Origine du document
Site : http://ugtg.org
Page : spip.php?article1040
URL complète : http://ugtg.org/spip.php?article1040
Le mouvement social de 2009 en Guadeloupe : lutte pour l’indépendance ou nouveau modèle de mobilisation dans un monde en crise ?
La Guadeloupe, petite île française de la Caraïbe, a connu en ce début d’année 2009 un mouvement social sans précédent qui l’a paralysée pendant près de deux mois. Mais ce qui étonne le plus, c’est l’ampleur de la mobilisation : les 29 et 30 janvier, 65 000 personnes ont défilé à Pointe-à-Pitre selon les manifestants, 40 000 à Basse-Terre, soit près de 15 % de la population totale, ce qui est considérable. Les autres Départements Français d’Outre-Mer aux Amériques à savoir la Guyane et la Martinique, ainsi que la Réunion dans l’Océan Indien, ont emboîté le pas au soulèvement populaire de Guadeloupe, avec également des grèves générales très suivies.
Pendant 44 jours, des dizaines de milliers de manifestants en lutte contre "la vie chère", organisés derrière le collectif LKP (Liyannaj Kont Pwofitasyon) n’ont pas lâché sur leurs exigences, jusqu’à aboutir finalement à la signature d’un accord le 26 février, et à celle d’un protocole de fin de conflit le 4 mars, après avoir obtenu des garanties sur le principal mot d’ordre : l’augmentation salariale de 200 euros pour les plus bas revenus. Un mort malheureusement est à déplorer, un responsable syndical, Jacques Bino, dont le nom a été repris comme un symbole de l’engagement, pour désigner l’accord signé le 26 février dit "accord Bino". Bien pire cependant a été évité, à savoir un embrasement avec de nombreux morts, compte tenu de l’extrême tension qui a régné sur ces territoires :
Face à l’intransigeance du principal syndicat patronal, le Medef, et au pourrissement puis à la répression orchestrés par les autorités françaises, certains jeunes sont entrés dans une phase d’action violente.
À la disparition tragique de Jacques Bino, dont les circonstances restent encore troubles [1], s’ajoutent de nombreux blessés par balle, notamment du côté des forces de l’ordre. Certains jeunes, armés, ont organisé de véritables guérillas urbaines dans les grandes villes des Départements Français d’Outre-mer, des magasins ayant même été pillés.
Comment en est-on arrivé là ? Et au-delà de l’augmentation salariale de 200 euros conquise pour les bas salaires, ainsi qu’une avancée conséquente sur près de 150 points de revendications proposés par le LKP, quels sont les changements profonds que ce mouvement social a induits ?
1) Tout d’abord, le malaise profond qui empoisonne ces sociétés de l’Outre-mer français est à double dimension : à la fois d’ordre économique, mais aussi identitaire, car le traumatisme de l’esclavage et la division "socio-raciale" [2] qui en ont découlé, se sont perpétués dans l’organisation même des rapports internes à ces sociétés, et aussi externes dans la relation à l’État. Sur ce dernier point en effet, la France a un sérieux problème avec sa diversité culturelle, et elle entretient avec ses Départements Français d’Outre-mer, "ex-colonies", une relation de dépendance voire de type colonial qui ne dit pas toujours son nom. L’Histoire pourra alors nous éclairer, en nous intéressant notamment au pouvoir économique des descendants de colons [3], qui en plus de détenir des monopoles d’une ampleur interdite par la loi française, pratiquent dans les grandes surfaces en Martinique et en Guadeloupe des prix étant parfois 2 à 3 fois plus élevés que ceux de France métropolitaine pour certains produits de base - farine, riz, produits laitiers, couches pour les enfants, etc.
2) Ensuite, la grève générale qui a paralysé l’île pendant un mois et demi a été déclenchée sur la base de 146 points de revendication, dans des domaines aussi vastes que :
le transport, le logement, l’environnement, l’aménagement du territoire, les services publics, le droit syndical, l’éducation, l’emploi et la formation professionnelle,
la défense de l’identité et de la culture guadeloupéenne mais aussi la demande d’éclaircissement sur des massacres perpétrés au cours du 20ème siècle par l’armée française contre le peuple guadeloupéen [4]…
Cette variété de revendications reflète de la part du collectif LKP une volonté de considérer les problèmes traversés par la société antillaise dans son ensemble, et pas uniquement d’un point de vue strictement salarial. Le succès de la mobilisation est dû aussi à la diversité du collectif regroupant près de 50 organisations culturelles, politiques et syndicales, ce qui est véritablement inédit, toutes s’étant accordées sur des objectifs communs à atteindre soit près de 150 points de revendications, en mettant de côté leurs divergences :
Partis politiques de gauche, le plus souvent indépendantistes comme le Parti Communiste Guadeloupéen, Combat Ouvrier (trotskyste), l’Union Populaire pour la Libération de la Guadeloupe (UPLG), le mouvement Nonm, la Convention pour une Guadeloupe Nouvelle, mais aussi les Verts.
Associations culturelles qui défilent durant le carnaval telles que Akiyo, Mas ka klé, Voukoum et principales organisations syndicales autonomes pour la plupart par rapport aux confédérations de la métropole (CGTG, FO, CFTC, FSU, certaines branches de SUD et de la CFDT) ou indépendantistes (UGTG), ce qui ne limite pas le mouvement à "ceux d’en bas" mais regroupe toutes les catégories sociales puisque également les cadres sont présents, alors qu’un syndicat de petits patrons, l’Union des Chefs d’Entreprise de la Guadeloupe (UCEG), a même rejoint les revendications du LKP.
Nous reviendrons sur l’évolution du mouvement, entre grève générale et pourrissement par l’État, augmentation de la tension puis expansion aux autres DOM, et enfin négociation. Rien n’est pour autant totalement réglé, car malgré un protocole de fin de conflit signé, les travailleurs poursuivent l’action branche par branche, entreprise par entreprise, afin d’obtenir l’application de l’accord Bino.
3) Enfin, ce qui se passe dans le monde concerne la Guadeloupe… et ce qui s’est passé en Guadeloupe intéresse le monde : ou comment les luttes sociales prennent une nouvelle forme, dans un contexte de crise mondiale. La force du collectif LKP est justement de ne pas être tombé dans le piège du faux débat de l’indépendance vis-à-vis de la France, à l’heure de la mondialisation et d’une crise planétaire à laquelle plus aucun pays n’échappe. Car face à la crise mondiale qui n’épargne personne, les "fronts de libération nationale" d’hier cèdent le pas aux luttes sociales, qui ont une résonance en France et dans le monde. On parle ainsi de "modèle LKP", exportable : en France, certains travailleurs ayant défilé les 19 mars et le 1er mai - qui a été historiquement unitaire - n’ont en effet pas hésité à reprendre l’idée d’organiser partout dans le pays des grèves comme celle menée par le LKP en Guadeloupe.
Parallèlement, en France, on assiste à la multiplication des séquestrations de grands patrons suite à des licenciements de masse, ce qui nous amènera à nous interroger sur le concept même de violence syndicale, tant décrié par le grand patronat, qui lui pourtant n’hésite pas à briser des familles entières par des licenciements de masse et la fermeture d’usines, avec pratiquement l’impossibilité de retrouver du travail dans le contexte de crise actuel…
Un malaise économique et identitaire : l’Exclusif colonial est encore tenace
Ce qui frappe le touriste dès son arrivée aux Antilles françaises, c’est le prix des produits de base qui atteint le double ou le triple de ceux de métropole. Quelques exemples :
L’essence importée pour les 2/3 de métropole a culminé à 1,52 euros le litre contre 1,07 en France [5], alors que les DFA (Départements Français d’Amérique à savoir la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane) sont à proximité du Venezuela et de Trinidad, pays producteurs de pétrole [6].
Le paquet de riz est à 2,6 euros en métropole, 5,12 en Guadeloupe ; le pack d’eau de 6 bouteilles de 1 litre est à 2,94 en métropole contre 5,80 en Guadeloupe [7].
Comment de tels écarts sont-ils possibles ? N’y a-t-il donc pas de règles sur les prix, en France ? Et pourquoi tout importer de métropole, alors que l’énorme marché des Amériques est à quelques pas des DFA ? La réponse est triple :
En plus des taxes portuaires, des taxes maritimes et de l’octroi de mer, les intermédiaires sont parfois jusqu’à 5 contre 1 ou 2 en métropole à se "servir" au passage entre le départ d’un produit de métropole et son arrivée en magasin aux Antilles.
Tout s’importe de métropole et d’Europe, et pratiquement rien ne s’exporte des Antilles à part la banane et le sucre ; c’est le problème de la balance des échanges avec un taux de couverture à 7 %, donc les containers partent pleins mais reviennent vides, ce qui tend aussi à augmenter leur prix.
La compagnie de transport maritime CMA-CGM pratique une politique de monopole, en fixant le container à 3 000 euros soit 30 % plus cher de ce qu’il devrait être, et deux fois plus cher que le trajet France-Chine [8]. Le groupe Hayot du nom de la famille béké la plus puissante, possède Carrefour, Monsieur Bricolage, Renault… au total près de 500 entreprises. En Martinique, 43 % des entreprises appartiennent à ces grands békés alors que la loi L. 430 qui régule le Code du commerce, fixe la limite à 25 % sinon il doit y avoir enquête [9].
