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A l’occasion de la journée mondiale du refus de la misère [17 octobre 2008], l’ORSaG a publié une étude réalisée sur ce thème et intitulée : "Approche de la pauvreté en Guadeloupe". Au 1er janvier 2007, 34100 personnes percevaient le RMI, soit 14% des personnes âgées de 20 à 59 ans ; 7537 personnes bénéficiaient de l’AAH, soit 2% des personnes de 20 ans et plus ; L’API concernait 5830 personnes, soit 5% des femmes de 15 à 49 ans ; 2496 personnes percevaient le RSO.
Différentes approches permettent de quantifier la population touchée par la pauvreté, ce qui souligne la difficulté de cerner le phénomène.
Le taux de pauvreté monétaire qui consiste à fixer un seuil au dessous duquel la population est considérée comme pauvre, est généralement utilisée.
Cette approche n’est pas suffisante car elle ne permet pas d’aborder les différentes formes de pauvreté et l’ensemble des difficultés rencontrées par les personnes démunies.
En effet, la pauvreté se caractérise par un manque de ressources financières mais également par l’impossibilité de satisfaire certains besoins jugés essentiels notamment dans les domaines relatifs à l’alimentation, à la santé, à l’éducation ou au logement.
Les personnes pauvres ne cumulent pas toutes les mêmes handicaps et les situations de pauvreté sont donc hétérogènes, conséquences de la diversité des processus ayant conduit à la pauvreté.
En 2006, 18% des ménages guadeloupéens vivaient sous le seuil de pauvreté [1] qui était de 6917 euros par an. Le taux de pauvreté a augmenté de plus de deux points depuis 2001, mais il reste moins élevé qu’en 1995 où il dépassait 19%.
]]qui était de 6917 euros par an. Le taux de pauvreté a augmenté de plus de deux points depuis 2001, mais il reste moins élevé qu’en 1995 où il dépassait 19%.
Si cet indicateur renseigne surtout sur l’inégalité de la répartition des revenus, il ne donne aucune information sur l’intensité de la pauvreté des ménages sous le seuil.
L’indicateur de distance des revenus des ménages au seuil de pauvreté permet de pallier ce manque. Aussi, en 2006, le revenu moyen des ménages guadeloupéens vivant sous le seuil de pauvreté représente 74% de ce seuil contre 76% en 2001.
La proportion de ménages pauvres a augmenté et l’intensité de la pauvreté s’est accrue.
Afin d’assurer aux ménages les plus démunis un minimum de ressources, l’état a mis en place les minima sociaux. En Guadeloupe, il existe dix minima sociaux dont quatre sont gérés par les Caisses d’allocations familiales (CAF) : le Revenu minimum d’insertion (RMI) [2], l’Allocation adulte handicapé (AAH) [3], l’Allocation parent isolé (API) [4] et le Revenu de solidarité (RSO) [5]
En Guadeloupe, au 1er janvier 2007, 34100 personnes percevaient le RMI, soit 14% des personnes âgées de 20 à 59 ans.
A la même date, 7537 personnes bénéficiaient de l’AAH, soit 2% des personnes de 20 ans et plus.
L’API concernait 5830 personnes, soit 5% des femmes de 15 à 49 ans.
Enfin, 2496 personnes percevaient le RSO.
Quelle que soit l’aide considérée, la part d’allocataires en Guadeloupe est nettement supérieure à celle de la France métropolitaine, en particulier pour le RMI et l’API.
Tout comme le travail, le logement est un déterminant majeur de l’insertion de l’individu dans la société. Le droit au logement est au cœur de la « loi Besson » du 31 mai 1990 qui déclare dans son article 1er : “Garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation. Toute personne éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité, dans les conditions fixées par la présente loi, pour accéder à un logement décent et indépendant et s’y maintenir.”
Or, l’accès à un logement décent et le maintien dans celui-ci font partie des principales difficultés que rencontrent les ménages pauvres.
Les personnes et les familles en détresse sociale peuvent être hébergées et accompagnées dans leur réinsertion sociale par les Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) [6].
En Guadeloupe, il existe 5 CHRS dont deux proposent un accueil et jour (Acajou Nouvelles Alternatives à Basse-Terre & Saint Vincent de Paul aux Abymes) et trois un accueil de nuit (St Vincent de Paul à Pointe à Pitre, Cap’Avenir à Pointe à Pitre et au Gosier). Ces derniers disposent de 84 places. Parmi les CHRS, deux sont destinés aux jeunes femmes seules avec ou sans enfants et trois à tout type de public.
