Origine du document
   >Site : http://ugtg.org
   >Page : spip.php?article68
   >URL complète : http://ugtg.org/spip.php?article68

Economie de la Guadeloupe : Position de l’UGTG

 

Université des Antilles et de la Guyane

Laboratoire d’Economie Appliquée au Développement

Bilan et Perspectives à moyen terme

L’Economie Guadeloupéenne

POSITION DE L’UGTG

I - Quel Regard portez-vous sur la situation économique et sociale actuelle de la Guadeloupe ( motifs de satisfaction et de déception) ?

Il n’est plus admissible aujourd’hui de se limiter aux éternels constats repris en cœur par les politiques, les chefs d’entreprise, les organisations socioprofessionnelles, les différentes missions et études : « La Guadeloupe va mal, les entreprises sont fragilisées par le poids des charges sociales et les grèves à répétition ; la jeunesse n’a pas de repères ; les parents ont démissionné ; l’état ne tient pas compte de nos spécificités, etc. »

Toute une série de discours de capitulation et de mendiant, qui ont depuis les 50 dernières années, généralisé l’assistanat, l’irresponsabilité et surtout permis à des affairistes de s’installer et de grappiller les subventions que les différents gouvernements de la France ont instituées en politique de développement.

Il convient résolument de dire la vérité, vérité constamment attestée par les chiffres mais surtout exprimée par les masses populaires à travers leur lutte, par la jeunesse dans son désarroi, par cette violence quotidienne dans les rapports sociaux.

Il devient vital d’arrêter les faux débats consistant par exemple à expliquer le développement de la pauvreté, du chômage, de la précarité simplement par la mondialisation des échanges, où l’affamé serait responsable de la famine, le salarié improductif de la fermeture de l’entreprise, le syndicat des difficultés économiques.

Ainsi donc, malgré tout ce que ‘’la France et l’Europe font pour nous’’, égalité sociale, défiscalisation, transferts sociaux massifs, construction d’infrastructure (routes, port, aéroport, hôpitaux) loi PERBEN, Zone Franche, soutien à la production agricole, etc.… nous serions incapables de nous organiser une société prospère, équilibrée et sereine.

Nous, fils d’esclaves, continuons à vivre à Kokangn, à nous jalouser, à nous autodétruire et à magouiller, et à danser.

Si, aujourd’hui, cette société Guadeloupéenne est aussi embourbée, incapable de choix économiques, sociaux, culturels et politiques fondamentaux, c’est qu’elle ne s’est jamais autorisée à s’inventer, à se créer. Elle n’a jamais commencé à exister par elle-même et pour elle-même.

Par la conscience que nous avons de nous-mêmes, pour avoir nier nos origines et notre

histoire, nous Guadeloupéens sommes des zombis.

Pour avoir été lâches et improductifs, nos politiques et intellectuels ont autorisé et soutenu le colonialisme dans ses organisations politiques, économiques, culturelles et sociales.

Ainsi donc, dans ce contexte, le développement économique de la Guadeloupe comme fondement de l’équilibre social et de l’épanouissement des hommes est un leurre si elle ne relève pas d’une stratégie politique révolutionnaire tendant à transformer les rapports sociaux, à rompre avec les liens coloniaux qui nous lient à la France et à combattre les rapports de domination capitalistes…

II - La Guadeloupe est-elle à vos yeux un pays développé, sous développé ou en développement ?

Les idéologues du pouvoir, les profiteurs du système qualifient bien évidemment notre

Société de société développée, comparé aux sociétés de la zone Caraïbe, qui sont montrées à longueur d’image « an misè », incapables de faire face aux catastrophes naturelles ou affrontant la mer déchaînée « pour gagner l’eldorado que sont les États-Unis ou les Départements Français. »

Notre infrastructure routière, nos hôpitaux, nos écoles, montrent notre réussite et le niveau de notre vie attire. (58% des ménages disposent d’un véhicule, plus de 80% de la télévision ou d’un réfrigérateur malgré un revenu moyen annuel de 61.000 F.

Nous sommes les vitrines de la France dans cette Caraïbe qui s’organise en toute authenticité.

Notre développement superficiel cache, il est vrai, le fossé qui se creuse entre une classe de plus en plus riche et une classe populaire où plus de 70.000 personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté ; où 60.000 femmes et hommes dont 11.000 jeunes, de moins de 25 ans, ne travaillent pas ; où l’école, en plus de produire des chômeurs jette 2/3 d’entre eux à la vie active sans le niveau CAP.

La vérité est que ce développement entretien la dépendance où plus de 90% des biens de consommation sont importés et s’échangent grâce à plus de 50 milliards de francs. Transferts sociaux qui bien sûr repartent vers la mère patrie, mère nourricière

III - Le Chômage est considéré comme la plaie de notre société. Comment expliquer cet apparent paradoxe qui montre qu’en dépit d’un taux de création d’emplois très élevé, la Guadeloupe est l’une des régions françaises où le chômage continue à augmenter le plus ?

