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Karibbean-spirit.com
Mardi 19 juillet 2005 par Rodrigue V.
Bonjour Humbert Marboeuf. Présentez vous s’il vous plait…
Humbert Marboeuf, Guadeloupéen, né à Pointe-À-Pitre, j’ai 56 ans et je suis chauffeur de profession, actuellement au chômage.
Comment définissez-vous votre expo aujourd’hui ?
Eh bien, il faudrait que je vous raconte ma petite histoire : je travaillais dans un centre avec des jeunes en difficulté et en échec scolaire. Comme j’étais chauffeur, j’étais chargé de les raccompagner dans le centre dans lequel je travaillais, je m’arrêtais donc en bordure de mer avant d’entrer chez moi pour décompresser des journées difficiles,et je m’attardais au bord de la mer,soit je me baignais ou enfin, je respirais le bon air pour Humbert Marboeufcomment dirais-je décompresser.Or il se trouve qu’un jour j’ai ramassé quelques morceaux de bois avec lesquels j’ai fabriqué des cannes qui servent d’appui et que les personnes âgées utilisent généralement, je les ai offertes et j’ai été félicité de l’initiative.A d’autres occasions,je trouvai des morceaux beaucoup plus petits et je me posai la question : que faire avec ? donc j’ai réfléchi et c’est ainsi que,avec mes mains,j’ai pu façonné des cadres pour encadrer des thèmes historiques, culturels et même ethniques puisque je trouvais qu’il y avait une carence au niveau de notre histoire, soit comment dirais-je les Guadeloupéens pour certains ont honte de leur histoire, d’autres la méconnaissent et si vous voulez je récupère des images que j’agrandis et que j’encadre effectivement, ça c’est la première particularité et la seconde, je mets au dos de chaque tableau, une rubrique que j’ai intitulé « info plus diaspora neg »ou je met des inventeurs et savants noirs en valeur.Sur le site d’archives, j’avais trouvé pas mal d’inventions que les nègres ont fait depuis 1867 jusqu’à nos jours et derrière chaque tableau, j’en met une pour le designer, comment dirais-je, pour montrer l’apport des nègres au niveau de l’humanité et dont nous faisons partie.
Cette exposition est donc « littéralement »chargée de messages ?
Absolument, et je suis bien content que c’est vous qui le dites ipso facto.C’est vrai qu’elle est chargé de messages car beaucoup de Guadeloupéens ignorent que l’Afrique est le berceau de l’humanité et de la civilisation.Bien avant notre arrivée ici, au niveau de l’Afrique, il existait déjà par rapport aux pays Européens pas mal d’universités et je pense que je peux le dire, suite à mes lectures, qu’il faut être fier de nos ancêtres parce que chacun de nous sait que la médecine,l’architecture,la philosophie et tant d’autres disciplines,effectivement étaient dominés avec beaucoup d’années d’avance sur l’Europe qui était encore à l’age des cavernes.
A travers cette source de connaissances historiques et culturelles, on découvre un homme qui travaille aussi de ses mains.Ou avez-vous appris à travailler le bois ?
Il faut savoir que je suis un passionné de travail manuel et je peux dire que c’est ce qui m’a permis depuis tout jeune de gagner ma vie,puisque j’ai été renvoyé de l’école à l’age de 14 ans et comme il l’est dit dans la fiche présentant mon expo, je suis un autodidacte et je n’ai pas appris à travailler le bois. Je pense que la passion que j’ai vis-à-vis du bois m’a automatiquement donné des capacités à utiliser tout ce qui me passait sous la main et je pense que vous avez dit quelque chose qui m’a énormément fait plaisir, c’est qu’il y a beaucoup de messages à travers mes tableaux puisqu’il y a beaucoup de gens qui disent que l’esclavage, c’est du passé.Mais,non,nous avons un peuple,il n’est pas arrivé ici par hasard, il s’agit de l’histoire de 300 millions d’hommes et de femmes et même plus, qui ont été déportés de leur milieu naturel qui se trouve être l’Afrique et ont été emmenés à travers le monde suite au complot de pas mal de nations européennes,notamment la France, l’Espagne, le Portugal,l’Allemagne, la Hollande et j’en passe.
