KONFERANS, LYANNAJ é MEETING èvè Lé REZISTAN - Jeudi 27 Juin 2024
Publié le 24/06/2024
Meeting Solidarité KANAKY mardi 11 juin 2024
Publié le 10/06/2024
Meeting lundi 06/02/2023 à 19h au Palais de la Mutualité
Publié le 5/02/2023
Meeting d’information jeudi 10 mars 2022 à 18h30
Publié le 6/03/2022
Meeting d’information mardi 8 mars2022 à 18h30
Publié le 6/03/2022
Article
Ce qui est devenu l’affaire Jean-François Niort traduit les réactions plus convulsives qu’intellectuelles d’un maître de conférences de l’UAG rattaché en Guadeloupe, ne supportant aucune critique des positions affichées dans son travail Le problème de l’humanité de l’esclave dans le Code Noir de 1685 et la législation postérieure : pour une approche nouvelle publié en 2012, dans son ouvrage Le Code Noir – Idées reçues sur un texte symboliqueen février 2015, comme dans sa conférence à la Casa del Tango-Guadeloupe qui opposa Jean-François Niort et Jacky Dahomay à Dannik I.Zandronis. Cette affaire grossit d’autant que nombre d’intellectuels guadeloupéens les rejoignent en redoublant d’arguments spécieux sous couvert de précisions sémantiques.
Depuis quelques semaines, nombre de contestations de cette vision partisane, qui ne va pas sans transgresser les prérogatives d’un historien arrêtées à l’établissement des faits historiques dans une neutralité d’opinion, pleuvent. Elles déplorent que sous un caparaçon humaniste, Jean-François Niort restreint le caractère déshumanisant du Code Noir, s’habillant ainsi du Bien pour mieux jouer avec le Mal. Jean-François Niort saisit pas moins de neuf articles du Code Noir pour démontrer que la réification de l’homme noir y est « largement limitée », jusqu’à la consécration de l’humanité reconnue par le Code Noir à l’esclave. Il relativise le contenu chosifiant du Code Noir eu égard la dureté des mœurs de l’époque, et interprète l’affranchissement, le baptême et le mariage de l’esclave prévus dans le Code Noir comme une reconnaissance de son humanité.
R.A. Plumelle-Uribe, dans sa réponse à Jean-François Niort, pointe son négationnisme :
« Au dernier paragraphe de la page 13, vous faites ouvertement de la propagande en affirmant que
« le Code Noir consacre l’irréductible humanité de l’esclave... ». Et à la page 14 vous vous obstinez à trouver dans le code noir « la présence de la qualité humaine au profit de l’esclave » et à vanter les
dispositions humanistes des articles 56, 29, 30, 22, 25, 42, 26, 32, 59. Mais, à la page 15 vous insistez encore à nous dire que « dans le Code Noir, l’esclave est un être humain, et donc une « personne humaine » au sens chrétien de l’époque » »1.
Ayant été l’organisatrice avec l’Association Racines, en collaboration avec le CAGI de Guadeloupe, sous l’égide de l’ UNESCO-Chaire Abords de la Violence dirigée par le Docteur Gérard Lopez, du Colloque intitulé « Les réparations de l’esclavage – Analyses, enjeux, controverses » (2006) auquel Jean-François Niort participa, j’eus lors de sa préparation plusieurs fois à démontrer que mariage, baptême et affranchissement de l’esclave ne répondaient aucunement à une mise en perspective de son humanité. En effet sur le plan sociologique, une autre lecture s’impose quand l’on sait que les maîtres recrutaient leurs Komandèrs (terme créole-commandeurs en français, à savoir régisseur des esclaves) parmi les esclaves eux même, et que pour cela ils usaient avec une féroce imagination de tous les stratagèmes participant du principe vieux comme le monde : diviser pour mieux régner. Le Code Noir avait bien prévu des dispositions ouvrant au déploiement de ces funestes turpitudes, par le mariage, baptême et l’affranchissement qui dépendaient strictement du bon vouloir des maîtres. L’application de ces dispositions répondaient juste à un système comportementaliste de punition/récompense qui permettait aux maîtres de mieux s’employer au dressage de ses esclaves. De la sorte nombre d’entre eux se firent suppôts du maître en traquant ou en piégeant leurs congénères, espérant ainsi sortir de leur condition d’objet pour regagner une humanité, en obtenant ou un statut de Komandèr, ou le droit au baptême, au mariage, ou plus rarement encore à l’affranchissement. Notons à cet endroit que malgré leur affranchissement, les nouveaux libres restaient souvent liés au maître par une dette morale. Nous comprenons qu’il était loin de l’intention du maître de reconnaître à l’esclave une aptitude à l’humanité, à l’individuation, comme son droit à un statut de sujet. Les esclaves ainsi stipendiés, nous laisse considérer que ces dispositions juridiques n’étaient pas émancipatrices. L’esclave restait un objet, un meuble comme le stipule le Code Noir, nonobstant ces dispositions toutes instrumentales.