Cette situation de monopole joue directement sur les prix, et pire, elle perpétue des rapports de dépendance entre d’un côté la métropole et ses "relais" sur place dans les ex-colonies qui bénéficient de conditions en terme de commerce parfaitement hors-la-loi, et de l’autre des travailleurs aux faibles revenus et deux fois plus touchés par le chômage qu’en France. Quant aux fonctionnaires, bien que touchant la prime de vie chère (leurs salaires sont 40 % supérieurs à ceux de métropole), ils n’hésitent pas dès qu’ils vont dans l’hexagone à faire le plein d’achats en sous-vêtements et pantalons [10]. Mais bien plus qu’une injustice en terme économique, c’est tout un ensemble de rapports de domination construits durant l’esclavage qui se poursuit ; on est encore dans un système fondé sur l’Exclusif colonial, comme le souligne Nelly Schmidt :
"Dans les colonies françaises des Caraïbes, l’ensemble des importations et des exportations est géré, encore aujourd’hui, par un très petit nombre de sociétés. C’est l’héritage de "l’Exclusif colonial" des XVIIe et XVIIIe siècles. La conséquence de cette situation de quasi-monopole, c’est que ces sociétés fixent les prix qu’elles veulent. Des prix bien souvent excessifs. Mais au-delà des questions liées au prix des différentes marchandises, c’est à la fois les paradoxes du développement social de ces territoires, les incuries successives dont ils ont souffert et le lourd héritage de leur histoire qui apparaissent sous les projecteurs." [11]
Même certains écrits comme ceux publiés sur le site de Terra Nova [12], pourtant particulièrement hostiles au collectif LKP accusé d’avancer masqué vers l’indépendance en cherchant, dixit, à obtenir par la rue ce que le peuple guadeloupéen a rejeté par les urnes en 2003 lors d’un référendum sur l’évolution statutaire (alors qu’en réalité c’est beaucoup plus subtil que cela, comme nous le développerons dans cet article), font le constat que les Blancs, originaires de Guadeloupe ou venus de métropole, ne partagent pas suffisamment les responsabilités économiques :
"Même si l’intransigeance du collectif et la véritable nature de ses motivations ne facilitent pas l’émergence d’un dialogue social serein en Guadeloupe, on peut regretter :
que le patronat blanc traditionnel ne communique pas mieux et n’ait pas tendu la main plus tôt et plus fraternellement à la majorité noire de la population pour un partage plus équilibré de la richesse et des responsabilités économiques,
que les grandes entreprises métropolitaines installées en Guadeloupe ne fassent pas suffisamment d’effort pour confier localement des responsabilités aux Guadeloupéens. La plupart des banques installées en Guadeloupe sont par exemple dirigées par des métropolitains..."
À cela s’ajoute une situation inégalitaire en terme de pouvoir d’achat pour les plus bas revenus, pour les précaires, pour les sans emplois, qui sont donc doublement sanctionnés :
Les travailleurs ont attendu 1996 pour que le salaire minimum (SMIC) soit aligné sur celui de la métropole.
Les sans emplois qui bénéficient du Revenu Minimum d’Insertion ont attendu l’an 2000 pour être payés autant qu’en France métropolitaine.
Le chômage est deux à trois fois plus élevé qu’en France, autour de 25 %, soit le taux le plus élevé d’Europe selon l’OCDE. Comble, ces statistiques des Départements Français d’Outre-Mer sont exclues des chiffres émis au niveau national… On range en effet les DOM dans une catégorie "à part" quand ils risquent de faire augmenter les taux du chômage au niveau national, alors que selon le statut ce sont des départements français à part entière et non plus des colonies. Ces très mauvais chiffres sont pourtant bien de la responsabilité de l’État, qui ne propose aucune politique de développement réellement efficace pour ces territoires !
Et sur le plan des inégalités "socio-raciales", ce n’est pas mieux : elles vont d’ailleurs bien au-delà d’un antagonisme entre d’un côté les classes dominantes telles que les descendants de colons esclavagistes, et de l’autre, les descendants d’esclaves africains. En effet, la société antillaise reste profondément marquée par les divisions "raciales" construites durant l’esclavage sous le système plantationnaire. Une cousine à moi, très "noire" de peau chose à laquelle je ne faisais personnellement pas attention durant mon enfance lorsque j’ai débarqué pour la première fois en Guadeloupe, passait son temps à me dire (en créole, traduction en français) "regardez-moi ce Blanc", "eh le Blanc"… J’ai appris par la suite qu’on la surnommait "Blanche Neige", donc elle n’avait fait que reporter sur moi sa rage d’être considérée en bas de l’échelle "socio-raciale", moi "le Blanc" étant situé "en haut". Le Medef a refusé le préambule de l’accord Bino évoquant une "économie de plantation", alors que le problème est bien plus profond encore, puisqu’on pourrait même parler de "rapports sociaux de plantation", basés sur des divisions "socio-raciales" construites durant l’esclavage, et qui se perpétuent.
Pourquoi alors s’étonner, ou encore mieux, s’offusquer, lorsque le leader du LKP, Elie Domota, s’exclama : "Nous ne laisserons pas une bande de békés rétablir l’esclavage. Soit ils appliquent l’accord, soit ils quitteront la Guadeloupe" ? Le parquet de Guadeloupe, sur décision du plus haut représentant de l’État sur l’île, le préfet, a bondi sur l’occasion pour ouvrir une enquête judiciaire contre Elie Domota sur le prétexte de "provocation à la haine raciale".
Le leader du LKP n’a pourtant fait dans ses propos que rappeler une réalité économique de monopoles détenus par un petit nombre, "une bande de békés" (il ne visait pas par là tous les descendants de colons mais bien les plus fortunés d’entre eux), monopoles qui selon le politologue Justin Daniel [13] rappellent singulièrement la période coloniale :
"Derrière les revendications immédiates, se cache une dénonciation implicite d’un modèle de développement fondé sur de graves inégalités, à travers lequel se sont constitués et reconstitués des monopoles qui rappellent singulièrement la période coloniale et nourrissent, en l’absence de toute transparence dans les modalités de fixation des prix, une grande suspicion."
De plus, Serge Romana, fondateur d’une des principales associations antillano-guyanaise, le Comité Marche du 23 Mai, déclara très justement que "les békés ce ne sont pas les Blancs, ce sont les descendants d’esclavagistes ! Il faut être précis sinon si on dit les Noirs les Blancs, on racialise la chose…" [14]. Donc pas de procès en racisme sérieux possible contre le leader du LKP (le collectif a repris en chœur les propos d’Elie Domota, montrant ainsi qu’il faudrait juger tout le monde et non pas un seul homme), si l’on maîtrise un peu l’Histoire et que l’on connaît la réalité socio-économique des Antilles. De plus, Elie Domota dans ses propos a fait allusion au "rétablissement de l’esclavage" et au départ de la Guadeloupe des békés s’ils ne respectaient pas l’accord signé : ces deux aspects renvoient à une mémoire collective inscrite dans l’inconscient du peuple guadeloupéen, ce qui mérite une attention toute particulière. Et c’est à nouveau l’Histoire qui va nous éclairer sur les rapports sociaux aux Antilles aujourd’hui, inscrits dans la continuité des antagonismes nés durant l’esclavage et la colonisation :
Tout d’abord, il faut rappeler que la Guadeloupe a connu une première abolition de l’esclavage en 1794, puis un rétablissement par Napoléon en 1802, allié aux grands planteurs de Martinique dont faisait partie sa femme, Joséphine. Les colons de Guadeloupe et Martinique s’étaient alliés aux Anglais au nombre de 8 000 dans chacune de ces îles, pour défendre l’Ancien Régime contre la Révolution. Victor Hugues, commissionné par la France pour établir la République aux Antilles, remplit sa mission en reprenant la Guadeloupe aux Anglais où la majorité de la population, les esclaves descendants d’Africains, le rejoignirent dès lors qu’il brandit le décret d’abolition de l’esclavage (cf. Rey, 2005, Saint-Ruf, 1977, Dubois, 1998). La Martinique elle n’a pas connu cette période de liberté de 8 ans, puisqu’elle est restée sous domination anglaise.
On peut donc imaginer le traumatisme qu’a représenté le rétablissement de l’esclavage en Guadeloupe en 1802, chez une population majoritairement composée de Noirs qui étaient devenus libres en 1794 et retrouvèrent leurs chaînes après 8 ans de liberté. La résistance emmenée entre autre par Delgrès et Ignace fut âpre, mais les troupes napoléoniennes vinrent à bout des insurgés noirs et mulâtres fidèles aux principes de la République abolitionniste, tandis qu’à Saint-Domingue, la bataille fut emportée par les descendants d’Africains ce qui déboucha sur la déclaration d’indépendance d’Haïti, en 1804. En Guadeloupe, ma grand-tante, Titine, ayant vécu plus de 90 ans, s’énervait dès que la radio parlait de l’esclavage. Elle lançait : "à force d’en parler, ils vont finir par le rétablir !" Cette peur tenace inscrite dans la mémoire collective guadeloupéenne de voir l’esclavage être rétabli, s’est donc transmise de génération en génération, de 1802 jusqu’à nos jours ! Les propos de Elie Domota lorsqu’il parle de rétablissement de l’esclavage par une bande de békés, sont donc le témoin de ce processus de transmission mémorielle du traumatisme de 1802 en Guadeloupe.
Et concernant le départ de Guadeloupe des békés, à savoir des descendants de colons, évoqué par le leader du LKP, il est aussi en rapport avec la période révolutionnaire de 1794. En effet, Victor Hugues au nom de la République fit guillotiner de nombreux colons guadeloupéens, ceux ayant réussi à garder la tête sur les épaules ayant préféré s’enfuir vers les possessions anglaises… Aujourd’hui, si les descendants de colons, les Blancs pays comme on les appelle en Guadeloupe, ne sont plus très présents, d’autres sont par contre revenus de Martinique (les békés) par le biais du commerce, à travers les monopoles qu’ils possèdent dans le domaine de l’automobile, de l’immobilier et des supermarchés. Alors que sous la Révolution française abolitionniste de nombreux colons avaient été éliminés physiquement tandis que d’autres s’étaient enfuis de Guadeloupe, on peut comprendre pourquoi se soit développée une certaine rancœur chez des Guadeloupéens soumis depuis la deuxième moitié du 20ème siècle à l’exploitation des grands békés de Martinique, descendants d’esclavagistes, via la domination économique. Qu’y a-t-il de "raciste" à cela ?
