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Affaire des hôtels Kalenda : Lutte sociale et réalité judiciaire

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par Raphaël Constant, avocat au barreau de Fort de France


Mots-clés : #Justice coloniale #Tourisme
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La Cour d’Appel de Basse Terre en Guadeloupe, dans un arrêt en date du 10 novembre 2008, a prononcé la liquidation des sociétés KALENDA.
Par cette décision, les trois magistrats de la Cour d’Appel ont porté un terrible coup à ce qu’il est convenu d’appeler l’économie touristique en Guadeloupe et en Martinique et ouvert la voie, si l’on ne s’y oppose fermement à un marchandage spéculatif sur deux des sites les plus prestigieux de nos pays.

Non seulement cette décision démontre que les salariés n’ont rien attendre de l’institution judiciaire pour préserver leur emploi mais en outre elle illustre plus qu’un choix juridique, une option idéologique où l’on privilégie la magouille, la spéculation et la loi de la jungle dans le domaine économique.

Surtout venant d’un avocat, ces mots peuvent paraître forts. Mais pour avoir suivi ce dossier depuis près de 18 mois, je pèse mes mots et suis prêt à les assumer dans le cadre de toutes procédures, y compris en diffamation.

La Cour d’Appel avait une autre option. Que ce soit en Martinique ou en Guadeloupe, il y avait deux grands groupes économiques, (Monplaisir pour la Pointe du Bout et la SARL Location Guadeloupe pour Saint François) qui avaient proposé de reconstruire des hôtels et assurer le plein emploi. Pour permettre cela, il suffisait que les magistrats ne cèdent pas aux arguties juridiques du failli, le Groupe KALENDA et de certains, douteux, créanciers. Il aurait suffi que la Cour, comme l’avait fait le Tribunal Mixte de Commerce en novembre 2007 confirme la procédure de redressement judiciaire.

Cette décision est d’autant plus mal venue qu’en fait, elle couvre des errements économiques obscurs pour le moins suspects du Groupe KALENDA.

Pour comprendre, il faut revenir quelque peu en arrière.

Au début des années deux mille, les deux hôtels Méridien de Guadeloupe et Martinique ont déposé une première fois leur bilan. La cause de cette déconfiture est simple et tient au fait que l’outil de travail, les hôtels, n’avait jamais fait l’objet d’une modernisation depuis des années. Initialement, le groupe Méridien appartenait à la Société Air France. Mais cette dernière a vendu sa branche hôtelière à des fonds de pension qui ne pensent qu’à accumuler des profits et se moquent totalement de bâtir et de concevoir un projet économique. Dans le cadre de cette première procédure, deux propositions de reprise vont être soumises à la juridiction commerciale de Pointe à Pitre. L’une émanant de la SEMAVILLE, la société d’économie mixte de la Ville du Lamentin et l’autre du Groupe KALENDA, dirigé principalement par Mr BRETHES. Ce sera ce dernier groupe qui se verra attribuer les deux fonds de commerce de Guadeloupe et Martinique. Dans sa demande devant le Tribunal, ce groupe a mis en avant qu’il entendait rénover les deux hôtels pour relancer la politique touristique sur ces deux sites.

En réalité, le nouveau groupe ne va rien rénover du tout.

Naïveté ou incompétence, les dirigeants du groupe vont prétendre que cette rénovation n’était pas possible car ils n’étaient pas devenus propriétaires des murs et du terrain. Cet argument n’est pas très sérieux mais en l’état, admettons le. Il est vrai que si les fonds de commerce étaient précédemment la propriété de la société Le Méridien, la société qui avait été mise en redressement judiciaire, les terrains et les murs de l’hôtel appartenaient à deux sociétés immobilières (SNC de la Pointe du Bout et SNC de hôtel Saint François) dont la société d’exploitation du Méridien ne détenait que 10% des parts.

On retrouve là un schéma qui est devenu classique en matière touristique dans nos pays, à savoir que le propriétaire du terrain et des constructions est distinct de celui qui exploite l’hôtel. Ce type de montage juridique a l’avantage de permettre de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier et de créer des sociétés écrans dont la mission principale est d’accumuler les dettes, particulièrement sur les plans social et fiscal. Quand la société écran fait, logiquement, faillite, les patrons gardent toujours la main sur le patrimoine foncier.