IV - Comment expliquer le niveau élevé et durable du taux de chômage en Guadeloupe ?

C’est l’activité qui crée l’emploi. Quand des dizaines d’années de politique économique n’a consisté qu’à soutenir la consommation ; qu’à favoriser les importations ; qu’à détruire les activités de production et à invalider les initiatives innovantes donnant espoir aux producteurs et créateurs ; quand le non-travail est mieux rémunéré que le travail ; quand les entreprises au nom de la compétitivité et de l’expérience choisissent de recruter les non Guadeloupéens ; quand les actions de formation sont aussi distantes des besoins des entreprises et assurent aux centres de formation une rente de situation dans un contexte où la formation se révèle être une activité rémunératrice, le chômage n’est pas une plaie, ni non plus le travail clandestin car ils participent d’un dispositif économique et idéologique parfaitement équilibré.

V - Certaines mesures prises antérieurement par les différents gouvernements vous paraissent-elles efficaces ? (Défiscalisation, RMI, Loi Perben, CES, Emploi-Jeunes)

La multiplication, la juxtaposition des mesures prises par les différents gouvernements de la France au cours des 50 dernières années en faveur de l’emploi et leurs échecs, manifestent de l’inadaptation structurelle de ces mesures.

Aujourd’hui, aucune étude ne peut évaluer l’impact de ses différentes mesures sur la santé des entreprises et sur les gains réels en terme d’emploi.

Nous observons par contre que les secteurs aidés (hôtellerie, industrie notamment) ont continué à licencier pour raison économique.

Plus de 10 ans de défiscalisation, plus de 6 ans de loi PERBEN, plus de 25.000 emplois aidés n’ont pas permis de limiter l’augmentation du nombre de chômeurs et à faire reculer le travail précaire et l’emploi clandestin.

Il était prévisible que seul 50% des entreprises éligibles à la loi PERBEN pouvaient en bénéficier, comme il est prévisible que la réduction du temps de travail à 35 heures ne peut réduire le chômage, du fait notamment de la structure particulière du phénomène (importance -30% de la population active ; âge et niveau de formation des chômeurs, -20% ont moins de 25 ans, 2/3 n’ont pas le niveau CAP ; taille des entreprises : plus de 61% des 30.000 entreprises n’ont aucun salarié.)

La multiplication des emplois aidés et des bénéficiaires du RMI ne peut être considérée comme la solution durable et socialement épanouissante.

Le constat est qu’aujourd’hui une entreprise ne consent à embaucher que si l’État lui procure des subventions, l’autorise à conclure des contrats à durée déterminée et à licencier en fin de contrat. Le jeune ou le chômeur embauché se révèle être un pourvoyeur de fonds. Quand il est diplômé, jamais ses compétences ne sont utilisées.

Il est mis en compétition avec les salaires anciens qui coûtent cher. Il doit accepter toutes les bassesses pour garder son poste. Ainsi donc, ces mesures plaqués fragilisent les emplois existants, divisent les travailleurs, enrichissent sans frais les entrepreneurs et accentuent la déréglementation sociale.

Ces mesures sont également criminelles.

Les jeunes et les chômeurs sous contrat à durée déterminée de 2 ou 5 ans commencent ou construisent leur vie professionnelle ou d’adulte sur de l’aléatoire. Quand le contrat est rompu, ce sont des espoirs qui s’évanouissent, des vies qui se déchirent, des couples qui sont disloqués, des déviances sociales qui se mettent en place.

Pour sûr la courbe de chômage satisfait les politiciens. Pour sûr leurs bilans déclarés lors des campagnes électorales sont positifs…

Comment ensuite s’étonner de la violence de ces hommes et femmes trompés !

Parmi les thèmes souvent avancés pour tenter de réduire le chômage, on trouve la réduction des cotisations sociales et le maintien ou la suppression du RMI. Que pensez-vous respectivement de ces deux mesures ?

Si la réduction des cotisations sociales des entreprises, si le maintien ou la suppression du RMI pouvait réduire le chômage, on l’aurait déjà observé.

Ces mesures expérimentées déjà depuis plus d’une dizaine d’années ont prouvé leur inefficacité.

Leur échec n’est pas dû simplement au phénomène démographique. L’entreprise n’embauche que si le développement de son activité l’exige ; celles qui embauchent pensaient le faire de toute façon, elles profitent de l’aubaine de la défiscalisation ou de l’embauche aidée.

Mais ce n’est que, rarement à durée indéterminée.

