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La France ? Un Etat raciste et négationniste - Par H. DEGLAS

>Mots-clés : Procureur PRETRE  LKP  Solidarités  Racisme 
 

Le Secrétaire Général de l’UGTG, porte-parole du LKP, a exprimé tout haut une opinion générale guadeloupéenne que l’on pourrait résumer succinctement par la voix d’un autre : « On aime la Guadeloupe ou on la quitte ! » En effet, curieusement, l’information judiciaire qu’a ouverte le Procureur de Pointe-à-Pitre, a été relayée très rapidement par la Préfecture, par les médias français, par Mme PARISOT du MEDEF-France, etc… dans le but explicite de discréditer le mouvement social, pacifiste et déterminé du LKP.

Mais pourquoi un tel propos, qui a semblé répéter en écho l’une des phrases du fameux chant « La-Gwadloup sé pa ta yo ! », a suscité quelques remous et frustrations dans la communauté de Français et de colons de Guadeloupe ? C’est qu’une idéologie raciste et xénophobe continue à gangréner profondément la bourgeoisie française et ses institutions républicaines. Cette idéologie se propage par l’Ecole et les médias chez les petites gens En outre, sur place, dans les colonies, la réalité économique et sociologique perpétue des clivages racistes hérités de l’esclavage colonial. Finalement, peut-on affirmer que la France vit réellement dans un état de droit ?

I. UN ETAT CONSTITUTIONNELLEMENT RACISTE.

Il est un lieu commun de répéter que les sociétés de classes, depuis l’esclavage antique, ont toujours généré discrimination ethnique, racisme et mépris hiérarchique pour justifier l’exploitation forcée du travail humain, les guerres et les invasions. Inversement, au fil des siècles, les esclaves, les serfs et les ouvriers ont sans cesse lutté contre leurs oppresseurs. Aussi la question des « races humaines » et de la traite africaine ont souvent été en synergie. Rappelons, pour mémoire, que l’Etat espagnol lui-même, en 1550, organisa par l’entremise de l’Eglise et sous injonction du Pape, une controverse à Valladolid pour savoir si les Indiens avaient une âme. En ce qui concerne les Africains, cela ne faisait aucun doute : ils n’en avaient pas ! Donc ce n’étaient pas des hommes. Et ceci expliquera cela.

Durant trois ou quatre siècles, des aventuriers sans scrupule, des sou-dards, des criminels indésirables et à peine 10% de cadets nobles (n’en déplaise à Alain Hughes-Despointes) [1] déferlèrent dans la Caraïbe.

Ils étaient des propriétaires ou des « engagés », afin de produire du sucre, des épices et autres matières premières dans les habitations, sous l’égide du Pacte colonial et du Code noir. Bien plus, le manque cruel de femmes faisait que l’on opérait des razzias de prostituées dans les ports atlantiques pour les emmener de force aux Isles. Les Africains, eux, étaient des bêtes à crever, quand ils ne mouraient pas de maladies, de malnutrition et de punitions atroces.

Par conséquent, lorsque l’on dit que les Guadeloupéens sont français depuis 1635, il ne s’agit que des colons européens. Les autres n’existaient pas ! Cet esclavage basé sur un racisme ethnique négrophobe fut dénoncé au niveau du principe par les philosophes des Lumières. Les deux premières constitutions républicaines qui émergent dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle (Etats-Unis, France) gomment, dans un premier temps, le problème de la servitude esclavagiste. C’est le décret du 16 pluviose an II (4 février 1794) de la Convention qui réparera cet oubli. Pas pour longtemps, car Bonaparte l’annulera illégalement en 1802.

En tout état de cause, l’esprit de ces constitutions ou de celles qui se succédèrent tout au long des 19e-20e s. prônait « l’égalité des races » !
Bref, 156 ans plus tard, que dit, entre autres, la Constitution gaulliste de 1958 ? « (Article premier) Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » (sic).
Depuis cette date, différents congrès d’anthropologie ont réaffirmé l’unicité de la race humaine. Il n’y a que de vieux schnocks, des ignorants (bien pardonnables il est vrai) ou des gens de mauvaise foi — qui ont construit toute leur posture idéologique sur l’« inégalité des races »— pour oser défendre le contraire.

