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L’UGTG vue par : L’hebdomadaire français "L’Express"

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Mots-clés : #Clan Koury
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I - « Tourisme : réforme urgente »

Au-delà de la récente grève de l’hôtellerie, la refonte du secteur est devenue une nécessité face à la concurrence régionale.

Article publié le 28 mars 2005
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En moins de six mois, l’industrie touristique est passée de l’optimisme au découragement. A la fin de 2004, après trois années de marasme, l’activité semblait repartir : hausse du nombre de visiteurs, promotion accrue de la destination, ouverture d’un lycée professionnel hôtelier, charte qualité…

Aujourd’hui, le constat est tout autre. En pleine haute saison, l’échec des négociations annuelles sur les salaires a provoqué une grève dans l’ensemble de l’hôtellerie. Habile et tenace, l’intersyndicale, qui réclamait notamment une augmentation sensible des salaires - ceux-ci n’avaient pas bougé depuis cinq ans - a su jouer de la division des patrons. Après plusieurs jours de blocage, les directeurs d’hôtel ont, les uns après les autres, négocié avec les syndicats, certains allant même jusqu’à démissionner du Groupement hôtelier et touristique de la Guadeloupe (GHTG), apôtre de la fermeté.

Au-delà des conséquences désastreuses sur la fréquentation touristique, ce conflit illustre cruellement l’état d’un secteur qui manque de lisibilité à terme. La plupart des professionnels le disent : si l’on continue à miser sur le tourisme de masse, la destination Guadeloupe ne peut que décliner face à la vive concurrence des îles voisines, comme Cuba ou la République dominicaine. Là-bas, les objectifs sont clairs, les investissements massifs et le coût du séjour imbattable grâce aux faibles salaires… Selon Louis Dupont, professeur à l’université George-Washington aux Etats-Unis et auteur de plusieurs études économiques sur la Guadeloupe, il faudrait créer un Observatoire régional du tourisme. Ce dernier permettrait de déterminer « l’offre touristique, le suivi des fréquentations, l’analyse des clientèles et l’évaluation du poids économique du tourisme ». Un travail basique, mais essentiel…

En attendant, dès sa création en décembre 2003, le Comité du tourisme des îles de Guadeloupe a tenté de redorer l’image de l’archipel grâce à plusieurs campagnes de promotion dans les médias métropolitains. Parallèlement, l’accueil et l’accompagnement des touristes ont été repensés. Ti’punch et ambiance musicale à l’aéroport, journées de manifestations à thème… Mais l’objectif visé est aussi et avant tout la valorisation de la « diversité culturelle et ethnique de la Guadeloupe ». Cette idée, nombre d’habitants la mettent en pratique depuis plusieurs années. Loin des grandes structures hôtelières, les maisons de charme, les gîtes poussent, les uns derrière un garage, les autres dans le jardin d’une villa. Un réseau de structures familiales, résolument informel et difficile à quantifier, d’autant qu’il se développe essentiellement via Internet.

Est-ce pour autant une solution d’avenir ? « Je ne le pense pas, répond Alain Salzedo, consultant en tourisme. Car tout cela n’a pas d’effet très significatif en termes d’emplois. J’ai davantage confiance en la petite hôtellerie, qui devrait être beaucoup plus aidée. Au fond, conclut-il, l’erreur fondamentale a été de laisser le tourisme aux mains du privé. Ce sont les politiques qui devraient être à la tête du Comité, comme c’est le cas par exemple en Martinique. »

La dernière grève dans l’hôtellerie semble accréditer cette thèse. Car les syndicats se sont opposés non seulement au GHTG, mais, à travers lui, à Patrick Vial-Collet - soupçonné d’en tirer toujours les ficelles - qui cumulait, il y a peu encore, les fonctions de président du Groupement et du Medef local. Une vieille connaissance, donc, pour les organisations syndicales, et particulièrement pour l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG), qui l’attendent régulièrement au coin du bois. La nomination de ce patron de groupe hôtelier et de restauration à la présidence du Comité du tourisme n’a pas arrangé les choses. De leur côté, les hôteliers ont adressé un message à leur ex-président, dont la politique est jugée par certains plus avantageuse pour ses propres hôtels que pour l’ensemble de la filière.

