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chris : Etes-vous satisfait des résultats obtenus la nuit dernière ?
Elie Domota : Dans l’ensemble, oui. Cela concerne uniquement les salariés des entreprises adhérentes des organisations patronales. Nous allons mettre en œuvre une procédure d’extension de l’accord à l’ensemble des salariés de la Guadeloupe dans les prochains jours.
Julien : L’accord conclu montre que votre revendication portant sur une hausse des salaires de 200 euros était réaliste. Pourquoi, selon vous, le patronat et le gouvernement ont-ils tant tardé à le reconnaître ?
Elie Domota : Très certainement pour éviter la contagion en France.
gwada97190 : Pensez-vous que les chefs des petites entreprises guadeloupéennes pourront se relever de cette grève ?
Elie Domota : Oui, d’ailleurs ce sont eux qui ont fait les propositions de sortie de crise. On parle toujours des conséquences de la grève générale sur l’économie, mais si tout le monde avait négocié dès le départ, on aurait pu régler ce conflit en moins de dix jours.
gwada97190 : Comment les petits artisans pourront assurer les salaires de ce mois, alors qu’ils ont été empêchés de travailler pendant plus d’un mois ?
Elie Domota : Si les entreprises avaient négocié dès le départ, le problème aurait pu être réglé en cinq jours.
sidney97180 : Comment se passera la suite du mouvement si le Medef ne se joint pas à la signature d’un accord ?
Elie Domota : Le Medef, c’est 450 entreprises et moins de 4 000 salariés. Ne lui donnons pas plus d’importance qu’il n’en a. D’autre part, l’accord conclu est tout à fait valable et valide. Comme je le disais, dans les prochains jours, nous allons demander son extension à l’ensemble des entreprises de Guadeloupe, y compris celles adhérant au Medef. Et je rappelle que cet accord a été conclu en présence du préfet et sous la médiation de quatre directeurs du travail, dont deux envoyés de M. Fillon lui-même.
Chloe : Pourquoi le Medef refuse-t-il de signer les accords ?
Elie Domota : Parce que les adhérents du Medef refusent de payer les augmentations de salaires, alors qu’ils en ont les moyens.
Loulou : On dit que vous vous êtes battu avec Willy Angèle. Est-ce que cette altercation menace les négociations ?
Elie Domota : C’est une manœuvre du grand patronat pour torpiller la négocation. Malheureusement pour M. Angèle, ses connaissances en droit du travail sont fort limitées. Il a pensé que l’absence du Medef et de ses amis pourrait empêcher la négociation de se tenir.
bhm : Si vos revendications sont satisfaites, que deviendra le LKP ?
Elie Domota : Pour l’heure, les revendications ont été scindées en trois niveaux : les revendications immédiates, sur lesquelles nous travaillons actuellement, liées au pouvoir d’achat. Le LKP n’a pas vocation à disparaître.
Nous avons également des revendications relatives à la formation et à l’emploi. Nous sommes aujourd’hui la seule région de France où il n’y a pas de centre de formation du type AFPA (Association nationale pour la formation professionnelle des adultes). Le taux de chômage des jeunes dépasse les 60 %. Chaque année, près de 1 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme. Nous avons aussi des revendications relatives à la défense de l’environnement. Tous ces thèmes seront abordés dans le moyen terme.
libeerte_971 : Pensez-vous possible de payer les jours de grève ? Qui doit payer ?
Elie Domota : Pour l’heure, cette question n’a pas encore été abordée.
guadalupe : Ne craignez-vous pas une spirale inflationniste, les entreprises cherchant à augmenter les prix pour restaurer leurs marges en contrepartie des hausses de salaires accordées ?
Elie Domota : Si les entreprises augmentent leurs prix, on ne voit pas qui pourra acheter leurs produits. Je ne crois pas que ce soit la meilleure solution. Il faut au contraire relancer la consommation par une baisse des prix.
dan : Beaucoup d’entreprises en grande difficulté vont déposer le bilan et le nombre de chômeurs risque d’exploser en Guadeloupe. Comment voyez-vous l’avenir ?