C’est face à une telle situation que va se retrouver le Groupe KALENDA.

Ce groupe va décider de négocier le rachat des 90% des parts restantes des deux SNC. KALENDA aurait eu d’autres options si son projet consistait à rénover les hôtels. Mais, son obsession était de devenir propriétaire du foncier. On verra plus loin que cela n’était pas le fruit du hasard.

Le gag fait que KALENDA devra négocier avec la SEMAVILLE qui avait pris une option d’achat sur ces 90% parts restantes de la SNC. On pourrait s’étonner qu’une société d’économie mixte d’une ville comme le Lamentin ait trouvé utile de tenter d’acheter des terrains aux Trois Ilets et à Saint François en Guadeloupe. Mais tel est le cas et nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

Dans une logique purement spéculative et n’ayant rien à voir avec un quelconque projet économique, ce n’est qu’au début de l’année 2005 qu’un accord a lieu entre la SEMAVILLE et le Groupe KALENDA. Ce dernier devient entièrement propriétaire de la SNC pour plusieurs millions d’euros.

On pourrait penser qu’à ce moment, le Groupe KALENDA va se lancer dans la rénovation des hôtels. Que non !

L’année 2005 est riche en évènements mais la totalité de ceux-ci- vont se passer dans une opacité totale et ne seront connus par les salariés que deux années plus tard, comme on le verra.

Les dirigeants du Groupe KALENDA vont se lancer dans deux opérations dont on pourra apprécier le caractère pour le moins éloigné par rapport à leur projet initial, tant soit peu qu’il ait été réel.

Premier temps, la création d’une nouvelle société dénommée Financière d’Investissement, le nom est tout un symbole, dont le premier acte (et unique d’ailleurs !) sera de souscrire un prêt près du Crédit Mutuel des Antilles Guyane de 3,7 millions d’euros. Comment se fait t’il qu’une banque de la place fasse un tel prêt à une société qui vient de se créer. Pour l’unique raison que cette société apporte une garantie de poids. En effet, les dirigeants du Groupe KALENDA vont donner en garantie à ce prêt la totalité du patrimoine immobilier des deux SNC dont ils sont devenus propriétaires quelques semaines avant !

En bref, loin de rénover, la première action des nouveaux propriétaires est de s’endetter en obérant le patrimoine immobilier.

Mieux ou pire, deux questions se posent.

Premièrement, que sont devenus ces 3,7 millions d’euros ? La question mérite d’autant plus d’être posée que la société qui a couvert le risque de recouvrement du prêt pour le Crédit Mutuel sera la plus enragée à réclamer la liquidation à compter de fin 2007

Deuxièmement : cette caution hypothécaire apportée par les SNC est contraire aux Statuts de ces deux sociétés. En terme plus clair, on est dans le cadre d’un abus de biens sociaux.

Mais ces deux faits ne vont inquiéter personne et tout particulièrement le Procureur de Pointe à Pitre, plusieurs fois interpellé sur ces deux aspects par les salariés, ne va pas réagir !

Ce n’est pas tout.

Ne manquant pas d’imagination, les dirigeants de KALENDA vont se livrer la même année à une autre série d’opérations tout aussi suspectes. Dans un premier temps, ils vont créer une série de sociétés immobilières aux noms enchanteurs : Palmes et Voile, Fortin, Aérodrome, Ciel et Mer, les Roches Noires, Parc et Lagon etc… Plus précisément, ils vont en créer 6. Toutes domiciliées à la même adresse dans un quartier chic de Paris !

Et un beau jour de septembre 2005, dans une étude notariale parisienne, la distance devant permettre une plus grande discrétion, ces SNC vont acheter, le terme dépecer serait plus correct, plus de la moitié des terrains appartenant aux deux SNC d’origine.

A ces ventes s’ajoutent deux autres faits encore plus étonnants.

Dans la plus part des cas, les nouvelles SNC vont acheter les terrains avec un paiement différé, total ou partiel, de trois années !

Outre ces ventes, ces nouvelles SNC obtiennent des permis de construire auprès des deux municipalités qui visent ni plus ni moins à construire ou des parkings ou des appartements ! Et tranquillement les maires René Corail et Montoussamy vont allègrement accepter de tels projets qui sont totalement contraires à la vocation touristique de ces sites. A la décharge du second, il se mobilisera en 2007 pour sauver un projet hôtelier. Mais le maire des Trois Ilets se taira et terrera pendant les dix huit mois de la lutte des salariés pour sauver un projet hôtelier.

