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Etats Unis : Conquête du droit de vote par les noirs américains

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Grandes dates de la lutte pour les droits civiques



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Légalement parlant, le droit de vote est reconnu aux afro-américains par le 15ème amendement. Mais socialement parlant, dans les faits, il a fallu plus de 90 ans de luttes, notamment celles du Mouvement pour les Droits Civiques, pour qu’il devienne une réalité.

Plus largement, ce combat pour le droit de vote des noirs aux Etats Unis d’Amérique est un indissociable pan du combat pour les droits civiques. Ce dernier trouvant ses racines profondes dans les luttes contre l’esclavage.

Comment les Afro-Américains ont-ils donc conquis le droit de voter, d’élire et de se faire élire ? Quelles sont les grandes dates et les principales étapes de cette lutte ?

Dès 1619, Les premiers Noirs sont importés comme main d’oeuvre servile pour travailler dans la colonie britannique de Virginie.

A partir de 1700, l’esclavage, devient une réalité pour les colonies du Sud qui possèdent des « codes noirs », privant les Noirs de leurs droits, et en faisant des esclaves à vie et héréditairement.

Pendant le XVIIIème siècle, les arrivées d’esclaves sont massives, le besoin de main d’œuvre étant grandissant dans les champs de coton du Sud, fournisseurs des industries européennes.

Au moment de l’indépendance des Etats-Unis, en 1776, on estime le nombre de Noirs à 750 000, 90 % se trouvant dans les colonies du Sud. Pour les 75 000 Noirs du Nord et du Centre, l’esclavage institutionnalisé est alors en voie de disparition : en 1783, le Massachusetts a aboli l’esclavage, tandis que les esclaves new-yorkais sont progressivement libérés par leurs maîtres entre 1785 et 1799 ; et dans chacun de ces Etats, des mouvements humanitaires et sociaux s’opposent à l’esclavage.

Cependant, la Constitution de 1787 est muette sur l’esclavage et le reconnaît en fait implicitement : les Afro-Américains, définis dans la constitution en tant que 3/5 d’une personne pour le décompte de la représentation, ne pouvaient pas voter.

Pourtant, lors de la guerre d’indépendance contre les Anglais, des noirs américains avaient combattu dans les deux camps. Beaucoup de ceux ayant combattu pour les Anglais vont plus tard s’échapper et fuir au Canada. Cependant, la quasi totalité de ces noirs qui avaient combattu pour l’accession à l’indépendance des colonies américaines sera complètement ignorée après la guerre : ils se voient aussi refuser le droit d’entrer dans l’armée.

En 1808, le Congrès abolit officiellement la traite en 1808, et le trafic cesse à partir de cette date, hormis une traite clandestine relativement négligeable. Mais l’esclavage n’en prospère pas moins, se déplaçant à l’Ouest vers l’Alabama, le Mississippi, la Louisiane puis le Texas. En 1830, on estime le nombre d’esclaves à 2 millions, et à 4 millions en 1860.

Dans le Nord, le statut d’homme libre donné aux Noirs ne promet en rien l’égalité : ils sont exclus du vote (sauf en Nouvelle-Angleterre), des écoles, des églises et des moyens de transport. Ces Noirs du Nord voient leur nombre augmenter avec l’arrivée d’esclaves fugitifs du Sud, dont on estime le nombre à 75 000 dans la première moitié du XIXème siècle.

En 1850, sous la pression des planteurs du Sud furieux de voir leurs esclaves s’échapper, le Congrès vote une loi contre ces esclaves fugitifs.

Mais entre 1830 et 1860, le Nord voit le développement d’une campagne abolitionniste, à travers des associations diverses souvent menées par des Blancs humanistes. Les Noirs eux-mêmes s’organisent et créent la Convention nationale noire en 1830, mais leur poids contre les esclavagistes s’avère moins décisif que celui des Blancs abolitionnistes du Nord.

Le 1er janvier 1863 est publiée la « Proclamation d’émancipation » qui libère les esclaves des Etats rebelles. Les esclaves se considèrent dès lors libres dans les territoires occupés par l’Union, et presque 190 000 s’engagent dans l’armée du Nord ; dans le Sud, des Noirs se mettent au service du Nord et effectuent des missions d’espionnage, de sabotage, ou de guide.

Le 9 avril 1865, le général Lee capitule. La victoire du Nord met fin à presque 250 ans d’esclavage : le XIIIème amendement adopté la même année abolit l’esclavage sur tout le territoire (« Ni esclavage, ni servitude involontaire, si ce n’est en punition de crime dont le coupable aura été dûment convaincu, n’existeront aux Etats-Unis ni dans aucun lieu soumis à leur juridiction »).

La même année, la « clause des 3/5e » est annulée.

En 1870, le 15e amendement, ratifié le 3 février 1870, stipule dans son article 1 que : « Le droit de vote ne pourra être nié ni entravé… en raison de la race, de la couleur, ou de l’état précédent de servitude » (c’est à dire l’esclavage).

En 1877, les troupes fédérales quittent le territoire de l’ancienne Confédération à la suite d’une promesse électorale du candidat républicains Hayes faite aux votants du Sud. Le Nord abandonne ainsi les Affranchis aux mains des Sudistes.