S’il y a unanimité, c’est bien dans l’urgente nécessité de réformer une industrie en déficit d’image. Beaucoup de professionnels restent convaincus que rien ne sera possible sans un engagement réel des élus qui, pour l’heure, laissent volontiers les rênes aux intérêts privés.

Hervé Pédurand


II - « Le défi social - Ce qu’ils en pensent »

Où en est le climat social de la Guadeloupe ? Quels sont ses vrais effets sur les entreprises de l’île ? Huit personnalités livrent leur point de vue. Contrasté…

Article publié le 28 mars 2005
- Lien vers cet article

Le dialogue social s’est globalement amélioré
- Victorin Lurel : Président (PS) du Conseil Régional

La pacification sociale n’a jamais vraiment eu lieu. Il y a eu des répits entre 1997 et aujourd’hui, mais, quand vous avez une grève de trois mois qui touche le port, c’est le développement de la Guadeloupe qui en prend un coup. J’ai pris l’initiative, au début du conflit, de réunir le patronat et les syndicats autour d’une même table, puis j’ai été subtilement écarté du débat. Il y a eu, à mon sens, des erreurs stratégiques de la part de toutes les parties et de l’Etat. Cela dit, contrairement à ce que l’on croit, le dialogue social s’est globalement amélioré, des accords d’entreprise ont été signés, comme à la Compagnie thermique du Moule, où le premier protocole de prévention des conflits vient d’être conclu.Reste qu’il manque encore ici une culture du dialogue ; le vieux prisme du XIXe siècle - opposition frontale du capital et du travail - demeure. Quant à l’UGTG, dont la seule idéologie est l’activisme, elle doit se trouver une nouvelle philosophie. Aujourd’hui, d’ailleurs, les maires de toutes les sensibilités politiques ont décidé de résister aux demandes injustifiées de l’UGTG. Quand c’est légitime, on discute ; quand c’est infondé, on refuse. Plus généralement, il faudrait mettre en place une structure similaire à celle qui émerge en Martinique : des médiateurs indépendants qu’on appellerait à l’occasion de tel ou tel conflit. La région serait prête à participer au financement de leur formation. »

Le déficit de formation est patent
- André Jabol : Président de l’Umpeg

La grève des banques, la panne d’électricité de la centrale du Moule puis le conflit du port ont durablement affecté les entreprises. C’est maintenant qu’elles en ressentent le contrecoup. Les ventes perdues en fin d’année ne sont pas rattrapables. En outre, les rendez-vous électoraux successifs ont entraîné un attentisme certain dans le secteur du bâtiment. Alors, tout le monde hurle en silence, car ici, si vous êtes malade, on vous enterre au lieu d’essayer de vous sauver. Cela dit, la situation sociale s’est globalement calmée. Et, lorsqu’il y a conflit, c’est qu’il y a un problème, de quelque ordre qu’il soit. En fait, le déficit de formation est patent. L’entreprise ne s’apprend pas à l’école. Je ne crois pas à la transparence, mais à un niveau d’information minimum qui permette au salarié de se situer dans son entreprise. Il ne sait pas à quoi il sert. Il faut faire passer le message suivant : bien souvent, c’est de la pérennité de l’entreprise qu’il s’agit et non de l’enrichissement du patron. »

Les entrepreneurs locaux, premières cibles des syndicats
- Christophe Louis président de la CGPME

Nous essayons essentiellement de prévenir les réactions, éventuellement violentes, de nos adhérents. Ce sont, pour la plupart, des entrepreneurs locaux, qui se sont endettés et qui sont les premières cibles des syndicats. Je n’ai aucun sentiment d’accalmie sociale, l’UGTG et la CGTG refusant le dialogue à froid. Nous disposons de nombreux atouts financiers - l’octroi de mer, la défiscalisation, le Docup - qui aident au développement des entreprises de production, mais encore faut-il que le climat social s’y prête. »

Que chacun prenne ses responsabilités
- Nicolas Goninet : Directeur de la Siapoc (peintures tropicales)