Affirmer qu’elles tracent une humanité potentielle accordée par le Code Noir à l’esclave relève en effet du pur négationnisme, auquel Jacky Dahomay ne manque pas d’apporter des renforcements en la matière : « Voilà pourquoi, bien avant Jean-François Niort, des amis haïtiens et moi avons combattu les thèses de Sala-Molins et attiré l’attention sur le fait que le Code Noir, tout inhumain qu’il fût, introduisait une médiation entre le maître et l’esclave.2 » J’attends de Jacky Dahomay, qu’en sa qualité de professeur de philosophie, il ait jusqu’au bout le courage de ses idées, et qu’ il maintienne alors ce raisonnement pour tous les textes qui ont régit d’autres crimes contre l’humanité. Si le Code Noir a introduit une médiation entre le maître et l’esclave, alors Mein Kampf a introduit une médiation entre les fascistes et les déportés en camp de concentration.
Jean-François Niort prétend encore que l’humanité n’est pas à chercher dans la personnalité juridique comme celle réservée aux hommes libres, mais dans la reconnaissance de l’esclave en tant qu’homme vu qu’il bénéficie de dispositions juridiques (baptême,mariage,affranchissement) inapplicables à l’animal. Jacky Dahomay vient le soutenir par ces mots à cet endroit :
« Dans aucun de ces systèmes esclavagistes, l’esclave n’a été considéré comme une bête ou comme une chose matérielle. D’où la grande variété des tâches ordonnées aux esclaves. L’esclavage n’est pas la suppression de l’humanité de l’esclave mais son dénigrave d’humanité consistant à la réduction optimale de son humanité sans pour autant la supprimer, sinon il deviendrait inutile comme ces Juifs partant en fumée dans les cheminées d’Auschwitz »3. Jacky Dahomay oublie, sans doute par mécanisme de scotomisation, que tous les déportés ne sont partis en fumée ; les plus résistants furent employés à la construction ou à l’intendance des camps. Jacky Dahomay et Jean-François Niort sombrent manifestement dans une vraie confusion mentale, le premier en réfutant la réification de l’esclave sous prétexte que son corps est conservé à des fins de labeur (sans pointer l’usage de l’esclave comme simple outil mis au service de la production et du développement capitaliste de la France), le second en faisant coexister la réification juridique de l’esclave et son humanité, sous prétexte que son travail exige des opérations mentales...« sa capacité de raisonner et de prendre des initiatives est reconnue puisqu’il peut par exemple gérer un négoce » dit Jean-François Niort. En somme pour Jacky Dahomay et Jean-François Niort un esclave est considéré comme un humain puisqu’il est reconnu pour ses capacités de travail ! Nous voici tout bonnement projeté en cette période esclavagiste au pays des merveilles.
Au nom du MIR-France par exemple, R.A. Plumelle-Uribe, historienne et juriste, en vient à qualifier pertinemment la position de Jean-François Niort de « perversion négationniste ». Elle relève de plus avec justesse une animosité toute déraisonnable de Jean-François Niort envers le professeur émérite de philosophie politique Louis Sala-Molins qui exhuma le Code Noir en 1987 tout en dévoilant sa filiation théologique, philosophique et juridique. Elle décrypte en ces mots cette perversion :
« Cependant, au départ, bien des Noirs n’arrivaient pas à comprendre pourquoi ces intellectuels antiracistes et négrophiles, prêts à dénoncer et condamner l’esclavage et les sévices de certains maîtres, partageaient néanmoins une hostilité commune envers Sala-Molins, le seul savant européen ayant contribué en France à rendre visibles les revendications de celles et ceux exigeant RÉPARATION pour les crimes contre l’humanité découlant du couple traite/esclavage. Maintenant que les masques ont commencé à tomber, chacun pourra comprendre qu’il ne s’agit pas de ces querelles mesquines de jalousie, très courantes dans ces milieux savants où les gens se détestent cordialement. Ici, il s’agit de faire obstacle aux procédures en réparation et de renouer avec l’approche négationniste qui prévalait avant la publication de Le code noir ou le calvaire de Canaan »4 .