Pendant les 90 ans qui vont suivre l’adoption de ce 15e amendement, des Etats vont tout faire pour annihiler dans les faits le droit de vote des Noirs Américains. Des lois conçues pour empêcher aux noirs de voter font ainsi leur apparition.
Parmi les principaux artifices légaux destinés à entraver l’exercice effectif de leur droit de vote, on peut citer des lois aux critères apparemment « objectifs », comme les « lois d’instruction » exigeant qu’une personne sache lire pour pouvoir s’inscrire sur les listes électorales. Dès lors, la majorité des Afro-Américains de l’époque étant illettrés, cette condition les empêchait d’exercer leur droit de vote.
On peut en second lieu citer "l’impôt électoral local". Les Etats vont adopter des lois exigeant que les électeurs paient une certaine somme d’argent afin de pouvoir voter. Ceci va fermer la porte des bureaux de vote à une grand majorité de noirs et à nombre de blancs pauvres.
Autre exemple, les difficultés instituées au moment de l’enregistrement. Le bureau d’enregistrement était généralement ouvert uniquement lors des heures de travail, et tout aussi naturellement... fermait à l’heure du déjeuner.
Dernier exemple, la « clause du grand-père » inscrite dans la loi de Louisiane en 1896 exclut d’office du vote tous les affranchis en ne donnant le droit de vote qu’à ceux dont le père ou le grand-père était électeur en 1867 : dans cet Etat, le nombre d’électeurs noirs passe de 130 344 en 1896 à 5320 en 1900.
Beaucoup de ces cas furent portés devant la Cour Suprême des Etats-Unis d’Amérique. Longtemps, celle-ci s’alliera aux Sudistes en déclarant en 1873 qu’il existe « deux citoyennetés, fédérales et régionales. Le XIVème amendement ne concerne que la première ». En 1883, elle déclare que ce même amendement « interdit aux Etats et non aux individus de pratiquer la discrimination raciale », et en 1986 l’arrêt « Plessy versus Fergusson » met en place pour longtemps la doctrine « separate but equals », « séparés mais égaux », qui donne son aval à la ségrégation dans les écoles.

Au début du XXe siècle, des intellectuels Noirs, comme John Hope, professeur à l’Université d’Atlanta, pensent que le salut des Noirs passe par la constitution d’une élite noire d’hommes d’affaires et d’entrepreneurs.
Self made man, Booker T. Washington crée en 1881 dans l’Alabama un institut pour les Noirs visant à leur apprendre un métier pour devenir ouvrier qualifié, se constituer un capital, acheter des terres et devenir leur propre patron. Il tente d’inculquer des valeurs tels que l’honnêteté et l’épargne ou la fierté et le goût du travail manuel. En formant ainsi des jeunes gens polis et acquis au mode de fonctionnement de la société américaine, Washington pense désarmer l’hostilité blanche. Il recommande également en ce sens aux Noirs de rester à la campagne. Il convainc certains Noirs en leur promettant un progrès économique et ne dérange pas excessivement les Blancs, puisqu’il donne son aval à la ségrégation raciale en ne la remettant pas directement en cause.
Booker T. Washington est critiqué par de nombreux Noirs dans le Nord, au premier rang desquels on retrouve Web Dubois. Titulaire d’un doctorat de philosophie obtenu à Harvard, Dubois attaque le « capitalisme militant » de Washington, qui conduit selon lui à l’acceptation de l’infériorité de la race noire et à la soumission. Ses revendications sont les suivantes : droit de vote, fin de la discrimination raciale, droit à l’éducation, et application stricte de la Constitution. Il crée le Mouvement dit « de Niagara » en 1905 mais ne reçoit que peu d’échos et cesse de le réunir en 1908.

En 1906 à Atlanta et en 1908 à Springfield ont lieu des massacres et émeutes raciales. Face à ces évènements, des intellectuels, des responsables d’œuvres sociales et des religieux fondent en 1910 la NAACP, National Association for the Advancement of Coloured People. Dubois est le seul noir parmi les responsables. L’association proteste contre le lynchage (250 lynchages sont commis entre 1885 & 1900), la discrimination raciale et pour l’application stricte des amendements XIV et XV.

En 1915, la Cour suprême condamne la « clause du grand-père » dans le Maryland et l’Oklahoma, et déclare en 1917 inconstitutionnelle la ségrégation par quartiers pratiquée à Louisville.

En 1911, se crèe la National Urban League, dont le but est d’aider les nouveaux arrivants noirs dans les villes à s’adapter aux milieux urbains. Cet esprit militant fait également renaître une presse noire alors en perte de vitesse.

En 1915, le film Birth of a nation de Griffith renforce le mythe du Noir corrompu et violeur et fait l’apologie du Ku Klux Klan.

A l’entrée en guerre en avril 1917, l’armée refuse d’abord les Noirs qui se portent volontaires. Mais en mai, alors que la mobilisation est enclenchée, de nombreux Noirs sont engagés, et des exemptions sont même refusées. Représentant 10 % de la population américaine, les Noirs forment 13 % du contingent.

Entre 1917 et 1920, 300 000 à 400 000 Noirs vont dans le Nord, pour travailler dans les industries des grandes villes. Le flot d’immigrants européens ayant été interrompu, les Noirs travaillent dans les usines d’armement, l’industrie alimentaire, les chantiers navals, l’industrie automobile ou encore les mines de charbon. Cette venue provoque l’agressivité et la fuite des Blancs : 57 lynchages sont répertoriés dans le Nord en 1918.
Dans le Nord, les villes sont ségréguées de fait. Par exemple, le quartier de Harlem à New York, peuplé de Blancs de classe moyenne, voit l’arrivée progressive de Noirs de la même classe sociale. Mais les Blancs fuient le quartier et des Noirs plus pauvres l’envahissent.
Les ouvriers noirs de ces grandes villes du Nord ne peuvent attendre un quelconque soutien de la part des syndicats : l’American Federation of Labor (AFL) se disait au départ opposée à la ségrégation, mais le syndicat renonce à cette revendication devant l’hostilité de la majorité des syndicalistes et des représentants locaux.

La crise de 1929 anéantit les frêles espoirs des Noirs. Avant la grande dépression, la crise agricole dans le Sud et la réadaptation industrielle faisaient déjà souffrir la population, et en 1929 de nombreux Noirs sont déjà au chômage. La crise accélère le processus, les Noirs étant licenciés les premiers et chassés de leurs logements. Dans certaines campagnes du Sud, une forme d’esclavage réapparaît. Exclus des syndicats, les Noirs ne possèdent aucun moyen de défense. En 1934, 17 % des Blancs sont incapables de subvenir à leurs besoins, et 38 % des Noirs…

En 1928, le républicain Hoover mène une campagne présidentielle pour renforcer ses positions dans le Sud, et donnent des gages aux racistes. Des Noirs se tournent alors de plus en plus franchement vers le parti démocrate : en 1932, Franklin D. Roosevelt obtient un quart du vote noir.

