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Répression antisyndicale en Guadeloupe : Interview de Me Hélène Rubinstein-Carrera, désignée par le CICR pour assister au procès

>Mots-clés : LKP  Solidarités  Justice coloniale  
 

Répression antisyndicale en Guadeloupe

Compte-rendu de mandat de Me Hélène Rubinstein-Carrera, avocate honoraire, désignée par le Cicr pour assister au procès, le 20 mai 2011, de trois militants de l’UGTG

Tu as participé, comme avocate honoraire et membre du bureau du Comité international contre la répression au procès qui a commencé le 20 mai dernier contre trois dirigeants et militants de l’UGTG, dont Michel Madassamy, dont tu avais été l’un des avocats lors de son procès en 2004. Comment s’est déroulé ce procès ?

Le bureau du Cicr a été sollicité par le secrétaire général de l’UGTG, Elie Domota, pour apporter son soutien aux trois militants de l’UGTG, Michel Madassamy, Gabriel Bourguignon et Fred Louise. Dans sa lettre du 2 mai, le secrétaire général de l’UGTG soulignait : « C’est dans la continuité du combat que vous menez depuis de nombreuses années pour la défense des droits politiques et syndicaux et au nom de notre collaboration contre la répression que nous vous adressons ce courrier. Vous êtes informés de la répression, de la multitude de procès contre les militants de l’UGTG, principale organisation syndicale de Guadeloupe. Vous connaissez aussi les tentatives de déstabilisation des avocats qui les défendent, les provocations et violations des droits de la défense et particulièrement celles qui ont eu lieu contre Maître Sarah Aristide. » .
En effet, des dizaines de militants et responsables de l’UGTG sont poursuivis en justice et maintenant la répression s’est abattue sur leurs avocats ce qui est inconcevable dans une démocratie.

Ce n’est pas un hasard si la répression s’est déchaînée deux ans après 45 jours de grève générale qui s’est conclue par les « Accords Jacques Bino », signés d’un coté par la coalition de plus de 40 organisations, le LKP (Liyannaj kont pwofitasyon) dont l’UGTG était partie prenante et de l’autre par l’Etat et le patronat. Ces derniers refusent toujours de respecter leurs engagements et tentent de faire taire les militants syndicalistes et leurs avocats.

Dans ce procès devant le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre, Michel Madassamy est accusé d’avoir blessé, en 2002, à lui seul seize militaires dans l’enceinte du dépôt d’une raffinerie d’essence. Quant à Bourguignon et Louise, ils auraient menacé de mettre le feu au dépôt d’essence. Le Procureur, muet sur les nombreuses et grossières nullités soulevées par les avocats, dans l’impossibilité de justifier la violation de principes élémentaires du droit, fut en revanche, très prolixe contre l’UGTG, dans un réquisitoire politique soutenant, contre toute évidence, que l’UGTG n’aurait plus le soutien de la population après cette affaire qui aurait changé son regard sur le syndicalisme. Or, loin de perdre des adhérents, l’UGTG est devenu le syndicat majoritaire ; aux dernières élections prud’homales, la progression en voix a été telle que les conseillers UGTG sont les plus nombreux.

Comme le dit un communiqué de l’UGTG à l’issue du premier jour du procès : « Le réquisitoire du procureur demande donc la condamnation de nos camarades dans un dossier où les avocats ont mis en évidence nombre d’irrégularités, d’erreurs de procédure, de pièces manquantes, de documents non transmis à la défense, de témoignages contradictoires. Autant d’éléments de nature à entrainer la nullité et l’annulation de ce procès. Mais en Guadeloupe, …. C’est une autre justice. »

Lors de l’audience, devant les Confrères guadeloupéens et martiniquais, la Présidente a reconnu que le dossier était truffé de témoignages contradictoires quant à l’implication de chacun et de plus les trois magistrats du tribunal ne pouvaient cacher leur gêne quand des nullités invraisemblables ont été soutenues à la barre et confirmées par des conclusions. Pour l’avocat que je suis, la relaxe des trois syndicalistes s’imposent mais à la Guadeloupe, le droit s’applique suivant d’autres critères que ceux de Métropole. Néanmoins, la nature des peines requises, aussi inadmissibles soient-elles, est en contradiction flagrante avec la prétendue gravité des faits reprochés qui auraient pu, a déclaré le Procureur sans crainte de se ridiculiser, faire disparaître le quart de Pointe à Pitre !

Quelle est ton appréciation des peines requises par le procureur ?

Le procureur a requis 6 mois de prison avec sursis à l’encontre de Michel Madassamy et 12 mois avec sursis pour Gabriel Bourguignon et Fred Louise. Le jugement sera rendu le 9 août prochain, en pleines vacances, comme si on cherchait à éviter la mobilisation !

Pourquoi ces contradictions ? Parce que le procès ne s’est pas déroulé comme prévu en haut lieu. Le huis clos avait été annoncé pour que les turpitudes de la justice ne sortent pas du monde des juges et des policiers permettant ainsi de lourdes condamnations. Cependant, le huis clos n’a pas été maintenu de sorte que le principe de la publicité des débats a été respecté, pour une fois autorisant les militants syndicalistes à remplir la salle d’audience, comme il se doit. .

Qu’est-ce qui explique ce revirement des autorités ?

Mercredi 18 mai au matin a eu lieu une conférence de presse à l’initiative de l’UGTG, avec son secrétaire général. La presse et les télévisions étaient présentes et en ont rendu compte. Mais l’UGTG n’y était pas seule. Les secrétaires des unions départementales CGTG et Force ouvrières (organisations membres du LKP) y ont participé et de nombreuses organisations du LKP avaient fait part de leur soutien.

J’estime que ce soutien effectif a été déterminant dans la façon dont s’est déroulé le procès Il est déterminant que le mouvement ouvrier et démocratique fasse front, en Guadeloupe, en métropole comme à l’échelle internationale contre la répression en Guadeloupe. Il s’agit non seulement des droits syndicaux, mais des droits démocratiques en général.

Lorsque le pouvoir d’Etat s’attaque aux avocats de l’UGTG comme il l’a fait à l’encontre de Patrice Tacita et de Sarah Aristide qui a été agressée physiquement par des gendarmes mobiles en pleine salle d’audience du Palais de justice de Basse Terre le 22 octobre 2010, c’est la démocratie de ce pays qui est ébranlée. C’est pourquoi, nous avons intérêt à poursuivre notre campagne pour faire triompher les libertés démocratiques comme je l’ai déclaré le 6 juin 2011, lors du meeting contre la répression organisé par l’Entente internationale des travailleurs et des peuples dans la grande salle Ambroise Croizat de la Bourse du travail de Paris, où j’avais l’honneur de prendre la parole aux côtés d’Elie Domota dans une salle comble.

Source : Bulletin N°82 du Comité international contre la répression (pour la défense des droits syndicaux et politiques), Juin-juillet 2011

Publié par la Rédaction le mardi 21 juin 2011

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