En effet R.A. Plumelle-Uribe ne se trompe pas, puisque usuellement le terme pervers qualifie un individu qui, dépourvu de sens moral, se livre à une action dont le but consiste à détourner quelque chose de la normalité. Si la définition psychopathologique de la perversion interroge le jeu de l’inconscient dans la formation du jugement moral, et si elle inclue la perversion dans les troubles du narcissisme, elle rejoint par ailleurs la définition usuelle en notant qu’elle conduit à des comportements immoraux, amoraux et antisociaux. Comment définir autrement que perverse la position de Jean-François Niort,et celle de Jacky Dahomay dois-je ajouter, quand ils ne voient pas d’antinomie entre réité et humanité, en sus de toutes les horreurs qu’ils prononcent comme nous allons encore les examiner ?
« Á la page 5 au premier paragraphe, vous vantez le mérite d’une approche historique et juridique « restituant le contexte de l’époque et notamment la dureté des mœurs, ainsi que la question de la coexistence de la "réité" et de l’humanité de l’esclave dans l’Édit… » ».5
Comment définir autrement que négationniste la position de Jean-François Niort, quand comme le relève R.A.Plumelle-Uribe il déclare « ...c’est moins le Code Noir que la vision qu’en a répandu le Professeur Sala-Molins qui est terrible. Et que le racisme qui se développe en force à partir du 18ème siècle a pour le futur un impact plus dévastateur que l’esclavage en soi, structuré par un édit de 1685 somme toute peu appliqué6 ? ». Comment ne pas voir un symptôme narcissique chez Jean-François Niort, quand il détrône de la sorte le Professeur Sala-Molins et son œuvre fondatrice, au moyen d’un travail révisionniste à but refondateur pour le supplanter ?
R.A.Plumelle-Uribe ajoute un point d’analyse patent à propos de la contextualisation des faits en général et de celle du Code Noir en particulier :
« Concernant la dureté des mœurs, permettez-moi de vous rappeler qu’au 13ème siècle, les mœurs étaient également dures si ce n’est davantage. Et pourtant, La Charte du Manden proclamée en 1222 dans la première capitale de l’empire du Mali, a bel et bien déclaré dans son article 1, que « Toute vie [humaine] est une vie » et que « une vie n’est pas plus respectable qu’une autre vie. De même qu’une vie n’est pas supérieure à une autre vie » ; et dans les articles 5 et 6 que l’esclavage était banni du Manden ; et pour mettre fin à ce fléau dans la pratique, les autorités du Manden ont mené une guerre à mort contre les esclavagistes musulmans qui y sévissaient »7. J’assure ici que Jean-François Niort ne peut ignorer La Charte du Manden puisque je le lui avais personnellement offert quand je sus sa contribution au dictionnaire des esclavages dirigé par O.Pétré-Grenouilleau, afin qu’il en notifie l’existence.
Et comme toute perversion exalte les mécanismes de défense psychique, Jean-François Niort verse dans une subjectivité exacerbée, la transposition de sa propre posture sur un Autre, la projection en somme, composant l’adversité sans se soucier de ses implications morales. Voyons avec R.A.Plumelle-Uribe :
« Á la fin de la page 8 vous insistez lourdement sur l’humanité que le Code Noir aurait reconnue à l’esclave pour ensuite fustiger ceux « qui ne le lisent que rétrospectivement, à travers le prisme de la philosophie et de l’idéologie politiques et juridiques modernes ». » 8
Mais face au regard de ses contradicteurs, la scientificité ratifiée par le rang universitaire dont se prévaut Jean-François Niort n’excède pas un niveau critiquequi prend la contestation pour des calomnies pire encore des insultes : « Mme Uribe vos accusations sont tout aussi infondées que stupides... réfléchissez et étudiez davantage le parcours, les écrits et les engagements des gens que vous entreprenez d’insulter avant de commettre de telles stupidités ... ».9
Son narcissisme exponentiel le place dans une infatuation allant jusqu’à l’impertinence envers plus certifié que lui. Ses terribles mots sont relevés dans le communiqué du MIR-France : « PAUVRE Me ROBERT BADINTER !!! Qui bien que Lauréat du concours d’agrégation de droit en 1965 et Professeur de droit à la Sorbonne, Ministre de la Justice Garde des Sceaux puis Président du Conseil Constitutionnel de 1986 à 1995, n’y aura vu que du feu, intitulant son élogieux commentaire du livre du Professeur SALA-MOLINS « Le droit d’être une chose » ! »10
Nous sommes loin de la contradiction scientifique prônée par Fabien Marius-Hatchi quand il défend Jean-François Niort et condamne R.A.Plumelle-Uribe, mais bien dans une subjectivité en crise, de celles qu’il pourfend justement quand elles nourrissent une histoire « qui ne peut plus être matière à débat et n’est que la confrontation entre des subjectivités opposées »11 selon ses mots. Mais manifestement Fabien Marius-Hatchi considère qu’une ineptie bien scélérate du style « ...c’est moins le Code Noir que la vision qu’en a répandu le Professeur Sala-Molins qui est terrible... »12 entre dans le registre argumentaire, quand elle vient de Jean-François Niort.