Entre 1932 et 1936, le glissement du vote noir vers le parti démocrate s’accentue. Pourtant, Roosevelt n’attaque jamais la ségrégation, même si aucune mesure du New Deal n’exclue en théorie les Noirs. Mais beaucoup de Noirs sont privés de fait de la « sécurité sociale » instaurée par Roosevelt, qui ne prend pas en compte les domestiques et les travailleurs agricoles. Les ouvriers noirs demeurent licenciés en priorité par les patrons.

En 1925, Philip Randolph, président du syndicat des porteurs de wagon-lit (emploi exclusivement noir), réussit à s’imposer comme partenaire des négociations avec la puissante compagnie de chemins de fer Pullman, et organise des boycotts et piquets de grève. Au même moment, le CIO, syndicat nouvellement créé, recrute des Noirs dans ses rangs : les syndicats représentent dans les années 30 un rôle essentiel dans la constitution d’un front populaire contre le fascisme, et cela s’avère peu compatible avec la ségrégation exercée par l’AFL. En février 1936, 500 organisations forment le National Negro Congress contre la discrimination et le fascisme, présidé par Randolph. Ce front populaire éclate cependant en 1939 après la signature du pacte germano-soviétique. Randolph quitte le mouvement en dénonçant la domination exercée par le PC et le CIO.

Par ailleurs, une nouvelle floraison culturelle et intellectuelle (l’écrivain Richard Wright) naît à la même époque, tandis que Jesse Owen triomphe aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936.

Au début de la guerre, sous la pression d’un mouvement populaire de protestation conduit par Philip Randolph, le Congrès annonce la déségrégation de l’industrie de guerre et de l’administration en juin 1941, et la marche est finalement annulée. C’est la première position officielle prise contre la discrimination au travail. Le Fair Employment Practice Committee est mis en place, mais rien ne bouge cependant dans le Sud.

Pendant la guerre, l’armée et le gouvernement assouplissent quelque peu dans les faits la règle stricte de séparation des races. L’armée demeure cependant ségréguée jusqu’en 1945 : il existe toujours des unités dites « de couleur ». Trois millions de soldats noirs sont sous les drapeaux, dont 500 000 sont envoyés outre-mer. Certains Noirs sont acceptés dans l’aviation, tout comme dans la marine, ce qui est une modification radicale, ainsi que des parachutistes noirs parmi les marines.

Après la guerre, le retour des Noirs dans le Sud s’accompagne d’attaques et de lynchages : l’année 1946 est une des plus sombres selon la NAACP, et beaucoup de vétérans se réengagent dans l’armée.

En 1948 est publiée la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui rend de plus en plus évident le paradoxe américain. En 1946, une pétition est déposée par des militants noirs au Conseil économique et social pour demander l’aide de l’ONU dans la lutte contre la discrimination raciale.

De la même manière, en 1951, le Civil Rights Congress dépose une pétition à l’ONU accusant le « génocide » subi par les Noirs aux Etats-Unis. Le département d’Etat américain affirme que le problème noir est un « problème intérieur » et ne relève pas des compétences de l’ONU. Le gouvernement essaie de sauver les apparences en confiant des postes à l’ONU à des Noirs.

Lentement, la cause de la déségrégation avance sous l’impulsion de militants.

En 1955, l’AFL et le CIO fusionnent, et les deux vices-présidents sont des Noirs (dont Philip Randolph). Le gouvernement et l’administration semblent aller progresser vers une intégration raciale encore loin d’être garantie.

La ségrégation demeure ; certes, petit à petit, lieux publics, hôtels, restaurants ou encore cinémas sont déségrégués au cours des années 50, notamment à Washington, ville peuplée d’une grande proportion de Noirs. En 1949, 18 Etats ont même interdit la discrimination dans les lieux publics ; mais ces mesures ne touchent en réalité qu’un nombre très limité d’institutions. Par ailleurs, de plus en plus de représentants noirs sont élus ou désignés, aux différentes échelles, la question étant de savoir si cela traduit une véritable mutation sociale ou la volonté d’étouffer les revendications et de cacher les véritables problèmes par des mesures symboliques. De la même manière, et même si la grande industrie demeure hors de portée des entrepreneurs noirs, de petites sociétés de services sont tenues par des Noirs, et une bourgeoisie noire semble se former : on trouve quelques médecins, des avocats, banquiers, assureurs, etc.

L’écrivain noir E. Franklin Frazier, dans son ouvrage Black Bourgeoisie paru en 1955, critique ouvertement ces Noirs qu’il accuse de singer les Blancs et de rejeter leurs origines populaires en devenant des petits bourgeois, exclus de fait d’une bourgeoisie blanche. Cet ouvrage relativise les progrès accomplis en matière de droits civiques et économiques et signale que les Noirs sont très majoritairement maintenus à l’écart de la prospérité, miséreux dans le Sud ou confinés dans les ghettos du Nord.

Entre 1940 et 1970, cinq millions de Noirs déménagent vers le Nord et l’Ouest. La mécanisation dans les plantations de coton est en partie responsable de cet exode qui n’est pas pour déplaire à certains Sudistes, soulagés de voir partir les Noirs qui réussissaient parfois malgré tout à s’inscrire sur les listes électorales.
Des offres d’emplois non-qualifiés abondent après guerre, et la grande ville industrielle de Chicago devient alors la capitale de l’Amérique noire : le Chicago Defender est le journal noir le plus diffusé ; on y trouve également le plus grande église baptiste ainsi que des forces militantes diverses.

Pendant les années 50, les avocats activistes de la NAACP, dont Thurgood Marshall, cherchent à obtenir gain de cause devant la Cour suprême dans des affaires de discrimination dans l’éducation : ils veulent demander le renversement de l’arrêt « Plessy versus Ferguson ». Entre 1950 et 1952, ils plaident cinq cas concernant la ségrégation scolaire devant la Cour suprême. Ils contestent la constitutionnalité de l’arrêt de 1896 au regard du XIVème amendement garantissant à tous les citoyens une « égale protection des lois » ; ils font appel à des facteurs psychologiques, en particulier le sentiment d’infériorité des Noirs.