Ainsi donc en quelques mois, les dirigeants de KALENDA vont obérer tout projet économique sérieux en endettant les deux SNC puis vont les dépouiller de la moitié de leur patrimoine immobilier.

Insistons sur un fait, tout cela est fait en catimini et sans en avertir les salariés, y compris les institutions représentatives du personnel.

2006 sera une nouvelle étape cruciale pour les deux hôtels. A la mi 2006, les dirigeants du groupe KALENDA annoncent qu’ils vont (enfin !) rénover les deux hôtels. Inconscience, naïveté ou arnaque, ils décident, contre l’avis des deux comités d’entreprise, de fermer les deux hôtels (les représentants du personnel préconisaient de fermer un seul hôtel pendant qu’on rénovait l’autre). On va donc « cannibaliser » les deux hôtels en vendant tout le mobilier et en cassant toute la structure laissant sur place des squelettes de béton. Entre temps, le personnel est placé en chômage partiel puis en chômage technique et devait bénéficier d’une formation à compter de janvier 2007. Tout cela devant durer bout à bout 18 mois. Pour tout cela, le groupe KALENDA bénéficie d’aides publiques et même de subventions.

Patratas ! Début 2007, les dirigeants du groupe KALENDA indiquent n’avoir plus d’argent et arrêtent les travaux.

Inconscience, incompétence, naïveté, nouvelle phase de l’arnaque. Le lecteur choisira. Cette étape de l’histoire reste assez floue. Les responsables du Groupe KALENDA ont mis en cause une banque de la place qui aurait refusé de boucler son financement. On peut s’interroger aussi sur le fait qu’il y aurait eu ou non un projet de défiscalisation pour ce financement. En tous les cas, il reste assez extraordinaire de voir un propriétaire commencer à casser son outil de travail sans avoir la certitude d’avoir le financement pour le remplacer ! Autant que cela puisse paraître étrange, c’est la thèse qu’avanceront les dirigeants du groupe KALENDA ;

Suite à cet étonnant aveu, les dirigeants du groupe KALENDA vont solliciter la désignation d’un mandataire ad hoc en vue de trouver une solution à une situation qu’ils avaient eux-mêmes créée.

Cette démarche judiciaire ne va pas empêcher que les mêmes dirigeants se livrent à des opérations toujours aussi étonnantes. Ainsi, des parts sociales d’une des nouvelles SNC, la SNC du Fortin, ont été vendues à une société domiciliée au Luxembourg, lieu où tout un chacun sait que l’opacité est la règle. Cette vente ne va pas empêcher les mêmes dirigeants de KALENDA de proposer au Conseil Général de la Martinique d’acheter ce même fortin ! On croit rêver mais c’est vrai. La commission permanente a même rendu une délibération acceptant d’acheter ! Cette collectivité, prompte à acheter un bien déjà vendu sera plus discrète sinon aux abonnés absent quand les salariés de KALENDA demanderont une aide sociale après plusieurs mois sans avoir touché un centime de salaire.

Notons aussi que le fruit de cette vente de parts sociales à cette société luxembourgeoise aura une destination qui reste un mystère.

Là encore, personne ne s’en étonnera.

La mission du mandataire ad hoc échouant, en mai 2007, les dirigeants du Groupe du KALENDA vont déposer leur bilan en vue de voir le Tribunal Mixte de Commerce mettre les sociétés en redressement judiciaire. Ceci est important. Ce sont les propres dirigeants du KALENDA qui ont sollicité la mise en redressement judiciaire de leur groupe. Une telle procédure ouvre deux possibilités :
Ou la société concernée propose une solution pour reprendre une activité normale et c’est un plan de continuation. Ou, cette option n’est pas possible et on passe à la possibilité d’un plan de cession, autrement dit, que des tiers proposent de reprendre l’activité dans un plan soumis au contrôle du Tribunal.

Quand ils déposent le bilan, les dirigeants de KALENDA demandent du temps pour présenter un plan de continuation. Le temps leur sera donné puisque la prochaine audience est fixée au mois de septembre 2007.