On est loin des propos - dénoncés d’ailleurs par Yves Jego [15] - tenus par le grand béké Alain Huyghes-Despointes, mis en examen le 3 mars 2009 pour "apologie de crime contre l’humanité et incitation à la haine raciale", puisqu’il osa voir aussi en l’esclavage un rôle positif et évoqua une pureté de la race béké dans un reportage désormais célèbre diffusé sur Canal + deux jours après le démarrage de la grève générale en Guadeloupe. Il avait ainsi déclaré : "Dans les familles métissées, les enfants sont de couleur différente, il n’y a pas d’harmonie. Moi, je ne trouve pas ça bien. Nous, on a voulu préserver la race." [16]
Une confrontation entre un mouvement "dur" mais pacifiste, un État qui laisse pourrir, des politiques locaux à la peine et un syndicat des grands patrons intransigeants
Un mot d’ordre récurrent, la lutte contre "la vie chère", a permis de fédérer au sein du collectif LKP non seulement près de 50 organisations toutes aussi diverses que variées sur quasiment 150 revendications, mais surtout le mouvement de protestation a entraîné dans les rues des dizaines de milliers de gens et ce sur plusieurs mois consécutifs, ce qui ne s’était jamais observé jusque-là dans l’Histoire de la Guadeloupe !
Après 44 jours de grève générale, qu’est-ce qui a été obtenu ? Hormis l’augmentation de 200 euros pour les salariés à faible revenu, de nombreuses avancées ont été acquises [17] sur les 146 points de revendication de la plateforme LKP :
Une centaine de produits de première nécessité seront baissés jusqu’à un niveau proche de celui de métropole (à 10 % près de différence) ; à cela s’ajoutera une liste de 50 produits usuels tels que fournitures scolaires, électroménager, matériaux de construction et pièces automobiles. Baisse également du prix de l’eau, baisse des carburants durant le conflit et ouverture de discussions pour baisser les prix d’internet et des abonnements au téléphone mobile.
Gel des loyers pour les locataires en 2009 ; l’État s’engage à produire plus de 3 000 logements sociaux en 2009 pour les familles les plus modestes. La Région et le Conseil Général mobiliseront des garanties pour la construction de logements sociaux supplémentaires.
En matière de transports, le Conseil Général répercutera une baisse de 20 % sur les prix du transport interurbain et il établira un tarif spécifique pour les personnes âgées, les handicapés et les étudiants.
Pour l’Éducation, 22 enseignants inscrits sur les listes complémentaires seront titularisés par l’État, et le recteur avec le soutien du préfet interviendra pour que soit gelée la suppression de 5 postes administratifs. En terme de formation professionnelle destinée à l’emploi des jeunes, 8 000 jeunes de 16 à 26 ans seront reçus puis orientés par le Pôle emploi pour chercher des solutions, et la Région s’engage à créer une structure de service public pour la formation professionnelle ainsi qu’elle subventionnera pour les jeunes guadeloupéens des programmes de préparation aux concours administratifs mis en place par l’Université Antilles-Guyane.
Enfin, pour la Santé, l’État reconstruira le principal hôpital de l’île, le CHU de Pointe-à-Pitre, à hauteur de 500 millions d’euros, le LKP exigeant également le maintien de 3,5 % de réévaluation pour le budget des hôpitaux et cliniques de Guadeloupe.
Puis il y a un sigle, LKP, Liyannaj Kont Pwofitasyion, difficilement traduisible, et qui en soi constitue une dynamique de lutte, puisqu’il rassemble les notions de lien de tout et tous contre la surexploitation :
"(…) le plus important est que la dynamique du Lyannaj - qui est d’allier et de rallier, de lier relier et relayer tout ce qui se trouvait désolidarisé - est que la souffrance réelle du plus grand nombre (confrontée à un délire de concentrations économiques, d’ententes et de profits) rejoint des aspirations diffuses, encore inexprimables mais bien réelles, chez les jeunes, les grandes personnes, oubliés, invisibles et autres souffrants indéchiffrables de nos sociétés. La plupart de ceux qui y défilent en masse découvrent (ou recommencent à se souvenir) que l’on peut saisir l’impossible au collet, ou enlever le trône de notre renoncement à la fatalité." [18]
Penchons-nous à présent sur les grandes étapes du mouvement social qui ont abouti à ces conquêtes, afin de cerner le rôle des différents acteurs :
Du 20 au 31 janvier, démonstration de force du LKP, absence totale de l’État et sentiment d’abandon chez la population partagé par les responsables politiques et le patronat sur place laissés seuls face à une situation qui s’envenime. Les défilés rassemblent dans les rues de Pointe-à-Pitre 3 000 manifestants le 20, et jusqu’à 65 000 les 29 et 30 janvier selon les organisateurs. Le syndicat majoritaire du patronat, le Medef, ne cède sur rien. Retransmission télévisée en direct des débats entre le LKP, le préfet, le patronat et les élus, qui passionnent la population.
Du 1er au 8 février, premières négociations avec l’État qui se manifeste en envoyant en Guadeloupe son Secrétaire d’État à l’Outre-mer, Yves Jego. Il parvient à un préaccord le 8 avec le LKP mais il rentre à Paris le 9 sans prévenir personne en Guadeloupe, rappelé par le Premier Ministre qui refuse de s’engager.
Du 9 au 19 février, suite à ce départ précipité de Jego ressenti en Guadeloupe comme du mépris, alors que les préaccords allaient être signés… le mouvement se radicalise. Le Premier Ministre renvoie Yves Jego sur place, mais "sous contrôle", encadré par deux médiateurs. Des dizaines de milliers de manifestants continuent à défiler dans les rues, 42 stations-service sont réquisitionnées par les autorités. La pression monte, un syndicaliste est frappé violemment par la gendarmerie avec insultes racistes selon l’agressé. Le LKP ne peut plus contenir les jeunes, dont certains, armés, incendient des magasins et montent des barrages sur les routes les 16 et 17 février. Dans la nuit du 17 au 18, un dirigeant syndicaliste, Jacques Bino, est malheureusement tué sans que l’on sache par qui… Trois policiers et trois gendarmes sont blessés par balle.
Du 19 février au 4 mars, la pression redescend d’un cran suite à la mort du syndicaliste, l’accord Bino est signé le 26 février avec notamment les représentants du petit patronat mais aussi certaines branches du Medef [19], et le 4 mars la reprise du travail est officialisée après 44 jours de grève générale. Le LKP a demandé le 28 février au Ministère du Travail de prendre un arrêté d’extension afin que les accords s’appliquent dans les entreprises non-signataires dont les patrons appartiennent au Medef et à la CGPME.
Le 3 avril, soit un mois après la signature du protocole de fin de conflit, le Ministère du Travail émet en effet un arrêté d’extension mais amputé et du préambule de l’accord Bino qui dénonçait une "économie de plantation", et d’une clause de convertibilité, comme le rappelle Elie Domota [20] :
"Le 3 avril, qu’a fait le ministère du travail ?! Ils ont pris un arrêté d’extension supprimant deux choses : le préambule, au motif qu’il s’agirait d’un préambule politique. Mais ce préambule ne fait que dire la vérité : la société guadeloupéenne est basée sur des rapports qui sont directement issus du système de l’habitation plantation ! Sarkozy a dit exactement la même chose dans son allocution du 19 février. La deuxième chose qu’ils ont supprimée c’est la clause de convertibilité de l’article 5 qui prévoit qu’à la fin de l’aide des collectivités dans 12 mois et de l’aide de l’État dans 36 mois, c’est le patron qui prendra en charge l’augmentation de 200 euros. Ils l’ont supprimé !
Cela signifie que l’an prochain, en avril 2010, il y a 30 000 travailleurs, ou du moins un certain nombre parmi ces 30 000, qui vont perdre 50 euros ! Et 200 euros dans 3 ans ! Ainsi l’État prend une décision qui installe, qui instaure une discrimination légale : 50 000 salariés certains de garder leur augmentation, et 30 000 assurés de la perdre s’ils ne se battent pas !
Il y a une deuxième chose particulièrement abominable dans cette décision : il y a des patrons, et particulièrement des petits patrons guadeloupéens, qui ont signé l’accord initial qui prévoit que les salariés garderont leur augmentation de salaire au-delà de 3 ans. C’est une punition que l’État et le MEDEF ont voulu leur infliger ! Car ceux là mêmes qui n’ont jamais pratiqué le dialogue social, qui ont refusé d’ouvrir les négociations d’entreprises, qui n’ont jamais respecté le droit syndical, eh bien dans 3 ans, ils n’auront rien à payer !"
L’État a donc pénalisé une partie des salariés mais aussi les petits patrons tels ceux de l’Union des Chefs d’Entreprise de la Guadeloupe (UCEG) ayant dès l’accord initial choisi de prolonger la hausse de 200 euros au-delà des trois ans. Une fracture "socio-raciale" se creuse donc, entre d’un côté des petits patrons noirs et mulâtres parfois pas beaucoup plus riches que leurs employés, et de l’autre un patronat inscrit au Medef, plus éloigné des salariés et pas seulement en terme salarial, dominé par le pouvoir décisionnel des Blancs créoles :
"Le Medef, qu’ils le veuillent ou non, ce sont les représentants des Blancs créoles", résume Max Jasor, le libraire, un des fondateurs de l’UCEG. "Le changement ne passera pas par eux. Ils ne peuvent pas éteindre un incendie qu’ils ont allumé."