Deux décisions de la Cour suprême rendues en juin 1950 amorcent le tournant décisif à venir de la grande institution : en mai 1954, la Cour présidée par Earl Warren rend une décision unanime (connue sous le nom d’ « arrêt Brown ») et déclare que « dans le domaine de l’instruction publique, la doctrine « séparés mais égaux » n’a pas sa place. Des établissements scolaires séparés sont intrinsèquement inégaux ». Thurgood Marshall proclame alors sa foi dans le système légal américain ; mais l’ensemble de la communauté noire se contente d’une satisfaction prudente, tandis que la gouverneur de Géorgie déclare que ce nouvel arrêt de la Cour suprême est un « chiffon de papier ». Plusieurs Etats du Sud le rejoignent : jamais le gouvernement fédéral n’avait subi d’aussi violentes critiques depuis la Guerre de Sécession.

Après 1954, rien ne semble avoir changé pour les Noirs, si ce n’est que la gouvernement américain a signifié qu’il a la responsabilité de faire respecter leurs droits. Le président Eisenhower n’est pas un partisan de la déségrégation, et aucune mesure concrète d’application n’accompagne l’arrêt Brown, même si en mai 1955 la Cour suprême donne ordre aux responsables de l’instruction publique de préparer des plans de déségrégation « avec toute la rapidité appropriée »… autant dire que la majorité des Etats attendent et ne font rien dans le sens de l’intégration scolaire. En 1964, dix ans après l’arrêt Brown, 2 % seulement des écoliers du Sud fréquentent des établissements « intégrés » .

En mai 1956, des représentants et sénateurs sudistes signent un manifeste contre l’ « abus de pouvoir judiciaire » et se déclarent prêts à employer « tous les moyens légaux pour obtenir l’annulation d’une décision contraire à la Constitution » (l’arrêt Brown). Par ailleurs, le Conseil des citoyens blancs, fondamentalement raciste, fait en sorte qu’aucun Noir partisan de l’intégration scolaire ne puisse conserver un emploi ou obtenir un crédit, et les membres de la NAACP sont systématiquement traqués et menacés.

Le Sud ne voulant pas se soumettre, les Noirs voulant conserver ces droits chèrement acquis, la bataille des Droits civiques s’engage : le mouvement des Droits civiques veut affronter face à face le racisme (institutionnalisé ou pas) et la ségrégation, tandis que le Sud est déterminé à « maintenir le Noir à sa place », par la loi ou par la force.

A Montgomery, en Alabama, trois quarts des usagers des bus sont des Noirs, mais les dix premiers rangs demeurent réservés aux Blancs, comme tous les autres sièges en cas de surcharge du bus.
Le 1er décembre 1955, Rosa Parks, employée noire, refuse de céder sa place à un Blanc dans le bus ; elle est arrêtée par la police. En réaction, des activistes noirs se lancent dans un boycott des bus de la ville, boycott efficace puisque les bus se retrouvent pratiquement vides dans les jours qui suivent. Rosa Parks est cependant jugée, reconnue coupable et condamnée à payer une amende. Ses avocats font appel.
Pour coordonner les efforts des activistes, les leaders noirs et les pasteurs de la ville créent une association que préside le pasteur noir de 26 ans Martin Luther King. Celui-ci, inspiré entre autres par les méthodes non-violentes de Gandhi et une morale chrétienne très marquée, prône des « actes de non-coopération », et appelle à « agir, et non haïr » dès les premières manifestations de Montgomery.
L’association rencontre les compagnies de bus de la ville, mais les discussions ne donnent rien en raison de l’intransigeance des compagnies. Le boycott continue alors, tandis que les taxis noirs offrent des transports à prix réduit pour les Noirs ; ces taxis sont systématiquement harcelés par la police. L’association se réunit régulièrement pour mettre en place des actions, et Martin Luther King inquiète la police et la mairie de la ville et se fait arrêter pour un prétendu excès de vitesse à la fin du mois de janvier ; par ailleurs, une charge de plastic explose devant sa maison, et il subit de nombreuses menaces de mort.
Cependant, la municipalité ne cède pas. L’appel dans l’affaire Rosa Parks traînant, les militants ne peuvent que choisir d’attaquer directement la ségrégation auprès de la justice. Les activistes portent alors plainte devant la cour fédérale du district en contestant la constitutionnalité de la ségrégation pratiquée dans les bus de la ville. Les avocats de la NAACP préparent le procès, bien qu’ils ne soient pas franchement partisans des méthodes de boycott pratiquées à Montgomery. Une collecte de fonds est également organisée. La municipalité pratique au même moment des arrestations massives, ce qui attire l’attention de la presse américaine mais aussi internationale : 89 inculpés sont emprisonnés au nom d’une loi interdisant les boycotts en Alabama… King est libéré sous caution, et il se rend dans le Nord pour effectuer une tournée de discours et récolter des fonds. Début juin, la Cour fédérale du district condamne les règles ségrégationnistes pratiquée dans les autobus, et le maire de Montgomery décide alors de faire appel devant la Cour suprême, qui confirme le verdict en novembre : la ségrégation dans les bus est donc déclarée inconstitutionnelle.

En 1957, plus de 60 pasteurs noirs forment la Southern Christian Leadership Conference (SCLC), présidée par Martin Luther King. Les Noirs sont de plus en plus nombreux à s’engager dans la lutte.

A partir de mai 1954, dans le Sud profond, un véritable défi est lancé par les habitants et les institutions locales aux institutions fédérales ; il faut dire que l’extrême réserve d’Eisenhower et de son gouvernement sur le sujet poussent d’autant plus les ségrégationnistes convaincus à défier la loi.