En fait, on est face à un leurre. Pour la simple et unique raison que les dirigeants de KALENDA ne jouent pas franc jeu vis-à-vis du Tribunal. Ils ne déposent le bilan que de cinq sociétés : la holding KALENDA, les deux sociétés d’exploitations des hôtels, la SAS KALENDA Martinique et la SAS KALENDA Guadeloupe, et les deux SNC d’origine. Autrement dit, ils camouflent les opérations faites en 2005 en ne déposant pas le bilan des SNC créées cette année et qui possèdent plus de la moitié du patrimoine immobilier.

Rapidement, il va s’avérer que les dirigeants du Groupe KALENDA sont dans l’incapacité de (ou ne veulent plus) proposer un plan de continuation. Ils prétendent qu’ils n’ont plus d’argent. Où sont passés les millions ? On ne le sait toujours pas.

Devant passer à l’option d’un plan de cession, l’administrateur, Me MIROITTE lance un appel d’offre. Nous sommes au mois de juillet 2007.

Pour faciliter la vente, on va tenter de se débarrasser des salariés au travers d’un licenciement collectif pour motif économique. Cela avait deux avantages pour l’employeur. D’une part, pouvoir négocier plus facilement un prix de cession puisque vendre une entreprise sans travailleurs est une aubaine pour l’acquéreur. D’autre part, en licenciant le personnel, ce dernier, à travers ses élus, n’aurait plus rien à dire dans la procédure de redressement judiciaire.

Mais pour des raisons de procédure, la manœuvre échoua.

Il s’ensuivit une réunion du Comité de Groupe le 25 juillet 2007 à Saint François. Cette réunion constitue un tournant. En consultant les différentes réponses aux appels d’offres, certains repreneurs allaient lâcher « le morceau ». Certaines réponses faisaient état d’une négociation parallèle avec les dirigeants du Groupe KALENDA. Interrogé par les représentants du personnel lors de cette réunion du Comité de Groupe, le PDG, Mr BRETHES, dut révéler l’existence des autres sociétés et les ventes faites en 2005.

En fait, un projet économique étant impossible sans les terrains vendus en catimini en 2005, les dirigeants du Groupe KALENDA jouaient sur deux tableaux. Officiellement, dans le cadre du redressement judiciaire mais aussi officieusement en tentant de revendre au prix fort les SNC créées en 2005.

Manifestement, dans ce cadre, un repreneur, Mme GAD ERRERA avait conclu un accord avec les dirigeants ou certains dirigeants du Groupe KALENDA. Elle répondra, et à ce stade sera la seule, à l’appel d’offre lancée au mois de juillet 2007.

A la demande des salariés, l’administrateur va demander que le périmètre du redressement judiciaire prenne en compte les SNC créées en 2005.

Ce sera fait en septembre 2007 par un jugement du Tribunal Mixte de Commerce de Pointe à Pitre.

C’est ainsi que suite à ce jugement, Mme GAD ERRERA disparaîtra avec son projet de reprise. Cette nouvelle réalité judiciaire va permettre qu’un débat ouvert et transparent ait lieu entre les différentes parties de la procédure (administrateur, représentant des créanciers, représentant des salariés, magistrats etc.) Il aboutira au jugement en date du 30 novembre 2007 du Tribunal Mixte de Commerce de Pointe à Pitre.

Ce jugement maintenait le principe du redressement judiciaire et attribuait le site de la Martinique au Groupe Monplaisir/Sanunu et celui de la SARL Location pour la Guadeloupe. Il n’était pas entièrement favorable aux salariés puisque pour le site de la Guadeloupe, il avait préféré un autre repreneur, le groupe Bensaid qui avait le mérite de maintenir une partie des emplois.

Il aurait été bon que sur le plan judiciaire l’affaire KALENDA s’arrête en ce jour du 30 novembre 2007, même si sur le plan social, il y avait encore des domaines pour lequel il y avait à se battre.

Mr le Procureur du Parquet de Pointe à Pitre en a décidément autrement en faisant appel du jugement. Il est vrai qu’à l’audience publique le Procureur avait requis de retenir pour la Guadeloupe un groupe mieux-disant sur le prix de cession. Néanmoins en faisant appel, le parquet allait enclencher un processus menant à la catastrophe. Le fait est que si beaucoup de parties peuvent faire appel, seul celui du Parquet suspend l’exécution de la décision. Autrement dit, le jugement du 30 novembre 2007 n’a jamais pu être exécuté.