Par ailleurs, des associations bénéficiant de l’Allocation Logement Temporaire (ALT) [7] offrent pour de courtes durées un hébergement à des publics en difficulté. Neuf associations percevant cette aide sont présentes en Guadeloupe. La plupart s’adressent à des publics spécifiques : deux aux malades, trois aux jeunes, deux aux femmes et une aux toxicomanes.
Au 1er janvier 2006, en Guadeloupe, on comptait plus de 28 000 logements sociaux. La légère diminution de leur effectif entre 2004 et 2005 a été suivie par une augmentation de 12% entre 2005 & 2006.
La densité du parc social en Guadeloupe s’élève à 64 logements pour 1000 habitants au 1er janvier 2006, contre 58 pour 1000 habitants au 1er janvier 2005.
Elle est inférieure de 5 points à celle de la France métropolitaine.
L’emploi joue un rôle déterminant dans l’entrée ou la sortie de la pauvreté. En effet, l’absence d’emploi augmente sensiblement le risque de pauvreté.
En juin 2007, 38 000 personnes se sont déclarées au chômage [8], soit 22,7% de la population active [9]. Plus de la moitié des chômeurs le sont depuis plus de trois ans.
Le chômage concerne fortement les jeunes (55,3% de la tranche d’âge 15-24 ans) et il touche plus souvent les femmes que les hommes (respectivement 26,1% et 19,2%)
La catégorie de "travailleurs pauvres" [10] est apparue en France dans les années 90. Depuis 2003, la réduction de leur nombre est devenue une priorité de l’Union Européenne.
Pour les personnes ayant un emploi, le risque de pauvreté augmente lorsque l’emploi est à durée limitée (intérim, contrat à durée déterminée, contrat d’apprentissage et stage rémunéré) ou à temps partiel. Ce risque est sensiblement accru lorsqu’en plus ces personnes vivent seules ou que leur conjoint est inactif.
En juin 2007, en Guadeloupe, 10% des personnes ayant un emploi avaient un contrat à durée limitée. Elles étaient plus nombreuses parmi les femmes et surtout les jeunes (11% et 25%).
A la même période, 15% des actifs en emploi ont déclaré travailler à temps partiel.
C’est particulièrement le cas des femmes et des jeunes.
Afin de garantir l’accès aux soins des personnes disposant de faibles ressources, la loi n° 99-641 du 27 juin 1999 a institué une couverture maladie universelle [11]. Ainsi, depuis le 1er janvier 2000, elles peuvent bénéficier d’une couverture de base (CMU) et d’une couverture complémentaire (CMU-C).
Au 1er janvier 2007, en Guadeloupe, plus de 67 000 personnes bénéficiaient de la CMU de base (15% de la population) et plus de 130 000 de la CMU Complémentaire (29% des Guadeloupéens).
Cependant, la création de la couverture maladie universelle n’a pas supprimé tous les problèmes d’accès aux soins des personnes les plus pauvres. En effet, certaines personnes n’ont pas recours à ce droit du fait d’un manque d’informations ou de la crainte d’être stigmatisées. D’autres se voient refuser l’accès à des consultations médicales du fait de leur affiliation à la CMU.
Les centres d’examens de santé [12]gérés par les Caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), ou ayant passé une convention avec elles, réalisent gratuitement des examens de santé. Depuis l’arrêté ministériel du 20 juillet 1992, les personnes inactives âgées de plus de 16 ans, les demandeurs d’emploi, les personnes pré- ou retraitées et les personnes exposées à des risques menaçant leur santé en sont les bénéficiaires prioritaires. Parmi cette population, l’article 2 de cet arrêté définit cinq catégories de personnes en situation de précarité : les chômeurs, les bénéficiaires du RMI, les jeunes de 16-25 ans dans un dispositif d’insertion, les bénéficiaires d’un contrat aidé et les personnes sans domicile fixe.
En 2005, 7042 examens ont eu lieu dans le centre d’examens de santé Sainte Geneviève, le seul représenté dans les DOM. C’est donc 16‰ de la population qui a bénéficié de ce droit. La Guadeloupe a le troisième taux de couverture le plus élevé des régions françaises. Il varie en France métropolitaine de 2‰ en Corse à 17‰ en Champagne-Ardenne, pour une moyenne nationale de 9‰.