Ceci a permis l’exploitation de nos ancêtres.En France, on a légalisé la traite des nègres et c’est ce qui est grave à mes yeux,quand certains de nos compatriotes disent que c’est du passé, c’est que nous éprouvons une certaine nostalgie,qu’on a une revanche à prendre.Ce n’est pas une question de revanche.Je pense que c’est une fierté de savoir que nos ancêtres ont été ce qu’ils ont été effectivement,en tant qu’hommes ayant été « berceau de la civilisation et de l’humanité,mais aussi bien que notre histoire a été douloureuse.Ces gens là, on été capturés comme je le montre aussi sur mes tableaux, coursés comme du gibier, on les attrapait comme les pêcheurs attrapent du poisson dans leurs filets et bien souvent il y a des Guadeloupéens qui se permettent de dire oui mais « cé neg ka van’ neg ». Mais je dis que depuis que j’ai lu Omotundé J.Philippe qui est un jeune Guadeloupéen qui travaille sur l’Histoire et qui vit en France, et qui nous a clairement démontré dans ses ouvrages que les Européens se sont ligués un moment donné contre les nègres parce qu’ils pensaient tout simplement que le nègre n’avait pas d’âme et j’en veux pour preuve,ce qui est dit dans un des livres d’un certain Renan qui est un grand écrivain Français, personnage très écouté, il disait que les Chinois sont faits pour le travail et l’homme blanc pour être maître et dominé les esclaves et le Nègre est né pour travailler la terre donc suite à ces trucs là, je pense que cela a assez duré pour ce qui nous concerne, nous Guadeloupéens, 323 ans de 1525 à 1848 date à laquelle l’esclavage a été abolit.Nous avons été soumis à l’esclavage, maltraités sous un Code Noir que Colbert avait façonné sous Louis XIV et je dis que c’est bien triste pour ces gens qui se croyaient maîtres du monde puisque les Neg marrons et nos ancêtres eux-mêmes se sont toujours rebellés, il y a même des Nègres qui se jetaient à la mer quand ils se sont trouvés séparés de l’Afrique, et des femmes aussi, sur les propriétés ou on les exploitait en tant qu’esclave, tuaient leurs enfants pour ne pas qu’ils connaissent le sort qu’elles-mêmes connaissaient.Alors, je précise que je ne suis pas historien, je n’ai aucune prétention.
Humbert Marboeuf La simple chose, c’est que je m’intéresse à mon histoire,j’en suis fier, c’est une vraie plaie,mais que voulez-vous, l’histoire est ce qu’elle est. Je conseille donc aux jeunes Guadeloupéens d’être fier de leurs ancêtres.On nous a inventé Schoelcher,en disant que c’est lui qui a amené l’abolition de l’esclavage, nous nous disons que non,depuis leur départ, les Nègres d’Afrique se sont toujours battus contre ce système inhumain,jusqu’à ce que l’esclavage ait été abolit en 1848.
Vous l’avez dit vous-même, vous n’êtes pas historien. Ma question est la suivante : Comment vous qualifiez-vous par rapport à cette activité ?
Je me définis comme un citoyen Guadeloupéen. Je dois vous dire aussi que je suis pour l’émancipation des liens coloniaux qui existe entre la France et mon pays.Je pense que nous pouvons vivre sans tutelle puisque notre pays dépend de l’extérieur à plus de 95%,d’ailleurs avec les conflits actuels au niveau du port,certains Guadeloupéens disent que « le potager de la Guadeloupe se trouve sur le port »,alors que nous avons deux saisons :le carême et l’hivernage et que nous avons la possibilité de nous auto suffire en tout ce que nous avons besoin pour nous nourrir.Malheureusement,nous sommes à la coupe d’un pays qui est à mes yeux une dictature qui nous impose ses lois et ce qui fait que depuis tant d’années,ils ne conçoivent pas que les Guadeloupéens doivent se prendre en charge.
Nous rappelons que cette exposition s’intitule"Bwakoré, Bwafloté". Pourquoi ce nom ?