Comment définir autrement l’attitude de J.F.Niort quand il soumet, le 8 mai 2015, au Président de la République la proposition de reconnaître le Code Noir comme crime contre l’humanité juste quelques jours après avoir reçu les premièrescondamnations le concernant ? Telle duperie ne saurait nous échapper comme symptôme de perversion. Le Code Noir apparaît ici bien instrumentalisé au service de l’idéal narcissique de prestige nourri par Jean-François Niort, qui cherche toujours à s’illustrer dans la quête du bien pour les pauvres esprits restant à décoloniser.
Dans son dernier billet intitulé « Réponse scientifique et citoyenne à mes calomniateurs » , Jean-François Niort récuse la légitimité de quiconque non historien à le contredire, avec un mépris pharamineux de l’Autre et de cette base sociale que constituerait pour lui le peuple, l’individu non scientifique, insuffisamment instruits pour le comprendre. Soulignant à l’excès sa scientificité qui s’incarne dans chacun de ses mots, sa réponse tient plus d’une logorrhée enflée de son narcissisme pathologique. Et quand une historienne et juriste telle R.A.Plumelle-Uribe, donc qualifiée selon ses critères, lui répond cela n’est pour lui qu’insultes et calomnies. Sa scientificité paraît dès lors bien limitée. Dans son obédience de l’exclusivisme des sciences, Jean-François Niort se targue à volonté de son statut d’universitaire pour mieux instiller qu’il appartient à ceux d’en haut qui n’ont rien à apprendre de ceux d’en bas.
Jean-François NIORT, maître de conférences habilité à diriger les recherches en Histoire du droit, qui s’entoure dans sa signalétique de tant de titres, dans le souci de mieux donner redondance à sa scientificité et à son académisme reconnus, duplique pourtant sans vergogne dans son ouvrage Le Code Noir idées reçues sur un texte symbolique la couverture de l’ouvrage du Professeur SALA-MOLINS Le Code Noir ou le calvaire de Canaan, aux Editions PUF- collection Pratiques Théoriques, celui là même qu’il considère plus dangereux que le Code Noir lui même !. Face à ce plagiat repéré par le MIR-France13, sa scientificité ou plus exactement son imposture nous laisse pantois ! Mais sans doute Jean-François NIORT a-t-il été victime de ce que la psychanalyse appelle un acte manqué, dans son empressement compulsif à paraître le seul et l’unique historien crédible.
Notre ahurissement redouble à la lecture de ses mots : « Je vous dénie toute compétence et pertinence pour me qualifier, à l’occasion de mes travaux sur le Code Noir, de « pseudo-historien », « révisionniste » ou « négationniste », ou même à l’inverse de « bon historien », ou quoi que ce soit d’autre, dans la mesure où le petit ayatollah local (Dannik I.Zandronis-NDLR) n’étant pas historien mais professeur de mathématique de formation, puis « journaliste » autodidacte, il n’a aucune compétence pour le faire, non seulement de manière académique, mais sur le fond, cela valant aussi pour le MIR-France et leur Gourou-inspirateur, qui inspire et orchestre dans l’ombre ces calomnies, mais qui n’est pas plus historien lui non plus »14
Jean-François Niort devrait pourtant savoir que le champ historique s’est aussi construit grâce aux contributions de non historiens, par des travaux qui font toujours autorité avec constance, et encore, grâce à des autodidactes qui ont été avec passion d’extraordinaires explorateurs d’archives et des chercheurs avertis. Selon ses critères « académiques » Jean-François Niort congédie alors d’un revers de manche les historiens Philippe Ariés (ingénieur agronome), Jacques Delarue (commissaire de police), Jean Lacouture (journaliste) pour ne citer que quelques uns illustres. Leur mérite, comme celui de tous les autodidactes qui dans l’histoire des sciences ont nourri de leur intelligence la progression de toutes les disciplines, est d’autant louable que ceux ci prennent sur leur temps libre cet effort de travail, contrairement à un universitaire rétribué pour commettre des recherches.