En Arkansas, la capitale Little Rock a déségrégué l’université, les bibliothèques, les parcs et les autobus ; de plus, 33 % des Noirs en âge de voter sont inscrits sur les listes électorales, ce qui est relativement élevé pour une ville du Sud. En profondeur cependant, les rapports interraciaux sont limités au strict minimum. En 1957, un seul lycée de la ville accepte d’inscrire quelques élèves noirs : neuf élèves soigneusement triés par l’administration. Devant la lenteur du processus, la NAACP réclame une intégration immédiate, porte plainte, mais perd le procès. Le gouverneur d’Arkansas Faubus pousse la Ligue des mères de Little Rock à entamer une procédure pour obtenir la suspension du plan d’intégration scolaire, à cause de prétendus risques de violence, et elles obtiennent gain de cause. La NAACP fait appel.
La veille de la rentrée scolaire, Faubus mobilise la Garde nationale de l’Etat autour du lycée et avertit que si les élèves noirs tentent de rentrer dans le lycée, « le sang coulera dans les rues ». Aucun des neuf noirs ne parvient à pénétrer sur le campus, mais sous les conseils des militants ils refusent de retourner dans un lycée noir. La Garde nationale bloque les abords de l’école. Eisenhower est dès lors contraint d’intervenir, le gouvernement étant directement défié. Il tente de convaincre Faubus, mais en vain. Fin septembre, des centaines de ségrégationnistes bloquent l’accès au lycée, chassent des journalistes qui parviennent à prendre des photos. Les lycéens noirs sont entrés dans le lycée par une porte latérale, et ils sont évacués par la police, sauvés de peu du lynchage que préconisait la foule. Le maire de la ville, tranchant avec l’attitude du gouverneur de l’Etat, décide alors d’agir et demande à Eisenhower de faire intervenir les troupes fédérales : il déclare : « nos opinions personnelles quant à la décision [de la Cour suprême] n’ont pas d’influence en ce qui concerne son application […] Il ne peut être permis à la loi de la populace de primer sur les décisions de nos tribunaux ».
Le 25 septembre, Eisenhower envoie les troupes fédérales : armée, jeeps, hélicoptères et parachutistes assurent l’entrée dans le lycée des neuf Noirs… Quand les militaires se retirent quelques jours plus tard, les étudiants subissent coups et insultes à l’intérieur de l’établissement. A la rentrée de l’année suivante, le gouverneur Faubus fait fermer les écoles publiques pour ne pas avoir à faire appliquer l’ « arrêt Brown » . La Virginie agit de même ; la Cour suprême déclare ces fermetures inconstitutionnelles. En 1960, à la Nouvelle-Orléans, des émeutes éclatent suite à l’intégration de 4 petites filles noires dans une classe de cours préparatoire.

L’intégration scolaire est dès lors transformée en question nationale. Le Sud se raidit dans ses traditions racistes, tandis qu’une nouvelle génération de militants fréquente les universités.

A la fin des années 50, le mouvement noir semble quelque peu dispersé en raison de rivalités personnelles et de divergences politiques quant aux objectifs fixés, notamment entre la SCLC, la NAACP, et des groupes locaux. La SCLC a par ailleurs quelque peu perdu de son aura après la fin du boycott de Montgomery.

En 1956, Eisenhower propose une loi en faveur du droit de vote pour tous, mais ce projet se trouve en difficulté au Congrès. Il est finalement adopté en septembre 1957 ; la législation demande la formation d’une commission sur les Droits civiques, et étend les compétences du ministre de la justice qui peut maintenant porter plainte pour défendre l’accès aux urnes des Noirs.
Cette question du vote va dès lors occuper une place très importante dans le combat noir qui s’engage contre toute forme de ségrégation : déjà entamé depuis quelques années, le mouvement des Droits civiques est désormais lancé et déterminé.

Le mouvement des Droits civiques commence à prendre de l’ampleur à la fin des années 50, notamment grâce à la prise de conscience politique grandissante parmi les jeunes Noirs : la jeunesse organise dans le Sud les premiers sit-in pour protester contre la ségrégation. Les militants prêchent toujours la protestation non-violente en occupant pacifiquement les lieux ségrégués. Les magasins de la chaîne Woolworth, qui interdisent aux Noirs de fréquenter les comptoirs de leurs bars, se voient ainsi envahis.

En février 1960, des sit-in sont organisés dans 30 villes du Sud, et le boycott des magasins Woolworth est également encouragé dans le Nord. A Nashville, plus de 500 étudiants se regroupent dans les bars ségrégués ; fin février, les Noirs sont attaqués par des racistes dans un magasin avec la complicité de la police. Les étudiants ne répliquent pas. La police arrête 77 noirs et 5 blancs. A la fin mars 1960, plus de 2000 étudiants sont arrêtés dans 66 villes du Sud ; les commerçants en perte de profit s’alarment et les hommes d’affaires envisagent de négocier. A Nashville, les commerçants déségréguent leurs magasins.

En avril 1960, les étudiants contestataires forment leur propre organisation, le Student Nonviolent Coordinating Committe (SNCC ou « Snick ») , que King aurait aimé intégrer au SCLC.

En novembre 1960, John Fitzgerald Kennedy est élu président, avec 70 % du suffrage noir en sa faveur, et grâce entre autres à la distribution de tracts démocrates devant les églises et écoles noires. Cependant, les premiers mois de l’administration démocrate sont décevants, et le président ne propose pas de nouvelle législation. Les sit-in continuent.

En décembre 1960, la Cour suprême ordonne la déségrégation des gares assurant les liaisons inter-Etats. Pour tester le respect de cette nouvelle législation, le président du Congress of Racial Equality, James Farmer, organise un « voyage de la liberté » dans le Sud en mai 1961.
Les voyageurs sont attaqués par des opposants, et la ville de Birmingham se trouve en état de siège. Les journalistes affluent, tandis que la gare routière est bloquée par le Ku Klux Klan. Les étudiants veulent reprendre le voyage. Le 17 mai, ils sont arrêtés dans la gare de Birmingham par la police qui les expulse de l’Etat. Ils retournent cependant dans la ville.
Le ministre de la justice Robert Kennedy décide alors d’intervenir : il fait escorter les voyageurs, qui arrivent finalement à Montgomery, où la foule raciste se jette sur eux avec la complicité de la police. Robert Kennedy envoie les troupes fédérales et Martin Luther King se rend à Montgomery.
L’église noire est assiégée, et l’armée escorte les militants. Le « voyage de la liberté » s’est transformé en une véritable opération militaire. Cependant, les voyageurs arrêtés dans le Mississippi sont condamnés à un séjour au pénitencier. Et tout l’été, des voyageurs continuent d’arriver à Jackson et à remplir le pénitencier, toujours dans le respect de la doctrine non-violente prônée par les militants. Le mouvement contre la ségrégation est désormais enclenché dans tout le Sud.

