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La Guadeloupe est un pays colonisé

 

LA GUADELOUPE EST UN PAYS COLONISÉ

Nous le disons, nous invectivons ici et là, de manière aussi légère qu’un palaviré à réaction. Nous l’écrivons comme makakri, comme dé mo maké. Avons-nous vraiment conscience de la violence (à son paroxysme) de cet état de fait que nous évoquons, de cette condition déshumanisant, méprisante et inconditionnellement bâtarde ?

Pas si sûr.

Peu d’entre nous, l’avons vraisemblablement intégré. Rien que d’y penser, cela réveille en eux un boukan d’émotions, un enchvètrement d’humiliations, de peurs, d’inquiétudes, de colère, de rage dans un barik où croupissait déjà la haine mélangée aux pulsions les plus primitives que tout homme porte en lui.

On nonm dominé par un autre homme, quoi de plus avilissant. Aucune loi naturelle ne le justifie, seule la loi des hommes l’autorise et l’entérine. Elle était déjà condamnable aux siècles passés, ignorés par le siècle des lumières, elle est aujourd’hui exécutable à l’ombre d’un grand fromager.

C’est un peu cela la colonisation.

Beaucoup d’entre nous l’avons évacué. Mais c’est par cette même domination que cela fût possible. Cette domination qui depuis longtemps vous a amputé de tout ou partie de votre histoire, de tout ou partie de vous-même. En vous intimant sournoisement de passer sous silence le mawonaj et la rébellion de vos ancêtres, à contenir tout la fierté que vous auriez pu extraire de l’extraordinaire résistance des bigarrés de Guadeloupe face à l’empereur conquérant. Cela fut possible par une substitution létale pour la pensée et pour l’être, venue de la leçon de mille lieues, où naguère guerroyaient nos mafouti ancêtres, Clovis et ses Gétorix. Telle la négation.
Cette domination qui vous a violé, en vous imposant sa culture, ses traditions, ses mœurs à transmettre à votre progéniture, à perpétuer sans fin, dans l’abnégation malsaine et stérile la plus totale. A vous enfariner la langue dans un enrobage tellement soyeux qu’il vous a fait perdre votre kréyol. Tandis que le son K, si familier à nos oreilles devenait atone et inaudible au fur et à mesure.

C’est aussi un peu cela la colonisation.

De par sa télévision et sa radio, petite lucarne où vous tentez vainement de vous entrevoir. Et dans le vèglaj le plus éblouissant, vous, vous tombez djoup dans le panier percé de l’agoulou de la surconsommation en haute voltige. Tentant désespérément de vous en défaire, mais hélas le temps passe, passe, passe.

C’est tout cela la colonisation.

C’est d’avoir élevé et nourri au beau mitan d’entre nous quelques uns d’entre nous. Prolongement de son arme tranchant qui après vous avoir transpercé, la rassure que jamais la plaie ne se refermera. Car béante, suppurante, l’élite s’en portait garante.

Mi sé sa la colonisation.

Et comme si tout cela ne suffisait pas, ne la rassasiait pas, elle maintient toute l’année une saison blanche et seiche. Par la domination de son pouvoir administratif et économique, d’une poignée de Frandaker sur les BIKO du pays.

Alors, ce n’est plus cela la colonisation.

Car cette autre dimension qui, subrepticement se superpose à l’état de fait, ne serait-elle pas une composante utérine de la métastase existentielle ?

Senk & Kat
Juin 2003

Post-Scriptum

Texte publié en juin 2003 dans le journal "Senk & Kat".

Publié par la Centrale UGTG le vendredi 18 juillet 2008
Mis à jour le mardi 22 juillet 2008

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