Fabien Marius-Hatchi, plus royaliste que le roi, considère que pour que débat se fasse, la qualification d’historien est non seulement requise mais que des travaux portant sur le Code Noir sont aussi requis. « Pour qu’il y ait débat, il faudrait que Mme Plumelle-Uribe propose une étude historique de ce qui a été appelé le code noir et qu’elle en propose une autre lecture que celle faite par Jean-François Niort »15 . Fabien Marius-Hatchi semble en outre ignorer le travail scientifique de R.A. Plumelle-Uribe16 .
Rappelons ici que le rôle de l’historien tient à établir les faits et à les ordonnancer avec cohérence, sans interprétation, sans jugement, sans toute autre inclination subjective. L’objectivité devient pour l’historien la condition sine qua non de sa scientificité, ce qui suppose une mise à distance de ses cadres de pensées inéluctablement baignés dans une idéologie, dans des opinions, et dans des constructions psychiques liées aux expériences subjectives du monde dans lequel il vit. Des capacités d’abstraction sont donc requises dans le travail historique, en même temps que l’historien se doit d’obéir à des règles de probité intellectuelle. Mais quand ses contradicteurs pointent la partisanerie de Jean-François Niort, nous assistons plus à des gesticulations affectivées qu’à une production d’arguments. De la sorte face à son vide argumentaire, son amour prétendu pour la Guadeloupe et les Guadeloupéens vient immédiatement pour interpeller la compassion de ses auditeurs et lecteurs : « Vivant en Guadeloupe depuis 18 ans, mes trois garçons 17,15 et 8 ans y étant nés, ayant consacré 10 ans de ma vie à y faire des recherches sur son histoire juridique et à y dénoncer les restes de l’héritage colonial je ne veux pas une Guadeloupe comme vous prétendez l’imposer, ... »17Mais ce n’est pas en s’accrochant tel un désespéré à une filiation embrassée par la nativité de ses enfants sur le territoire, qu’il nous laissera croire à son affiliation sociale et culturelle.
« En d’autres mots cette « objectivité » scientifique telle qu’invoquée par M Niort dans sa défense, ressemble furieusement, émotionnellement, à ce que les coloniaux, le régime de l’apartheid ou aujourd’hui Israël ou les nostalgiques du colonialisme ont l’habitude de raconter aux opprimés avec toute la certitude de leur supériorité autoproclamée : vous n’étiez/vous n’êtes pas si mal que ça, voyons, en comparaison à...On le voit clairement dans la condescendance croissante de la part de M Niort qui, à mon avis, devient franchement insupportable à la fin de son papier.Manifestement il se sent blessé dans ses intentions solidaires, mais n’empêche. Beaucoup de Blancs bien-intentionnés - intellectuels, ‘coopérants’ ou autres - trébuchent contre la même pierre (qu’on appelle aussi celle de la ‘blanchitude’)18 »
Pour en finir et avant d’élargir l’analyse aux positions de ses défenseurs, il convient de s’attarder sur la vision des réparations forgée par Jean-François Niort. Dans son post du 11.05.2015 sur Facebook, où il déclare que la loi sur l’égalité réelle en Outre-mer défendue par le CREFOM sera une mesure réparatrice de l’esclavage. « Voilà une des formes de réparation que je défends » arguant que « ...rendre pareil, égal et équitable ce qui ne l’était pas est déjà une réparation ». Si Jean-François Niort a appris lors du colloque de 2006 qu’étymologiquement réparer signifie rendre pair et égal, il devrait savoir mieux que quiconque en tant qu’historien du droit, que le terme réparation appartient à la terminologie du droit positif et s’applique comme peine d’un délit ou d’un crime commis.