De nombreuses voix se sont déjà élevées pour demander le retrait du mot « race » dans la Constitution de 1958. M. SARKOZY reste sourd et avec lui la majorité de l’UMP. Ce qui fait dire que l’Etat français, dans ses fondement constitutionnels, s’avère raciste, même lorsqu’il proclame le contraire, car prisonnier de ses soi-disant principes républicains.

II. UNE REPUBLIQUE FEODALE ET NEGATIONNISTE

Chacun sait que les deux premières républiques françaises furent liquidées par des Bonaparte, la grande bourgeoisie [2] préférant finalement un régime fort, militarisé, sans excès idéologiques. Pourtant, le Consulat de Napoléon se rangeait toujours dans le cadre républicain. L’esclavage, qu’on le veuille ou non, fut rétabli « au nom de la République ». De même, après l’écrasement de la Commune de Paris, il fallut de peu pour que cette même bourgeoisie financière n’impose une monarchie constitutionnelle ! Or, jamais, sous l’interminable Troisième République, la France ne fut autant colonialiste et impérialiste en Afrique et en Asie, dans des cortèges de souffrances, de travail forcé et de tueries militaires. MARX a bien révélé combien cette bourgeoisie d’affaire française a aimé se draper dans les oripeaux de la noblesse et du pouvoir absolu, tout en gardant pour la forme le messianisme républicain de 1789.

Ce double langage a constamment berné, pour ne pas dire couillonné, les intellectuels colonisés dans le moule formateur de l’Assimilation, à l’exception de quelques courageux dans l’espèce d’un MARAN, BEVILLE, NAINSOUTA, CATAYEE ou FANON. A contrario, tous les intellectuels français ne sont pas à mettre dans le même sac. Depuis SARTRE, de nombreux historiens, philosophes, juristes et économistes ont tenté (et tentent encore) de décrypter l’idéologie française, de comprendre pourquoi un si grand peuple a sombré dans la collaboration pétainiste, dans le fascisme OAS et, aujourd’hui, dans un chauvinisme frileux et européocentriste. Il y a dans cette nation une constante volonté d’occulter le passé quand il est gênant, de le nier au nom d’une certaine vertu républicaniste. C’est ainsi que l’Etat français a feint d’ignorer et l’esclavage et sa filiation post esclavagiste. En 1946, il a octroyé aux Guadeloupéens une espèce de « citoyenneté néocoloniale » qui ne reposait sur aucune identité.

La négation, pendant longtemps, de l’histoire de l’esclavage par l’Ecole et par une propagande systématique de l’oubli a refoulé cette identité populaire, l’a larbinisée. Cette idéologie a permis ainsi de pérenniser un pouvoir bicéphale :

  • un encadrement militaro-administratif de fonctionnaires français fournissant également de nouveaux colons,
  • la vieille souche esclavagiste de Békés martiniquais et de Blancs-Créoles guadeloupéens alliés à des sociétés privées de capitaux français et internationaux contrôlant toute l’économie d’import.

En quoi le peuple a-t-il tort de dire que ces gens sont des « blancs » ?

PARCE QUE ceux-ci se comportent en « blancs », refusant toute mixité populaire, pratiquant l’homogamie coloriste et raciste, comme s’ils se donnaient un « uniforme » de reconnaissance ethnique.

PARCE QU’ils contrôlent de façon générationnelle leurs entreprises en veillant à ce qu’aucun « homme de couleur » n’entre dans leurs capitaux, pour ne pas dire dans leurs familles !

PARCE QU’ils vivent entre eux en sorte d’aristocratie pratiquant l’apartheid dans leurs lieux de loisirs et d’habitation.
Ne pas voir cela, c’est pratiquer et un révisionnisme historique et un négationnisme raciste.