La grève des dockers nous a fait perdre des marchés et des clients, et cela n’est pas rattrapable. Heureusement, cette situation n’a pas déstabilisé l’entreprise. Globalement, il y a plus à plaindre que nous. A l’avenir, nous devrons penser à stocker davantage de produits, et plus longtemps. C’est une manière de tenir en cas de long conflit social, mais elle a ses contraintes. Une partie de la marchandise peut souffrir d’un long entreposage ; ensuite, il faut prévoir le budget et la trésorerie nécessaires, en somme être un peu plus costaud financièrement. Mais, avant tout, on souhaiterait que chacun prenne ses responsabilités, d’un côté comme de l’autre, pour que cela ne se reproduise plus. »

On commence par se taper dessus, et on discute après
- Christian Fedol : Directeur d’Idéal Informatique

Nous sommes des prestataires de services informatiques. Le fait de ne pas gérer de stocks de machines nous a épargné des soucis majeurs lors de la grève des dockers. Mais, lorsque les conflits perdurent, cela devient invivable, d’autant que, ici, on ne produit pas à hauteur de nos besoins. Le ralentissement de l’activité fait peur. Je suis un jeune chef d’entreprise, après avoir été salarié. J’ai du mal à comprendre la situation. On a le sentiment qu’on commence par se taper dessus, et qu’après seulement on discute… »

En cas de crise, l’ingéniosité est indispensable
- Jacques Auvray : Directeur des Grands Moulins des Antilles

Ce long conflit nous a secoués. Nous avons dû mettre en place une cellule de crise pour assurer la production, sans quoi le bétail aurait pu se trouver en rupture d’approvisionnement. Réunions quotidiennes et ingéniosité ont été indispensables… Mais, même si l’avenir n’est pas compromis, il a fallu reporter de janvier à mars la réfection de notre moulin, un gros investissement de l’ordre de 2 millions d’euros, indispensable, car le moulin actuel, qui a 30 ans, ne tiendra pas éternellement ! »

Il faut faire éclater toutes les structures
- Eric Edinval : Chercheur, ancien professeur d’économie à l’université de Pointe-à-Pitre

Je suis beaucoup moins optimiste que l’Iedom. Le moteur de notre PIB est la seule consommation, fruit, notamment, des transferts sociaux considérables, de la surrémunération des fonctionnaires, de la défiscalisation… Notre bien-être apparent est fragile. Les structures fondamentales de l’économie, elles, n’ont pas changé. Nos productions locales ne sont guère attractives. Pourtant, il y a des niches à faire valoir dans l’espace caribéen - l’agriculture biologique, la géothermie, l’éolienne - et nous avons comme atout une main-d’œuvre qualifiée dans tous les domaines. Mais les aides ne sont pas dirigées vers ces créneaux. Il faut faire éclater les structures économiques et créer le dialogue social, inexistant à l’heure actuelle. Le salut ne peut venir que du politique. »

Pas question de blablater avec un patronat méprisant
- Jean-Marie Nomertin : Secrétaire Général de la CGTG

La situation sociale est difficile, notamment dans le secteur de la banane. Les licenciements se multiplient, tandis que les gros patrons s’enrichissent en exploitant les ouvriers. Ceux-ci ont aujourd’hui un niveau intellectuel supérieur à celui de leurs parents et ils ne supportent plus le mépris dont ils sont l’objet. Alors, ils ont fait part de leurs justes revendications. Ils ont été soutenus par les dockers, mais ces derniers avaient également leurs propres doléances. De manière générale, le patronat affiche une position idéologique, refuse, dans un premier temps, de discuter et cherche à casser les conventions collectives. Il n’est donc pas question, dans ces conditions, d’aller blabater autour d’une table ronde. »

Propos recueillis par Marianne Payot et Hervé Pédurand


III - « Syndicats-patronat - Le calme après la tempête ? »

Article publié le 28 mars 2005
- Lien vers cet article

L’économie guadeloupéenne malade de ses conflits sociaux… Après la grève du port, le sentiment de gâchis a repris le dessus dans l’archipel. Pourtant, le climat est moins orageux qu’il n’y paraît et, sur le terrain, certains croient désormais aux chances du dialogue

Fin 2004, un petit fascicule intitulé « Guadeloupe : une économie en déficit… d’image » passait de main en main dans les cercles économico-financiers ultramarins. Non sans une certaine fierté. Pour la première fois, une étude chiffrée, diligentée par l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (Iedom), établissement public exerçant les missions de la Banque de France, démontrait combien l’économie guadeloupéenne s’était transformée en une décennie.