Donc pour Jean-François Niort, accéder à cette égalité républicaine qui aurait du être normalement depuis la départementalisation en 1946 serait réparer le crime de la traite transatlantique, ce qui implique que pour lui l’égalité républicaine n’est donc pas un droit inaliénable de facto. Cela revient à entériner l’égalité comme une variable d’ajustement dans notre république, que par ailleurs bien des opposants aux réparations de l’esclavage voient comme ce grand intégrateur commun pouvant lisser les disparités de condition sociale et économique entre le peuple ultramarin et le peuple de l’hexagone. Et tout comme pour Jacky Dahomay, ardent défenseur d’une identité républicaine qui se suffirait à elle même, la question des réparations de l’esclavage ne se pose pas, celle de la non équité sociale et économique entre les DOM et l’Hexagone ne se pose pas non plus. Voyons donc cette édifiante analyse : « Et que penser de tous ces descendants d’esclaves de la classe moyenne antillaise, amateurs de champagne de luxe,d’automobiles spectaculaires, jouissant des mêmes droits que tous les Français. »19
Ces « intellectuels » triomphants malgré leur indigence idéelle, se dissimulent alors derrière l’improbation d’autres points de vue au lieu de chercher à cultiver des savoirs pluriels. Leur académisme est invoqué pour justifier leur repli dans une grille de lecture européocentrée. Dès lors que des analyses penchent vers une réhabilitation de l’homme noir dans le monde des hommes, ils crient à l’afrocentrisme comme on crie au diable. Nous assistons donc à autant de circonvolutions de la pensée qui ne font qu’échapper à la controverse - activité scientifique à part entière rappelons le- et au débat social en se fourvoyant. S’adressant à Hélène Passtoors, sud-africaine, qui critique les raisonnements glaçants de Jean-François Niort dans son article Le Code noir - réflexions d’une outsider à propos de la polémique sur MP suite au travail historique de J.-F.Niort , Jacky Dahomay ne ménage pas son propos à griffes castratrices : « ...vous défendez l’histoire africaine d’un point de vue africain. Or, l’africaniste professionnelle –c’est ainsi que vous vous désignez– semble ignorer que ce sont beaucoup de ces pseudo historiens africains qui ont bloqué les recherches historiques concernant l’esclavage en Afrique 18 ». Notons que sans scrupules, l’intellectuel Jacky Dahomay reproche à Héléne Passtoors de défendre l’histoire africaine, alors qu’elle critique l’analyse du Code Noir faite par Jean-François Niort. Jacky Dahomay fait donc entrer l’analyse du Code Noir dans l’histoire africaine ! Tandis qu’il se noie dans cette bouffée délirante, c’est à elle qu’il reproche des anachronismes dans son article ! Décidément quand la pensée achoppe, la projection gagne.
Ces mêmes intellectuels, dont Jacky Dahomay en tête, réduisent le débat à une querelle sommaire entre blancs et noirs, c’est à dire à une banale dispute ethniciste, afin de mieux nous embrouiller. Le constat tient à ce que des noirs adhèrent à une pensée européocentrée, que des blanches telles Hélène Passtoors et moi même viennent contrer non pas par des schèmes afrocentristes mais par souci d’universalité. Et pour prétendre nous sauver du risque d’ethnicité quand nous ne faisons que pourfendre le postulat d’un Code Noir humanisé, ils ne tarissent pas de références au concept d’altérité, en s’entourant de citations de Fanon, Aimé Césaire, Edouard Glissant, Hannah Arendt, le tout comme d’un passeport pour la probité intellectuelle. Dans leurs mécanismes projectifs coutumiers, ils en appellent à la stricte argumentation (« J’aurais souhaité que quelqu’un fasse une critique du texte de Tony Albina mais dans le strict registre de l’argumentation »20) alors que leurs propos fréquentent l’invective(je ne reprend que J.Dahomay ayant déjà passé ceux de J.F. Niort) :
« Elle (Joelle Ursull) est passée dans les medias avec une prestation plus que désolante. (…) D’autre part ce n’est pas tant Joelle Ursull qui est méprisable que les prises de positions de gens dont l’inculture est désarmante eu égard aux responsabilités des intellectuels quant à leur apport à ce qui peut constituer pour le peuple des Lumières. Le mérite du texte de Joelle Ursull est de faire ressortir l’extrême stupidité de beaucoup de nos diplômés et le désastre intellectuel qui nous frappe.21 » … En quoi fut elle désolante ? Qu’est ce qui caractérise cette stupidité ? Qui sont ces stupides diplômés ? … nous attendons une stricte argumentation.