Car bien au-delà, lorsque le Procureur de la République ouvre une information judiciaire sur la base du mot « Béké », sans le vouloir il ethnicise un groupe humain sur la base d’un procès d’intention. DOMOTA a-t-il parlé de « blanc » ? Qui a mieux définit récemment le concept de « béké » que Monsieur Alain HUGHES-DESPOINTES en Martinique ? Alors ?

Alors, il faut admettre que l’idéologie française ne cesse de voir la réalité guadeloupéenne que de façon manichéenne et donc raciste. Les Français imaginent toujours les Guadeloupéens dans des conflits entre « Blancs » et « Noirs » ou encore entre « métis », alors qu’en Guadeloupe, jusqu’à preuve du contraire, IL N’Y A QU’UNE SEULE RACE. Ils ne voient donc pas que c’est la Culture qui les différencie des Guadeloupéens.

C’est si vrai qu’ils se voient même rejetés, parfois, par la caste endogène des Blancs-Créoles. Cela étant, ces derniers ont de plus en plus de mal à expliquer leurs endogamie inconsciemment raciste. Beaucoup se sont, depuis, guadeloupéanisés. Ils sont dans le peuple.
En poussant plus loin, on voit bien qu’il existe une identité populaire guadeloupéenne que nie l’Administration française en parlant, à propos du LKP, de « réveil d’une société civile »(sic) !. C’est cette identité qui empêche les Guadeloupéens d’adhérer, de façon pleine et entière à une certaine citoyenneté républicaine, laquelle se réfèrerait à une vraie Constitution.

CE N’ETAIT PAS UNE « SOCIETE CIVILE » QUI ETAIT DANS LA RUE, MAIS UN PEUPLE QUI MANIFESTAIT SON UNITE !

En France, l’identité nationale génère une citoyenneté forcément républicaine et non par le cheminement inverse. En Guadeloupe, on ne fera jamais du Guadeloupéen-de-Guadeloupe, un citoyen-français-à-part-entière car son identité populaire, diffère de celle d’un Français-de-France.

De même, il n’existe pas culturellement de « population guadeloupéenne » comme aiment trop souvent à le dire les politiciens aliénés. Par conséquent, il y a dans ce peuple autant de diversités et d’unités qu’il y en aurait en France ou dans d’autres pays. C’est ce que s’échine à ne pas voir LUREL, plongé qu’il est dans son inculture anthropologique que masque, en vérité, son incurable et insipide bavardage.

III. « ON AIME LA GUADELOUPE OU ON LA QUITTE »

Sitôt connue l’action du Procureur Jean-Michel PRETRE visant DOMOTA un tollé général s’est manifesté pour dire que le porte-parole du LKP ne visait pas les personnes physiques d’un « groupe ethnique » en particulier, que ces propos n’avaient rien de raciste et que c’était monnaie courante dans un pays où sévissent discrimination et ségrégation en tout genre que les personnes tiennent ce genre de phrase en public. Mais ce n’est pas là le problème : l’Etat français, les esclavagistes et leurs descendants ont commis tant de crimes dans l’ « Outre-Mer » que ce propos n’est qu’une fleur lancée à la face de ces exploitateurs…

Pourtant, tout de suite, les médias français ont parlé « d’incitation à la haine raciale ». Curieusement les journalistes de là-bas ont de nouveau « racialisé » la lutte des Guadeloupéens sans dire qui étaient les vrais racistes et les vrais grands patrons.

Mais alors, sur quel article du Code Pénal, le Procureur PRETRE va-t-il tabler pour inculper DOMOTA dans ce registre-là ? Partout, ce Code inscrit l’expression « discrimination raciale », « apologie à la haine raciale », etc. (Art. 24 de la Loi du 29 juillet 1881 et ses modifications). L’adjectif « racial » renvoie sémantiquement à une action menée par un individu ou un groupe d’une « race » donnée contre un autre individu ou groupe d’une autre « race ». Bref, on ne peut inculper quelqu’un de racisme avec une loi à connotation raciste !