Fini le vieux mythe d’une région agricole à la croissance rythmée essentiellement par les campagnes sucrières et bananières ! En 2000, l’archipel, à l’instar de nombre de régions métropolitaines, disposait d’un secteur tertiaire prédominant, avec de multiples services aux entreprises et aux particuliers. Une croissance importante ( 27,3% de 1990 à 2000), des gains de productivité indéniables ( 20% sur la période), un taux élevé de créations d’entreprises (11,6% en 2001), une évolution rapide des salaires ( 6,1%), une inflation mesurée ( 1,7% par an) … malgré un PIB par tête encore très inférieur à la moyenne nationale - soit 55,9% en 2000 - un taux de chômage toujours alarmant (environ 25% en 2004) et un taux de couverture extérieure faible (de l’ordre de 25%). Mais, globalement, les clignotants étaient au vert, attestant, au dire des observateurs, la modernisation de l’économie guadeloupéenne. Tandis que les secteurs traditionnels du commerce, de l’automobile, du BTP, du transport et de l’agriculture s’affaiblissent, apparaît en effet une « nouvelle économie », fondée sur la sécurité, l’entretien, l’informatique ou encore le conseil.

De quoi susciter, si ne c’est l’euphorie, du moins un certain optimisme. Las ! En ce mois de mars 2005, l’heure est plutôt à la sinistrose. Le conflit du port vient à peine de s’achever qu’une grève du personnel hôtelier a pris le relais. Et cela en pleine saison touristique ! (voir l’article page VIII). Une conjoncture guère amène envers nos économistes de l’Iedom ! Du coup, les patrons râlent et la population soupire, comme l’indique le dernier sondage réalisé par l’institut Qualistat (voir l’encadré page IV). Même credo du côté de la CCI, qui a commandé, dès les 13 et 14 décembre 2004, une enquête sur l’impact de la grève du port de Pointe-à-Pitre. Les conteneurs en déshérence, les besoins de trésorerie, les ruptures de stock, les pertes de chiffre d’affaires… tout est comptabilisé, soupesé dans ce document qui parle des « conséquences incalculables » du conflit. Colette Koury, présidente de la CCI, ne mâche pas ses mots : « Les soixante-quinze jours de grève ont annihilé tous nos efforts. Grâce à l’obtention de moratoires de paiement, nous allons éviter une très grosse catastrophe, mais l’année 2005 sera mauvaise pour les entreprises les plus faibles. »

Moins de catastrophisme, mais tout autant d’inquiétude du côté des Moyennes et Petites Industries (MPI), qui, il est vrai, dépendent pour beaucoup de l’importation des matières premières. « Certaines de nos industries ont dû arrêter leur production pendant un mois, explique le président, Patrick Doquin. Toute perturbation ayant trait au port, à EDF ou à la Sogea provoque d’importants dysfonctionnements au sein de nos 125 entreprises. » Pour Colette Koury, le principal responsable est l’Union générale des travailleurs guadeloupéens (UGTG), coupable, à ses yeux, de confondre action syndicale et action politique. Une philippique partagée par toutes les organisations patronales, de l’UE-Medef à la CGPME, l’imbroglio du conflit portuaire ayant, il est vrai, alimenté les arguments des anti-UGTG - les revendications professionnelles des dockers n’ont été déposées qu’après plusieurs jours de grève de soutien au combat des ouvriers de la banane puis de demande de remise en liberté du syndicaliste nationaliste Michel Madassamy.

« C’est une stratégie pour prendre le pouvoir sur le port », selon Christian Viviès, patron du Medef. « Une volonté de mettre le pays à terre », aux yeux des MPI - « Un simple mouvement pour l’application du droit social », rétorque Raymond Gauthiérot, secrétaire général du syndicat indépendantiste, qui, tout en revendiquant la « libération du pays du joug colonial » comme l’un des objectifs de son organisation, dément toute confusion des genres. « L’UGTG ne pourra jamais amener le pays à l’indépendance. C’est aux partis politiques de le faire ! » tonne Gauthiérot, conscient d’un appui plus que modéré de la population - et même de sa base - à ses thèses indépendantistes. « L’UGTG est suivie lorsqu’elle défend des intérêts précis, souligne l’économiste Eric Edinval, et non lorsqu’elle a des prétentions politiques. » Reste que c’est bien l’UGTG qui domine actuellement la scène politico-sociale. Son emprise est telle qu’on lui attribue même des conflits dont elle n’est pas le maître d’œuvre.