Elie Domota : Le nombre de chômeurs a toujours été explosif ici. La Guadeloupe a 40 % de chômage depuis 50 ans. Je crois que toutes les politiques publiques (les lois Perben, Girardin, etc.) ont été un échec, car elles ont consisté à donner de l’argent aux patrons, notamment aux gros patrons. A ce jour aucun rapport, aucun audit ne peut nous dire où sont allées ces exonérations, à quoi a servi la défiscalisation, et combien d’emplois ont créé ces politiques-là.
anonyme : L’économie locale est fortement basée sur le tourisme. Le prolongement du mouvement ne risque-t-il pas de paralyser l’économie de l’île ?
Elie Domota : Non. En effet, beaucoup d’argent public transite par le tourisme. Mais, en définitive, ce n’est ni pour développer le tourisme, ni pour développer la Guadeloupe. Cela permet seulement à un petit nombre de se mettre plein d’argent dans les poches. Il faut que ça change. Nous devons mettre en place une vraie politique touristique pour promouvoir la destination Guadeloupe et y développer un tourisme de luxe, et non faire comme à Saint-Domingue ou à Cuba, par exemple.
gwada : Suite à l’accord de ce matin, la grève générale est-elle suspendue ?
Elie Domota : Pas encore. Nous avons rendez-vous avec le préfet cet après-midi pour aborder les autres points relatifs à la baisse des prix pour les denrées de première nécessité : pain, transport et eau, notamment.
Doudou : Suite à l’annonce faite par Nicolas Sarkozy Sarkozy, qu’attendez-vous de sa prochaine visite aux Antilles ?
Elie Domota : Rien. M. Sarkozy fait ce qu’il veut, mais ce n’est pas une visite qui va résoudre le problème.
Lajos : Quelle est votre position concernant une éventuelle indépendance de la Guadeloupe ?
Elie Domota : Pour l’heure, la plate-forme du LKP ne pose pas de question sur l’autonomie ou l’indépendance. Le peuple guadeloupéen choisira lui-même son destin le moment venu. Par contre, le problème de l’autonomie économique, et surtout alimentaire, à travers la production agricole, se pose. C’est un problème réel et sérieux. Et c’est pour ça que dans la plate-forme du LKP, il y a une rubrique consacrée à la production agricole et à l’autonomie alimentaire.
rene : La Guadeloupe n’a-t-elle pas en plus un problème de racisme anti-Blancs ?
Elie Domota : Je vous invite à venir sur place, et vous verrez. Tous ceux qui ont essayé de dénigrer ce mouvement sont allés sur deux terrains : celui du racisme et celui de l’indépendantisme. Or ce ne sont pas là des revendications du LKP.
Lo : Quelle est votre position sur la situation martiniquaise ?
Elie Domota : Ce qui s’est passé en Martinique était prévisible. Les problèmes en Guadeloupe et en Martinique se ressemblent. Nous sommes en contact régulier avec nos amis martiniquais.
alain : Croyez-vous vos luttes sont "exportables" vers d’autres DOM, voire même en métropole ?
Elie Domota : Je ne crois pas que le terme "exportable" soit approprié, mais les luttes qui sont menées ici, les problèmes qui sont rencontrés ici sont vécus par d’autres travailleurs dans le monde, même s’il y a certaines différences
Doudou : Quelles réactions vous inspirent la "récupération" de votre action par José Bové, Olivier Besancenot et Ségolène Royal ?
Elie Domota : Le mot récupération est un peu fort. Je ne pense pas que quiconque puisse récupérer le mouvement du LKP.
patoo971 : Comment voyez-vous l’après-mouvement ? Pensez-vous qu’il suffira à faire effectivement changer les choses en Guadeloupe sur le long terme ?
Elie Domota : Le mouvement n’est pas près de s’arrêter. Comme je le disais, le LKP a vocation à durer.
Source : Lemonde.fr