La procédure devant la Cour d’Appel a été un vrai cauchemar pour les salariés.

Rappelons que ceux-ci, hors une avance des Conseils régionaux de quatre mois de salaire, n’ont rien perçu depuis le mois de mai 2007, lors du début du redressement judiciaire.

Normalement, un tel appel doit faire l’objet d’une procédure d’urgence devant régler le contentieux en quatre mois. Les magistrats de la Cour d’Appel de Basse terre, à un train de sénateur, vont prendre près de trois fois plus de temps que ce que prévoit la loi.

Le Groupe KALENDA qui avait quasiment fui les dernières audiences devant le Tribunal de Commerce revient en force pour réclamer à la Cour d’Appel la liquidation de la société. Ainsi, ces dirigeants qui eux-mêmes avaient demandé la procédure de redressement judiciaire revenaient sur leur position antérieure. Ils allaient contester aussi l’extension de la procédure aux SNC crées en 2005. De même, la fameuse société qui avait assuré le prêt du Crédit Mutuel a aussi fait assaut d’incidents pour réclamer la liquidation.

Face à cela, les magistrats ont accepté, consciemment ou non, de se laisser errer dans les arcanes d’une procédure qui devenait de plus en plus ubuesque. Alors que tout le dossier avait été plaidé au mois de mars 2008, la Cour a décidé de rendre une décision séparée uniquement sur la question des SNC créées en 2005.

Puis, elle a convoqué à nouveau les parties en juin 2008 mais elle a refusé que l’on plaide ce jour. Il a fallu arracher une audience pour le mois de septembre 2008 ;

Or, plus le temps passait, plus les vautours espérant la liquidation savouraient ce manque d’entrain des magistrats.

De son coté, le Parquet qui était à l’origine de la suspension de la procédure a adhéré à cette marche d’escargot et n’a rien fait pour que les délais prévus par la loi soient respectés.

Sur le fond, la Cour avait le choix. Entre céder dans le cadre d’un redressement judiciaire les deux sites à deux groupes connus sur la place et qui prenaient des engagement précis sur le plan économique, maintien de l’activité touristique, et sur le plan social, maintien de tous les emplois ou la quasi-totalité. Ou liquider, autrement permettre tout et n’importe quoi sans aucun contrôle des salariés qui vont être licenciés et un contrôle, sinon une absence, juridictionnel moindre.

Pour justifier son choix, la Cour a eu recours à deux arguments.

En premier lieu, elle a, mais timidement, repris l’argumentation du failli et du représentant des créanciers qu’on ne pouvait maintenir un redressement judiciaire du fait de l’absence d’activité.

La Cour tranche le débat dans un attendu qu’il est bon de reprendre intégralement : « L’activité, requise pour un plan de cession, ne peut se réduire à un potentiel touristique exceptionnel de sites naturels, à un groupe aux contours devenus flous de salariés qui demeureraient disponible, sans que cela soit démontré à la date de l’arrêt ». On ne peut être que sidéré en lisant cela. En effet, la Cour avait en main des plans de cession définissant de manière précise les sociétés concernées et le nombre de salariés, avec les postes concernés, qui pouvaient être repris.

Il n’y avait donc rien de flou sinon que pour ceux qui voulaient nier la réalité.

Par ailleurs, et c’est le comble, la Cour reproche aux salariés et à l’administrateur, de ne pas lavoir informé de la situation au 22 septembre 2008 quant au « nombre » et à la « qualification » des « salariés encore liés au groupe par un contrat de travail ».

Ici, on croit rêver.

A lire ce motif, cela signifierait qu’aux yeux des magistrats de la Cour d’Appel que par un effet enchanteur ou cauchemardesque les salariés se seraient envolés dans la nature ou auraient disparu par un coup de baguette magique puisqu’ils prétendent ignorer où en est une situation dont il leur a été dit et répété à chaque audience et par conclusions écrites qu’elle n’a pas varié depuis la mise en redressement judiciaire.

La Cour a donc fait un choix mais les motifs qui le fondent ne sont pas sérieux quant au prononcé de la liquidation.

On peut donc s’interroger sérieusement sur la capacité de la Justice à faire face à de tels dossiers et les traiter correctement, tant en termes de délais que dans un cadre conforme à la réalité économique.