C’est du formalisme en apparence, mais cela renvoie au problème de fond : l’Europe ne veut point admettre que sa population vient d’Afrique ; que l’Européen s’est démélanisé ! Ce refus empoisonne toutes les sciences et les arts dits occidentaux (Europe, plus USA-Canada, Australie, Nouvelle-Zélande) ! Par exemple, la poupée Barbie a envahi toute la planète en y imposant son esthétique de façon inconsciente !

Lorsque DOMOTA dit qu’ « une bande de békés ne va pas venir rétablir l’esclavage en Guadeloupe » dans leur refus de signer l’Accord Bino, il dit simplement que les HAYOT, DESPOINTES et autres békés martiniquais seront contraints de retirer leurs capitaux de Guadeloupe, sans plus. Qu’ils aillent se faire voir ailleurs ! La Guadeloupe existait avant Carrefour et Milénis.

Mais pour finir, le revirement de Laurence PARISOT mérite que l’on s’y attarde. A un certain moment, elle avait souhaité que Willy ANGELE signe cet accord (même si, quant au fond, le MEDEF dans ses statuts n’a pas à s’immiscer dans les accords salariaux) : cet engagement aurait eu valeur patronale symbolique. Mais sans doute sous la pression du lobby béké très actif en France (cf. rue Oudinot, l’Elysée, France 2, etc.) elle sort un entretien dans LE PARISIEN du 9 mars 2009, là où elle accuse le LKP d’être « une organisation gauchiste, très politisée, qui milite pour l’Indépendance de la Guadeloupe (etc.) ».

Puis, critiquant vivement le Préambule, elle lui reproche de dire que l’économie de la Guadeloupe serait une économie de plantation. « Cela voudrait dire, s’insurge-t-elle, une économie esclavagiste ! Comment voulez-vous que les chefs d’entreprise de Guadeloupe, métropolitains, békés, métis, chinois, cautionnent une telle assertion ? L’esclavage est un crime contre l’humanité. »

On est en plein délire d’une femme qui ne connaît rien des colonies « outre-mer », qui ne connaît rien du Tiers-Monde ou de l’histoire du Nouveau-Monde. Tout d’abord, l’économie de plantation (même si elle fut jadis esclavagiste) a gardé ses caractéristiques originelles : une ou plusieurs productions agricoles exclusivement orientées vers l’exportation, au détriment des cultures vivrières ou diversifiées. Cette production peut appartenir à des familles endogènes, entretenant parfois des rapports féodaux avec des ouvriers agricoles ou des planteurs ; elle peut également être la propriété de multinationales (cf.Firestone au Libéria) ou de simples sociétés par actions, semi- étrangères. L’économie de plantation hypothèque des millions d’ha, ruinant à moyen terme les sols de pays sous-développés, tuant des écho-systèmes et accélérant la déforestation.

Et comme il fallait s’y attendre, PARISOT « racialise » une fois de plus la société guadeloupéenne. Son optique capitaliste bornée l’empêche de voir les rapports humains et la dignité culturelle d’un peuple soumis à des conditions d’apartheid et de dépendance exogène. Finira-t-elle un jour par s’apercevoir que le capitalisme est lui aussi un crime ?

Hector DEGLAS,
Caribcreole1.com, 12 mars 2009
Article reproduit avec l’accord de Caribcreole1.

Publié par Ibuka le dimanche 22 mars 2009

Notes

[1Dans son interview à Canal +, A.Hughes-Despointes a prétendu que les Békés étaient des descendants de nobles émigrés.

[2Mais cette grande bourgeoisie n’aurait pu réaliser son objectif sans la base très large, populiste et paysanne du bonapartisme. La Convention, en expropriant les biens fonciers du Clergé et de la Noblesse après 1793 et en abolissant le servage, bouleversa le monde rural en attachant les richesses de cette classe et son goût de l’ordre anti-féodal au salut de la Révolution et à son armée de paysans.

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