Pour le Centre de santé de Guadeloupe et selon EPICES [13], 76% des personnes examinées sont en situation de précarité ou de fragilité sociales. Parmi les personnes examinées en Guadeloupe, la moitié a une vision négative de sa santé. C’est particulièrement le cas des personnes précaires (54% contre 37% des personnes non précaires).
Rédaction (de la fiche thématique) : Sandrine PITOT
ORSaG, octobre 2008
[1] Le seuil de pauvreté relatif est fixé à 60% du revenu annuel médian avant impôts par unité de consommation. Le nombre d’unité de consommation d’un ménage est calculé comme suit : le 1er adulte compte pour 1, les autres personnes de 14 ans ou plus pour 0,5 chacune, les personnes de moins de 14 ans pour 0,3 chacune et familles monoparentales sont majorées de 0,2.
Le taux de pauvreté représente la proportion de familles qui vivent sous le seuil de pauvreté relatif.
Le taux de pauvreté représente la proportion de familles qui vivent sous le seuil de pauvreté relatif.
[2] Le RMI, créé en 1988, vise à garantir des ressources minimales à toute personne de 25 ans ou plus, la condition d’âge n’étant pas exigée pour les personnes ayant au moins un enfant né ou à naître. Le montant versé est différentiel : différence entre le plafond garanti et le montant de ressources du foyer allocataire prises en compte dans le calcul. Pour une personne seule, sans enfants, il est de 447,91 € par mois (au 01.0108)
[3] L’AAH a été créé en 1975 pour les personnes handicapées ne pouvant prétendre ni à un avantage vieillesse, ni à une rente d’accident du travail. Le demandeur doit justifier d’un taux d’incapacité de 80% (ou de 50% si son handicap l’empêche de se procurer un emploi et s’il n’a pas occupé d’emploi depuis un an) et être âgé de plus de 20 ans (plus de 18 ans s’il n’ouvre pas droit aux allocations familiales). Pour une personne seule, elle est de 628, 10 € par mois (au 01.01.08)
[4] L’API a été créé en 1976 pour les personnes assurant seules la charge d’enfant(s), y compris les femmes enceintes. Elle est versée jusqu’au troisième anniversaire du dernier enfant ou pendant 12 mois consécutifs si les enfants sont âgés de plus de 3 ans. Pour une personne seule avec un enfant, elle est de 755, 72 € par mois (au 01.01.08).
[5] Le RSO a été mis en place en décembre 2001. Il concerne les résidents permanents d’un DOM, bénéficiaires depuis au moins deux ans, sans interruption, du RMI, âgés d’au moins 50 ans et de moins de 65 ans et s’engageant à n’assurer aucune activité rémunérée pendant la période de perception du revenu de solidarité.
[6] Financés par l’aide sociale de l’Etat, les CHRS ont été reconnus par la loi du 30 juin 1975 comme des établissements sociaux. La circulaire du 14 mai 1991 a redéfini leurs missions en insistant sur leurs fonctions d’insertion et de réadaptation. Leur champ d’application a été élargi par la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions. Ils proposent une prise en charge individualisée et globale de toute personne ou famille en détresse, sous condition de l’établissement préalable d’un "projet d’insertion". Ce projet doit être accepté par la personne accueillie. L’accompagnement social est proposé avec ou sans hébergement.
[7] L’Allocation Logement Temporaire a été instituée par la loi du 31 décembre 1991. C’est une aide forfaitaire financée par le ministère chargé du logement. Elle est attribuée à des associations, des Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS) ou des Centres Intercommunaux d’Action Sociale (CIAS) qui s’engagent, dans le cadre d’une convention passée avec l’Etat à héberger, à titre temporaire, des personnes en difficulté n’ayant pas accès provisoirement à un logement autonome.
[8] Un chômeur (au sens du BIT) est une personne en âge de travailler (15 ans ou plus) et qui répond simultanément à trois conditions :
Etre sans emploi, c’est à dire ne pas avoir travaillé, ne serait-ce qu’une heure, durant une semaine de référence ;
Etre disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours ;
Avoir cherché activement un emploi (dans le mois précédent) ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de trois mois.
