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Lire, écrire ou comprendre un texte ne sont pas des acquis pour tous. Parmi les Guadeloupéens âgés de 16 à 65 ans, 25 % éprouvent des difficultés suffisantes pour les gêner au quotidien. Les difficultés augmentent avec l’âge mais les jeunes ne sont pas épargnés : 15 % des 16-29 ans sont en grande difficulté. Scolarisation au plus jeune âge, niveau de vie des parents, langue pratiquée à la maison sont autant de critères qui influent dans la maîtrise de l’écrit en français. Se trouver en situation d’illettrisme est un facteur aggravant au regard de l’emploi. Compenser par l’oral est un palliatif : 61 % des Guadeloupéens en difficulté à l’écrit sont à l’aise à l’oral.
Au 1er janvier 2009, 55 000 Guadeloupéens âgés de 16 à 65 ans, soit une personne sur quatre, se trouvent dans une situation préoccupante face à l’écrit, à un degré tel qu’une communication efficace par ce moyen leur est particulièrement difficile. Pour un Guadeloupéen sur six, la communication est même très difficile. Ils obtiennent un taux de réussite inférieur à 40 % à des exercices permettant d’évaluer leurs compétences dans les trois domaines fondamentaux de l’écrit : la lecture, l’écriture et la compréhension d’un texte simple. Des gestes de la vie quotidienne comme lire un journal, rédiger une demande d’emploi ou comprendre un contrat en sont rendus d’autant plus délicats.
Le lieu de scolarisation est déterminant : plus des deux tiers des résidents guadeloupéens ayant été scolarisés à l’étranger ont des difficultés graves ou fortes. Le français, langue étrangère pour cette population, constitue un obstacle important à la communication. Néanmoins, parmi les personnes ayant été scolarisées dans le département ou ailleurs en France, 48 000 Guadeloupéens, soit 20 % des 16-65 ans, se trouvent en situation d’illettrisme.
La grande majorité des Guadeloupéens (72 %) n’éprouvent pas de difficultés dans la communication écrite. Ce taux reste toutefois inférieur de huit points à celui de la Martinique et de la France métropolitaine.
Ce résultat varie suivant les trois domaines de l’écrit (lire, écrire, comprendre un texte simple).
La lecture ne pose pas de problème à 90 % des guadeloupéens. Seuls 5 % d’entre eux éprouvent des difficultés en lecture à un stade tel que la communication avec autrui est rendue très difficile.
L’écriture n’est véritablement maîtrisée que par 73 % des Guadeloupéens. Dans ce domaine, l’écart se creuse avec la France métropolitaine et la Martinique où ce moyen de communication est efficace pour respectivement 86 % et 84 % des résidents. 23 % des Guadeloupéens ont des difficultés en écriture contre 9 % dans l’Hexagone.
Dans une moindre mesure, il en est de même pour la compréhension d’un texte simple : en effet, si 74 % des Guadeloupéens n’ont pas de problème, 16 % d’entre eux se trouvent en situation de difficultés graves pour comprendre un texte écrit.
Parmi les 16-29 ans, une personne sur six rencontre de sérieuses difficultés dans un des domaines fondamentaux de l’écrit. Ce constat pose des questions sur la scolarisation des jeunes guadeloupéens. Il constitue également un défi important au regard de la lutte contre l’illettrisme et un enjeu majeur pour la société guadeloupéenne s’agissant de l’intégration de cette population dans la vie active.
Les difficultés face à l’écrit augmentent avec l’âge. Le niveau moyen d’étude des plus jeunes s’est amélioré avec l’allongement de la scolarité. La proportion de sexagénaires en difficultés fortes ou graves est trois fois plus importante que celle des moins de 30 ans. Mais les difficultés de cette population sont rarement au centre des politiques publiques.
Le niveau d’études est souvent mis en perspective avec l’illettrisme et plus généralement avec les situations de graves difficultés face à l’écrit. À cet égard, 69 % des personnes en situation d’illettrisme n’ont aucun diplôme, 13 % ont obtenu un CAP/BEP et 7 % un CEP. Pour 54 % des personnes en difficultés, les obstacles ont commencé dès l’école primaire. Effet bénéfique de l’apprentissage dès le plus jeune âge, 80 % des personnes ne rencontrant pas de difficultés étaient déjà à l’école à cinq ans. Pour celles se trouvant en situation d’illettrisme, cette proportion n’est que de 60 %. Au cours de leur scolarité, 46 % d’entre eux ont connu entre un et deux redoublements, alors que 71 % de ceux qui sont sans difficulté n’ont jamais redoublé.