Donc Bwakoré, c’est pour la conscience, et Bwafloté que je ramasse en bord de mer, je l’ai déjà dit.Donc Bwafloté, Bwakoré : création et conscience.
Vous ne travaillez en ce sens que le bois issu du milieu marin en fait ?
Effectivement quand je vais en bordure de mer,je vais partout en Guadeloupe car nos cotes sont baignés par l’océan Atlantique et la mer Caraïbes,et je vous assure que je vois quelque chose qui me peine beaucoup parce qu’il y a des gens qui récupère ces morceaux de bois pour s’en servir comme bois de cuisson.Je dis que c’est un produit.Mes enfants avaient eu l’occasion d’aller dans la Caraïbe en séjour linguistique et l’un d’entre eux avait fait le malheur de ramasser des coquillages.Figurez-vous qu’on l’a fait rentrer à nouveau dans l’eau après un bain pour redéposer ces rocailles dans la mer.Ici en Guadeloupe,les gens font ce qu’ils veulent parce que le pays est envahit,ouvert à tout un chacun .Moi je dis qu’il faut respecter le pays.
Nous savons que le milieu marin peut s’avérer être nuisible pour le bois.Quel traitement utilisez-vous pour conserver ce matériau en état ?
Personnellement, je ne procède à aucun traitement du bois, d’ailleurs j’ai des modèles qui ne sont pas vernis.Je les prend, je les nettoie plus ou moins, je les polis s’il y a lieu.Cela me fait ma petite collection personnelle car je ne suis pas un commerçant et il y a des modèles qui ne sont pas vernis, mais sinon, je les laisse tel quel.
Nous nous trouvons dans le Hall d’une radio locale.C’est votre lieu d’exposition aujourd’hui.Avez-vous d’autres lieux d’expositions ?
Non. J’en suis à ma 3ème exposition. Lorsqu’on m’invite,j’y vais.J’ai eu l’occasion d’aller deux fois à Bouillante(Guadeloupe) à l’invitation de Doubout o ka et Latilyé Kaladja tout simplement puisque je l’ai dit,cela fait un an que j’ai commencé cette activité,je n’ai pas beaucoup de relations,mais je pense que je vais m’y attarder plus sérieusement car il me vient un projet,étant donné que je suis chômeur,je pense que je vais développer cela si j’arrive à obtenir au niveau financier ou autre, un prêt car c’est vraiment une idée nouvelle et je pense que cela peut nourrir un homme.
Donc aujourd’hui cette exposition s’annonce-t-elle dans un but commercial ou pas ?
L’exposition est en place. Maintenant si quelqu’un s’intéresse à l’un de mes tableaux, je peux lui en fabriquer, il n’y a pas de problème.Mais à priori, je me suis arrangé avec cette radio locale pour que ce soit une expo ou le personnel et aussi les gens qui passeront par là puissent découvrir mon travail.
Nous allons nous aussi à Karibbean-spirit présentez cette exposition sur le site Web dans le but de vous apporter un soutien. Que pensez-vous de l’initiative de ces jeunes ?
Eh bien en tant que jeunes Guadeloupéens, je vous présente mes hommages,je vous salue bien bas,je vous tire mon chapeau car je vois que la jeunesse entreprend,elle ose,car il n’y a eux que ceux qui osent qui y arrivent,celui qui ne fait rien ne peut avoir de résultat.Voir des jeunes Guadeloupéens qui sont à l’heure de la modernité au niveau de la communication,je dis que je suis très fier de ça et je souhaite vivement que ce type d’initiative se multiplie.
Etes-vous vous aussi à l’heure de la modernité, à l’heure de la communication sur le net ?
Pas spécialement, non ! Mais je m’initie peu à peu avec mon entourage et je pense que si j’arrive à m’étendre via mon projet, je m’y intéresserai de plus en plus.
Je pense qu’il faudra vous y intéresser au plus vite avec la parution sous peu de cette interview sur www.karibbean-spirit.com.
Je vous remercie et dès consultation, je vous ferai part de mon avis.
Merci