Au début des années 60, le Mississippi est l’Etat américain le plus pauvre et le plus ségrégationniste ; près de la moitié de sa population est noire. Un militant étudiant est abattu en septembre 1961, et une marche de protestation est lancée. La NAACP préfère rester prudente et tenter d’obtenir un début d’intégration scolaire, mais le Snick se lance contre l’avis de la NAACP dans un projet d’ « éducation électorale », visant à faire s’inscrire les Noirs sur les listes électorales. Les églises et les maisons des étudiants sont incendiés. Kennedy se dit « indigné ».

James Meredith, étudiant dans une université noire, cherche à s’inscrire dans l’université blanche. La Cour suprême lui confirme le droit de s’y inscrire, dans un Etat où les sénateurs et la majorité de la population sont ouvertement racistes. Robert Kennedy est déterminé à imposer la décision de la Cour suprême, mais il veut éviter un affrontement entre le gouverneur et le président.
Escorté, Meredith pénètre dans l’université. Les opposants s’en prennent aux journalistes et aux troupes qui avaient l’ordre de ne pas tirer ; la police locale, raciste, a quant à elle disparu. Robert Kennedy envoie les soldats fédéraux ; les affrontements font deux morts et une centaine de blessés. Meredith est entouré de gardes du corps pendant toute l’année scolaire…
_Le mouvement de protestation est dès lors lancé dans un mouvement irrépressible dans tous les Etats du Sud. Les « libéraux » du Nord, étudiants ou intellectuels, prêtent main forte au mouvement. Des Noirs du Nord, subissant la misère et le chômage dans le ghetto, rejoignent les militants.

Martin Luther King et Randolph insistent sur la nécessité d’orienter le mécontentement des Noirs vers un mouvement discipliné et non-violent.

Le 15 septembre 1963, l’église de Birmingham est dynamité ; 4 fillettes sont tués. La non-violence commence sérieusement à être remise en cause par les Noirs, et une émeute éclate et fait deux morts.

Le 22 novembre 1963, John Kennedy est tué à Dallas.

Le nouveau président Johnson soutient le mouvement des Droits civiques depuis 1957. Dans le Sud, les Noirs ne peuvent pas voter, même dans les villes ou districts où ils sont majoritaires. Le Snick (Student Nonviolent Coordinating Committe - SNCC ou « Snick » - formé en avril 1960 par des étudiants contestataires) recrute des volontaires dans les universités du Nord pour aller inscrire les Noirs sur les listes électorales dans le Mississippi.
Le mouvement lance sa campagne dite d’ « été de la liberté » visant à inscrire des milliers de Noirs sur les listes électorales et défier le parti démocrate du Mississippi.
Des enfants de la bourgeoisie noire et blanche du Nord sont envoyés pour animer des « écoles de la liberté » où ils enseignent la lecture, le calcul mais aussi l’histoire noire ; ils apportent également de l’assistance médicale et organisent des évènements culturels.
Les étudiants passent de ferme en ferme, aident et incitent les Noirs à remplir les formulaires d’inscription pour les listes électorales. A l’été 1964, 17000 Noirs font une demande d’inscription, mais seuls 1600 sont effectivement inscrits sur les listes, les autres étant refusés pour des prétextes toujours plus improbables. Les militants envoient tous les formulaires refusés au ministre de la justice. La réalité raciste du Sud a raison de la conviction militante légaliste du Snick, tandis que Johnson est convaincu que sa réélection passe par le soutien des démocrates traditionnels du Sud, traditionnellement racistes, et ne souhaitent par conséquent pas trop appuyer la cause du vote noir.

Le 2 juillet 1964, Martin Luther King assiste à Washington à la signature par Johnson de la loi sur les Droits civiques, plus importante loi jamais votée : elle bannit la ségrégation dans les lieux publics, élargit encore la compétence du ministre de la justice pour imposer des écoles intégrées, crée une commission d’égalité des chances dans l’emploi et un service de relations communautaires chargé de régler les différends engendrés par la déségrégation.

Cependant, la pleine citoyenneté ne peut exister sans le droit de vote et un véritable pouvoir politique, loin d’être acquis dans le Nord et surtout dans le Sud. L’insatisfaction des Noirs des grandes villes menace également de plus en plus la paix sociale dans le Nord.
A l’été 1964, des émeutes éclatent à New York, dans le New Jersey, en Pennsylvanie et dans l’Illinois ; le maire de New York appelle Martin Luther King pour calmer les émeutiers, ce qui est vu d’un très mauvais œil par de nombreux Noirs. King déclare que « la paix sociale naît de la justice économique ». L’agitation dure encore, mais la répression et la lassitude des émeutiers a raison du mouvement.

Le 14 octobre 1964, Martin Luther King reçoit le Prix Nobel de la Paix, qui consacre la reconnaissance du mouvement des Droits civiques par la communauté internationale. Beaucoup de Blancs conservateurs voient en lui un moindre mal, véritable rempart contre l’influence de leaders plus radicaux, qui veulent un renversement immédiat de l’ordre établi et en ont assez d’attendre et de subir.
Les Black Muslims de la Nation of Islam, fondée en 1925, comptent environ 100 000 membres. Après l’intervention italienne en Ethiopie en 1935, de nombreux Noirs toujours solidaires du destin africain se sont ralliés, dirigé à partir de 1934 par Elijah Muhammad.
Malcolm X est l’un d’eux ; délinquant arrêté en 1946, il passe sept ans en prison où il découvre l’organisation et se convertit à l’Islam. Il devient le second du président Elijah Muhammad, et est en vérité le porte-parole officiel du mouvement.