Enfin dans cette optique, ils bondissent en criant à la concurrence mémorielle, dés lors que nous faisons valoir la relégation des afro-descendants en matière de reconnaissance des victimes, comme ce fût le propos pertinent de Joëlle Ursull22. Si François Hollande avait stipulé la présence des Noirs dans la déportation et les camps de concentration comme il a stipulé celle des Roms, la réaction aurait certainement était différente. Dans son dernier article du 20.02.2015, Jacky Dahomay lui même reconnaît ...« sur les dix millions de morts dans les camps de concentration, cinq millions étaient juifs. Et le reste ?Des communistes,des socialistes, des noirs et surtout des Roms.23 ». Mais il oublie les homosexuels et les personnes handicapées … vraiment « l’inculture est désarmante eu égard aux responsabilités des intellectuels21 » comme il déplore !
Et si l’on se demande pourquoi ces schèmes de pensée européocentristes gagnent autant de terrain tant chez les blancs que chez les noirs, faut il y voir la rémanence de cet idéal du Moi que le maître incarnait dans la société esclavagiste et coloniale plus tard. Et comme, plus il y a privation de caractères humains dans un milieu social donnée, plus le Moi idéal tend à être exacerbé par le Moi héroïque, cet idéal du Moi dont la suprématie blanche a l’exclusivité, prend toute la place. Dans le legs de cette société dont nous avons à composer dans le présent, par le phénomène de la transmission intergénérationnelle bien connu dans les sciences humaines désormais, l’introjection de cet idéal du Moi incarné par le maître perdure et fait que l’homme blanc devient La Référence pour l’homme noir.
Tout un inconscient collectif chez se trouve alors frappé des marques de ces représentations psychiques là. Il génère toute une névrose généralisée, et notamment structurée par la transmission de fonctionnements sado-masochistes dans notre société post-esclavagiste. Ce même rapport sado-masochiste qui fait « la médiation » entre le Code Noir et l’esclave loué par Jacky Dahomay !
Enfin pour conclure, le roman national français repris dans le roman de construction antillais et réunionnais s’accote toujours fermement sur la vente des hommes noirs par leurs rois africains. La responsabilité des français se dilue ainsi dans celle des hiérarques africains, ce qui n’est pas sans attiser une haine des peuples des DOM pour les africains. La perversion de notre société post-coloniale joue plein jeu. En effet, l’histoire de l’humanité montre que depuis que les hommes ont fait société, les conquêtes territoriales et politiques, qu’elles soient coloniales ou invasives, se sont toujours faîtes grâce à l’installation de stratégies de collaboration. Certains hiérarques africains ont collaboré avec les français en vendant les africains, tout comme par exemple certains juifs ont dénoncé d’autres juifs aux fascistes, tel que Hannah Arendt ne le censure pas. Rappelons que les kapos étaient des détenus de droit commun qui grâce à leur collaboration avec les fascistes, obtenaient un poste de régisseur de déportés. Cet autre acte de collaboration est par ailleurs analogique aux komandèrs des plantations.
Ainsi s’entretient un meurtre originel, factice, infanticide dans ce cas d’espèce, étayé par la vente des hommes noirs par leurs rois africains, c’est à dire par le père symbolique. Aucune récupération des forces psychiques et d’une pulsion de vie n’est possible alors pour les esprits colonisés, quand ce meurtre originel reste fondateur.
A cela s’ajoute une confusion catégorielle, brouillant tous les repères historiques, sociaux, psychologiques, confusion que Feu Claude Liauzu, (Professeur des Universités en Histoire contemporaine, collaborateur au Monde Diplomatique), définit bien :
« L’intégration de l’antisémitisme moderne dans cette analyse du racisme à travers des catégories coloniales est malaisé : en réalité, entre le racisme anti-noir et le racisme anti-juif, il n’y a guère de similitude, sinon la contemporanéité, la suprématie de l’homme blanc ne fait pas du juif une personne inférieure … aucune des justifications civilisatrices du colonialisme ne s’applique à lui.24 »
A cela j’ajouterai que comparaison n’étant pas raison, les crimes majeurs contre l’humanité que sont l’Holocauste et la Traite esclavagiste transatlantique ne peuvent pas être alignés sur un même plan, car si l’Holocauste a eu comme sinistre projet d’éliminer des catégories humaines jugées nuisibles par idéologie eugéniste, qu’en ce sens l’holocauste fût une application de l’élimination de l’homme par l’homme, la Traite transatlantique a eu comme projet de rétrograder l’homme noir au rang d’une chose, d’un meuble comme le stipule le Code Noir. L’homme noir n’a pas même été considéré comme un animal à ce titre, il a juste été banni du monde du vivant.
