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Au tribunal correctionnel : « Sarkozy, aÿ koké manman’w ! »

 

En déplacement en Martinique, le chef de l’Etat est venu lancer un message d’apaisement. Mais un homme sera entendu en correctionnel, le mercredi 15 juillet 2009 à 8 heures.

Jugé pour avoir osé dire en public : « Sarkozy, aÿ koké manman’w ! »

Jeudi 25 juin 2009, 14H20. Place de la Savane, Fort-de-France, Martinique. Vasko, son pseudo, graphiste et slameur, assiste en curieux, parmi les rangs d’anonymes, à l’hommage en présence du Président de la République, des dissidents de la Seconde guerre mondiale. Il est en face de l’agence Laroc Voyages. A l’issue de la cérémonie, le Président repart en voiture. Il apprécie les acclamations des fans répondant à son casting, les remerciements des flatteurs adoubés, la déférence de ses détracteurs, muselés, serviles, et l’admiration des dévots en mission d’aliénation, récompensés pour leur diversion. Affligé de voir cette opération de communication, un coup de colère gagne Vasko, au passage du cortège présidentiel. Il laisse échapper d’instinct, « Sarkozy, aÿ koké manman’w ! ».

Suite à cela, il se retrouve face à un homme qui le saisit en lui disant « vous insultez le chef de l’Etat, koké maman c’est interdit ! ».

Instantanément, il lui assène des gifles retentissantes et le bouscule énergiquement. Cet homme ne se présente pas et n’a aucun signe apparent représentant une autorité quelconque. Un peu sonné, Vasko s’insurge contre ce geste, et rétorque qu’il s’exprime comme il
l’entend. Cet homme lui dit qu’il a reçu des consignes, puis le projette au sol pour le menotter.

De nombreux témoins se rapprochent et s’indignent. Embarqué dans un véhicule de police qui quitte rapidement les lieux, Vasko a à subir durant le transport, la provocation de cet homme : « tu la ramènes moins ta gueule maintenant ! ». L’interpellé passe 24 heures de garde à vue et,
le Président n’a semble t-il pas entendu l’insulte.

Le moral des forces de l’ordre n’est pas en berne. L’obligation de résultat est imposée aux brigades de répression. Certains policiers, mis en cause pour leur violence, restent impunis dans une société crispée par le rictus sécuritaire. Vasko a reçu un signe de bienvenue en Sarkozie en plein visage, de la part d’un individu au cerveau en bon état de fonctionnement. Ce fonctionnaire a abusé d’un pouvoir que ne lui confère pas son autorité.

Ce fait divers a été relaté de manière discrète dans le France Antilles du vendredi 26 juin, en omettant de souligner dans l’article, la brutalité policière. Le Président possède le privilège d’informer à son gré. Il apparaît, tel un spam, sur France Télévision. Comme quoi la suppression de la publicité sur le service public n’est pas vraiment effective. Nicolas Sarkozy n’est pas plébiscité en Martinique. Il le sait. Lors de son déplacement, le Président et ses conseillers se sont arrangés pour donner à l’opinion l’illusion qu’il vient sur un terrain apaisé.

En Martinique, l’exaspération brûle telle une braise. La crise sociale profonde de février-mars 2009 est toujours dans les esprits. Le peuple martiniquais a adressé un signal fort de résistance. Mais beaucoup de revendications n’ont pas été prises en considération. De nombreux Martiniquais n’accordent aucun crédit à la synthèse des Etats généraux. Pourquoi ? Parce que le constat aujourd’hui, fait état d’un piétinement des points qui ont été obtenus lors des négociations. Le traitement à l’égard de la Martinique montre le flottement de l’Etat français.
L’expression tonitruante de Vasko, acte courageux pour certains, de pure folie pour d’autres, alimente les discussions. Radicale, elle résume le rejet de la politique gouvernementale appliquée en Martinique. Il a dit tout haut ce que beaucoup de Martiniquais pensent tout bas. Sa position audacieuse traduit un rapport décomplexé avec une administration au service d’une minorité privilégiée, qui contrôle une économie aux contours mafieux. Un malaise vécu dans un système qui entretient la discrimination sociale.

Sur le procès verbal, une traduction littérale de la phrase de Vasko a été faite. Une aberration.

C’est méconnaître le parler créole, ses acceptions et le contexte qui conduit à l’utilisation de certaines expressions. S’exprimer en créole serait-il subversif ? La parole est-elle libre en Martinique ?
Dans ce régime instauré, qui pénalise de plus en plus l’écrit et la parole, Vasko a t-il eu tort de s’exprimer de cette façon ?

soljah57

Publié par la Rédaction le lundi 13 juillet 2009

Forum article


  • >Au tribunal correctionnel : « Sarkozy, aÿ koké manman’w ! »
    13 juillet 2009, par Christine ClG

    Ils ne font décidément pas dans la nuance , ni en compréhension linguistique , ni en compréhension politique !
    Pourtant nous lisons toujours dans nos manifs : "Casse-toi , pauv’con !"
    Ici , traduit en breton , ils ne comprendront rien !