En mars 1964, Malcolm X quitte la Nation of Islam et fonde son propre mouvement, Muslim Mosque puis l’Organization of Afro-American Unity. Elijah Muhammad refusait de passer aux actes tout en prêchant l’autodéfense et plaidait pour la cause d’un Etat noir séparé mais n’espérait pas vraiment voir ce projet se concrétiser. Il refusait par ailleurs toute participation au mouvement des Droits civiques ainsi que l’usage du vote. Malcolm X, lui, croit au vote et à la protestation, et en un nationalisme noir, musulman ou pas.
En mars 1964, il plaide toujours pour un Etat séparé ou pour le retour en Afrique, mais à partir de mai, il admet que les Noirs doivent rester aux Etats-Unis et obtenir le respect de leurs droits et libertés, et ceci « by any means neccessary », « par tous les moyens nécessaires ». Il rejette catégoriquement la non-violence.
Il se rend à La Mecque en 1964, et représente son mouvement au sommet africain du Caire, où il essaie de convaincre les chefs d’Etat de remettre en cause le gouvernement américain devant l’ONU en étendant la protestation aux Droits de l’Homme.
Au retour de son voyage et en particulier de son séjour dans la ville sainte où il a pu rencontrer des musulmans de toute origine, Malcolm X change son discours et déclare : « je n’approuve pas la condamnation d’une race entière […]. Je ne suis pas raciste et je n’approuve aucune croyance raciste ».

Johnson est déterminé à agir pour les Noirs, mais son administration ne le lui permet pas. Martin Luther King sait qu’un nouvel acte de protestation peut accélérer le processus. Il choisit la ville de Selma, située dans le comté de Dallas, où les Noirs représentent 57 % de la population et où moins d’1 % d’entre eux sont inscrits sur les listes électorales.
Les militants locaux prennent contact avec la SCLC, et King arrive au début de l’année 1965. Le 18 janvier, 400 manifestants marchent vers le tribunal ; le lendemain, plus de 60 manifestants sont arrêtés. Cet événement fait les gros titres de la presse nationale. Les enseignants noirs de la ville se lancent dans le mouvement ; la répression policière est comme souvent sauvage, mais la télévision est sur les lieux.
Le 1er février, King est arrêté avec de très nombreux autres militants ; il écrit depuis sa prison une lettre publiée dans le New York Times où il déclare très ironiquement : « Il y a plus de Noirs avec moi en prison que sur les listes électorales ». Malcolm X se rend à Selma pour soutenir Luther King et signifier aux autorités qu’elles feraient mieux d’obtempérer face aux non-violents avant de subir la foudre des radicaux. Le 21 février 1965, il est abattu à Harlem.

Les marches se multiplient dans d’autres villes d’Alabama, et un manifestant noir est tué dans l’une d’entre elles. Une marche est alors organisée début mars de Selma à Montgomery, capitale de l’Etat. Le 7 mars, à Montgomery, la répression se fait sauvage, et ce jour sera baptisé « dimanche sanglant » ; son retentissement est considérable, les images étant diffusées en direct à la télévision nationale. Le 8 mars, King lance un appel à « tous les hommes de bonne volonté » pour venir protester à Selma. 2000 marcheurs s’y rendent. Devant un barrage de police, les manifestants s’agenouillent et font une prière avant de faire demi-tour ; pour les étudiants du Snick, cet acte constitue une trahison, un signe de lâcheté. Les dissensions entre le Snick et la SCLC éclatent au grand jour.

Des manifestations de solidarité sont organisées dans les villes du Nord face à la violence des Sudistes, en particulier après la mort d’un pasteur Blanc tué par des suprémacistes. Stokeley Carmichael du Snick est indigné que la protestation des citoyens vienne après la mort d’un Blanc, et il agite de plus en plus l’étendard de la révolte. Le Snick se retire de la campagne de Selma.

Le président Johnson se dit révolté par la répression, et il présente le 15 au Congrès un projet de loi destiné à éliminer toute restriction légale au droit de vote.

Le 17 mars, le juge local Frank Johnson approuve le projet de marche de Selma à Montgomery et exige la protection de la police pour la manifestation. Le gouverneur de l’Etat, Wallace, raciste notoire, refuse de la garantir. Le président l’impose finalement en fédéralisant la garde nationale de l’Etat. Le 21 mars, après 5 jours de marche, 25 000 personnes entrent dans Montgomery, 10 ans après le boycott des bus. Martin Luther King arrive triomphant, et il prononce un discours pour la liberté et la non-violence sur les marches du Capitole au sommet duquel flotte… le drapeau de la Confédération. Le même jour, le Ku Klux Klan abat une femme venue de Detroit pour manifester.

Le 6 août 1965, Johnson signe la loi sur le droit de vote ; les officiers fédéraux arrivent dans de nombreuses villes pour contrôler et faciliter les inscriptions des Noirs sur les listes électorales. La loi a changé, certes, mais dans les faits les Noirs du Sud craignent toujours autant de se diriger vers les bureaux de vote...

L’année 1965 marque l’effondrement du mouvement des droits civiques et l’éclatement de la fragile coalition des militants noirs : le Snick rejette les « valeurs bourgeoises » prônées par King, défendu par la presse et soutenu par les forces gouvernementales. Surtout, beaucoup ne croient plus à la non-violence et à l’intégration, devant la banalisation des brutalités policières ou individuelles envers les Noirs et le nombre de Noirs jetés en prison sans jugement équitable.
Dans le Nord, si aucune loi n’impose la ségrégation, les écoles des ghettos sont ségréguées de fait et même plus parfaitement que les écoles du Sud, et les Noirs subissent un taux de chômage très élevé, en pleine période de prospérité.

Sous la présidence de Johnson, le climat est propice aux réformes sociales, une « guerre contre la pauvreté » ayant été déclarée. Johnson reprend le principe de l’affirmative action adopté par JFK en 1961, promettant un avantage aux plus défavorisés au départ de la compétition économique. Le Congrès approuve ces réformes.