Avis partagé par l’ancien premier ministre Michel Rocard : "Il y a dans le patronat guadeloupéen une aile irréductible qui semble vouloir engranger son argent en ne faisant aucune espèce de sacrifice quel que soit le coût pour l’ordre public. Ces gens doivent être ramenés à la raison." [21]
La fin de la grève générale n’a donc en aucun cas signifié la fin du conflit malgré un protocole signé le 4 mars, puisque entreprise par entreprise, branche par branche, les salariés poursuivent la grève pour pousser leurs patrons à appliquer l’accord Bino.
Et les jeunes dans tout ça ?
Du 17 au 19 février, les actions de violences se sont soldées par un mort, le syndicaliste Bino, un blessé grave (Jimmy Lautric), et des tirs ont été entendus régulièrement la nuit dans les communes, aux abords des barrages, avec également trois gendarmes et trois policiers blessés par balle. Dans l’émission C dans l’air du 18 février [22], un jeune déclare : "Si nos parents n’y arrivent pas pacifiquement, nous les jeunes on y arrivera par d’autres moyens".
Et quand on connaît la situation explosive régnant dans les quartiers difficiles des Départements Français d’Outre-mer, que ce soit ceux ressemblant plus à des bidonvilles alors qu’en France ils ont été définitivement éradiqués dans les années 1970, ou les quartiers rénovés qui concentrent une population relogée également située en bas de l’échelle sociale, rien d’étonnant qu’à la première occasion, les jeunes les plus virulents, pour certains dans la grande délinquance, soient intervenus avec des armes et en aient profité pour piller. Face au chômage qui tourne autour de 25 %, et frappe davantage particulièrement ces jeunes souvent peu diplômés, l’Union des Chefs d’Entreprises Guadeloupéens a organisé un forum dans le quartier de Lacroix, en Guadeloupe, un des quartiers sensibles de l’agglomération de Pointe-à-Pitre [23].
Mais il faudra bien plus qu’un stage en espaces verts, une sortie vers les chutes d’eau ou un concours de graffitis et autres saupoudrages d’actions proposées par les associations relais des municipalités dans les quartiers populaires, pour offrir un avenir aux jeunes auxquels on ne propose pas de projet de société réellement motivant [24]. Les plus diplômés ne sont pas mieux servis, tant les débouchés manquent cruellement dans les DFA, où pratiquement rien ne se produit pour l’exportation. Sur ce point on peut être d’accord avec le secrétaire d’État à l’Outre-mer Yves Jego [25] s’exclamant le soir de la signature du protocole de fin de conflit en Guadeloupe :
"Il y a un cordon ombilical entre les Antilles et la France, sans ouverture vers l’environnement naturel, et le LKP a mis le doigt sur ça… Il faut passer d’une économie de consommation à une économie de production, avec valeur ajoutée"…
Ce à quoi José Bové, figure de l’altermondialisme, a rétorqué en allant beaucoup plus loin :
"Ce mouvement représente la sortie d’une grande nuit coloniale ! Il a créé l’espoir. Les rouages de l’État fonctionnent pareil partout dans les DOM-TOM, et Jego n’aurait pas eu ce discours si ça n’avait pas bougé récemment !"
Donc toute action de l’État sera sans effets si elle ne s’attaque pas aux monopoles et à une situation d’Exclusif colonial qui entretient ce "cordon ombilical". Cela implique un changement total de regard sur l’Outre-mer, souvent paternaliste, comme par exemple celui de l’ex-ministre de l’Outre-mer Brigitte Girardin, qui a déclaré [26] : "ce sont des sociétés où il y a des blocages, où pour s’y rendre il faut y aller avec humilité"… un peu comme un dompteur psychologue cherchant à apprivoiser un enfant sauvage ? Pourquoi ne pas parler d’abord des causes profondes de ces blocages débouchant parfois sur des débordements violents, l’État français y ayant une grande part ?
En Martinique par exemple, trois policiers ont été blessés par des balles de fusils de chasse le 7 mars, et d’autres par cocktails molotov. Ces incidents ont été le fait de jeunes opposés au convoi emmené par des békés qui proposaient de rejoindre Fort-de-France pour protester contre le "blocage de l’île", en passant par la Rocade (périphérique ceinturant la ville). Ils ont été stoppés à hauteur des quartiers difficiles par des bandes très bien organisées qui ont caillassé puis brûlé des tracteurs. Une bonne partie des habitants, d’habitude plus dans la retenue, s’est solidarisée avec les jeunes.
Cette action a d’ailleurs été accueillie avec fierté par bon nombre de Martiniquais descendants d’esclaves, qui l’ont considérée comme un acte de résistance réussie contre les descendants de colons, les békés, puisqu’ils les ont repoussés. Michel Monrose, porte-parole du Collectif du 5 février contre la vie chère en Martinique, a tenu ces propos rapportés par l’agence Reuters :
"Nous avions dit au préfet d’éviter que cette manifestation atteigne Fort-de-France pour empêcher des débordements. Quand la population a su que des békés organisaient une manifestation à Fort-de-France, ils se sont révoltés."
La Réunion et la Guyane ont également été marquées par des affrontements violents entre jeunes et forces de l’ordre, et de nombreuses arrestations. Mais la grève générale des travailleurs et la révolte de jeunes désespérés, sans emploi, sans perspective, ne "risquent-elles pas" de s’étendre en France métropolitaine ?
La lutte continue… puis sert d’exemple en France et dans le monde
Comme nous l’avons vu, bien que le protocole de fin de conflit ait été signé le 4 mars, rien n’est encore définitivement réglé. Sur Télé-Guadeloupe, le jeudi 5 mars, Elie Domota a déclaré à propos des patrons récalcitrants à l’augmentation salariale de 200 euros : "Il faut qu’ils appliquent l’accord : nous demandons son extension sur le plan juridique mais, sur le terrain, nous n’arrêterons pas tant qu’ils n’appliqueront pas l’accord." Cette stratégie s’avère en tout cas payante puisque certaines fédérations patronales comme celle du BTP membre du Medef-Guadeloupe ont décidé d’adhérer à l’accord salarial, après évidemment une insistance soutenue des travailleurs…
Ce genre d’action est saluée par une grande partie des syndicalistes et militants de base progressistes en France, qui la montrent comme exemple pour le mouvement social également très fort qui s’y déroule depuis début 2009 et a paralysé les hôpitaux, les universités, les prisons (gardiens en grève), les tribunaux, et bien d’autres secteurs. Plusieurs millions de manifestants ont défilé les 29 janvier, 19 mars et 1er mai, où pour la première fois depuis très longtemps, les principales centrales syndicales ont marché ensemble. Mais afficher une unité syndicale apparente sans mener une action commune de grève générale… cela peut-il être efficace pour améliorer la condition des travailleurs et des chômeurs ?
Très critiques vis-à-vis de leurs directions, qui ont participé à des gouvernements successifs dits de gauche plurielle depuis près de 30 ans et qui sur le plan syndical optent aujourd’hui pour la "concertation" avec le gouvernement du président de droite libérale Nicolas Sarkozy, de plus en plus de militants et travailleurs de base souhaitent radicaliser le mouvement social en France, et ainsi faire basculer les majorités au sein des structures où ils continuent à évoluer, telles le Parti Communiste Français (PCF) ou la Confédération Générale du Travail (CGT).
Le journal La Riposte, représentant une aile critique au sein du PCF et de la CGT, titrait pour la grande manifestation du 19 mars : "29, janvier, 19 mars : et après ? SUIVONS L’EXEMPLE DES ANTILLES !". Oxley (2009 : 5), membre du PCF, en appelle ainsi à la grève générale illimitée comme sur le modèle des Antilles, sans passer par la concertation ou les journées de mobilisation qui se sont succédées en France :
"Les syndicats ont connu une évolution parallèle à celle des partis de gauche. De même que les dirigeants du PS et du PCF ont montré avec quelle facilité ils peuvent passer du réformisme au contre-réformisme, dès qu’ils arrivent aux ministères, les dirigeants des grandes confédérations syndicales sont tous, aujourd’hui, à l’école de la modération. (…) Ce ne sont pas les poings levés passant périodiquement devant les fenêtres des capitalistes qui les inciteront à lâcher du lest. Il faut les prendre à la gorge. (…) Cependant, comme nous l’écrivions le 13 février dernier : "On nous dit souvent qu’une grève générale, ça "ne se décrète pas" - ça "se prépare". Mais le problème, c’est qu’elle n’est actuellement ni décrétée, ni préparée." (…) Ce qui s’est produit aux Antilles se produira en France métropolitaine."
Il est ainsi dénoncé le rôle des directions syndicales de la CGT, FO et la CFDT, qui consiste principalement à contenir le mécontentement de la base, en organisant de temps en temps des "journées d’action" mais sans reconduction de la grève… Pas d’inquiétude donc pour le gouvernement qui peut dormir tranquille et poursuivre sa politique libérale sans opposition sérieuse de la part des dirigeants des principales confédérations syndicales. Car au lieu de faire pression sur le gouvernement Sarkozy en cherchant à étendre la lutte menée outre-mer à la métropole, François Chérèque ou Bernard Thibault se sont appliqués à rappeler, au plus fort du conflit en Guadeloupe, que le contexte n’est pas le même qu’en France métropolitaine et que les organisations aux Antilles sont autonomes, voire indépendantes (la CGTG n’est pas adhérente à la confédération, par exemple). Dans Le Parisien du 18 février [27], on pouvait lire : "Les syndicats prudents sur une contagion en métropole".
