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"L’ECHO HAUTE-VIENNE" : Elie DOMOTA Un syndicaliste « normal »

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A Limoges dans le cadre d’une tournée visant à dénoncer la répression dont sont victimes les syndicalistes guadeloupéens, Elie Domota, porte-parole du LKP, a évoqué le pourquoi et le danger de cette tentative d’éradication des luttes sociales dans le « laboratoire » antillais.

Derrière une voix posée qui traduit parfaitement le fil de sa pensée, on devine qu’Elie Domota, la grande figure de la lutte du LKP en Guadeloupe, n’a rien de ce people qui cherche par tous les moyens à occuper le devant de la scène. Lui a plutôt été pris par l’action, poussé par les autres. « Je suis d’un naturel timide qui n’aime pas la foule. Mais le 16 décembre 2008, après une première manifestation, les camarades ont dit : « C’est toi qui va parler. » Et après de longues semaines de grève générale, le mouvement de masse du LKP est parvenu à faire plier le patronat guadeloupéen en lui faisant signer deux accords majeurs prévoyant de mettre un coup d’arrêt à l’exploitation des salariés et des consommateurs de ce département d’outre-mer.

Mais aujourd’hui, comme nous l’avons évoqué dans nos éditions de vendredi et lundi, tout se passe comme si ceux qui possèdent et exploitent tenaient leur revanche. Depuis que les aides de l’Etat et des collectivités se sont arrêtées (comme cela était prévu) des employeurs refusent à présent d’assumer l’accord sur la hausse des salaires.
Avec la bénédiction de l’Etat. « On a demandé l’arbitrage de la direction du travail et le préfet lui a interdit de prendre position sous prétexte du contexte électoral. Mais depuis quand les élections interdisent à des agents de l’Etat de faire leur travail et de faire respecter le droit ? » Pire, face à un nouveau mouvement de grève, le 10 mai dernier, c’est l’armée qui a été appelée en renfort. « Les gendarmes sont intervenus sur des piquets de grève sans décision du tribunal, qui plus est accompagnés de non-salariés pour remplacer le personnel en grève. »

Parallèlement les syndicalistes sont frappés par la répression
 : licenciement, accusation d’homicide, peines d’amende pour refus de test ADN. « Des camarades ont été relaxés des poursuites pour lesquels ils ont été traduits en justice mais condamnés pour avoir refuser le test. Comme si un syndicaliste était un délinquant sexuel. »

Toutes ces brimades qui visent à l’étouffement de la contestation sociale reviennent pourtant selon Elie Domota à tirer sur son propre camp. « Le LKP est une chance. Pour la Guadeloupe mais pour la politique dans son ensemble. Mais au lieu de le soutenir, on préfère le liquider. » Un jeu dangereux quand on considère le caractère explosif de la situation sur une île où 60% des moins de 25 ans sont au chômage. « Ma grande crainte c’est que, à force de ne pas répondre
aux besoins du plus grand nombre, on ne sombre dans la guerre civile. »
Une mise en garde qui n’a rien d’une menace. Précision importante.

Dans une opinion fabriquée à coups de « tweets » persifleurs ou par la grâce des 15 secondes d’une vidéo racoleuse jetée en pâture aux internautes, celui qui ne revendique aucunement l’étiquette de leader
apparaît avant-tout comme un dangereux jusqu’au-boutiste, qui appellerait à la violence et menacerait de mort.

Ou comment punir toute voix discordante de lynchage intellectuel dans l’espace public. Ainsi en va-t-il pour l’action du LKP, stigmatisée, et pour Elie Domota, taxé d’anti-républicain ici, d’indépendantiste-marxiste là, selon des formulations baignant dans un fond de colonialisme inavoué. « Notre combat a toujours un double aspect : contre la domination capitaliste d’une part et contre la domination colonialiste de l’autre », reconnaît Domota.

Car les inégalités sociales frappent le plus souvent les populations noires. Et l’Antillais noir qui réussit est celui qui s’illustre sur les terrains de foot, ou au basket. Mais l’accord obtenu par le LKP relatif à la formation des jeunes n’est toujours pas appliqué.

Parallèlement, le projet de construction d’un port en eau profonde à Pointe-à-Pitre avance lui à grande vitesse. Une menace bien réelle cette fois. « Il permettra de déverser 1 million de contenaires en Guadeloupe qui deviendra un « hub » pour toute les Caraïbes. Derrière cela, il y a l’idée de tuer toute production industrielle pour faire de notre île une terre de consommation. Un marché captif. Nous sommes les seuls à contester cela. En s’en prenant à nous, on souhaite juste éviter la contagion de la lutte. »

Au contraire, c’est le mal social qui ronge la collectivité guadeloupéenne que l’on va exporter. « Nous sommes un laboratoire de la réforme territoriale décrite par le rapport Balladur. Pour préparer le terrain, on supprime les acquis sociaux et on éradique toute contestation. Ce qui se passe Outre-Mer, c’est le brouillon du futur projet pour la Métropole dicté par les directives européennes. »

La nouvelle majorité sortie dimanche des urnes changera-t-elle les choses ? « J’ose caresser l’espoir que l’Etat nous entendra », lâche un Domota dont le chemin ne s’arrêtera pas à une éventuelle fin de non-recevoir. Fidèle à une ligne de conduite. « Plus jeune, je suis passé par les Jeunesses ouvrières chrétiennes puis à l’Union nationale des étudiants guadeloupéens. C’est comme ça que j’ai commencé à m’intéresser à la société... Je suis d’une famille modeste... C’est un parcours « normal. »

JÉRÔME DAVOINE

« Les bananiers financent les campagnes électorales »

L’affaire de la pollution au chlordécone illustre pour Elie Domota le mépris de la Métropole pour la Guadeloupe.

« Alors que le chlordécone était interdit aux Etats-Unis depuis les années 1970, il a été autorisé en Guadeloupe jusqu’en 1993. Aujourd’hui les sols sont pollués. Tous les Guadeloupéens sont contaminés et quand on demande à l’Etat de dégager des responsabilités ou de procéder à une localisation précise des sols pollués, rien ne se passe », déplore Elie Domota mettant cette affaire en rapport avec l’affaire des prothèses PIP et la vitesse à laquelle les pouvoirs publics ont réagi. « Chez nous, l’épandage des pesticides
se poursuit, après une autorisation reconduite en catimini tous les 6 mois. Pourquoi ? Parce que le lobby des bananiers finance les
campagnes électorales. »
Cher payé, le prix de la démocratie.

Publié par la Rédaction le lundi 2 juillet 2012

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