel pour répondre des violences contre les agents de police, et ce à bref délai (des le lundi 1er décembre ) sinon… on les fait passer devant le juge des libertés avec risque d’incarcération.

Par contre ce magistrat m’apprend que l’homme lui ira de toute façon dormir en prison ! De fait, comme promis par ce substitut du procureur qui m’a l’air d’être aussi « visionnaire » que ces prédécesseurs dans la colonie, cet homme sera placé en détention par le « juge des libertés ».

Et voila comment en Martinique on place en détention au centre pénitentiaire, un homme dont le seul délit probable serait un outrage consistant en le refus d’ une contravention C’est cela la réalité de ce dossier… de ce pays !!!
Je suis quant à moi au-delà de la colère, de l’impuissance et ressens avec une acuité particulière le mépris dans lequel nous tiennent ces institutions exogènes de mon pays. Le placement en détention d’un homme dans de telles circonstances démontre que nous sommes bel et bien entrés dans une ère d’arbitraire pur et dur.
Car cette histoire, pour surréaliste qu’elle paraît, tend à se banaliser, puisqu’elle se reproduit quasi quotidiennement surtout depuis que SARKOZY a instauré un système de récompenses de primes pour les policiers en fonction du nombre d’infractions relevées. Au secours ! Il y a danger pour tous les martiniquais dans la colonie.

Nous voilà tous potentiellement des futurs rebelles à l’ordre sarkozyste, des délinquants en puissance !!

Devrons nous désormais dire à nos enfants de ne surtout pas regarder un policier de travers sinon «  il te tabassera en toute impunité puis te trainera devant le juge qui te sanctionnera car….. La force reste à la Loi. »

Je parie qu’il y en a qui le dirons ! Je suis tout aussi sure que les chiens vont continuer à se taire dans la colonie Martinique, qu’importe si le « collier dont ils sont attachés » se resserrent de jour en jour » il suffit que l’illusion de bien être pour certain et de pouvoir pour d’autres perdurent et…. tout va bien. Triste Martinique quel destin prépares tu à tes enfants ?

Foyal Matinik, le 28 novembre 2008
C. DUHAMEL [1]

Publié par la Rédaction le mercredi 3 décembre 2008
Mis à jour le samedi 17 janvier 2009

Forum article


  • >La Martinique : une terre de violence et d’arbitraire absolus
    9 janvier 2009, par jo

    Oui , les abus policiers sont courants,voir même de actes "ripoux" dans certain cas.
    Je suis Martiniquais ,mais aussi Français puisque nous sommes un département au même titre que les yvelines ou l’ariège ET LES AUTRES...
    Cependant , il ne faut pas mettre la colonisation en cause.
    Cette colonisation est finie depuis bien longtemps et il ne faut pas monter les Antillais contre les autre citoyens de la république.
    Ce fait divers aurait pu arriver à Paris ou à Nantes ou ailleurs.
    Un jeune de plaisance du touche ( haute Garonne )a été molesté par des "flics" il y a quelques mois...Etait-ce le colonialisme ?
    Cela arrive souvent , plus souvent qu’on ne pense !!!
    Ce n’est pas le fait d’être dans nos iles qui rend les "représentant de l’ordre" dans cet état.
    Oui les bavures ont toujours existée et existeront toujours...Un gendarme m’a même menacé de voler mon téléviseur ...c’etait à Strasbourg.
    En conclusion , il faut être modéré et montrer à cette horde de flicaille que nous savons être plus intelligents qu’eux.
    Merci de faire suivre à ton voisin.