Concernant les 25.000 bénéficiaires du RMI, nous savons tous les effets pervers de cette position ; Travail Clandestin, oisiveté, honte sociale, etc.…Ces personnes entretiennent la courbe de consommation qui fait les beaux jours des importateurs.

Leur rapport au travail devient déstructurant, tant pour eux-mêmes que pour l’image qu’ils renvoient à leurs enfants.

Il se développe ainsi une société où les hommes ne se renforcent pas, ne construisent pas ensemble et sont perméables à tous messages, religieux ou publicitaires qui leur propose une vie meilleure tournant ainsi dos au combat, à la solidarité, à la création.

VI - Quelles seraient les autres mesures à prendre pour réduire significativement le chômage ?

VII - Quels sont les secteurs qui vous paraissent prioritaires à prendre en considération pour un développement harmonieux de la Guadeloupe ? Pourquoi ?

VIII - Votre secteur d’activité peut-il jouer un rôle important pour le développement de la Guadeloupe ?

La lutte contre le chômage ne peut se concevoir que dans le cadre d’un dispositif économique et social volontairement axé sur la valorisation des ressources disponibles en Guadeloupe.

Nous sommes un peuple jeune. Nous disposons d’un potentiel de créativité intacte. Nous pouvons organiser un système éducatif et de formation en corrélation avec des choix économiques et sociaux authentiques.

Nombre de secteurs peuvent servir d’appui à cette nouvelle vision du développement.

Le tourisme d’abord parce que nous bénéficions d’un cadre naturel privilégié. La production agricole, la pêche, l’industrie agroalimentaire, le service aux entreprises, dans une organisation dynamique, intégrée et d’échanges, peuvent constituer un maillage économique et social solide, compétitif et créateur d’emplois pérennes.

Seulement, il importe que nous disposions de la liberté de penser et d’agir d’abord pour nous, il importe que nous affrontions les lobbies d’importateurs-défiscalisateurs, il est nécessaire que nous investissions notre pays autrement et surtout que nous nous élevions en rang d’hommes responsables.

Des pouvoirs doivent tomber. Des verrous doivent sauter.

Notre principal ennemi est nous-mêmes, nous-mêmes et tous ceux, politiciens qui nous représentent.

Les élus cultivent l’échec, la peur, la démission et la félonie.

Aucune démarche innovante, aucune autre Guadeloupe ne pourra s’organiser tant que nous entretenons cette classe politique qui aujourd’hui ‘’représente légitimement le peuple.’’

L’état français bien évidemment s’appuie sur eux pour multiplier ses lois, programmes, ses lois d’adaptation et d’orientation qui jamais ne mettront en péril ses visées géopolitiques et géostratégiques.

En clair, seule la liberté de penser Guadeloupe, seule la liberté d’organiser notre pays pourra nous autoriser à assurer à cette société toutes les audaces indispensables à son développement harmonieux.

IX - Les difficultés rencontrées par les agriculteurs sont de plus en plus nombreuses. Pensez-vous que le système actuel fait de subventions est efficace ? Ce domaine est-il porteur ?

Nos agriculteurs peuvent nous nourrir. Ils ont la technicité nécessaire, ils en ont la volonté.

Seulement, sans protection de leur marché, sans terre, sans soutien de la recherche, sans appui financier, ils sont aujourd’hui comme tous les autres producteurs, dépités, piégés par l’endettement, devenus quémandeurs de subventions.

Certains passent plus de temps à monter des dossiers d’indemnisation ou d’aides diverses qu’à entretenir leur production.

La raréfaction des terres agricoles (diminution de 12% entre 1995 et 1996), l’abandon des cultures (diminution de 18% de la sole cannière et de la bananeraie en 5 ans), les problèmes récurrents de l’irrigation, le sacrifice de bananiers sur l’autel du marché mondial, témoignent là aussi de l’incohérences des discours avec les impératifs de développement économique.

Les politiques là aussi sont impuissants et dociles. Ils l’ont été publiquement en 1994 quand il s’est agi d’arrêter le schéma industriel de l’industrie cannière. Alors qu’ils bénéficient du soutien unitaire des planteurs et des ouvriers de la canne autour de leur projet d’usine neuve pouvant à coup sûr redonner confiance à la filière, il a suffit d’une déclaration du ministre des DOM-TOM ( PERBEN ) pour que l’état impose son choix de Gardel rénové ; L’industrie cannière est aujourd’hui monopolisée par des sociétés multinationales privées qui exigent à chaque campagne des subventions d’équilibre pour maintenir l’emploi.

A eux les bénéfices fiscaux, à nous les déficits de l’activité

Les agriculteurs ont certains créateurs ont pourtant constamment démontré qu’il nous est possible de gagner l’autosuffisance alimentaire, de transformer nos produits, de les conserver et de les vendre sur des marchés extérieurs.