Mais la loi ne change rien pour les ghettos et les Noirs en ont assez d’attendre.

Le 11 août 1965, des émeutes éclatent à Watts, le quartier noir de Los Angeles peuplé de 250 000 Noirs. Dans un été extrêmement chaud, les incidents avec la police raciste se multiplient. Le 11 août, après l’arrestation d’un conducteur, un groupe de Noirs entourent la patrouille. Les policiers demandent des renforts. Pendant six jours, le ghetto prend feu. Les jeunes bombardent la police avec des briques et des cocktails molotov, incendient la ville et pillent les magasins, brûlent les voitures. 14 000 hommes de la Garde nationale sont envoyés pour quadriller le quartier. Après six jours, on dénombre 34 morts, 900 blessés et plus de 4000 arrestations, ainsi que 30 millions de dollars de dégâts.

La même semaine, Chicago et Springfield s’embrasent selon des schémas assez similaires. Les étés 1966 et 1967 voient l’embrasement de nombreux ghettos dans plus d’une centaine de grandes villes à travers le pays. A Newark, dans le New Jersey, les émeutes font plus de 20 morts ; en juillet 1967, Detroit brûle pendant six jours et fait 43 morts : ville symbole de la prospérité, Detroit interdit de fait aux Noirs de nombreux emplois et le logement dans les quartiers résidentiels.

Entre 1965 et 1968, 250 noirs périssent dans les émeutes, qui font plus de 8000 blessés.

Johnson forme une commission pour étudier les origines de ces révoltes. Le rapport met en accusation la pauvreté, les taudis, le chômage, et la ségrégation scolaire, et propose la mise en place d’un programme d’actions fédérales. Mais à ce même moment, le Vietnam prend de plus en plus d’importance et Johnson ne peut plus faire face aux programmes sociaux de sa « Grande Société », au sein desquels le problème noir n’est pas en tête de liste…

En Alabama, dans le comté de Lowndes, les habitants sont noirs à 81 %, et aucun n’est inscrit sur les listes électorales en 1965. En août, des agents fédéraux surveillent les inscriptions ; les Noirs, influencés par le travail éducatif du Snick, sont parfois accompagnés de planteurs voulant contrôler le vote de leurs ouvriers. Carmichael et le Snick constituent la Lowndes County Freedom Organization, et choisissent comme symbole une panthère noire. Le parti n’obtient aucun mandat local en novembre 1967, les paysans noirs cédant en grande majorité aux pressions des propriétaires terriens.

En janvier 1966, un étudiant noir est abattu en Alabama pour avoir tenté d’utiliser des toilettes soi-disant « réservées » aux Blancs. Quelques jours plus tard, le Snick publie une déclaration condamnant le racisme et la guerre du Vietnam : la rupture est désormais définitive avec Johnson. Devant cette radicalisation, l’ancienne coalition interraciale qui avait soutenu économiquement le mouvement des Droits civiques se décompose.

En juin 1966, James Meredith, désormais étudiant en droit à Columbia, parcourt à pied la route Memphis-Jackson pour inciter les Noirs du Mississippi à s’inscrire sur les listes électorales ; un Blanc lui tire dessus sur la route. Ce fait divers se transforme en affaire nationale. La NAACP et la Ligue urbaine veulent organiser une marche interraciale pour demander une nouvelle législation sur les Droits civiques. Carmichael et McKissick veulent organiser une marche exclusivement noire contre Johnson et le parti démocrate, en se faisant protéger par une milice noire armée.

Martin Luther King plaide le juste milieu : la marche sera interraciale et non-violente, et le Snick pourra dénoncer le gouvernement. Le 7 juin, les militants se rendent dans les plantations pour inciter les Noirs à voter.

Le 16 juin 1966, Carmichael est arrêté, puis relâché. Il déclare : « dès demain, il serait de bon de mettre le feu à tous les tribunaux du Mississippi », et en fait appel au « Black power ! ».

Le 26 juin 1966, la marche arrive à Jackson. King prononce un discours non-violent tandis que Carmichael prononce un discours véhément et s’inscrit contre la « souffrance rédemptrice » prônée par le pasteur : « Nous devons […] construire dans ce pays une base de pouvoir si solide que nous mettrons [les Blancs] à genoux chaque fois qu’ils nous provoqueront ».

Une partie non négligeable du mouvement noir interprète de manière légale et pacifique les aspirations du « Black power » et se tourne activement vers la lutte politique : Carl Strokes est élu maire de Cleveland en 1967, c’est la première fois qu’une grande métropole élit un maire noir.

En octobre 1966, Bobby Seale et Huey Newton, étudiants à l’université d’Oakland en Californie, fondent le Black Panther Party pour l’Autodéfense, qui reprend le symbole du Snick d’Alabama.
Les inspirations idéologiques clamées sont le communisme révolutionnaire en premier lieu, puis Frantz Fanon, Malcolm X, Mao, le nationalisme noir et révolutionnaire.

Le 4 avril 1968, Martin Luther King reçoit une balle dans la mâchoire, qui lui brise la colonne vertébrale ; à l’annonce de sa mort, une énorme explosion de violence se produit dans une centaine de grandes villes du Nord, faisant au total 46 morts, 3000 blessés, et presque 30 000 arrestations. Après sa mort une nouvelle loi est votée contre la discrimination dans le logement, mais une autre est également votée contre les émeutes…

Martin Luther King est enterré le 9 avril à Atlanta.

Le mouvement des Droits civiques est mort en même temps que King ; plus jamais les militants noirs ne pourront rassembler en une coalition l’ensemble des forces progressistes du pays, tant les problèmes sont graves et les intérêts divers, à un moment où sur la scène mondiale les idées révolutionnaires ont un retentissement considérable et où la remise en cause totale du système ne semble pas utopique.

| Lire : USA : Défense du droit de vote pour les Noirs et les Latinos !

Publié par Jozèf le dimanche 9 novembre 2008
Mis à jour le mardi 25 novembre 2008

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