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La Guadeloupe reste une colonie asservie à la métropole

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Interview de Elie DOMOTA [Mediapart]


Mots-clés : #LKP
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Elie Domota, leader et porte-parole du Collectif contre l’exploitation outrancière (Lyannaj kont pwofitasyon-LKP), explique à Mediapart les raisons de la colère guadeloupéenne.

Quel est l’ampleur du mouvement social en Guadeloupe ?

Samedi, 65.000 personnes ont manifesté à Pointe-à-Pitre et 4000 à Basse-Terre. C’est la plus grosse manifestation de l’histoire de la Guadeloupe avec 15% d’une population de 460.000 habitants dans la rue. Imaginez simplement une manifestation avec 10 millions de personnes dans les rues en métropole ! Le malaise est réel et profond. En Guadeloupe, 100.000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté, 120.000 personnes bénéficient de la couverture médicale universelle (CMU) faute de pouvoir être couvertes par le régime général de sécurité sociale. En tant qu’agent de l’ANPE, je constate tous les jours que la situation est très très difficile particulièrement dans les agglomérations urbaines, même si, ici, on ne meurt ni de froid ni de faim. Seuls les Guadeloupéens dans les campagnes qui possèdent un petit lopin de terre, une chèvre ou un cochon s’en sortent. C’est une situation qui dure depuis longtemps, pas directement liée à la crise, et qui aujourd’hui est explosive.

Qu’attendez-vous de la visite du secrétaire d’Etat à l’outre- mer Yves Jégo qui vient d’arriver en Guadeloupe alors que l’île est en grève générale depuis le 20 janvier ?

Si nous prenons acte qu’Yves Jégo a débuté ses consultations avec le patronat et l’association des maires, nous n’avons toujours pas de réponses à nos revendications. Quoi qu’il en soit, je trouve dommage que, depuis la mi-décembre, les autorités préfectorales ne nous aient pas pris au sérieux. Le préfet a même refusé de nous recevoir, ce qui nous a conduits à appeler au mouvement de grève du 20 janvier. La seule réponse est venue du patronat et des élus qui nous ont dit : « La Guadeloupe va mal, reprenez le travail !
 » Aujourd’hui, ils se rendent finalement compte que la région est au bord du chaos social.

Quelle a été la réponse du patronat aux points de revendication de votre plate-forme ?

Les patrons ont donné dimanche une conférence de presse où ils ne répondent à aucune de nos revendications. Ni celles immédiates sur la revalorisation du pouvoir d’achat, des minima sociaux, de la baisse du taux d’octroi de mer sur les biens de première nécessité, ni sur celles, à moyen terme, sur l’aménagement du territoire, la formation professionnelle et tous les autres sujets qui nécessitent des investigations plus poussées et des négociations soutenues.
Au contraire, ils ont dévoilé treize résolutions où il n’est question que d’exiger la réouverture des commerces, des stations-service, de réprimer les grévistes, de demander à l’Etat d’assurer la sécurité des biens et de réclamer des exonérations de charges, de taxes fiscales.

Que pensez-vous des déclarations du président de région, Victorin Lurel, sur la nécessité de « donner au LKP cinq jours pour finir avec ce mouvement ( faute de quoi) nous prendrons une décision politique » ?

Ce qui l’intéresse, c’est de croiser le fer avec Yves Jégo mais il n’a jamais rencontré les autorités de l’Etat en Guadeloupe. Or ce genre de guerre politique nous semble contreproductive au re- gard de la nécessité de défendre l’ensemble des droits de ceux qui souffrent dans ce petit pays là. Si Victorin Lurel nous a fait un certain nombre de propositions, elles ne sont pas opérationnelles sans l’accord de l’Etat.
La baisse du taux d’octroi de mer sur les biens de première nécessité doit être accompagnée d’une baisse de la TVA, ce qui n’est pas le cas. Il faut que l’Etat, les collectivités et le patronat se mettent d’accord avant de venir nous voir, mais comme personne ne veut rien lâcher, on ne sait pas jusqu’où cela ira.

Pourquoi les patrons guadeloupéens sont-ils sourds à vos revendications ?

