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Au lendemain de ce qui fut rapidement appelé « l’émeute de Tottenham », les écrans de télévision répétaient en boucle les mêmes images spectaculaires de bâtiments et de voitures en feu. Comme toujours les commentateurs autorisés – politiques et journalistes bien-pensants, inspecteurs de police, etc - sont prompts à condamner la violence. Ce qu’ils ne mentionnent jamais c’est comment les mêmes causes, dont ils sont directement responsables – misère sociale, diabolisation de la population locale, harcèlement policier, etc - amènent toujours les mêmes conséquences. De quel côté se trouve la violence ?
The Tottenham Outrage - Quelle violence à Tottenham ?
Soulèvement et rage populaire dans le quartier nord de Londres
lundi 8 août 2011 , par nico
Au lendemain de ce qui fut rapidement appelé « l’émeute de Tottenham », les écrans de télévision répétaient en boucle les mêmes images spectaculaires de bâtiments et de voitures en feu ou de jeunes pillant des magasins. Des « nouvelles » visuelles de qualité ! Comme toujours lorsque ce type d’évènement se déroule, on fait face aux mêmes réactions d’indignation morale des commentateurs autorisés habituels – politiques et journalistes bien-pensants, inspecteurs de police, etc… Tous condamnent la violence, parlent de manifestation pacifique détournée par des criminels extérieurs et ressentent soudainement une forte sympathie envers les habitants du quartier. Ce qu’ils ne mentionnent jamais c’est comment les mêmes causes – misère sociale, diabolisation de la population locale (notamment jeunes et ouvriers), harcèlement policier, etc - amènent toujours les mêmes conséquences. Serait-ce parce qu’ils font précisément partie de la classe responsable de cette situation qu’ils ne mentionnent rien de tout ça ?
Il y a trente ans cette année, les émeutes de Brixton ont explosé et se sont étendues à d’autres quartiers et villes en Angleterre, jusqu’à Toxteth par exemple, quartier populaire de Liverpool. Il y a 25 ans, dans ce même quartier pauvre de Londres, à Tottenham, la cité de Broadwater Farm s’est aussi embrasée, suite à la mort d’une résidente, Cynthia Jarret, aux mains de la police. A chaque nouveau soulèvement de ce type, l’histoire semble se répéter, et étant donné que rien ne change, il n’y a pas de raison que cela s’arrête.
Comme toujours le mot d’émeute n’est pas approprié pour décrire la situation. Il fournit un mot choc pour les gros titres mais il ne reflète pas la réalité de la situation, il n’explique pas pourquoi les choses se passent, ni ne décrit vraiment ce qu’il se passe. Ce n’est pas non plus un mot neutre puisqu’il implique la violence ne peut venir que d’un côté et d’un seul. Et ce côté ce n’est pas celui des institutions. Aux yeux des médias, ce sera toujours celui des manifestants, des jeunes, des pauvres, des criminels extérieurs, etc… La racaille de ce monde en quelque sorte.
Mais la réalité de la situation est différente. Plusieurs personnes ont réagi en disant que c’était un bien triste jour pour Tottenham. Ce qui est réellement triste en fait, c’est ce qui s’est passé avant les incidents du samedi 06 août, tout ce qui a amené depuis des années, à ce soulèvement, à l’éclatement de cette rage populaire.
Il ne faut ici pas sous-estimer le ressentiment et la haine de la police qui est ressentie chez une partie de la population, notamment dans certains quartiers. Il est de notoriété publique que la Metropolitan Police exerce en toute impunité et qu’aucun de ses agents n’est jamais condamné même en cas de faute. Depuis 1988 selon le Guardian, 333 personnes sont mortes en garde à vue sans qu’aucun policier ne soit jamais condamné. Les morts récentes aux mains de la police de Blair Peach, Jean-Charles de Menezes (attentats du 07 juillet 2005), Ian Tomlinson (manifestation anti-G20 en 2009) et Smiley Culture (chanteur de reggae mort lors d’un raid chez lui il y a quelques mois) sont également dans toutes les têtes. Dans ce contexte la mort toujours inexpliqué de Mark Duggan, résident de la cité de Broadwater Farm, deux jours avant les évènements de samedi était suffisante pour mettre le feu aux poudres. Le contexte global des relations quotidiennes avec la police va dans le même sens. Stafford Scott, résident de Tottenham se décrivant comme « membre actif de la communauté » écrivait en 2005, 20 ans après les incidents de Broadwater Farm :
Pour la plupart des jeunes noirs ici, les problèmes sont exactement les mêmes qu’avant. Le problème principal est toujours le racisme institutionnel et son impact, que ce soit à travers le mauvais comportement de la police, une mauvaise éducation ou le manque de travail.