Mais malgré la "solidarité" affichée envers les départements d’outre-mer où le taux de chômage est deux à trois fois plus élevé qu’en métropole (supérieur à 20 %), en réclamant que leurs revendications soient "prises en compte", les centrales syndicales sont restées très prudentes. Aucune n’a ainsi appuyé explicitement l’exigence d’une hausse des salaires de 200 euros par mois formulée par le collectif guadeloupéen LKP, ni généralisé cette revendication à la métropole. "La traduction revendicative" autour du thème de la vie chère "ne s’exprime pas tout à fait de la même manière là-bas et ici", a relevé, circonspect, Bernard Thibault, alors même que la CGT plaide en métropole pour un Smic à 1 600 euros brut, contre environ 1 300 euros brut actuellement."
Mais avec la crise mondiale et les usines qui ferment les unes après les autres en France, plongeant des familles et des régions entières dans le chômage, les travailleurs n’écoutent déjà plus leurs directions syndicales, pour agir : le 12 mars 2009, le directeur de l’usine de pneus Continental de Clairoix (Oise), venu annoncer la fermeture de l’usine en 2010, a reçu des œufs et une pancarte en plein visage. Les raisons de cette colère sont compréhensibles, car il y a trois ans, les employés avaient accepté une augmentation du temps de travail sans revalorisation salariale, en échange de garanties sur l’emploi. Un des ouvriers s’est exprimé également devant les caméras, en déclarant que s’il faut faire comme en Guadeloupe, et en passer par des actions plus radicales, ils seront mobilisés car il n’y a que comme cela qu’ils sont écoutés. Les travailleurs de Continental ont obtenu d’ailleurs en partie gain de cause fin mai, puisque 50 000 euros de prime seront versés à chacun, quelle que soit l’ancienneté dans l’entreprise, en plus des indemnités de licenciement. Et les exemples se multiplient, avec la séquestration cette fois par leurs employés pendant 24 heures des directeurs de Sony France, du groupe pharmaceutique américain 3M, et de Caterpillar France, et de bien d’autres encore qui ont décidé de fermer des usines. Quant aux agriculteurs, ils ont bloqué pendant plusieurs jours un certain nombre de grandes surfaces en France, obligeant à une réduction des marges, au bénéfice des producteurs.
Alors "qui" est le pus violent ? Le patron qui en général licencie, après une année de mauvais chiffres alors que les années précédentes des bénéfices ont pu être enregistrés en milliers ou en millions d’euros, ou les employés qui, comme c’est le cas pour Continental, après avoir accepté de travailler plus pour gagner la même chose et sauver l’entreprise, sont finalement sacrifiés, eux et leur famille ?
On est entré dans une "guerre sociale", où les grèves dures et le syndicalisme révolutionnaire prennent de plus en plus le pas sur une conception réformiste ou de concertation, les actes violents étant désormais assumés par de nombreux travailleurs licenciés du jour au lendemain, tel que Sorel (1972 [1908] : 46-47) le théorisa il y a exactement 100 ans, dans son ouvrage Réflexions sur la violence :
"Beaucoup d’anarchistes finirent par se lasser de lire toujours les mêmes malédictions grandiloquentes lancées contre le régime capitaliste, et ils se mirent à chercher une voie qui les conduisit à des actes vraiment révolutionnaires ; ils entrèrent dans les syndicats qui, grâce aux grèves violentes, réalisaient, tant bien que mal, cette guerre sociale dont ils avaient si souvent entendu parler. (…) Ils apprirent surtout aux ouvriers qu’il ne fallait pas rougir des actes violents. Jusque-là on avait essayé, dans le monde socialiste, d’atténuer ou d’excuser les violences des grévistes ; les nouveaux syndiqués regardèrent ces violences comme des manifestations normales de la lutte, et il en résulta que les tendances vers le trade-unionisme furent abandonnées. (…) Le syndicalisme révolutionnaire n’est donc pas, comme beaucoup de personnes le croient, la première forme confuse du mouvement ouvrier, qui devra se débarrasser, à la longue, de cette erreur de jeunesse ; il a été, au contraire, le produit d’une amélioration opérée par des hommes qui sont venus enrayer une déviation vers des conceptions bourgeoises."
En France métropolitaine, le mouvement altermondialiste emmené notamment par le Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde (CADTM), ou encore Attac, qui milite pour l’application de la taxe Tobin, se sont déclarés solidaires avec les peuples de Guadeloupe et Martinique en lutte, dès le 24 février (la grève a commencé en Guadeloupe le 20 janvier, et le 5 février en Martinique). Ils ont dénoncé le maintien des structures coloniales, le chômage autour de 25 %, la politique néolibérale, et l’accaparement des richesses par les descendants de colons possédant des monopoles.
Dans une interview accordée au Journal du Dimanche le 9 mars, Olivier Besancenot, anciennement porte-parole de la Ligue Communiste Révolutionnaire (troskyste), dissoute pour donner naissance au Nouveau Parti Anticapitaliste, a déclaré :
"Il faudrait des LKP partout en France. (…) nous voulons faire entendre des solutions clairement anticapitalistes à la crise actuelle (...) Il y a une colère et une révolte absolument légitimes, et pour nous l’exemple à suivre est celui de la Guadeloupe et des DOM TOM." [28]
Le 4 mars, dans l’émission télévisée Ce Soir où jamais, sur France 3, alors qu’était signé le protocole de fin de conflit en Guadeloupe, José Bové, agriculteur et leader historique de la Confédération Paysanne, plusieurs fois emprisonné pour ses actions contre les cultures OGM, a comparé le soulèvement de Guadeloupe et sa retransmission à celui du syndicat Solidarnosc en Pologne qui avait "posé" les magnétophones sur la table, grâce à l’usage démocratique des médias.
Dans l’île, certains médias ont en effet joué un rôle déterminant dans la conscientisation des auditeurs du monde entier dès lors qu’ils retransmettaient en direct les manifestations, débats, mais aussi les mettaient en ligne, sur internet. En réponse, le directeur de la chaîne télévisée Canal 10 et un journaliste ont été convoqués au commissariat ainsi que les cassettes d’une émission avec Elie Domota, saisies [29]. De terribles pressions ont été exercées également sur la radio RCI (Radio Caraïbe International) [30] par les financeurs békés ayant décidé de "couper les vivres" en ne diffusant plus les spots publicitaires indispensables à sa survie. Ce qui est intéressant et nouveau c’est que journalistes et directeurs de chaînes de télévision ou de radios pourtant financées par les grands patrons, mais qui ont toujours rempli une mission de micro-trottoirs en interviewant les gens de la rue, en faisant tout simplement leur travail d’information, ont été entravés dans l’exercice de leur métier plus le conflit avançait et se radicalisait…
Mais trop tard, l’information a été relayée dans le monde entier. Après un mois de paralysie en Guadeloupe, près de 78 % des Français selon un sondage réalisé par BVA pour Orange, L’Express et France-Inter, étaient d’accord avec les grévistes. Selon l’analyste Jérôme Sainte-Marie (Isama), cité par BVA, "ce score est le plus élevé depuis que cette question est posée par l’institut BVA à l’occasion de divers mouvements sociaux. Cela renseigne non seulement sur la perception des problèmes antillais, mais aussi sur le climat très réceptif en métropole à l’égard de toute protestation sociale" [31]. Surtout lorsque l’on sait l’ampleur des grèves dans de multiples secteurs lors du premier semestre 2009 en France.
Et Selon un sondage OpinionWay-Le Figaro Magazine, paru peu après, 51 % des Français de métropole sont favorables à l’indépendance de la Guadeloupe. Mais l’indépendance n’est pourtant pas un mot d’ordre du mouvement social, même si le leader du LKP, Elie Domota, est aussi secrétaire général de l’UGTG, syndicat indépendantiste arrivé largement en tête des dernières élections prud’homales avec 51 % des voix.
Qu’est-ce qui a alors changé dans l’engagement social actuel en Guadeloupe ? L’indépendance est-elle encore à l’ordre du jour ? Ou n’y a-t-il pas une nouvelle donne avec la crise frappant partout dans le monde sans distinction, faisant que les luttes nationales ne sont plus la priorité mais plutôt mises entre parenthèse, pour mettre l’accent d’abord sur la lutte de classe ?
Christiane Taubira ou encore François Durpaire, deux personnalités noires [32] issues des DOM, n’hésitent pas dans les médias à qualifier d’hypocrite voire de ringarde la position visant à réduire le mouvement social en Guadeloupe à une lutte pour l’indépendance, sous prétexte que l’UGTG est le syndicat majoritaire dans l’île, et que son dirigeant est aussi à la tête du LKP. Le LKP s’est en effet bien gardé de revendiquer l’indépendance, non seulement parce que cet objectif ne fait pas l’unanimité dans les rangs des 48 organisations la composant mais aussi pas plus chez le peuple [33]. C’est peut-être là la force du LKP que de ne pas être tombé dans "le piège" du débat pour l’indépendance, car dans un contexte colonial comme l’est celui des DOM, ce serait prêter le flan aux critiques qui auraient fusé de toutes parts. On n’a qu’à voir les réactions de l’État et du haut patronat n’ayant pas hésité à retirer le préambule de l’accord Bino parlant "d’économie de plantation", le Medef accusant ouvertement le LKP de viser l’indépendance, alors imaginons un instant qu’aurait été leur contre-attaque si le mouvement s’était vraiment prononcé pour la séparation avec la France…
On ne peut cependant pas nier que la mobilisation sans précédent du peuple guadeloupéen fait avancer vers plus de responsabilisation dans les îles françaises, le slogan principal durant les manifestations chanté en boucle ayant été Gwadloup sé tan nou, Gwadloup sé pa ta yo ("la Guadeloupe est à nous, elle n’est pas à eux"). Une de mes cousines, représentante de l’UGTG à Marie-Galante, m’a très bien résumé la teneur des revendications :
"Le LKP ne réclame pas l’indépendance. Nous sommes pour plus de justice sociale aux Antilles, compte tenu de la situation particulière des prix et du chômage par rapport à la métropole."