[9] La population active ayant un emploi (au sens du BIT) comprend les personnes (âgées de 15 ans ou plus) ayant travaillé au cours d’une semaine de référence, qu’elles soient salariées, à leur compte, employeurs ou aides dans l’entreprise ou l’exploitation familiale. Elle comprend aussi les personnes pourvues d’un emploi mais qui en sont temporairement absentes pour un motif tel qu’une maladie (moins d’un an), des congés payés, un congé de maternité, un conflit du travail, une formation, une intempérie... Les militaires du contingent, les apprentis et les stagiaires rémunérés effectuant un travail font partie de la population active ayant un emploi.
[10] Le travailleur pauvre est une personne déclarée active (ayant un emploi ou au chômage) six mois ou plus dans l’année, dont au moins un mois en emploi, et qui vit au sein d’un ménage pauvre. la pauvreté d’un travailleur dépend à la fois de son revenu d’activité personnel et de sa situation sociale.
[11] La couverture maladie universelle de base, entrée en vigueur le 1er janvier 2000, permet l’accès à l’assurance maladie pour toutes les personnes résidant en France de manière stable et régulière depuis plus de trois mois, et qui n’ont pas droit à l’assurance maladie à un autre titre (activité professionnelle, etc.) La CMU de base n’est pas attribuée sous conditions de ressources, mais une cotisation est demandée si les revenus du ménge dépassent un certain plafond. Les assurés sociaux au titre de la CMU de base ont exactement les mêmes droits que les autres assurés.
La couverture maladie universelle complémentaire permet à toute personne, résidant régulièrement en France et de manière stable et régulière depuis plus de trois mois de bénéficier d’une protection complémentaire gratuite et renouvelable. Elle remplace, depuis le 1er janvier 2000, l’aide médicale dispensée par les Conseils Généraux dans le cadre de l’aide sociale décentralisée. Les personnes qui bénéficiaient en 1999 de l’aide médicale ont été transférées automatiquement à la CMU-C. Elle est accordée pour un an sous conditions de ressources. La CMU-C prend en charge le ticket modérateur en soins de ville (consultations et prescriptions) ou à l’hôpital, le forfait hospitalier et, dans certaines limites fixées par la réglementation, les dépassements tarifaires pour prothèses ou appareillages (principalement en dentaire et en optique). Les soins sont pris en charge à 100% en tiers payant et les professionnels de santé ont l’obligation de respecter les tarifs reconnus par la Sécurité sociale.
[12] Les examens de santé réalisés par les centres d’examen de santé (CES) sont ouverts aux assurés du régime général de l’Assurance maladie ou à leurs ayants droit. Ils sont financés dans le cadre du Fonds national de prévention d’éducation et d’information sanitaire (FNPEIS), du régime général de l’Assurance maladie destiné à financer des actions de prévention, d’éducation et d’informations sanitaires propres à améliorer l’état de santé général de la population qui a bénéficié.
L’examen de santé se déroule en deux temps. Le premier temps est destiné à l’exploration de l’état de santé à travers différents tests (analyse de sang et d’urine, examen dentaire pour les personnes non suivies, mesure de la pression artérielle, du poids, de la taille et du rapport tour de taille/tour de hanches, examens de la vue et de l’audition, électrocardiogramme, vérification du statut vaccinal...).
Dans un second temps, le médecin s’entretient avec le consultant sur les modes de vie, les antécédents personnels et familiaux, commente les résultats des tests de la première partie de l’examen et pratique un examen clinique complet.
Une copie de l’ensemble des résultats de l’examen de santé est envoyée au médecin traitant, ou à tout autre médecin désigné par le bénéficiaire.
[13] Le score individuel de précarité, dénommé EPICES (Evaluation de la précarité et des inégalités de santé pour les CES) a été construit par le Centre technique d’appui et de formation de l’école de santé publique de Nancy. Il prend en compte, à travers les réponses à 11 questions, différentes dimensions de la précarité, enparticulier la situation socio-économique, le logement, la situation vis à vis de l’emploi, les diplômes et l’état de santé. La réponse à chaque question est affectée d’un coefficient, la somme des 11 réponses donne le score EPICES. Il varie de 0 (absence de précarité) à 100 maximum (maximum de précarité).
Approche de la pauvreté
en Guadeloupe en 2008