La situation vers l’âge de cinq ans est primordiale parce qu’elle constitue la période d’apprentissage des savoirs de base. Cette période peut être troublée par l’environnement social dans lequel elle s’est déroulée. Huit personnes en situation d’illettrisme sur dix sont issues de familles dont le niveau de vie était juste ou qui ne s’en sortaient pas.
La situation des parents par rapport à l’emploi apparaît moins discriminante : 80 % des personnes en grande difficulté avaient des parents qui travaillaient contre 90 % de ceux qui sont à l’aise vis-à-vis de l’écrit.
La langue pratiquée à la maison pendant la phase d’apprentissage peut avoir un impact non négligeable. Pour 70 % des personnes en situation de graves difficultés face à l’écrit, la langue parlée à la maison vers l’âge de cinq ans était principalement le créole. Cependant, la pratique du créole ne peut pas constituer à elle seule un facteur explicatif : un tiers des Guadeloupéens maîtrisant suffisamment l’écrit de la langue française vivaient également, à l’âge de cinq ans, au sein d’une famille où le créole était la langue principale.
L’illettrisme constitue un facteur discriminant vis-à-vis de l’emploi. C’est parmi les hommes ou les femmes au foyer et les autres inactifs non retraités que la part des personnes en difficultés graves est la plus importante : 38,5 % sont en situation préoccupante. Un tiers des personnes sans emploi ont des difficultés importantes. Pour ces deux populations, la rédaction d’un CV ou la lecture d’une offre d’emploi sont pénalisées par l’absence de maîtrise face à l’écrit.
Dans le cadre professionnel, savoir écrire ou lire est indispensable : parmi les Guadeloupéens qui travaillent, 16 000 sont en situation préoccupante face à l’écrit. Ils sont majoritairement employés (47 %) mais également ouvriers spécialisés (33 %) ou ouvriers qualifiés (10 %). Les autres professions sont assez peu concernées par ces difficultés face à l’écrit.
En calcul, 25 % des Guadeloupéens éprouvent des difficultés. Les difficultés avec l’écrit se combinent avec celles rencontrées en calcul : 57 % des personnes ne maîtrisant pas l’écrit sont dans ce cas.
Dans le domaine de la compréhension orale, 84 % des Guadeloupéens de 16 à 65 ans maîtrisent ce moyen de communication ; 16 % ont des performances médiocres. Un chiffre qui grimpe à 39 % parmi les personnes ne maîtrisant pas l’écrit.
Cependant, signe caractéristique, 61 % des personnes en difficulté dans les domaines fondamentaux de l’écrit sont néanmoins à l’aise à l’oral. Parmi eux, 31 % le maîtrisent parfaitement contre 26 % en France métropolitaine et 18 % en Martinique. Ces personnes en graves difficultés face à l’écrit développent des facultés, notamment de compréhension orale, afin de pallier ce manque.
Philippe MOUTY
Source : Insee Guadeloupe
[1] Qu’est-ce que l’illettrisme ? Selon l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme (ANLCI), l’illettrisme qualifie la situation des personnes de plus de 16 ans qui, bien qu’ayant été scolarisées en France, ne parviennent pas à lire et comprendre un texte portant sur des situations de leur vie quotidienne et/ou ne parviennent pas à écrire pour transmettre des informations simples.
Tableau 1 : 25 % de Guadeloupéens en situation d’illettrisme
- Difficultés à l’écrit selon le sexe et l’âge.
Tableau 2 : Difficultés à l’écrit selon le statut d’occupation et le pays de scolarisation en Guadeloupe
Tableau 3 : 72% des Guadeloupéens maitrisent l’écrit de la langue française - Résultats en lecture, production de mots et compréhension de texte.
Tableau 4 : 84 % des Guadeloupéens maitrisent la compréhension orale - Performance en calcul et en compréhension orale en Guadeloupe
Ce n’est pas l’utilisation à la maison d’une autre langue que le français qui peut être une gêne à l’apprentissage en lecture/écriture, c’est ce qu’on appelle le "niveau de langue" (étendue du vocabulaire, manier des idées etc...). Une étude comparative avait été faite dans 2 écoles de Grenoble. Une où étaient scolarisés des enfants de travailleurs immigrés et l’autre que fréquentaient des enfants d’ingénieurs en hydroélectricité, venus du monde entier. Tous avaient une langue maternelle autre que le français, mais les enfants d’ingénieurs n’étaient pas gênés dans leurs apprentissages.
C’est aussi le regard que porte l’institution scolaire (et plus généralement la société) sur la langue maternelle qui entre en ligne de compte. Parler plusieurs langues est un atout, mais si l’une des langues est méprisée socialement, cela devient une gêne aux apprentissages. C’est le cas en France avait les langues de l’immigration.