Et de nombreux leaders indépendantistes, membres du LKP, ont su mettre de côté leur principal objectif, car ils sont conscients qu’il est impopulaire et peu rassembleur :
"Je suis partisan de l’indépendance, mais ce n’est pas une revendication populaire. Elle ne figure donc pas dans le cahier de revendications du LKP."(Raymond Gama, mouvement Nonm) [34]
Donc que les choses soient bien claires : le mouvement social à l’inverse de vouloir l’éloignement avec la France, réclame un alignement sur les conditions de vie de la métropole en terme d’emplois et de pouvoir d’achat. Le grand renouveau du mouvement social emmené aujourd’hui par le LKP et, il faut le reconnaître, sous l’impulsion de son leader charismatique Elie Domota arrivé depuis peu à la tête de l’UGTG, c’est que enfin les frontières corporatistes et un discours de "libération nationale" des années 1970, qui ne rassemblent pas large, ont été abandonnés, comme l’a prouvé la mobilisation récente réunissant des organisations syndicales, associatives, et politiques diverses. Nous sommes loin en effet de ce qu’écrivait Julien Mérion en 2000 :
"Ce qui manque le plus à ce mouvement social, c’est le relais politique qui lui aurait permis de dépasser ses frontières corporatistes et catégorielles. Les organisations indépendantistes qui étaient appelées à jouer ce rôle sont largement dépassées et restent, pour l’essentiel, prisonnières des discours forgés dans les années 70 et qui n’ont aucune prise sur la jeunesse d’aujourd’hui." (Mérion, 2000 : 14)
On a d’ailleurs bien vu ce que en Martinique l’arrivée du mouvement indépendantiste à la direction de la Région a amené : le président de Région Marie-Jeanne, du Mouvement Indépendantiste Martiniquais (MIM), "a perdu une partie de sa réelle popularité, en appelant de manière insistante et autoritaire à la reprise du travail" (William, 2009) [35].
Le mouvement social en Guadeloupe a donc fait bien mieux que de devoir en passer par les relais politiques visant souvent la conquête du pouvoir pour le pouvoir : elle s’en est purement et simplement passée [36]. L’occupation du Conseil Général par le LKP le 7 mai où devait se tenir une réunion des élus des deux assemblées, s’inscrit donc dans cette logique de faire sans les responsables politiques. On peut donc comprendre que les présidents du Département et de la Région aient qualifié cette action de "coup d’État" et "d’anti-démocratique"… non pas parce qu’elle le serait vraiment en soi (à aucun moment le LKP n’a cherché à prendre le pouvoir), mais parce que leurs intérêts se sont vus menacés par l’irruption d’autres représentants du peuple échappant à leur contrôle.
Quant au bras de fer entre le LKP, l’État et le grand patronat, il se poursuit… avec une criminalisation du mouvement social qui va en s’amplifiant : deux jeunes avocats [37] du LKP ont été mis en examen alors qu’ils ont dénoncé le désintérêt des pouvoirs publics à donner suite à leurs plaintes pour écoutes téléphoniques entre 2005 et 2006.
La machine judiciaire a été relancée contre eux le 22 janvier, au moment même où ils venaient de se déclarer avocats du LKP. De plus, l’un des deux avocats, Sarah Aristide, assure la défense de Jimmy Lautric, gravement blessé peu après qu’était tué le syndicaliste Jacques Bino, rapprochement embarrassant (cf. première note de bas-de-page de cet article). Convoqués à Paris pour la mi-juin, ils ont répondu qu’ils n’iraient pas. Le LKP et les grandes figures du barreau de Guadeloupe, engagés dans le même combat, ont proposé que la justice française pouvait toujours essayer de venir les chercher dans leur pays. Les deux avocats sont prêts à assumer les conséquences de leur désobéissance civile, à savoir être mis de force dans l’avion, menottes aux poings. Mais il n’est pas certain que cette perspective, renvoyant à l’image de la déportation et à l’esclavage, serve vraiment les intérêts de la République et de son plus haut représentant, Nicolas Sarkozy, qui a entrepris une visite délicate aux Antilles fin juin, avec un comité d’accueil sans collier à fleurs…
En conclusion
Si l’indépendance n’est pas à l’ordre du jour des revendications du LKP, la mobilisation depuis début 2009 avec grève générale et défilés de plusieurs dizaines de milliers de personnes dans les rues - mini révolution en soi - a eu comme grand mérite de rassembler enfin une partie du peuple derrière des revendications communes. La conscientisation pour plus de responsabilisation a fait un grand pas ! Du lien a été créé entre luttes passées et à venir, entre différentes composantes du peuple "invisibles" mais là. Et hasard du calendrier qui a aussi contribué au succès de la mobilisation, la grève générale a démarré au plus fort de la crise mondiale, le jour même de l’investiture d’Obama érigé en héros dans les défilés, et peu de temps avant le début du carnaval, moment rassembleur incontournable dans la vie antillaise (les responsables politiques français tel Yves Jego ont noté l’omniprésence du tambour et l’ambiance festive durant les manifestations et les négociations). Au début de la grève générale, de nombreux élus politiques ont même cru que les manifestants ne poursuivraient pas bien longtemps leurs défilés, pour ne pas mettre à mal le carnaval qui se profilait : c’est exactement l’inverse qui s’est produit, ce qui dénote du profond décalage entre les représentants élus et le peuple.
À la réaction de l’État d’étendre l’accord Bino à l’ensemble des entreprises mais en les amputant de la clause de convertibilité dans trois ans et du préambule évoquant une "économie de plantation", les organisations composant le LKP ont donc décidé de poursuivre leurs actions sur le terrain pour faire appliquer les conquêtes sociales. Des entreprises qui souhaitaient travailler durant le conflit, où la grève pourtant n’était pas engagée, ont certes été contraintes de fermer boutique, sous la pression de la mobilisation populaire, et des patrons pas forcément malintentionnés envers leurs employés, prévoient de licencier voire de déposer le bilan faute de touristes, alors qu’ils allaient réaliser des embauches de personnel comme ce patron élu Manager Antilles Guyane 2008 qui pleure sa colère dans une lettre rendue publique :
"Messieurs les syndicalistes fonctionnaires, hommes et femmes politiques biens pensants, vous voulez distribuer de la richesse, or vous la détruisez ; vous voulez moins de chômeurs, or vous les créez ; comment pourrais-je ne pas pleurer de colère, d’incompréhension et d’impuissance !" [38]
Ce à quoi Elie Domota répond [39] :
"Le pourrissement orchestré par l’État et les patrons a pour objectif de nous faire porter la responsabilité de cette situation. Mais les travailleurs ne sont pas dupes."
Un ami marie-galantais, responsable associatif, m’a déclaré à ce propos : "On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs". Ainsi, les travailleurs ne se sentent pas forcément non responsables de la perte d’emplois que le blocage de l’île pourrait générer, ils vont même parfois jusqu’à l’assumer comme conséquence de la radicalité du mouvement. Mais ils ne souhaitent pas limiter le débat à cela : il semblerait même qu’ils soient prêts à ce genre de sacrifices à court terme, pour obtenir à moyen et long terme de meilleures conditions de vie. Cependant une chose est certaine, si des entreprises opposées au mouvement se sentent obligées de quitter l’île car ayant enregistré des pertes conséquentes et ne souhaitent pas se soumettre à la pression des travailleurs, un réel problème d’emploi risque de se poser, qu’il ne faut surtout pas négliger.
C’est alors le moment opportun qu’il faut attraper au vol pour proposer un autre modèle de société. La solution il me semble n’est pas dans le "remplacement" ou le "repêchage" pur et simple d’entreprises qui seraient amenées au dépôt de bilan et qui cherchent pour une bonne part d’entre elles le profit, mais il s’agit plutôt dans un premier temps de s’appuyer sur un petit patronat, allié aux salariés, orienté vers la satisfaction des besoins nécessaires et suffisants pour la société. Une des grandes avancées de ce mouvement social a en effet aussi été la structuration du petit patronat guadeloupéen pourtant existant mais jusque-là insuffisamment organisé, au sein de l’UCEG qui a enregistré plusieurs centaines de nouvelles adhésions durant le conflit, en alliance avec les travailleurs. Cela a permis non seulement la signature de l’accord Bino grâce à la présence de syndicats patronaux tels l’UCEG (même minoritaires), mais surtout cela a mis en avant l’esprit entrepreunarial de proximité animant les Guadeloupéens, qui se pose en alternative à l’économie libérale : les 5 kgs de bananes étaient vendus 1 euro sur les marchés improvisés durant la grève (même si en parallèle les prix ont augmenté dans certains petits commerces appelés lolo), alors que le prix au kilo oscille en général entre 1 et 2 euros le kilo !
L’arrière-pays guadeloupéen, avec des générations vivant sous le même toit, possédant la terre, et la cultivant, a alimenté la résistance des travailleurs en grève, permettant ainsi de tenir 44 jours. Et les divergences ont été mises entre parenthèses, pour réaliser une union jamais vue jusque-là entre partis politiques, associations et mouvements culturels progressistes. La force de cette mobilisation est d’avoir exprimé, au grand jour, et à la face du monde, la souffrance d’un peuple, où s’entremêlent l’économique, l’identitaire, et des inégalités par rapport à la France hexagonale, comme j’ai pu en témoigner dans une interview accordée au Diario de Noticias, principal quotidien portugais tirant à plus de 100 000 exemplaires par jour, très intéressé par la situation aux Antilles françaises [40].