A travers cet article, j’espère avoir fait entendre mon propre projet d’universalité, et cela donc loin d’entrer dans une hiérarchie des souffrances qui aurait le désavantage majeur d’entretenir une gradation des victimes dans la mémoire collective.
Ceci étant dit, nous n’en avons pas fini avec cette tâche immense qu’est la décolonisation des esprits, des corps, des sociétés, des cadres de pensée, de l’Imaginaire, si nous désirons vraiment une société harmonieuse dans sa multiculturalité et alors dégagée de tout anthropocentrisme.
Sororalement à tous les peuples de la terre,
Cathy Liminana-Dembélé
.Diplômée en Psychologie et en Sociologie
.Coordinatrice du Colloque « Les réparations de l’esclavage – Analyses, enjeux, controverses », 2006, avec l’Association Racines, en collaboration avec le Centre d’Analyses Géopolitiques Internationales, sous l’égide de UNESCO-Chaire Abords de la Violence.
.Ex-Cadre pédagogique du Centre de Formation des Travailleurs Sociaux de Guadeloupe.
1.Communiqué du Mouvement International pour les Réparations-France : Affaire Jean-François Niort, Guadeloupe,mars 2015 - Réponse de Mme Plumelle Uribe à la réaction de M. J-F. NIORT suite à sa lecture de l’article NON à la perversion négationniste -p.8
2. http://blogs.mediapart.fr/blog/jacky-dahomay/150415/de-l-exces-reponse-madame-helene-passtoors
3. Jacky Dahomay – ibid.
4. http://uhem-mesut.com/medu/fr0083.php « Non à la perversion négationniste »,Mme Plumelle Uribe.
5. R.A. Plumelle Uribe- ibid. - p.7
6.R.A. Plumelle Uribe- ibid.-p.12
7. http://ugtg.org/IMG/pdf/AFFAIRE_jfNIORT_mars2015_positionMIR-FRANCE_1_.pdf -p.7
8. ibid. – p.7-8
9. http://jfniort.e-monsite.com
10. http://ugtg.org/IMG/pdf/AFFAIRE_jfNIORT_mars2015_positionMIR-FRANCE_1_.pdf -p.11
11. http://jfniort.e-monsite.com – Réponse scientifique et citoyenne à mes calomniateurs
12.http://ugtg.org/IMG/pdf/AFFAIRE_jfNIORT_mars2015_positionMIR-FRANCE_1_.pdf -p.12
13.ibid.-p.12
14. Réponse scientifique et citoyenne à mes calomniateurs http://jfniort.e-monsite.com
15.citation de Fabien Marius-Hatchi-http://jfniort.e-monsite.com-
16. Traite des blancs, traites des noirs : aspects méconnus et conséquences actuelles. R.A.Plumelle-Uribe Paris, L’Harmattan, 2008
La férocité blanche : des non-Blancs aux non-Aryens, génocides occultés de 1492 à nos jours. R.A.Plumelle-Uribe Paris,A. Michel, 2001.
17. http://jfniort.e-monsite.com – Réponse scientifique et citoyenne à mes calomniateurs
19.http://blogs.mediapart.fr/blog/jacky-dahomay/150415/de-l-exces-reponse-madame-helene-passtoors
21.Jacky Dahomay-ibid.
22.Joelle Ursull « Lettre ouverte au Président de tous les Français:Schoah, Esclavage, non à la hiérarchisation des horreurs de l’humanité
23. Jacky Dahomay-ibid.
24 .Claude Liauzu Compte-rendu-Race et civilisation-Anthologie critique -p.3- Syros,Alternative, 1992- L’autre dans la culture occidentale.
Réaction de paris le 22 juillet 2015 @ 04h56
Site à visiter : plombier
Continue très intéressante je l’ai relu 2 fois environ je viens de mettre votre lien sur mon twitter merci pour votre article.