Seulement, ni les établissements financiers contrôlés par les importateurs, ni la collectivité publique dont les dirigeants ne sont pas sûr d’en tirer un quelconque gain électoral, ne les suivent.

Il est électoralement plus rentable d’offrir 1000 F de bourse aux lycéens, d’ériger des ronds points à chaque coin de rue, de soutenir les lolos, et de subventionner les voiliers.

XI - Les Nouvelles Orientations proposées par le gouvernement de Lionel Jospin vous paraissent-elles marquer une rupture par rapport aux politiques antérieures et sont-elles à l’idée que vous vous faites du développement de la Guadeloupe ?

Que propose le gouvernement de Lionel Jospin d’innovant ? Plus de départementalisation, plus d’exonération pour attirer les cabinets financiers et les petits épargnants français, plus de déréglementation sociale

Il propose aussi à nos décideurs politiques, « et pour la première fois » de s’exprimer dans les limites de la Constitution Française.

Il nous propose enfin de tourner le dos au passé, de ne pas tenir la France pour responsable de l’esclavage et des siècles de mépris et de dépossession imposée à nos grands-parents.

Il est plutôt temps que nous, à notre tour et résolument nous nous décidions à refuser, à imposer, à refuser qu’une simple modification de Cadre Départemental comme moyen politique et économique à la transformation des rapports sociaux et à la conclusion de projets économiques.

A refuser de confier aux élus qui ont fait la preuve de leur petitesse la noble

tâche d’organiser autrement notre société.

A imposer le droit de décider des choix préservant, les intérêts du plus grand nombre.

A imposer une nouvelle répartition des richesses au profit des classes laborieuses et populaires.

A imposer le respect de notre cadre de vie et par l’élévation de notre culture, de notre langue, l’affirmation de l’homme guadeloupéen.

XII - L’intégration de la Guadeloupe à l’Europe est-elle un moteur ou un frein au développement ?

La Construction de l’Unité Européenne et l’intégration de la Guadeloupe à l’Europe n’a en réalité que renforcé notre dépendance, accentué l’assistanat et placé notre pays encore plus en marge de la Caraïbe.

Nous sommes français et européens de la Caraïbe. Seulement, les atouts de la préférence communautaire n’ont plus court, ni non plus les barrières douanières.

L’Europe investit et impose ses règles. « Qui paye décide… nous l’avions oublié. »

Il ne peut être dorénavant retenu que des règles économiques conformes aux directives européennes protégeant les intérêts du marché européen. Et le corollaire de ce positionnement s’appelle chômage, déréglementation, liberté de circulation des marchandises, des biens et des personnes….

XIII - Comment amorcer une véritable participation de la Guadeloupe aux échanges dans la caraïbe ? Ceux-ci sont-ils souhaités ?

Quels sont les freins à l’annonce d’une participation véritable de la Guadeloupe aux échanges dans la Caraïbe ?

La caraïbe est vécu depuis quelques temps comme la sortie possible à nos difficultés. Les entreprises veulent y commercer, les politiciens veulent siéger, même sans pouvoir, aux côtés des chefs d’État indépendants tout en restant français, européens et dépendants.

Cette Caraïbe qui n’était que « misère et violence », repoussoir aux idées indépendantistes, semble aujourd’hui être érigé en zone fréquentable.

Bien évidemment, « mieux formés, nourris et soignés, plus diplômés’’ nous espérons réussir à nous imposer parce que les autres sont encore sous-développés » et n’ont pas derrière eux une Grande Puissance Mondiale.

Nous voulons alors y imposer nos méthodes de pèche, nos produits made in France et pourquoi pas notre langue Française.

Notre participation dans la caraïbe ne peut être opérante sans souveraineté, sans que nous ne soyons nous-mêmes, sans que nous ne soyons Caraïbéen.

Nous échangeons actuellement 2 % en importation et 5 % en exportation avec les pays de la zone.

Pour faire plus il semble qu’il faille que les travailleurs consentent à réduire leur rémunération et leur niveau de protection sociale, autrement dit, pour que l’entreprise guadeloupéenne survive dorénavant, elle doit bénéficier des aides publiques, ramener ses coûts de production au niveau de ceux de la Caraïbe, vendre des produits et des services européens dans la Caraïbe, tout en protégeant parallèlement son marché intérieur…

A l’évidence, nombre de décideurs politiques et économiques de Guadeloupe ne reconnaissent pas la souveraineté de ces pays, sont peu informés des structurations de ces sociétés et se considèrent comme des sauveurs de leurs économies.

Si notre pays ne participe pas à la construction de la Caraïbe, elle ne peut prétendre en bénéficier.

Le 02/02/2000

Le Secrétaire Général

G. CLAVIER

Publié par la Centrale UGTG le samedi 30 septembre 2017

Forum article

Aucune réaction pour le moment !