D’autres voies sont donc possibles, qui passent vers l’autosuffisance alimentaire, puis énergétique, en dehors des logiques du libéralisme, en replaçant l’humain et sa poétique, au cœur des enjeux. Mais attention : lorsque le LKP prône en priorité une économie de production tournée "vers la satisfaction des besoins du Peuple Guadeloupéen", et "le travail aux Guadeloupéens", il y a bel et bien risque de se limiter à la seule autosuffisance centrée sur soi-même, qui peut déboucher sur une nouvelle forme d’enfermement de l’île. Alors que pour atteindre ces mêmes objectifs, on pourrait s’ouvrir davantage sur notre environnement immédiat (ce que propose aussi le LKP mais dans un second temps dans l’ensemble de ses revendications), en l’occurrence la Caraïbe et l’Amérique latine (ou l’Afrique pour la Réunion et bientôt Mayotte).
Pour cela, il faudra avoir l’ambition de créer de nouvelles conditions socio-économiques pour les Départements Français d’Outre-mer, en s’appuyant sur :
Une exportation de nos produits agricoles diversifiés, et aussi de nos savoir-faire, également par une coopération technique entre nos spécialistes et ceux des Amériques, car n’oublions pas que les ultramarins disposent de formation de haut niveau notamment dans les services.
Les échanges commerciaux avec l’environnement naturel immédiat (Amériques et Caraïbe, ou Afrique et Asie), comme cela est possible pour tout autre département français où des entreprises diverses et variées produisent et exportent vers les pays frontaliers, puis dans le monde entier. Les bonnes intentions sur place ne manquent pas, mais il faudrait une politique de développement global résolument orientée vers ces choix, avec formations à l’appui, ouverture sur les millions d’emplois offerts par l’immense marché des Amériques et de l’Afrique ou l’Asie, et des facilités afin de créer du partenariat au niveau des petites et moyennes entreprises avec ces zones.
Et pourquoi ne pas s’appuyer davantage sur les Antillais vivant en métropole, au Canada, aux Etats-Unis, en Amérique latine, en Australie, au Japon, en Afrique, etc., afin d’ouvrir des débouchés bien au-delà des DOM qui ne peuvent accueillir seuls tous leurs enfants et petits-enfants, les problèmes n’étant pas seulement socio-économiques ou identitaires mais aussi liés à la démographie ?
Enfin, il faut au préalable dénoncer sans retenue les prix du transport aérien pratiqués non seulement vers la métropole [41] mais aussi vers l’environnement immédiat : sachant que de Haïti à Miami, des billets allers-retours coûtent souvent 100 dollars, on peut s’étonner d’avoir à débourser environ 500 euros et plus pour la même distance à l’achat d’un aller-retour Guadeloupe/Haïti ! Sans compter les lignes récemment ouvertes qui permettaient de se rendre bien plus rapidement et à coût moindre dans toute l’Amérique latine, comme celle d’Air Caraïbes qui relia pendant deux ans les Antilles et la Guyane au Panama où résident de nombreux descendants d’Antillais partis construire le Canal [42], connecté avec toutes les grandes capitales latino-américaines. Mais y a-t-il vraiment de quoi s’étonner de la fermeture de cette ligne en 2009 pour "non rentabilité", sachant que les échanges commerciaux entre nos territoires et son environnement immédiat sont pratiquement inexistants ?
Dr. Nicolas Rey [Professeur-chercheur en anthropologie à l’Université de Guadalajara, au Mexique]
Source : Africultures
Ouvrages et articles
Dubois, Laurent, 1998, Les esclaves de la République. L’Histoire oubliée de la première émancipation (1789-1794), Paris, Calmann-Lévy.
Durpaire, François, 2006, France Blanche, colère noire, Paris, Odile Jacob.
Gama, Raymond, Sainton, Jean-Pierre, 1985, Mé 67, Société guadeloupéenne d’édition et de diffusion.
Mérion, Julien, 2000, "Dépendance et résistance : le vrai visage de la Guadeloupe", Volcans, n°39.
Oxley, Greg, mars-avril 2009, "Stratégie syndicale : 29 janvier, 19 mars… et après ?", La Riposte, n°45.
Rey, Nicolas, 2001, Lakou & Ghetto. Les quartiers périphériques aux Antilles françaises, Paris, L’Harmattan.
Rey, Nicolas, 2005, Quand la Révolution, aux Amériques, était nègre. Caraïbes noirs, negros franceses, et autres "oubliés" de l’Histoire, Paris, Karthala (préf. Elikia M’Bokolo).
Rey, Nicolas, 2007, Enquête sociale auprès des associations et des entreprises, Plan Local d’Urbanisme de Baie-Mahault, Agence Tropisme.
Saint-Ruf, Germain, 1977, L’épopée Delgrès. La Guadeloupe sous la révolution française (1789-1802), Paris, L’Harmattan.
Sorel, Georges, 1972 [1908], Réflexions sur la violence, Paris, Marcel Rivière et Cie.
Sur internet : revues, quotidiens et textes rendus publics
Achilli, Jean-François, 25 juin 2009, "Yves Jego veut retrouver sa liberté de parole", Jean-François Achilli Le Blog (blog http://www.wmaker.net/achilli).
Alliès, Stéphane, 16 février 2009, "Trois politologues décryptent l’ampleur d’un mouvement inédit", Mediapart (http://www.mediapart.fr).
Barret, Anne-Laure, 22 février 2009, "Elie Domota : "Sarkozy entend mais ne répond pas"", le JDD.fr (http://www.lejdd.fr).
Bernard, François, "Nou pèd fil an nou !".
Breleur, Ernest ; Chamoiseau, Patrick ; Domi, Serge ; Delver, Gérard ; Glissant, Edouard ; Pigeard de Gurbert, Guillaume ; Portecop, Olivier ; Pulvar, Olivier ; William, Jean-Claude ; 16 février 2009, "Neuf intellectuels antillais lancent un manifeste de la révolte", Mediapart.
Domota, Elie, 21 Avril 2009, "Discours à la Mutualité" [UGTG : http://ugtg.org].
Gircour, Frédéric, 19 avril 2009, "Contre-enquête : l’affaire Lautric, une affaire gênante pour le pouvoir ?", Chien Créole (http://chien-creole.blogspot.com).
Gircour, Frédéric, 21 avril 2009, "Attaques tous azymuts contre la presse", Chien Créole.
Gircour, Frédéric, 13 juin 2009, "La riposte des avocats", Chien Créole.
Hazel, Françoise ; Mogin, Fred ; Rey, Nicolas, 2008, "Afroantillanos, les Antilles au Panama", Association Periferia (http://www.periferia-afroantillanos.blogspot.com).
Humanité (http://www.humanite.fr), 6 mars 2009, "La victoire dans le détail".
Le Parisien.fr (http://www.leparisien.fr), 18 février 2009, "Guadeloupe : la charge des syndicats contre l’État".
Lubrano, Marie-Lys, 9 mars 2009, "Besancenot : il faudrait des LKP partout en France", le JDD.fr.
Magnaudeix, Mathieu, 25 février 2009, "Radiographie d’un mouvement social", Mediapart.
Sardo, José Miguel, "A revolta nas Antilhas francesas", 22 février 2009, Diario de Noticias (http://dn.sapo.pt).
Terra Nova (http://www.tnova.fr), février 2009, "La crise guadeloupéenne entre dans sa cinquième semaine".
Touverey, Baptiste, 20 février 2009, "Une interview de l’historienne
Nelly Schmidt. Antilles : La France en a-t-elle fini avec l’esclavage ?", Le - Nouvel Observateur (http://hebdo.nouvelobs.com).
Zandwonis, Danick, 18 février 2009, "Médias : Thierry Fundéré, viré en silence de RCI ?", Carib Creole One (http://www.caribcreole1.com).
Emissions télévisées.
C dans l’Air, 16 février 2009, " : Le jeu dangereux des Antilles", France 5.
C dans l’air, 18 février, "On a tiré en Guadeloupe", France 5.
Ça vous regarde, 12 février 2009, "Guadeloupe, épicentre d’une crise ?",La Chaîne Parlementaire.
Ce soir ou jamais, 4 mars 2009, "Débat sur le conflit social en Guadeloupe et en Martinique", France 3.
Spécial Investigation, 22 janvier 2009, "Les derniers Maîtres de la Martinique ?", Canal +.
[1] Le jeune inculpé pour le meurtre de Jacques Bino a déjà été condamné pour des faits de violence armée dans les années 90 ; c’est le "coupable idéal". Mais le mystère persiste. Le 17 février 2009, non loin de l’endroit où a été tué Jacques Bino, un autre homme ayant assisté à la mobilisation du LKP dans la journée, Jimmy Lautric, est frappé à la jambe par une balle de très gros calibre (ressortie) qui pourrait être de même type que celle ayant terrassé le leader syndicaliste une heure plus tôt. Ce genre de calibre, retrouvé dans le corps de Bino et autour du lieu d’agression de Lautric, une balle brenneke, est parfois utilisé par la police ; étonnant donc que ces faits pouvant être rapprochés ne l’aient pas été par le procureur ; étonnant aussi que les vêtements de Lautric gardés à l’hôpital aient disparus, après avoir été remis… à la police ! Quant à la plainte que le blessé a déposée, elle a été… déchirée par le SRPJ, selon les dires de l’intéressé et de sa mère ! Toutes ces pistes viennent en tout cas alimenter les doutes nés après la mort de Jacques Bino : le syndicaliste a-t-il été tué par le jeune délinquant, tout comme aurait été blessé Jimmy Lautric par des malfrats (les tireurs ont été vus à moto, masqués, armés de fusils à pompe), ou les deux hommes auraient-ils été victimes d’actions commanditées en haut lieu ? Ce drame a en tout cas profité au pouvoir dès lors que la pression est retombée très nettement ensuite, la Guadeloupe étant entrée dans une période de deuil. Pour plus de détails, cf. Gircour, Frédéric, 19 avril 2009, "Contre-enquête : l’affaire Lautric, une affaire gênante pour le pouvoir ?", Chien Créole.