Avec 46% des voix aux dernières élections prud’homales de 2002 et un taux de participation de 66% aux actions menées en 2003, l’organisation de Raymond Gauthiérot et de Gaby Clavier - l’ex-secrétaire général, toujours très actif - est certes le syndicat prééminent de l’archipel, présent dans tous les secteurs de l’économie, à l’exception de la fonction publique d’Etat et de quelques grandes entreprises comme France Télécom et RFO. Mais, surtout, confie Urbain Arconte, directeur adjoint de la direction du travail (DDT), « ils ont une grande maîtrise de la communication ». « Et ils connaissent très bien leurs dossiers », poursuit Eric Edinval.

Vers un optimisme mesuré

Au total, l’UGTG sort victorieuse de nombre de grèves, usant, au besoin, de méthodes - intimidation, menaces - dénoncées par beaucoup à voix basse et par quelques-uns à voix haute. Alain Plaisir et Alex Lollia, porte-parole du syndicat CTU (Centrale des travailleurs unis, anciennement affiliée à la CFDT), sont de ceux-là. « On a entraîné les dockers dans une grève qui n’avait pas d’issue, souligne Alain Plaisir, et ce sont les plus faibles, les artisans, les citoyens, qui en pâtissent. Il faut avoir le courage de définir et de défendre l’intérêt général. » Alex Lollia, pour sa part, stigmatise « l’agitation désordonnée de ce syndicat, son usage de la violence gratuite, son antidémocratisme ».

La Guadeloupe serait-elle revenue à ses vieux démons des années 1990 ? Est-elle de nouveau au bord de la crise de nerfs ? Absolument pas, certifie-t-on du côté de la DDT, car, derrière la grève atypique du port, se cache, en réalité, une situation beaucoup moins orageuse qu’il n’y paraît.

Urbain Arconte est formel : « Le nombre de conflits dans le privé ne cesse de diminuer. Alors qu’on en dénombrait 63 en 2001, ils se chiffraient à 29 en 2003, 2004 devant connaître une petite recrudescence. En outre, tous les indicateurs sont symptomatiques d’une amélioration du climat social : diminution de la durée moyenne des conflits, du nombre de jours individuels non travaillés, des journées de grève pour 1 000 salariés (voir le tableau page IV). Certes, poursuit Arconte, le taux de conflictualité est encore fort par rapport à celui de la métropole, mais sa baisse est patente. » Il est vrai, par ailleurs, que le taux de syndicalisation en Guadeloupe est plus important que celui de l’Hexagone - plus de 15%, contre 7 à 8% - et que 56% des conflits relèvent de la simple application de la législation du travail. Pour Vincent Lemaire, directeur de la DDT, on constate donc, malgré les soubresauts actuels, des progrès à tous les niveaux : « Des accords d’entreprise et de branche sont signés régulièrement, l’accord sur le chômage partiel fonctionne bien… »Même optimisme mesuré du côté du sous-préfet de Pointe-à-Pitre, Marc Bayle : « Après une phase de conflits tous azimuts dans les années 1999-2002, le climat s’est apaisé, du moins dans le privé. Un tournant s’est opéré après l’invasion par l’UGTG de la Sara [Société anonyme de la raffinerie des Antilles] en 2002. Dorénavant, les gens sont moins enclins à supporter les événements qui pénalisent leur vie quotidienne. Cela dit, les recours aux procédures de médiation sont encore trop peu utilisés. On reste dans une culture d’affrontement, de compétition. » « Les belligérants prennent le dessus sur les diplomates, constate également Vincent Lemaire. L’objectif des parties n’est pas tant de sortir du conflit avec un bon accord que de gagner. » Christian Viviès, du Medef, n’est pas loin d’en convenir lorsqu’il parle « d’un département jeune, qui n’a que cinquante ans de pratique sociale. »

