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CANCÉROLOGUE réputé à l’hôpital Georges-Pompidou, le professeur Dominique Belpomme a conduit récemment une mission scientifique en Martinique et en Guadeloupe pour mesurer les conséquences de l’usage massif des pesticides par l’agriculture antillaise. Le constat - il n’hésite pas à parler d’îles « empoisonnées » - que ce scientifique très engagé dans la cause écologique livre en exclusivité à notre journal est accablant.
Propos recueillis par Jean-Marc Plantade | 17.09.2007
Vous avez enquêté en avril-mai dernier sur la pollution par les pesticides aux Antilles. Quel constat faites-vous ?
La situation y est extrêmement grave ! Les expertises scientifiques que nous avons menées sur les pesticides conduisent au constat d’un désastre sanitaire aux Antilles. Le mot n’est pas trop fort : il s’agit d’un véritable empoisonnement de la Martinique et de la Guadeloupe. Empoisonnement ? Oui, par les pesticides. Il y a le chlordécone, le paraquat (interdit très récemment) et plusieurs dizaines d’autres pesticides utilisés dans des conditions plus qu’opaques. Lors de mon séjour aux Antilles, je n’ai d’ailleurs pu avoir aucun renseignement sur ces pesticides... souvent largués par avion.
Mais qu’est-ce qui est empoisonné au juste ?
L’empoisonnement concerne le sol et l’eau. Le chlordécone, par exemple, se fixe dans les argiles du sol de façon quasi indélébile puisque sa durée de fixation est de l’ordre du siècle. Résultat : la chaîne alimentaire est touchée et au premier plan l’eau. En Martinique, la plupart des sources sont polluées. Les fruits et les légumes-racines sont contaminés par les pesticides, certaines viandes également.
Pourtant, les producteurs de bananes affirment que leurs fruits sont sains...
C’est exact car la contamination s’arrête au niveau de la peau. « Malformations congénitales, troubles de la reproduction »
Alors quelles sont les conséquences sur les populations ?
Je pense que cette affaire se révèle être beaucoup plus grave que celle du sang contaminé. Cette fois, c’est toute une population qui a été empoisonnée : celle qui vit aujourd’hui, mais aussi les générations futures. Du fait de leurs molécules CMR (cancérigène-mutagène-reprotoxique), les pesticides sont impliqués dans la genèse de certains cancers. Ces molécules sont également responsables de malformations congénitales, de troubles de la reproduction.
Ce sont là des données toxicologiques de base... Mais qu’avez-vous précisément constaté aux Antilles ?
Le taux de cancers de la prostate y est majeur : les Antilles sont au deuxième rang mondial. Les extrapolations montrent que pratiquement un homme sur deux aura dans sa vie un risque de développer un cancer de la prostate. En outre, le taux des malformations congénitales augmente dans les îles. Enfin, les femmes ont beaucoup moins d’enfants aux Antilles qu’il y a quinze ans. La thèse classique veut que cela soit lié à la pilule. Je pense pour ma part que c’est aussi lié aux pesticides.
Avez-vous découvert autre chose ?
Oui ! En Guadeloupe, on a pu démontrer que toutes les femmes enceintes et que tous les enfants qui naissaient étaient contaminés au chlordécone. On le retrouve dans le cordon ombilical. Cela constitue une véritable bombe à retardement : outre un risque de cancer, ces enfants peuvent aussi devenir stériles. Vous êtes sûr de ce que vous avancez ? Tout cela est scientifiquement établi, mais nous n’avons pas encore la preuve épidémiologique que les cancers de la prostate sont liés au chlordécone. Je vais donc lancer cette étude. Je retournerai en décembre aux Antilles pour doser scientifiquement les pesticides que l’on pense être responsables des cancers de la prostate.
On est donc bien loin du principe de précaution sans cesse mis en avant en métropole, non ?
Je le répète : c’est une crise sanitaire majeure. Cela n’a rien à voir avec le principe de précaution. D’autant que si on est à peu près certains que des cancers sont liés aux pesticides, il y a une maladie dont on sait qu’elle est causée par le chlordécone. Ce sont les myélomes. Plusieurs dizaines de patients sont actuellement victimes de cette espèce de leucémie des os, ils ont tous été empoisonnés par le chlordécone. Certains sont même décédés.
Des morts à cause du chlordécone ?
Nous sommes certains de sa responsabilité. Depuis 1979, on sait au niveau international que ce pesticide est un produit excessivement toxique. Bizarrement, c’est en France qu’on l’a utilisé le plus longtemps.
Pourquoi ?
Il y a eu au bas mot une insuffisance des pouvoirs publics dans la prise en compte des risques sanitaires liés à l’utilisation des pesticides. La France a interdit le chlordécone en 1990 sur tout son territoire sauf... aux Antilles.
Pourquoi ?
Je rappelle au passage que le ministère de l’Agriculture n’a pas tenu compte de l’avis de sa propre commission de toxicologie qui demandait depuis longtemps l’interdiction du paraquat. Or, ce dernier est au moins aussi redoutable que le chlordécone. Une autre bombe à retardement !
Source : Le Parisien