[2] Le concept de race humaine utilisé par les thèses racialistes du 19ème siècle ou encore par le régime nazi est aujourd’hui abandonné par les sciences humaines. Il est encore de vigueur dans les pays anglo-saxons comme les Etats-Unis. Nous l’utiliserons entre guillemets cependant dans cet article pour bien montrer notre désaccord avec ce concept, mais nous y recourrons parce que aux Antilles il renvoie à une classification élaborée durant l’esclavage par les colons qui perdure encore en partie aujourd’hui dans la société antillaise, où couleur de peau et échelle sociale se confondent !
[3] En Martinique on les appelle les "békés", en Guadeloupe les "Blancs pays". Lorsque nous ferons référence aux békés en Guadeloupe, il s’agira avant tout des descendants de colons martiniquais détenant de grandes entreprises dans cette île.
[4] Il y a deux ans, de nombreuses voix d’intellectuels, de syndicalistes, de politiques, ou de simples guadeloupéens, ont communié pour célébrer le souvenir des massacres de mai 1967, mois durant lequel les travailleurs s’étaient mobilisés pour réclamer des augmentations de salaires (cf. Gama, Raymond, Sainton, Jean-Pierre, 1985, Mé 67, Société guadeloupéenne d’édition et de diffusion), comme en 2009 : l’armée tira dans la foule, faisant 87 morts selon plusieurs recoupements, alors que les chiffres officiels à l’époque faisaient état de 7 tués. La lumière n’a toujours pas été complètement faite sur ces événements, et l’État français n’a absolument pas présenté ses excuses…
[5] Le mouvement social en Guadeloupe a d’ailleurs lancé de premières actions en décembre 2008 contre le prix prohibitif de l’essence. En mars 2009, le prix de l’essence a été ramené à celui de métropole, après plusieurs baisses successives.
[6] Cf. Ça vous regarde (émission télévisée), 12 février 2009, "Guadeloupe, épicentre d’une crise ?", La Chaîne Parlementaire.
[7] Cf. Ce soir ou jamais (émission télévisée), 4 mars 2009, "Débat sur le conflit social en Guadeloupe et en Martinique", France 3.
[8] Cf. C dans l’Air (émission télévisée), 16 février 2009, "Le jeu dangereux des Antilles", France 5.
[9] Cf. Ce soir ou jamais (émission télévisée), 4 mars 2009, "Débat sur le conflit social en Guadeloupe et en Martinique", France 3.
[10] Cf. C dans l’Air (émission télévisée), 16 février 2009, "Le jeu dangereux des Antilles", France 5.
[11] Cf. Touverey, Baptiste, 20 février 2009, "Une interview de l’historienne Nelly Schmidt. Antilles : La France en a-t-elle fini avec l’esclavage ?", Le Nouvel Observateur.
[12] Cf. Terra Nova, février 2009, "La crise guadeloupéenne entre dans sa cinquième semaine".
[13] Cf. Alliès, Stéphane, 16 février 2009, "Trois politologues décryptent l’ampleur d’un mouvement inédit", Mediapart.
[14] Cf. Ça vous regarde (émission télévisée), 12 février 2009, "Guadeloupe, épicentre d’une crise ?", La Chaîne Parlementaire.
[15] Le mardi 23 juin, deux jours avant le départ de Sarkozy aux Antilles, et jour de léger remaniement ministériel, Yves Jego apprend qu’il n’est pas dans la nouvelle équipe gouvernementale. Ayant plus d’une fois tenu des propos assez justes concernant l’état actuel des Antilles - "cordon ombilical avec la métropole", "passer d’une économie de consommation à une économie de production" - tout en s’opposant aux grands békés et au Medef local, il a semble t-il payé cela. Selon Jean-François Achilli (cf. son blog http://www.wmaker.net/achilli), "Yves Jego estime avoir été "victime du système antillais, des békés, du Medef local, du pouvoir de l’argent, qu’il a dénoncés", affirme son entourage, qui parle de "relais puissants auprès de Matignon et du Premier ministre"."
[16] Cf. Spécial Investigation (émission télévisée), 22 janvier 2009, "Les derniers Maîtres de la Martinique ?", Canal +
[17] Cf. la publication de l’extrait du relevé de décisions que le gouvernement et le patronat ont dû signer, 6 mars 2009, "La victoire dans le détail.", L’Humanité.
[18] Cf. Breleur, Ernest ; Chamoiseau, Patrick ; Domi, Serge ; Delver, Gérard ; Glissant, Edouard ; Pigeard de Gurbert, Guillaume ; Portecop, Olivier ; Pulvar, Olivier ; William, Jean-Claude ; 16 février 2009, "Neuf intellectuels antillais lancent un manifeste de la révolte", Mediapart.
[19] La direction du Medef, principale organisation patronale, et la CGPME (Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises), proposaient de verser des primes mais pas de hausse de salaire.
[20] Domota, Elie, 21 Avril 2009, "Discours à la Mutualité". Sur les 200 euros de hausse de salaire, 25 sont pris en charge par la Région, 25 par le Département, 50 par le patronat, et 100 par l’État, pendant trois ans.
[21] Magnaudeix, Mathieu, 25 février 2009, "Guadeloupe, radiographie d’un mouvement social", Mediapart. Il faut noter tout de même que plusieurs branches du Medef ont signé l’accord Bino, sous la pression des syndicats.
[22] C dans l’air, 18 février, "On a tiré en Guadeloupe", France 5.
[23] Cf. Rey, Nicolas, 2001, Lakou & Ghetto. Les quartiers périphériques aux Antilles françaises, Paris, L’Harmattan.
[24] Cf. Rey, Nicolas, 2007, Enquête sociale auprès des associations et des entreprises, Plan Local d’Urbanisme de Baie-Mahault, Agence Tropisme.
[25] Cf. Ce soir ou jamais (émission télévisée), 4 mars 2009, "Débat sur le conflit social en Guadeloupe et en Martinique", France 3.
[26] Cf. Ça vous regarde (émission télévisée), 12 février 2009, "Guadeloupe, épicentre d’une crise ?", La Chaîne Parlementaire.
[27] Le Parisien.fr, 18 février 2009, "Guadeloupe : la charge des syndicats contre l’État".
[28] Lubrano, Marie-Lys, 9 mars 2009, "Besancenot : il faudrait des LKP partout en France", Journal du Dimanche.
[29] Cf. Gircour, Frédéric, 21 avril 2009, "Attaques tous azymuts contre la presse", Chien Créole.
[30] Cf. Zandwonis, Danick, 18 février 2009, "Médias : Thierry Fundéré, viré en silence de RCI ?", Carib Creole One.
[31] Sondage réalisé les 20 et 21 février par téléphone auprès de 977 personnes représentatives de la population française de 18 ans et plus (méthode des quotas).
[32] La première, députée de Guyane, donna en 2001 son nom à la loi de Crime contre l’Humanité concernant l’esclavage, dite "Loi Taubira" ; le second est auteur de nombreux ouvrages bien inspirés sur la montée de Obama bien avant même les élections, ainsi que sur la discrimination raciale en France (cf. notamment Durpaire, François, 2006, France Blanche, colère noire, Paris, Odile Jacob).
[33] En 2003, un référendum sur l’évolution statutaire de la Guadeloupe vers plus d’autonomie, avait été rejeté à 75 % par les votants, alors qu’en Martinique il avait presque été accepté avec 49,5 % pour. Les îles françaises Saint-Martin et Saint-Barthélémy, rattachées administrativement jusque-là à la Guadeloupe, avaient voté "oui". Le 18 décembre 2008, le congrès des élus régionaux et départementaux de Martinique a décidé de s’engager dans la voie de l’autonomie. Lors de sa visite aux Antilles les 25 et 26 juin, Nicolas Sarkozy a proposé la tenue d’un référendum sur l’autonomie de la Martinique.
[34] Cf. Magnaudeix, Mathieu, 25 février 2009, "Radiographie d’un mouvement social", Mediapart.
[35] Cf. Alliès, Stéphane, 16 février 2009, "Trois politologues décryptent l’ampleur d’un mouvement inédit", Mediapart.
[36] Les quelques partis politiques rassemblés dans le LKP ne jouent pas la fonction de relais "en continuité" du mouvement avec pour objectif gagner des élections, mais bien "d’alliés de l’intérieur" partis prenante de la mobilisation avec pour but de réaliser des conquêtes sociales par la pression de la rue et dans les entreprises.
[37] Gircour, Frédéric, 13 juin 2009, "La riposte des avocats", Chien Créole.
[38] Bernard, François, "Nou pèd fil an nou !".
[39] Cf. Barret, Anne-Laure, 22 février 2009, "Elie Domota : "Sarkozy entend mais ne répond pas"", le JDD.fr.
[40] Cf. Sardo, José Miguel, "A revolta nas Antilhas francesas", 22 février 2009, Diario de Noticias.
[41] Cela devrait être l’objet de discussions entre l’État et les compagnies aériennes mais reste inscrit dans ce lien ombilical entre DOM et la "mère patrie".
[42] Cf. Hazel, Françoise ; Mogin, Fred ; Rey, Nicolas, 2008, "Afroantillanos, les Antilles au Panama", Association Periferia.