Nous avons les chefs d’entreprises les plus réactionnaires de France. Une bonne frange du patronat local vient de métropole et sont des arrière-petits-fils d’esclavagistes qui pratiquent ouvertement la discrimination raciale à l’embauche. Malgré un taux de chômage de 40%, ils continuent de faire venir leur personnel de métropole.
L’économie de la Guadeloupe est organisée autour de l’import- distribution aux mains de quatre familles « béké » (descendants des colons blancs antillais), parents entre eux, et tous descendants d’esclavagistes. La famille Hayot (GBH) qui construit et exploite les hypermarchés sous l’enseigne Carrefour est la huitième for- tune de France. Ces familles possèdent tout et pratiquent ouverte- ment une discrimination à l’embauche.
Chaque année, environ 1000 hectares de terres agricoles dis- paraissent au profit de hangars ou d’entrepôts pour ces grands groupes. De plus, la canne à sucre et la banane sont des pro- duits d’exportation, loin de pouvoir remplir les besoins alimentaires de la population. La colonie est là pour servir la métropole. La canne à sucre n’est même pas raffinée sur l’île mais en métropole d’où elle est ensuite réexpédiée et revendue aux Guadeloupéens. Les lois de défiscalisation et d’exonération, qui n’ont eu que des conséquences négatives sur l’emploi, ne sont ni plus ni moins qu’un blanchiment légal d’argent. Sans compter les hôtels qui ouvrent et qui ferment juste pour que les grosses fortunes puissent bénéficier de remises fiscales et qui ont coûté 1500 emplois à la région en dix ans.
Comble de l’absurde, il existe un projet de circuit automobile financé par le Qatar et les Emirats arabes unis de construire un circuit automobile sur un terrain agricole. Soyons sérieux. Plu- sieurs personnalités politiques ont fait part de leur intention de relancer le débat sur une assemblée unique, mais ce n’est pas le changement de statut de l’île qui réduira les problèmes des Guadeloupéens. Il faut remettre à plat les choix désastreux qui ont été faits par le passé et qui ont consolidé la structure coloniale de la Guadeloupe.

Par Maguy Day,
Mediapart

Publié par le LKP le vendredi 6 février 2009
Mis à jour le samedi 21 mars 2009

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Réaction de spin le 11 février 2009 @ 23h25

Un universitaire nous donne des pistes pour comprendre l’histoire économique antillaise de ces 50 dernières années.
Extraits de "Comment construire l’antillaise" éditions du CTHS 2002 « mélanges offerts à Jacques Adélaïde-Merlande », Laurent Jalabert pp369-386 la Caraïbe française des années 1960 à nos jours : perspectives de recherche en histoire immédiate :
"...La quasi-disparition du sucre s’est opérée en Martinique entre 1963 et 1973. Malgré des aides lourdes de l’Etat (110 millions FF entre 1963 et 1969), les faillites se sont multipliées, sous couvert de scandales financiers dénoncés par la "mission parlementaire I.Renouard" : les grands propriétaires sont soupçonnés de détournement de fonds publics. Un rapport confidentiel du ministère de l’Agriculture de 1973 stipulerait que les fonds versés auraient davantage servis à des investissements dans le secteur tertiaire, que dans l’industrie sucrière. Le groupe de békés est alors accusé de réinvestissements frauduleux.
[...]
"Afin de sortir de la dictature de la plantation et de la monoculture, les pouvoirs publics lancent des plans de diversification de la production...Les pouvoirs publics ont accompagné avec prudence ce processus, n’insistant guère dans la poursuite d’une tentative de réforme agraire entamée dans les années 1960 (le sujet mériterait une étude fouillée)...
[...]
"Le développement des îles s’est donc fait depuis quelques années sans l’agriculture : il a quasiment exclusivement reposé sur les structures commerciales. Les anciennes familles de planteurs, békés, se sont reconverties à une vitesse surprenante dans les années 1960-1970. Dans son enquête sur les DOM, les dossiers et documents du Monde pouvaient énoncer les noms des grandes familles au centre de ce processus, qui conservent en 2000 pignon sur rue..."

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