Que ce soit en Guadeloupe et en Martinique, il est coutumier de critiquer les syndicats ou les travailleurs de ne pas avoir le sens des responsabilités et de ne pas prendre en compte l’intérêt de l’entreprise, intérêt qui ne semble être conçu que pour accepter des sacrifices.

Dans ce dossier KALENDA, la réalité est que les travailleurs à travers leurs deux syndicats (la CDMT et l’UGTG) et les représentants du personnel ont déployé esprit de responsabilité et sacrifice. Ces travailleurs ont refusé une procédure de licenciement qui aurait pu leur permettre de devenir des « assistés » à la charge des ASSEDIC. Ils ont subi une réalité qui est une absence de salaire pendant plus d’un an pour voir « sauver » l’outil de travail.

A tout cela, la Cour répond que cela était vain.

Dans de telles conditions, il ne faudra pas que demain on reproche aux travailleurs de nos deux pays de ne pas croire en la Justice pour résoudre les contradictions sociales résultant de conflits du travail. D’autant que c’est cette même justice qui n’hésite pas à battre en brèche le droit de grève ou le droit syndical à la demande des employeurs.

Ce bilan judiciaire est négatif.

A cela s’ajoute le fait que dans la plupart des dossiers judiciaires voyant s’affronter d’un coté des travailleurs et de l’autre des employeurs, ceux-ci sont traités de manière inégale au bénéfice des seconds sinon sur le fond mais aussi en utilisant l’arme du temps. A titre de simple exemple, la plainte des salariés de France Antilles qui ont été frappés d’une infirmité de surdité par manque de respect des normes de sécurité n’est toujours pas terminée, près de dix ans après le dépôt d’une plainte. En revanche, quand un employeur se plaint d’une atteinte à la liberté du travail dans le cadre d’un conflit social, c’est en urgence que la justice va, la plupart du temps, statuer en prononçant contre les travailleurs en grève de lourdes astreintes financières.

Les conséquences économiques et sociales de cette réalité judiciaire sont dramatiques. Comme cela a déjà été le cas pour la Plantation Leyritz en Martinique ou pour Anchorage en Guadeloupe.

Les travailleurs n’ont rien ou pas grand chose à attendre de l’institution judiciaire. Et cet arrêt le confirme pleinement.

Il reste quand même trois problèmes et donc deux interpellations.

En premier lieu, les différentes acrobaties juridiques et financières des dirigeants du Groupe KALENDA vont-elles faire l’objet d’une enquête. La question est posé en premier lieu aux Procureur de la République de Pointe à Pitre et Fort de France. Nous verrons si ces personnalités si promptes à réprimer la jeunesse délinquante et à remplir les prisons de Ducos et de Baie Mahault vont enfin ordonner une enquête sur la gestion pour le moins iconoclaste qu’a connu le Groupe KALENDA.

Deuxièmement, comment va-t-on procéder à la liquidation des sociétés KALENDA et des autres SNC. Celle-ci est sous la responsabilité du liquidateur, Mme Marie-Agnès DUMOULIN.

Cette dernière peut parfaitement ou procéder à des cession groupées des actifs, ce qui peut permettre de maintenir une activité économique sur les deux sites. Mais, elle peut aussi dissiper ce patrimoine immobilier par petits bouts ou de telle manière qu’aucun projet économique ne soit plus possible et qu’on s’embarque dans une spéculation immobilière.

Ce deuxième choix serait d’autant plus hasardeux qu’avec la crise financière et économique qui va se développer, cette spéculation risque de revenir une nouvelle catastrophe.

Il est impératif que les guadeloupéens et martiniquais se mobilisent et restent vigilants vis-à-vis des projets du liquidateur et des vautours qui espèrent plus que jamais s’accaparer de ce patrimoine immobilier de haute valeur.

On pourra espérer que les politiciens, particulièrement en Martinique, sortiront de leur silence ou de leur lâcheté pour tenter d’éviter que le pire ne se produise.

Enfin, qui va payer les salaires des salariés ?

En dépit de la décision des magistrats de Basse Terre, il y a encore des batailles à mener.

Raphaël Constant

| Lire aussi : L’industrie touristique à la Guadeloupe : Développement historique et tendances évolutives récentes

Publié par Rapahel Contant le mercredi 26 novembre 2008
Mis à jour le samedi 29 novembre 2008

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