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Sarah ARISTIDE
Diplômée en sciences criminelles et criminologiques
Avocat au Barreau de la Guadeloupe
Aff : Fichier Illégal
Ref : Pointe-à-Pitre, le 11 Octobre 2010
Lettre ouverte à Monsieur le Ministre de l’intérieur, de l’outre mer et de collectivités territoriales
Brice HORTEFEUX
Monsieur le Ministre de l’intérieur,
C’est avec grand intérêt, que j’ai noté votre prise de position quant au fichier illégal créé récemment et concernant les ressortissants roumains et « gens du voyage », et dont l’existence a été dénoncée par 4 Associations de défense des droits de l’homme.
Pour ma part, je me préparais à déposer une plainte pénale pour des raisons identiques, que je vous exposerai ci après, mais préfère avant toute procédure contentieuse, vous tenir informé, si d’aventure vous ne l’étiez pas, de certaines pratiques ayant cours sous nos latitudes.
J’ai reçu plusieurs clients, ressortissants d’origine Haïtienne, dont j’ai en main les témoignages et qui sont étonnamment similaires.
Ainsi, pour vous résumer la situation, ces derniers, qui sont tous en voie de régularisation de leur situation sur le territoire français, se sont soit présentés à la préfecture et ce à la demande des services préfectoraux (étant entendu qu’ils avaient déjà été convoqués par le passé par les mêmes services, ce qui explique leur absence de méfiance), soit fait contrôler dans des conditions totalement illégales au regard des prescriptions du Code de Procédure Pénale en ce qui concerne les contrôles d’identité, que je vous ferai pas l’injure de vous rappeler.
C’est dans ces conditions, qu’ils ont été amenés par les policiers s’étant présentés comme appartenant à la PAF et qui ont procédé à leur interpellation et interrogatoires dans les locaux de la PAF, soit sur la région de BASSE-TERRE, soit sur la région de POINTE-A-PITRE.
A partir de cet instant, il leur a été annoncé qu’ils étaient en garde à vue et pour la plupart d’entre eux, il leur a été indiqué, que la présence d’un Avocat était inutile dans la mesure où « celui ne les empêcherait pas de les interroger »(SIC !).
D’autres ont fort heureusement eu la possibilité de joindre un Conseil, qui en tout cas pour les dossiers que j’ai en ma possession a été contacté trop tard pour se rendre « en garde à vue », puisqu’il semble qu’il s’agisse d’une telle mesure.
Je ne m’avancerai pas davantage sur ce terrain, dans la mesure où j’ignore véritablement le qualificatif juridique employé pour ces auditions manifestement illégales, faisant suite à ces arrestations tout aussi illégales.
Mes clients m’indiquent tous que cette mesure de garde à vue ne devait durer selon les cas que de deux à quatre heures et qu’ils seraient relâchés par la suite, les privant par la même d’un passage devant le juge des Libertés et de la détention, qui n’aurait pas manqué d’annuler ces « procédures d’interpellation », qui prêteraient à sourire si il ne s’agissait pas du traitement aussi illégal que dégradant d’êtres humains, fussent ils étrangers…
Mais le pire est à venir, faisant penser à des pratiques d’un autre temps et inconcevables dans une démocratie libérale, se présentant comme le berceau des droits de l’homme, fussent ils encore une fois étrangers !
Tous mes clients ont été interrogés sur leur vie privée et sur des détails de leur vie qui relèverait quasiment du secret de la confession et qui ont été scrupuleusement notés, selon leurs dires.
Mais mieux, tous ont fait l’objet de prises de clichés photographiques et de prises d’empreintes papillaires.
Les policiers de la PAF, leur ont déclaré à chacun, qu’à l’issue de ce « passage » dans leurs locaux, ils seraient libérés après autorisation du préfet, leur indiquant par la même que le préfet était au courant de ces pratiques que l’on croyait légitimement passées, déclarations qu’ils ont évidemment cru puisque nombre d’entre eux avaient été directement arrêté à la préfecture à leur arrivée ou après avoir patienté parfois jusqu’à une demi heure, ce qui induit dans ce cas que la PAF avait été appelée par les services préfectoraux.
Tous ces faits m’amènent à penser véridique l’existence d’un fichier illégal concernant les étrangers et plus particulièrement les ressortissants haïtiens, que je ne peux passer sous silence en vous interpellant directement et publiquement, et ce avant le dépôt de toute plainte car j’ose espérer que vous aurez mesurer la gravité d’une telle atteinte aux droits de l’homme et prendrez toutes les mesures qui s’imposent pour faire la lumière sur ces pratiques sinistres et indignes de toute société démocratique.
J’adresse bien évidemment copie de la présente au Préfet de la Région GUADELOUPE, ainsi qu’au Procureur de la République de BASSE-TERRE et à celui de POINTE-A-PITRE, qui auront eux aussi certainement une réponse à apporter à toutes ces violations si elles leur sont méconnues.
Dans l’attente d’une réponse de votre part,
Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre de l’intérieur, à l’expression de mes salutations distinguées.
Sarah ARISTIDE
Lettre ouverte au ministre de l’Intérieur