Il suffit d’entendre Maryse Mayeko-Rozan, déléguée générale de l’organisation patronale, égrener ses succès, pour comprendre l’acuité du combat : « Hier, les patrons se terraient, tout le monde tremblait, l’Etat ne jouait pas son rôle. Aujourd’hui, les jours de grève ne sont plus payés, des plaintes sont déposées, des astreintes fixées et les chefs d’entreprise jouent la cohésion. » Une cohésion qui fait plus que réagir la CGTG (Confédération générale du travail de la Guadeloupe), le deuxième syndicat de l’archipel. Jean-Marie Nomertin, son secrétaire général, s’insurge contre la « caisse mafieuse de solidarité de certains patrons » et explique sa récente unité d’action avec l’UGTG (d’aucuns l’accusent de « suivisme ») par la nécessité d’être aussi solidaires que les patrons le sont. « Si la conduite de l’UGTG nous déplaît, nous le lui disons, mais pas devant le patron », explique le syndicaliste trotskiste.

Quand la rumeur s’en mêle...

C’est ainsi en Guadeloupe : il faut être pour ou contre. Pour l’UGTG et contre le Medef. Ou inversement. Hors de cet axiome, point de salut. Voilà pourquoi les élus et les intellectuels en général se distinguent par leur silence assourdissant. Voilà aussi pourquoi la prise de position de l’ancien nationaliste Jacky Dahomay, parue dans la presse en début de janvier, a déclenché les foudres des deux syndicats leaders. En pointant du doigt la « désobéissance à la civilité » et la « tendance macoutique » de l’UGTG, en condamnant la « crispation identitaire qui fait le jeu de l’ultralibéralisme », Jacky Dahomay devait être automatiquement classé dans le camp patronal. Tout comme le secrétaire fédéral de la CTU, Alex Lollia, par ailleurs professeur de philosophie, qui a soutenu publiquement ce dernier.

A cette cristallisation du débat autour des hommes au détriment des idées s’ajoute le phénomène de la rumeur, particulièrement vivace dans l’île. « Il suffit qu’un problème de distribution d’essence soit évoqué pour que tout le monde se précipite afin de faire le plein, raconte Urbain Arconte. Des embouteillages monstres se créent. Cela dure plusieurs jours, sans qu’il y ait eu l’ombre d’un conflit. » De même, pouvait-on entendre, il y a peu, des gens se remémorer la grève du port de la fin de 2003, alors même que la dernière datait de... 1998. En fait, la Guadeloupe est une véritable caisse de résonance, que les médias alimentent à profusion. « La surmédiatisation des conflits est une catastrophe, déclare Arconte. Au journal de RFO, vous allez avoir vingt minutes sur les grèves en cours et dix autres sur les grèves hypothétiques. » Tous les protagonistes interviennent, les uns après les autres, jamais en face-à-face. Et c’est le dernier qui parle qui a raison.

Difficile de s’initier au dialogue social dans une telle ambiance. C’est pourtant ce que les autorités tentent d’insuffler depuis mars 2004, à l’instar de ce qui s’est pratiqué - avec succès - en Martinique (voir l’encadré page ci-contre) et en Guyane. Ici, c’est le conseil économique et social régional (CESR) qui est aux manettes. L’idée ? Réunir tous les partenaires, autour d’une table puis dans des groupes de travail, afin de réfléchir sur la résolution des conflits, la médiation judiciaire et la représentativité. Mais c’est surtout la dernière thématique, la création d’un institut de formation, plus concrète que toutes les autres, qui est prise au sérieux. Enseigner le droit social aux syndicalistes et aux chefs d’entreprise tout en leur inculquant les grands principes de négociation peut, en effet, se révéler fort utile.

Le hic, c’est que deux des huit organisations syndicales, et non les moindres, ont refusé de siéger. Après avoir traité la session de « Loft », l’UGTG explique que « d’une part, le dialogue social existe déjà dans chaque entreprise et que, d’autre part, il s’agit là d’une philosophie venue d’Europe destinée à faire cogérer les difficultés ». Quant à la CGTG, elle estime « ne pas pouvoir dialoguer avec des patrons qui refusent d’appliquer les lois ». Patience, donc. Au déficit d’image de la Guadeloupe pointé par l’Iedom on se permettra juste de rajouter un petit déficit de communication et relations humaines. Rien n’est rédhibitoire, bien sûr, si l’on en croit cette doctrine « insensée » venue du Vieux Continent : la positive attitude.

Marianne Payot

Publié par la Rédaction le lundi 1er septembre 2008
Mis à jour le dimanche 28 septembre 2008

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