Mais le contexte social et économique est tout autant à déplorer ici. La situation est ce qu’elle est tout simplement en raison de la dégradation des conditions de la population locale qu’un système capitaliste en crise ne peut qu’accentuer. Le quartier de Tottenham a un des taux de chômage les plus importants de Londres. Plus de 10 000 personnes sont à la recherche d’un emploi, ce qui signifie qu’il y a plus de 54 personnes pour chaque emploi vacant. Depuis les mesures d’austérité introduites par le nouveau gouvernement, la plupart des salaires ont été gelés et ne suivent plus l’inflation galopante. Le prix de la nourriture a augmenté de plus de 5% ces derniers mois. Les loyers, même à Tottenham sont exorbitants. Le nombre de logements sociaux diminue depuis que Thatcher a permis à chaque habitant de s’endetter pour pouvoir racheter son logement social, et aucune loi n’oblige les boroughs (terme désignant l’entité légale que représente chaque regroupement de quartiers Londonien, comme les arrondissement à Paris) à construire davantage de logement social. En 4 ans, de 2006 à 2009, seulement 328 logements sociaux ont été construits dans tout le borough d’Haringey (qui comprend entre autres le quartier de Tottenham). De façon générale, les résidents ressentent de la frustration et de l’aliénation par rapport à un monde qui leur vend une réalité différente de la leur, scintillante et inaccessible alors qu’ils savent très bien que la meilleure situation à laquelle ils peuvent aspirer, c’est celle d’un travail pénible, ennuyeux et sous-payé.
Et la violence réelle c’est celle-là. Ce n’est pas celle dénoncée par les politiques, journalistes et policiers. C’est celle du gouvernement qui s’acharne à faire payer la crise financière aux classes populaires, qui pratique une politique anti-sociale en coupant les budgets de tous les services publics, qui coupe l’allocation de maintenance d’éducation (EMA) pour les jeunes les plus pauvres de moins de 18 ans, qui augmente les frais d’université pour les jeunes étudiants, qui démantèle la NHS, qui réduit drastiquement les ressources des régions et des boroughs les plus pauvres de Londres. C’est une violence ciblée. C’est aussi la violence du borough de Haringey, qui a voté en février la réduction de son budget de £41 millions de livres, la plus grosse de son histoire. La communauté locale, active et mobilisée depuis plusieurs mois avant cela avait alors tenté de réagir. A l’issue d’une énième manifestation ignorée, la mairie avait été occupée de façon pacifique, dans l’espoir d’empêcher ce vote destructeur mais les élus locaux leur avaient envoyé la « riot police » (TSG), équivalent local des CRS. Les conséquences de ce vote furent directes et désastreuses. Ce n’est qu’un début, mais il signifie déjà la fermeture ou la dégradation de beaucoup d’infrastructures et de services sociaux, des maisons de retraites, des services de santé mentale, des parcs, des bibliothèques, des piscines, des associations communautaires mais aussi de tous les clubs de jeunes (youth clubs). En effet 13 associations et clubs de jeunes viennent d’être fermés ces derniers mois à Haringey. Il y a à peine deux semaines, le Guardian publiait sur son site une vidéo qui révélait l’impact que ces fermetures pourraient avoir sur la communauté locale. Un des jeunes interviewés finit l’interview, dépité, sur ces mots, qui semblent maintenant prophétiques « Y aura des émeutes… y aura des émeutes. »
Ces décisions du gouvernement et des élus locaux ne seront jamais considérées comme violentes, parce qu’elles sont prises par des hommes en costume, qui signent un document derrière des portes fermées. Mais des vies sont détruites par ces décisions, la pauvreté s’accroît, des gens souffrent jusqu’au jour où tout éclate. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas accepter la condamnation morale de la violence, ni encore moins la sympathie et les larmes de crocodiles de ces politiques, élus locaux, inspecteurs de police ou journalistes sans conscience. Les députés de Haringey, David Lammy et Lynn Featherstone, les élus locaux comme Claire Kober, leader du borough (majorité travailliste), ce sont bien eux qui sont responsables de cette situation. Ils parlent de déshonneur et qualifient les incidents de samedi d’attaque contre Tottenham. Mais qui attaque réellement la communauté ? Qui pille et saccage Tottenham ? Une des premières déclarations de Lynn Featherstone a été de remercier la police pour son travail et de promettre plus de fermeté policière. Voilà l’étendue du gouffre qui sépare les élites et les preneurs de décisions du reste de la population. Qu’ils s’étouffent tous avec leurs discours et leurs sermons.
C’est triste à dire, mais il n’y avait nul besoin d’un prophète pour prédire qu’une telle rage, qu’un tel soulèvement pouvait éclater ces derniers temps dans les quartiers pauvres de Londres. Il suffisait d’une injustice supplémentaire, d’un évènement déclencheur, et c’est ce qu’a été la mort toujours inexpliquée de Mark Duggan [1], résident de la cité de Broadwater Farm, dans le quartier de Tottenham à Londres.
Source : Melanine.org
A l’heure où je finis d’écrire ces lignes, les incidents se poursuivent dans d’autres quartiers de la capitale, Hackney dans l’East End, Peckham, Lewisham et Croydon au Sud, etc… La frustration et l’oppression économique ne sont évidemment pas présentes qu’à Tottenham. Mais il semble que l’étincelle a fait déborder le vase…